******************************************************** DC.Title = L'ESPÉRANCE, PROLOGUE, EN VAUDEVILLES ET EN PROSE. DC.Author = COLLE, Charles DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Prologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/02/2021 à 07:00:06. DC.Coverage = Pays imaginaire DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/COLLE_ESPERANCE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'ESPÉRANCE PROLOGUE, EN VAUDEVILLES ET EN PROSE. 1777 de Charles COLLÉ Représenté pour le première fois en 1731 en société. PERSONNAGES DU PROLOGUE. L'ESPÉRANCE. LA CRAINTE. LA PARADE. LÉANDRE. LE DIEU DE LA GAIETÉ. La Scène est dans les avenues du Temple de l'Epérance, que l'on voit dans le fond. SCÈNE PREMIÈRE. La Crainte, seule ; et peu après, la Parade, et le beau Léandre. LA CRAINTE, seule. Air : Des folies d'Espagne.Oui , je suis la Dèesse de la crainte ;Je sens, et j'inspire aux hommes la peur ;Et, dans mes maux, hélas ! Loin d'être plainte,Chacun se moque , et rit de mon malheur.Quel fort cruel que le mien ! Condamnée à errer sans celle dans les avenues du temple de l'Espérance, et à détourner ceux qui veulent voir cette Déesse ; je ne l'ai jamais entrevue ; et je ne puis m'imaginer encore qu'elle existe. LA PARADE, au beau Léandre en traversant ensemble le fond du Théâtre. Suivez-moi, c'est ici le chemin. LA CRAINTE, griffonnant. Air : Dans le fleuve d'oubli, biribi, je veux boire.Est-ce un rien qui m'étonne ? N'entends-je pas un bruitQui me fuit ?Ah ! tout mon corps frissonne ?La frayeur a surprisMes esprits ; À présent une humeur sombreS'empare de mon coeur ;Et, j'ai peur,De mon ombre, de mon ombre. LA PARADE, au beau Léandre, qui traverse encore le Théâtre avec elle. Je vous dis que nous le trouverons à la fin. LA CRAINTE, avec tremblement. Air : Des Fraises.Mais j'entends quelque rumeur ; Quelqu'un vient, ce me SEmble, ...Ah ! Je sens tant de frayeur ,Qu'un enfant me ferait peur...Je tremble, je tremble, je tremble.Cherchons quelqu'endroit sûr, pour observer de loin ce que c'est. Elle se retire et grimpe sur un arbre. SCÈNE II. La Parade, Le Beau Léandre. LA PARADE. [Note : Pour conserver au beau Léandre, et surtout à la Parade, le ton et le style qu'ils doivent avoir, l'on a été obligé de leur laisser leur orthographe, et quelques grosses gaietés, qui pussent les caractériser.]Mais, Monsieur le beau Léandre, pourquoi vous obstinez-vous t'a croire qu'jen n'saurais vous conduire za l'Espérance, donc ? LE BEAU LÉANDRE. [Note : En style de parade, l'on dit , très élégamment et très plaisamment, Gendre, au lieu de Genre ; et cela doit faire étouffer de rire les gens qui ont un certain goût. Que l'on se garde bien, au reste, de prendre ceci pour une ironie.]Tenez, Madame la Parade vous avez beau dire ; vous ne pourrez pas réussir davantage ; votre gendre est usé. LA PARADE. Air : Vous avez raison, la Plante.Vous avez raison, la Plante ; Et, moi, j'ai raison aussi ;Dans ceci ;Car pour combler notre attente ;Tenez, lisez-vous d'ici :Le Temple de l'Espérance. LÉANDRE, épelant. R, a, n... Rance...Le voici.Eh bien ! Allons, conduisez-moi donc za l'Espérance, si vous pouvez. SCÈNE III. La Crainte, La Parade, Léandre. LA CRAINTE, les arrêtant. Arrêtez, pauvres dupes que vous êtes ; où courez-vous ? LA PARADE. Nous allons nous rassurer cheux la Déesse de l'Espérance. LÉANDRE. Oui, nous voulons t'entrer dans l'Espérance, si elle se prête à ça. LA CRAINTE. Donnez-vous bien de garde de la voir... LA PARADE ET LÉANDRE, ensemble. Eh ! Pour queue raison, Madame ? LA CRAINTE. C'est que l'Espérance vous trompera ; c'est une donneuse de Galbanum. LA PARADE. Eh ! Qu'êtes-vous, vous, qui nous détourner d'aller à l'Espérance ? LÉANDRE. Oui, Madame, qu'êtes-vous ? LA CRAINTE. Air : Margot, sur la brune.Je fuis fille uniqueDe la terreur panique ;Et je communique Aux hommes mes frissons ?Je ne présenteQue l'épouvante,Et je n'enfante,Que les soupçons. LA PARADE et LÉANDRE, ensemble. À ces traits nous vous connaissons. Fin de l'Air : des Voyelles anciennes.Madame, vous êtes la crain, ain , ain , ainte. LA CRAINTE. À l'avouer je suis contrain, ain, ain, ainte. LA PARADE. En ce cas là, ce n'est pas vous que nous devons consulter pour voir l'Espérance. LÉANDRE. Pardi, non, c'n'est pas vous qui nous mettrez dedans... dedans son temple. LA CRAINTE. Mais, croyez-vous bonnement que vous la verrez ? Air : Martin, Moine de Mise.Ah ! oui dà, l'Espérance.À des BatteleursPermettra la présence ?Allez, plats farceurs ; Il n'est point pour vous d'espérance !Craignez les railleurs.Pouvez-vous vous flatter qu'un genre aussi rebutant que celui de la Parade, puisse amuser encore des Spectateurs qui ont un ton excellent, qui ont déjà vu de ces misères-là ; et, qui en sont à la nausée. LA PARADE. Ne l'écoutons pas ; entrons dans le Tempe. LÉANDRE. Mais cependant il est vraisemblable... LA CRAINTE. El-le va vous chas-ser ; Hélas ! Pour vous je tremble, e , e , e. LA PARADE, à Léandre. Frère, pour la ros-ser, Veux-tu nous joindre en-sem-ble , e , e , e ?Allons, retirez-vous, vilaine, que nous frappions ta la porte du Tempe. LA CRAINTE, les arrêtant. (*) Air : Le Cabaret est mon réduit.Chez les Déesses l'on s'y prendD'une façon plus délicate ;À leur porte mon Enfant, L'on a pris ce couplet-ci, tout brand, d'un Opéra-comique de Messieurs Le Sage, et Fuzelier, intitulé "L'Espérance aussi" ; et qui est au VIIème Volume du Théâtre de la Foire. C'est un vol manifeste, dont on s'accule. Mais le dialogue ne permettant pas de dire autre chose, que ce qui est dans ce couplet, l'on a cru pouvoir se permettre en conscience de le voler, attendu que l'on aurait fait ce couplet là le premier, s'il n'eût pas été fait auparavant. L'on se refusera difficilement à cette raison là, que l'on trouvera aussi solide qu'elle l'est. L'ESPÉRANCE. L'on ne frappe point, l'on gratte : L'on ne frappe point,L'on ne frappe point,L'on ne frappe point, l'on gratte; LÉANDRE. Même air.Ah ! Tu veux donc rester ici,Tu vas en avoir, vieille rosse. LA PARADE. Oui, c'est le dos que voiciQu'on ne gratte pas, qu'on roue.Qu'on ne gratte pas,Qu'on ne gratte pas,Qu'on ne gratte pas, qu'on roue. Ils donnent des coups de bâton à la Crainte et la mettent en fuite. LA PARADE. Air : Lampons, lampons ; Camarades, Lampons.Frère, nous avons bien fait, bis.De la chasser tout-à-fait. bis.Oui, cette forte DéesseN'inspire que la faiblesse ; Ensemble.Heurtons, frappons Chez l'Espérance entrons. LÉANDRE. Oh, oh ! Sa porte s'ouvre d'elle-même. SCÈNE IV. La Parade, Léandre, L'Espérance habillée de vert, et une ancre à la main. LÉANDRE. Air : Le Cabaret est mon réduit.Mais quelle Déesse paraît ? LA PARADE. Eh ! Sûrement c'est l'Espérance.À son ancre on la reconnaît, Oui, c'est elle qui s'avance ; LÉANDRE. Ma foi si ce l'est, ma foi si ce l'est,C'est une belle espérance. L'ESPÉRANCE. Oui, mes enfants, je suis l'Espérance. Dites, moi vos désirs, et je vous ferai voir tout possible.À l'enfant, dans fon ber-ceau ;Au prisonnier dans sa ca-ge, Au vieillard, près du tombeau, Je fais montrer tout en beau. Aux prudes, d'un certain âge,Je promets l'appren-tis-fa-ge De l'Amour d'un Jou-venceau, Je fais montrer tout en beau ; Je cache au Guerrier nou-veau, De la mort l'affreuse i-mage ;Et même du ma-ri-a-ge J'a-douicis jusqu'au tableau. Je fais montrer tout en beau. LA PARADE ET LÉANDRE, ensemble. Et - le montre tout en beau. L'ESPÉRANCE. Les biens présents n'ont pas D'aussi grands ap-pas,L'on ne les sent pas. Mortels i-ci bas, Ne faites de cas Que des biens futurs, Je vous les rends sûrs. LA PARADE. Quel front serein ! Des coeurs il bannit le chagrin. LÉANDRE. Son aspect seul nous réjoui,Dès qu'on l'aperçoit,De tout on jou-it. L'ESPÉRANCE. Un plaisir qu'on attend Touche bien autant, Et même est plus grand Qu'un plaisir qu'on prend. L'espoir d'en avoir Va bien au delà, Du plaisir qu'on a. LA PARADE. Quel air ouvert ! Ah ! L'on perd tout quand on vous perd ! LÉANDRE. De grâce, restez avec nous. LA PARADE ET LÉANDRE, ensemble. Dé-es-se, que ferions-nous, Sans vous. L'ESPÉRANCE. Vos voeux sont triomphants ; Allez, mes enfants, Je reste céans. Vos jeux bienséants, Auront en tout temps Des succès constants, Vous plairez longtemps. LÉANDRE. Nos jeux bienséants, Déesse ! Vous ne nous connaissez donc pas ? LA PARADE. [Note : On lit Eronie au lieu d'Ironie dans le source consultée.]C'est donc une ironie ? L'ESPÉRANCE. Point du tout, Madame la Parade. Ne sentez-vous pas que la bienséance des Parades est de manquer de décence ? Allez, mes amis, les équivoques un peu claires, et présentées par les côtés agréables, sont de l'essence de votre spectacle et, ce qui le fera réussir. Voyez si je tous connais. LÉANDRE. Quoi ! Déesse, vous pensez que nos licences licencieuses plairont encore ! L'ESPÉRANCE. Plus que jamais. LA PARADE. Je le crois, moi. Se retournant vers les Spectateurs.Ignia qu'ça qui ravigotte ces messieurs et ces dames. LÉANDRE. Air : Margot, sur la brune.Comme elle cajole !Comme elle nous enjôle ! Comme elle cajole ! LA PARADE. Eh bien , écoutons-là. LÉANDRE. Quelle est courtoise !Quelle est matoise !Comme elle amboise ! Quel bien c'est-là,Si ces Messieurs croient cela ! L'ESPÉRANCE. Mais, ne me croyez pas moi seule ; consultez là-dessus le Dieu de la Gaieté qui s'avance. SCÈNE V et DERNIÈRE. Le Dieu de la Gaieté, L'Espérance, la Parade, et le beau Léandre. LÉANDRE. Ah, ah ! C'est-là le Dieu de la Gaieté ! LA PARADE. Gnia qu'faire dell'dire, car je m'suis sentie toute joyeuse en le voyant tant seulement. LE DIEU DE LA GAIETÉ. Guai, guai, guai ! Disons d'aimables chansons,Amis, rions, dansons et nous amusons.Aimez-vous le vin ? J'en ai de divin, Mon Champagne est mousseux,Quoiqu'il soit vieux. Que d'avance l'Espéranc-ce Réveille en nous le désir ; Et qu'ensui-te L'on profite De chaque plaisir Qu'elle vient offrir, Guai, guai, etc. Allons voir des Iris, Des Philis, des Cloris. J'en sais qui ne demandent qu'à faireNotre affaire, Allons, frère, Grande chère et beau feu, Et jou-ons gros jeu.Guai, guai, etc. L'ESPÉRANCE. Quelle gaieté ! LA PARADE. Queu père de joie ! LÉANDRE. Sarpedié ce Dieu-là est un bon humain ! Voyez comme il s'humanise. LE DIEU DE LA GAIETÉ. Eh morbleu, trêve de compliments ; et vive la joie et le plaisir ! Voyons donc, mes enfants, ce que nous ferons ce soir. D'abord je compta vous donner à souper, et nous rirons... LÉANDRE. Seigneur Dieu, paravant le souper, si ça vous amusait , v'la Madame la Parade, qui s'offre de vous... là... de vous... LE DIEU DE LA GAIETÉ, interrompant. Eh mais je le veux bien, moi. LA PARADE. Oui, j'offre de vous même... de vous mettre eune Parade. LÉANDRE. Mais paravant d'en risquer eune, je voudrais être sûr qu'elle ne déplaira pas, et voici mes raisons de trembler, qu'un poète targique de mes amis , m'a tourné zet bistourné t'en vers alexandrins, à cette fin de rendre ces raisons là pus frappantes. LA PARADE. Eh bien, oui, oui, va, va dis tes vers ; je te répondrai en prose ; ou je disloquerai des vers en impromptu, qui vaudront bien ceux qu'ils t'ont fait zaprendre par coeur. LÉANDRE. Ça n'est pas si aisé qu'ça est facile. J'en fais juge la Déesse, et le Dieu de la Gaieté. Se retournant vers l'Espérance.Que Madame me permette de mettre mon chapeau ; Il met son chapeau, pour déclamer avec plus de dignité, et déclame d'un ton ampoulé.Quel est votre dessein, et, par quel goût malade ,Faites-vous en ce jour revivre la Parade ? Les morts, après trente ans , sortent-ils du tombeau ? LA PARADE, déclamant aussi. Depuis que les Français ne donnent rien de beau,Qu'il faut absolument pleurer aux comédies ;Et qu'il faut ou bâiller, ou rire, aux tragédies ;Je viens sur leurs débris établir mes tréteaux, Et, par mes jeux plaisants, amuser ces badauds. Elle montre les spectateurs. LÉANDRE. Eux !... Du bon ton, ... de l'air, ... reconnaissant l'empire,Ils vous voudront du mal de les avoir fait rire.Ils se divertiront, et s'en repentiront ;S'amuseront, riront, et s'en indigneront. Des chevaliers français tel est le caractère...Mais enfin quel projet à l'Auteur téméraire,Qui, ramassant, partout, des propos de rebut,Prétend être joué ? Parlez, quel est son but ? LA PARADE. D'aller par la Parade au temple de mémoire, Et par-là de voler à la gloire. LÉANDRE, interrompant. À la Foire. LA PARADE. À la gloire. LÉANDRE. A la Foire. LA PARADE. Allons, tais-toi, mâchoire. LE DIEU DE LA GAIETÉ, les arrêtant. Arrêtez, beau Léandre, la Parade n'a pas tant de tort. Car enfin si l'on rend bien la nature, que ce soit dans une farce, que ce soit à la Foire, ou sur le Théâtre français, qu'importe ? N'y a-t-il pas toujours à cela un petit mérite donc ? Air : C'est au pays de Cocagne.Oui, dans une pièce de la Foire,Si l'on peint bien les humains ,Ce chemin peut conduire à la gloire ; L'on y va par tous chemins.Anacréon, par des chansons à boire,Faites sans soin,Ne tient-il point un assez bon coinDans le temple de mémoire ? L'ESPÉRANCE. Le Dieu de la Gaieté a raison, et je promets tout à ses efforts, moi. LA PARADE, sautant de joie. L'Espérance me promet tout ; et ce Dieu charmant me donne gain de cause. Nous jouerons la Parade, et nous réussissons. Pas vrai, Déesse ? L'ESPÉRANCE. Vous aurez un succès éclatant. LE DIEU DE LA GAIETÉ. Sûrement. Ventre saint Gris, (c'est le juron du bon Henri Quatre, qui n'aimait que moi, et les femmes,) en toutes choses n'en croyez jamais que l'Espérance. Air : Catalinette.Par l'Espérance,Regardez combienL'on a de bien !Elle dispenseDe posséder rien. Dès qu'elle opère,L'on ne peut rien voir,Jamais en noir.Tant qu'on espère,L'on croit tout avoir. LÉANDRE. Eh oui, nous croirons avoir amusé ; et nous aurons ennuyé. Vla ce qui arrivera. L'ESPÉRANCE. Eh non, vous dis-je, vous réussissez pleinement, je vous le promets : oui, oui, je vous jure... Air : Le joli, belle Meunière, le joli Moulin.Qu'en comptant sur l'assistanceEt sur la bontéDe ce Dieu, dont la présenceDonne la gaieté,Vous tournerez l'Espérance En réalité. LA PARADE. Que le Dieu de la Gaieté reste donc avec nous. LE DIEU DE LA GAIETÉ. Moi, ma petite Reine, je veux faire plus ; je veux être des vôtres, je veux jouer dans vos pièces, avec quelques restrictions pourtant. LA PARADE. Je vous prends au mot, et vous reçois sans début. Il est bien facé pour inspirer la joie. LÉANDRE. Pas moins, Déesse, ne nous abandonnez pas. LE DIEU DE LA GAIETÉ. [Note : On lit Benais dans l'édition consultée.]Eh mais, Benet, est-ce que l'Espérance a jamais abandonné personne. L'ESPÉRANCE. En est-il un seul exemple ? LÉANDRE. Mais comment faites-vous pour être ainsi en même-temps partout ? L'ESPÉRANCE. Oh dame !Je sais me re-pro-duire en cent lieux dif-férents, Pour répandre mes biens aux petits comme aux grands, D'un bout de la terre , jusqu'à l'autre bout, Je sème mes bienfaits, et je rè-gne par-tout. LÉANDRE, se panadant. [Note : Panader (se) : Marcher avec ostentation comme un paon. [L]]C'est fort singulier ! LA PARADE. C'est fort particulier ! LE DIEU DE LA GAIETÉ. Mais, oui-da, mon beau Cavalier,Ce-la ne peut point s'al-li-er :C'est fingu-lier, et fort par-ti-cu-lier. LA PARADE. Mais, mon doux Seigneur, encore un mot : nous allons donc glisser à ces Seigneurs et à ces demoiselles, des libertés gallicanes ; v'là qu'est ben ; mais vous savez que notre fieque est devenu chaste à faire grincer les dents, dans les discours seulement ; faura-t-il que je retranche queute chose, des choses, que... LE DIEU DE LA GAIETÉ, l'interrompant. Bon, bon, ma pauvre Parade, va toujours ton train gaîment, et moque toi de cela.Ne te conduis point par autrui ; Si ce siècle pédant se cho-que D'u-ne or-du-re ou d'une équivoque,N'importe ; poursuis; C'est tant pis pour lui, S'il veut mettre aujourd'hui La ver-tu dans l'ennui, Qu'on e-xige moins de décence, Dans les propos que l'on tiendra ; Mais dans les moeurs plus d'innocence ;Plus on en dira, Moins l'on en-fera ; La vert-tu re-nai-tra , La gaieté reviendra. LA PARADE. Plus on en dira, moins l'on en fera ; ça n'accommodera pas les femmes, ça. L'ESPÉRANCE. Belle réflexion ! - Encore, si elle allait au fait. LE DIEU DE LA GAIETÉ. [Note : Joconde : opéra-comique en prose et vaudevilles de Collé, Chez Mme de Meaux en 1757 et au théatre de Bagnolet en 1760.]J'y viens, moi. Ah ça, mes enfants, il y a un tempérament à prendre dans tout ceci. Laissons reposer Madame la Parade, et jouons un Opéra-comique. Je suis instruit que vous venez d'en recevoir un à votre théâtre ; il est intitulé Joconde ; et, je sais même qu'il est traité d'un ton assez élevé, et que... LA PARADE, l'interrompant. Oui, ça est nobe, et trop nobe ; je n'aime pas ça moi ; mais par complaisance pour le Dieu de la Gaieté... LÉANDRE. Oui, nous pourrons vous ennuyer, par complaisance... LE DIEU DE LA GAIETÉ. Vous n'ennuierez point. Je connais les couplets de ce Joconde ; ils sont gaillards. Mais, auparavant que d'aller nous habiller, il faut chanter ceux que j'ai faits moi-même, en l'honneur et gloire de la Déesse de l'Espérance. L'ESPÉRANCE. Volontiers ! LE DIEU DE LA GAIETÉ. C'est un vaudeville. L'ESPÉRANCE. Et c'est à moi à commencer. VAUDEVILLE. L'ESPÉRANCE. Mes promesses font promptes, Les effets en font sûrs ; Je donne des à comptes Sur les plaisirs futurs ; Je fais jouir d'avance ; Je rapproche les temps. Refrain.Et guai, guai, guai, l'espéranceRend tous les coeurs con-tents. LÉANDRE. Une Coquette sageLui doit tous ses talents $ Sans que son coeur s'engage,Elle a quatre galants :Et de la préférenceLes flatte en même-tempsEt guai, guai, etc. LA PARADE. C'est par son influenceQu'une fille se croitÊtre femme d'avance,Du Galant qu'elle voit :Souvent en conséquence Elle emploie le temps.Et guai, guai, etc. L'ESPÉRANCE. À deux époux, qu'engageL'hymen, et non l'Amour,Je promets le veuvage À chacun, tour-à-tour ;Et, de la survivanceLes flatte, en même-temps.Et guai, guai, etc. LE DIEU DE LA GAIETÉ. Lucrèce fut la seule Qui brava son pouvoir ?À la mort, la Bégueule,Courut par désespoir ;Par-là, le sexe en FranceJamais ne périra. Et guai , guai, l'EspéranceLe ragaillardira. ==================================================