******************************************************** DC.Title = LE JUGEMENT DE JOB ET D'URANIE DC.Author = BERTAUT, Jean DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/12/2021 à 07:19:57. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/BERTAUT_JUGEMENTDEJOBETDURANIE.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5833278b DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE JUGEMENT DE JOB ET D'URANIE COMÉDIE M. DC. XXXIX. AVEC PRIVILÈGE DU ROI. BERTAUT ACTEURS JOB, sonnet de Benserade. URANIE, sonnet de Voiture. LA CRITIQUE, Reine de la science tyrannique. LA COMPARAISON, confidente de la Critique. LE BEL-ESPRIT, quinola de la Critique. RABAJOIE, petit laquais portant sa queue. CHOEUR DES FEMMES ET DES FILLES. CHOEUR DES POÈTES. La scène est à Paris. Quinola : c'est l'écuyer ou le valet qui est chargé de conduire une dame. Extrait de "Petites comédie rares et curieuses du XVIIème avec notes et notices" par Victor Fournel, Paris : A. Quantin, Imprimeur Editeur, 1884. pp. 1-12. LE JUGEMENT DE JOB ET D'URANIE SCÈNE PREMIÈRE. La critique, La Comparaison, Choeur des femmes et des filles, Choeur des poètes. Cette scène est inutile, parce que l'auteur a appréhendé d'ennuyer les spectateurs qui sont à présent fort délicats, et qui veulent qu'on entre d'abord en matières. SCENE II. Le Bel-Esprit Quinola de la critique, Job et Uranie. LE BEL-ESPRIT. Madame, deux sonnets demandent à vous voir. LA CRITIQUE. Qu'ils entrent ; vous, ma fille, allez les recevoir. LA COMPARAISON. J'obéis. LA CRITIQUE. Mais pourquoi s'avancent-ils ensemble ?D'ici je ne vois rien en eux qui se ressemble :L'un est pauvre et tout nu, l'autre riche et pompeux. Mais, puisqu'à mes arrêts vous recourez tous deux,Soyez-vous, Uranie, et vous, Job, prenez place. CHOEUR DES POÈTES. Qu'il est sale et galeux ! Qu'il a mauvaise grâce ! CHOEUR DES FEMMES. Que je trouve d'appas dedans sa nudité ! CHOEUR DES POÈTES. Ô Dieu ! Qu'en cette belle on voit de majesté ! CHOEUR DES FEMMES. Qu'en Ses pompeux habits elle paraît contrainte ! LA CRITIQUE. Attendez à parler qu'ils aient fait leur plainte. HARANGUE DE JOB. Sur les bouts rimés du sonnet de Benserade. SONNET RETOURNÉ. D'une extrême douleur ! Job se trouve atteint, Ce n'est point la douleur que la terre a connut, Ce n'est pour ses enfants, ni pour ses biens qu'il craint ; C'en d'un plus grand malheur que son âme est émue. La parfaite beauté, la vertu toute nui (Vous voyez bien que c'est Olimpe qu'on dépeint) M'ôte de mon crédit, me bannit de sa vue, Censure ma pensée et de mes mots se plaint. Ne me fallait-il pas, pour de telles souffrances, Aller, quoi que bien loin, chercher des patiences, Car une, au singulier, jamais si loin n'alla; Mes amis m'accusaient dans met maux incroyables ; Olimpe est évidemment Mme de Longueville, qui, comme nous l'avons dit, s'était prononcée en faveur d'Uranie contre Job. [NdA] Mais Olimpe me blâme, et je me tiens par là Le plus infortuné de tous les misérables. UNE DU CHOEUR DES FEMMES. Que tardez-vous, Madame, à prononcer l'arrêt ?Je suis pour ce sonnet. CHOEUR DES POÈTES. Attendez, s'il vous plait :Jamais un juste juge et tel comme le nôtre,Ne prononça pour l'un qu'il n'eut entendu l'autre. HARANGUE D'URANIE Sur les bouts rimés du sonnet de Voiture. SONNET RETOURNÉ. Vous pensiez, pauvre Job, triompher d'Uranie ; D'un tel orgueil Olimpe a bien su vous guérir. Contre elle peu de gens osent vous secourir Et la pitié pour vous est du monde bannie. On voit votre misère, on la croit infinie, Mais on vous tient heureux, puisqu'il vous faut mourir, Qu'une si belle main vous fasse enfin périr, Plutôt que d'un démon l'horrible tyrannie. Pour moi, je m'allais rendre à vos faibles discours, Mais, dès qu'elle a promit de me donner secours, Mille se font offerts à moi pour l'amour d'elle. J'ai trouvé tout les traits de l'envie impuissants, Je commence à m'aimer, et je me trouve belle Plus par son jugement que par mon propre sens. LA CRITIQUE. C'est bien dit à tous deux, mais, pour vous mieux connaître, Dites auparavant de qui vous tenez l'être. JOB. Mon père est Benserade. LA CRITIQUE. Ho, ho, je le connais ;Il me semble qu'il a belles dents, belle voix,[Note : Le beau Benserade avait les cheveux d'un blond ardents il avouait lui-même qu'il était rousseau.]Le poil comme Apollon, des poètes le père :Je ne m'étonne pas si des vers il sait faire. URANIE. Pour moi, c'est à Voiture à qui je dois le jour,À Voiture chagrin, qui voua fit tant la cour,Qui, quoi qu'on lui montrait, y trouvait à redire,[Note : Tallemant dit de Voiture « Je ne l'ai pas trouvé trop civil, et il m'a semblé prendre son avantage en toute chose... Quand il était chagrin, il ne laissait pas d'aller voir le monde, mais il était fort mal divertissant, et même on pouvait dite qu'il était à charge. » - « Si Voiture était de notre condition, on ne pourrait pas le souffrir », disait le duc d'Enghien. Quant au ton niais, ou plutôt à la mine niaise, c'est le trait le plus connu de sa physionomie, et lui-même a reconnu, dans son propre portrait qu'il avait « le visage assez niais ».]Et qui d'un ton niais si souvent nous fit rire. CHOEUR DES FILLES. Quoi, Voiture ! Il est mort. Quel plaisir aujourd'hui Et quel gain peut-on faire à s'expliquer pour lui ?Benserade est vivant, causant dans les ruelles,Et faisant, qui pis est, chansonnettes nouvelles,Mettant comme il lui plaît les gens en triolet ;Quel moyen de trouver que son sonnet soit laid ? SCÈNE III. Rabajoie, La critique, Choeur des poètes. RABAJOIE, petit laquais. Madame, tout le monde est ému dans les rues.[Note : Croix-du-tiroir : Croix-du-Trahoir, endroit symbolisé par la fontaine du même nom entre la rue Saint-Honoré et la rue de l'Arbre-Sec à Paris (Ier).]Vers la Croix-du-Tiroir les chaînes sont tendues ;Au moins mon camarade ainsi me l'a conté. LA CRITIQUE. C'est un sot, sans raison il s'est épouvanté. RABAJOIE. [Note : Pont-Neuf : Pont de Paris, situé à l'extrémité aval de l'île de la Cité.]Déjà sur le Pont-Neuf, dit-il, on se chamaille, [Note : Foudrille : Le soldatesque, avec une nuance de mépris plus caractérisée ; la lie des soldats, les derniers des soudards.]La foudrille y tient fort avec de la canaille. LA CRITIQUE. Ô Terre! Où sommes-nous et qu'est-ce que j'entends ?Ô Ciel ! Que les frondeurs sont de méchantes gens ! CHOEUR DES POÈTES. Que la troubles, ou plutôt quelles métamorphoses ! LA CRITIQUE. Quand pourrons-nous en paix vaquer aux belles choses Mais allons censurer ce qu'a fait le Bourgeois.Job, Uranie, adieu, c'est pour une autre fois. ==================================================