Contre l'ACADEMIE FRANCAISE

Alexis Piron

À son grand regret, Piron ne put être académicien car on fit valoir un poème qu'il fit plus jeune et qui faisait une apologie des désordres sexuels.

I.

En France, on fit, par un plaisant moyen,

Taire une auteur, quand d'écrits il assomme :

Dans un fauteuil d'académicien,

Lui quarantième on fait asseoir cet homme ;

Lors il s'endort et ne fait plus qu'un somme :

Plus n'en avez prose ni madrigal.

Au bel esprit ce fauteuil est, en somme,

Ce que l'amour est au lit conjugal.

II.

Gens de tous états, de tout âge,

Ou bien ou mal ou non lettrés,

De Cour, de ville ou de village,

Castorisés, casqués, mitrés,

Messieurs les beaux esprits titrés,

Au diable soit la pétaudière

Où l'on dit à Nivelle : "Entrez !"

Et "Nescio vos" à Molière.

III.

N'aspire plus au cercle des Quarante,

Preux chevaliers, ni vous, gentils prélats.

Si de lauriers la couronne vous tente,

Dans votre choix soyez plus délicats.

Vanité folle en a pour tous états.

Voyez ailleurs ; car, à ne vous rien taire,

De celle-ci l'éclat imaginaire,

À gens d'élite et de votre façon,

Va comme irait une mitre à Voltaire,

Ou le plumet à l'abbé Terrasson.

Jean Terrasson [1670-1750], professeur de Philosphie grecque et latine a été reçu en 1732.

Triolet.

Grâce à monsieur l'abbé Ségui,

Messieurs, vous revoilà quarante.

On dit que vous faites aussi

Grâce à monsieur l'abbé Ségui.

Par la mort de je ne sais qui,

Vous n'étiez plus que neuf et trente :

Grâce à monsieur l'abbé Ségui,

Messieurs, vous revoilà quarante.

L'abbé Joseph Ségui [1689-1761], prédicateur du roi, fut reçu en 1736 en remplacment de M. Jacques Adam [1663-1735], précepteur du Prince de Conti.

 Textes théoriques