******************************************************** DC.Title = L'ENRAGÉ, PROVERBE DC.Author = CARMONTELLE, Louis de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Proverbe DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:08:18. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CARMONTELLE_ENRAGE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'ENRAGÉ SEIZIÈME PROVERBE. M. DCC. LXVIII. Avec Approbation et Privilège du Roi. de CARMONTELLE. À Paris, chez MERLIN, Au bas de la Rue de Harpe, vis à vis de la rue Poupée. PERSONNAGES LE COMTE D'ERMONT, Lieutenant-Général. LE CHEVALIER DE GIRSAC, Lieutenant d'Infanterie. MADAME THOMAS, Maîtresse d'Auberge. MONSIEUR HACHIS, Cuisinier. La scène est dans un Auberge. Dans PROVERBES DRAMATIQUES, Tome premier, Première partie, 1768. L'ENRAGÉ SCENE PREMIÈRE. Le COMTE, Madame Thomas. La scène représente une chambre d'auberge de campagne. MADAME THOMAS, entrant la première, et fermant la fenêtre. Monsieur le Comte, voilà votre chambre. LE COMTE. Elle n'est pas trop bonne ; mais une nuit est bientôt passée. MADAME THOMAS. Monsieur, c'est la meilleure de la maison, et personne n'a encore couché dans ce lit là, depuis que les matelas ont été rebattus. LE COMTE. Voulez-vous bien mettre cela quelque part. Il lui donne son chapeau et son épée et sa canne et il s'assied.Ah ça, Madame Thomas, qu'est-ce que vous me donnerez à souper ? MADAME THOMAS. Tout ce que vous voudrez, Monsieur le Comte. LE COMTE. Mais encore ? MADAME THOMAS. Vous n'avez qu'à dire. LE COMTE. Qu'est-ce que vous avez ? MADAME THOMAS. Je ne sais pas bien ; mais si vous voulez, je m'en vais faire monter Monsieur l'Écuyer. LE COMTE. A , oui, je ferai fort aise de causer avec Monsieur l'Écuyer. MADAME THOMAS, criant. Marianne, dites à Monsieur l'Écuyer de monter. LE COMTE. Avez-vous bien du monde dans ce temps-ci, Madame Thomas? MADAME THOMAS. Monsieur, pas beaucoup, du depuis qu'on a fait passer la grande route par... chose... LE COMTE. Je passerai toujours par ici, moi ; je fuis bien aise de vous voir, Madame Thomas. MADAME THOMAS. Ah, Monsieur, je suis bien votre servante, et vous avez bien de la bonté. LE COMTE. Il y a longtemps que nous nous connaissons. MADAME THOMAS. Monsieur m'a vu bien petite. LE COMTE. Et vous m'avez toujours vu grand, vous. C'est bien différent. SCÈNE II. Le Comte , Madame Thomas, Monsieur Hachis. MADAME THOMAS. Tenez, Monsieur l'Ecuyer, parlez à Monsieur le Comte. LE COMTE. Ah, Monsieur l'Écuyer, qu'est-ce que vous me donnerez à manger ? MONSIEUR HACHIS Monsieur, dans ce temps-ci, nous n'avons pas de grandes provisions. LE COMTE. Mais qu'est-ce que vous avez ? MONSIEUR HACHIS Qu'est-ce que Monsieur le Comte aime ? LE COMTE. Je ne suis pas difficile ; mais je veux bien souper. Voyons. MONSIEUR HACHIS Si Monsieur le Comte avait aimé le veau. LE COMTE. Oui, pourquoi pas ? MONSIEUR HACHIS Ce matin, nous avions une noix de veau excellente. LE COMTE. Hé bien, donnez moi-là. MONSIEUR HACHIS Oui, mais il y a deux Messieurs qui l'ont mangé. Cela ne fait rien, on donnera autre chose à Monsieur le Comte. LE COMTE. Mais quoi ? MONSIEUR HACHIS [Note : Outarde : Genre d'oiseaux de l'ordre des échassiers, se rapprochant des autruches par la disposition de leurs pieds et leur port lourd, mais capables de voler. [L]]Madame Thomas, si nous avions cette outarde de l'autre jour. LE COMTE. Est-ce qu'il y en a dans ce pays-ci ? MADAME THOMAS. Oui, Monsieur, quelquefois. LE COMTE. Et vous ne pourriez pas en avoir une ? MONSIEUR HACHIS Oh mon Dieu, non. LE COMTE. Pourquoi dit-il que vous en aviez une l'autre jour ? MADAME THOMAS. Ce n'est pas nous, ce font des voyageurs qui passent par ici et qui nous en font voir, quand ils en ont ; et quand il dit l'autre jour, il y a plus de six mois. MONSIEUR HACHIS Six mois ! Il n'y en a pas trois. MADAME THOMAS. Je dis qu'il y en a six, puisque c'était le jour du mariage de Monsieur le Bailli. MONSIEUR HACHIS Vous croyez ? MADAME THOMAS. J'en suis sûre. LE COMTE. Oui, mais avec tout cela, je meurs de faim, et je ne sais pas pas encore ce que j'aurai à souper. MADAME THOMAS. Il n'y a qu'à commencer par faire une fricassée de poulets. MONSIEUR HACHIS Oui, cela se peut faire, et cela n'est pas long. LE COMTE. Hé bien, allez donc toujours. Nous verrons après. MONSIEUR HACHIS Allons, allons. Il s'en va et il revient. Je songe une chose, nous n'en avons pas de poulets, nous n'avons que ceux qui sont éclos ce matin et il font trop petits. MADAME THOMAS. Hé bien, nous donnerons autre chose à Monsieur. LE COMTE. Mais dépêchez-vous. MADAME THOMAS. Il n'y a qu'à faire une compote de pigeons. MONSIEUR HACHIS Vous savez bien que depuis qu'on a jeté un sort sur le colombier, il n'y en revient plus. MADAME THOMAS. C'est vrai, je n'y pensais pas. LE COMTE. Mais donnez-moi de la viande de boucherie, et finissons. MADAME THOMAS. Monsieur l'Écuyer n'est pas long, il est accoutumé à servir promptement. LE COMTE. Donnez-moi des côtelettes. MONSIEUR HACHIS On a mangé les dernières à diner. LE COMTE. N'y a-t-il pas ici un boucher ? MADAME THOMAS. Oui, Monsieur ; mais c'est aujourd'hui Jeudi, il ne tuera que demain. LE COMTE. Quoi, je ne pourrai donc rien avoir ? MONSIEUR HACHIS Pardonnez-moi ; mais c'est qu'il faut savoir le goût de Monsieur. LE COMTE. Mais j'aime tout, et vous n'avez rien. MONSIEUR HACHIS Si Monsieur voulait un gigot, par exemple ? LE COMTE. Oui, et vous n'en aurez-pas ? MONSIEUR HACHIS Je vous demande pardon, nous en avons un. LE COMTE. Ah, voilà donc quelque chose ! Et il sera bien dur ? MONSIEUR HACHIS Non, Monsieur, il sera fort tendre, j'en réponds. LE COMTE. Hé bien, mettez-le à la broche tout de suite. MONSIEUR HACHIS Allons, allons, il fera bientôt cuit. LE COMTE. Vous n'avez pas autre chose ? MONSIEUR HACHIS Non, Monsieur, pour le présent ; mais si vous repassiez dans huit jours... LE COMTE. Hé, va te promener. Allons, ne perdez pas de temps. MONSIEUR HACHIS J'y vais, j'y vais. MADAME THOMAS. Et moi, je m'en vais mettre le couvert en attendant. LE COMTE. Allons, dépêchez-vous, tous les deux. MADAME THOMAS. Vous n'attendrez pas. Elle sort. SCÈNE III. LE COMTE seul, prenant du tabac. Quelle diable d'Auberge ! Il se promène. On ne m'y rattrapera plus. Il regarde à la fenêtre et il lit l' enseigne. Ici l'on fait Noce et Festins, à pied, à cheval. Ce sont de jolis festins, je crois. SCÈNE IV. Le Comte, Madame Thomas. MADAME THOMAS, mettant le couvert. Le couvert sera bientôt mis ; c'est toujours une avance. LE COMTE. Et le gigot, est-il à la broche ? MADAME THOMAS. Oui, Monsieur, il y a longtemps. LE COMTE. Pourvu qu'il ne soir pas gâté encore. MADAME THOMAS. Oh, non, Monsieur, le mouton est tué d'hier. LE COMTE. D'hier ? Il sera dur comme un chien. MADAME THOMAS. Non, non. Elle s'en va et revient. Quel vin veut Monsieur le Comte ? LE COMTE. Hé, celui que vous aurez. MADAME THOMAS. Nous avons du vin blanc et du vin rouge. LE COMTE. Donnez-moi du blanc. MADAME THOMAS. C'est bien choisir ; car c'est le meilleur. LE COMTE. Oui, je crois que ce sera de joli vin. MADAME THOMAS. Il est excellent, car quand Monseigneur l'Intendant passe par ici, on en met toujours six bouteilles dans son carrosse. LE COMTE. Pour ses gens apparemment. MADAME THOMAS. Non ; car c'est lui qui paye tout. LE COMTE. Je le crois bien. MADAME THOMAS. Vous verrez, vous verrez. Elle crie. Marianne ? Oh. Elle sort et prend deux bouteilles qu'elle met sur la table. Tenez, en voilà des deux façons, vous choisirez. Elle s'en va et elle revient.Monsieur, je voulais vous dire une chose. LE COMTE. Qu'est-ce que c'est ? Pourvu qu'il ne soit rien arrivé au gigot. MADAME THOMAS. Oh, non, Monsieur, tout au contraire. LE COMTE. Hé bien, dites donc ? MADAME THOMAS. Monsieur, c'est que nous avons là-bas un jeune Officier, et... LE COMTE. Quoi ? MADAME THOMAS. Si Monsieur le Comte voulait, il aurait l'honneur de souper avec lui. LE COMTE. Et le gigot, est-il fort ? MADAME THOMAS. Oh, oui, Monsieur. LE COMTE. Sans cela, il ne souperait pas, n'est-ce pas ? MADAME THOMAS. Mais nous serions bien embarrassés. LE COMTE. Faites-le monter. MADAME THOMAS. Je m'en vais lui dire. LE COMTE. Écoutez, apportez un couvert. MADAME THOMAS. Oui, oui, Monsieur. LE COMTE. Attendez donc : le connaissez-vous cet Officier ? MADAME THOMAS. Oui, Monsieur, il passe toujours par ici. LE COMTE. Vous ne savez pas son nom ? MADAME THOMAS. Son nom ? Ah, c'est Monsieur le Chevalier de Girsac. LE COMTE. Girsac ? MADAME THOMAS. Oui, j'en suis bien sûre ; car il a passé par ici quand il était page, et il a écrit son nom sur la cheminée de sa chambre. LE COMTE. Allons, faites le venir. MADAME THOMAS. J'y vais, j'y vais. Monsieur le Chevalier, Monsieur le Chevalier, par ici, par ici. Entrez-là. SCÈNE V. Le Comte, Le Chevalier. LE COMTE. Monsieur le Chevalier, entrez donc. Le Chevalier fait de grandes révérences. Je serai charmé de faire connaissance avec vous. LE CHEVALIER. Mon Général ; c'est bien de l'honneur pour moi, LE COMTE. Asseyez-vous donc. Le Chevalier s'assied. Nous ferons mauvaise chère. D'où venez-vous comme cela ? LE CHEVALIER. Du Régiment, mon Général, de Dunkerque. LE COMTE. Qu'est-ce qui en est Lieutenant-Colonel, à présent, est-ce toujours le bonhomme la Garde ? LE CHEVALIER. Non, mon Général, il a eu une Lieutenance de Roi. C'est Monsieur de Gouvière. LE COMTE. Ah, qui était dans Poitou ? LE CHEVALIER. Justement. LE COMTE. Et le Major ? LE CHEVALIER. C'est encore, Monsieur de la Verdac. LE COMTE. Un gros garçon, que j'ai vu il y a bien longtemps, Commandant de Bataillon ? LE CHEVALIER. Oui, mon Général. LE COMTE. Et qu'est devenu le petit Guiraudan, c'était un joli Officier. LE CHEVALIER. Il s'est marié d'abord qu'il a eu la Croix, et il a quitté. LE COMTE. Et comment appelez-vous... un grand, qui était si fou ? Attendez... LE CHEVALIER. Du Merlier ? LE COMTE. Oui ; c'est cela, je l'aimais beaucoup. LE CHEVALIER. Il a été tué à Hastembeck. LE COMTE. Ah, le pauvre Diable ! Je ne sais pas si on nous fera bientôt souper. LE CHEVALIER. Mon Général, si vous voulez j'irai voir. LE COMTE. Oui, oui ; vous êtes ici le Junior, mais voilà Madame Thomas, restez, restez. SCÈNE VI. Le Comte, Madame Thomas, Le Chevalier. LE COMTE. Hé bien, Madame Thomas , où en sommes nous ? MADAME THOMAS. Je viens voir si ces Messieurs veulent être servis ? LE COMTE. Hé, mais sûrement, tout de suite. MADAME THOMAS. Allons, allons. Elle va chercher le souper. LE COMTE. Mettons-nous toujours à table. Ils s'arrangent tous les deux et déploient leurs serviettes. MADAME THOMAS, apportant le gigot. [Note : * On fait un gigot avec un morceau de pain, dans lequel on enfonce une fourchette pour faire le manche, que l'on entoure de papier.]Tenez, Messieurs, voilà un gigot qui a la meilleure mine du monde. LE COMTE. Oui, mais il est bien petit, Madame Thomas. MADAME THOMAS. Pas trop, Monsieur, vous en serez bien content. LE CHEVALIER. Si vous voulez, mon Général, je m'en vais le couper. LE COMTE. Non, non, laissez-moi faire. Il coupe le gigot. Avez-vous faim ? LE CHEVALIER. Oui, vraiment, car je n'ai pas diné. LE COMTE. Tant pis. MADAME THOMAS. Ah ça, Messieurs, vous n'avez plus besoin de rien ? LE COMTE. Vous n'avez pas autre chose ? MADAME THOMAS. Non, Monsieur, dont je suis bien fâché. Quand vous appellerez, je viendrai tout de suite. SCÈNE VII. Le Comte, Le Chevalier. LE COMTE. Tenez, Monsieur le Chevalier, voilà une bonne tranche. Un peu de jus. Je vous en redonnerai d'autre quand vous aurez mangé cela. LE CHEVALIER, dévorant. J'aurai bientôt fait. LE COMTE, mangeant. Vous vous étouffez. LE CHEVALIER. Oh, que non. LE COMTE. Allons ; buvez un coup. Ils boivent. LE CHEVALIER. Mon Général, voulez-vous bien me donner une autre tranche. LE COMTE. Vous mangez trop vite. LE CHEVALIER. Quand j'ai grande faim, je ne perds pas de temps, comme vous voyez. LE COMTE. Oui , oui. Ils mangent vite tous les deux. LE CHEVALIER. Mon Général, je suis fâché de la peine ; mais si vous vouliez me laisser prendre. LE COMTE, coupant. Hé, non, non, un moment s'il vous plaît. Tenez, voilà un bon morceau. LE CHEVALIER. Oh, il fera bientôt expédié. Il mange d'une vitesse incroyable. LE COMTE, à part en mangeant. II faut prendre un parti ici. LE CHEVALIER. Mon Général, voulez-vous bien ?... LE COMTE. Buvez en attendant. Le Chevalier boit. Tenez, cela sera peu-être un peu dur. Il lui donne un morceau en faisant une grimace. Hé bien, comment le trouvez-vous ? Il fait encore une grimace et le Chevalier le regarde avec étonnement. LE CHEVALIER. Fort bon. Il le regarde, et le Comte redouble ses grimaces. LE COMTE. Il y a à tirer. Il fait une grimace. LE CHEVALIER. Un peu ; mais cela ne fait rien. Le Comte fait encore une grimace qui étonne de plus en plus le Chevalier. LE COMTE. Qu'est-ce que vous avez donc ? Il fait une grimace. LE CHEVALIER. C'est que... vous... LE COMTE, faisant la grimace. Quoi ? LE CHEVALIER. Je ne sais pas ce que cela veut dire. LE COMTE, faisant la grimace. Ce mouvement là que je fais ? LE CHEVALIER. Oui, mon Général. LE COMTE, faisant la grimace. Je vous le dirai si vous voulez, ce n'est rien. LE CHEVALIER. Vous ne faisiez pas de même avant le souper. LE COMTE, faisant la grimace. Non, cela vient de me prendre tout à l'heure. Depuis quinze jours je suis comme cela souvent. Tenez, mangez ce petit morceau là. Il sait le grimace. LE CHEVALIER. Et peut-on savoir d'où cela vient ? LE COMTE, faisant la grimace. Je vous le dirai si vous voulez. Il y a environ un mois que je fus mordu par un petit chien. Il fait la grimace. LE CHEVALIER, avec inquiétude. Par un chien ? LE COMTE. Il fait la grimace.Oui, un petit chien noir. Mangez donc. LE CHEVALIER. Je n'ai plus faim. LE COMTE, faisant la grimace. Quand je fais ce mouvement là, je crois toujours le voir ce chien comme s'il allait se jeter sur moi. Il fait la grimace. Mais ce n'est rien. LE CHEVALIER, se lève et prend son assiette en regardant attentivement le Comte. ... LE COMTE, faisant la grimace. Où allez-vous ? LE CHEVALIER, s'en allant. Je m'en vais revenir. LE COMTE. Mais restez donc. SCÈNE VIII. LE COMTE, mangeant. Si je n'avais pas pris ce parti là, je me serais couché sans souper. Il mange le reste du gigot.Ils se disputent là-bas. Dépêchons-nous. Il boit.Il n'est pas mauvais ce petit gigot là. Quel train ! Madame Thomas ? Madame Thomas ? SCÈNE IX. Le Comte, Madame Thomas. MADAME THOMAS, sans paraître. Monsieur, laissez-moi faire, je m'en vais lui parler. LE COMTE. Hé bien, venez donc. MADAME THOMAS à la porte, tenant la clef. Comment , Monsieur... LE COMTE. Qu'est-ce que vous avez donc ? Entrez, entrez. MADAME THOMAS, à la porte. C'est Monsieur le Chevalier, qui dit comme cela, que c'est fort mal fait à moi de le faire souper avec un enragé. LE COMTE. Il le croit réellement ? MADAME THOMAS, à la porte. Comment s'il le croit, oui, Monsieur, il le croit, et c'est fort mal fait à vous de venir comme cela, décrier mon auberge. LE COMTE. Mais je ne suis pas enragé. MADAME THOMAS, à la porte. Pourquoi donc est-ce qu'il le dit ? LE COMTE. Approchez, approchez. Est-ce que les enragés boivent et mangent ? MADAME THOMAS, approchant. Ah ; c'est vrai, il est donc fou. LE COMTE. Apparemment. MADAME THOMAS. Je ne comprends pas cela. LE COMTE. Faites-le venir. MADAME THOMAS, criant. Monsieur le Chevalier, venez, venez. LE COMTE, criant. Allons, Chevalier, arrivez. SCENE X. Le Comte, Le Chevalier, Madame Thomas. MADAME THOMAS. Entrez donc, Monsieur le Comte n'est pas enragé. LE CHEVALIER. Vous n'êtes pas enragé ? LE COMTE. Je vous dis que non. LE CHEVALIER, avançant. J'ai crû que vous alliez le devenir. LE COMTE. C'est un conte que je vous ai fait. MADAME THOMAS. Quand je vous l'ai dit, vous n'avez pas voulu me croire. LE COMTE. Je m'en vais boire à votre santé. Il boit. MADAME THOMAS. Vous savez bien que les enragés ne boivent, ni ne mangent. LE CHEVALIER. Mais, mon Général, pourquoi faisiez-vous donc toutes ces grimaces ? LE COMTE. Pour vous empêcher de manger autant : mais nous faisons la même route, et demain je vous promets de vous bien donner à diner. LE CHEVALIER. Ma foi, j'en ai été la dupe tout-à-fait. LE COMTE, se levant. Voulez-vous que nous allions voir nos chevaux ? LE CHEVALIER. Je ne demande pas mieux. MADAME THOMAS. Pendant ce temps-là, je m'en vais déservir tout cela, et faire préparer vos lits. Elle emporte le plat et les assiettes. LE COMTE. Vous ferez bien, Madame Thomas. Allons, venez, Chevalier. Ils sortent. ==================================================