******************************************************** DC.Title = LA COMTESSE D'ORGUEIL, COMÉDIE DC.Author = CORNEILLE, Thomas DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 21/08/2023 à 06:19:27. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CORNEILLET_COMTESSEORGUEIL.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k131916k DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA COMTESSE D'ORGUEIL COMÉDIE M. DC. LXXXX. par T. CORNEILLE Représenté pour la première fois le 28 janvier 1653 au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. ACTEURS LE MARQUIS de Lorgnac. LE CHEVALIER, frère du Marquis, amant d'Olimpe. ORONTE, amant de Lucrèce. ANSELME, père d'Olimpe, et tuteur de Lucrèce. OLIMPE, fille d'Anselme. LUCRÈCE, nièce d'Anselme. VIRGINE, suivante d'Olimpe. LISE, suivante de la Comtesse d'Orgueil. CARLIN, valet du Marquis. La Scène est à Paris. ACTE I SCÈNE PREMIÈRE. Carlin, Lise. CARLIN. Quoi ? Te trouver encor et seule et sans maîtresse ? LISE. J'attends de jour en jour Madame la Comtesse,Qui depuis près d'un mois absente de ParisAbandonne à mes soins la garde du logis.On croit ne point tarder d'abord que l'on s'engage, Mais insensiblement on prend goût au voyage,D'Orléans on veut voir Saumur, Angers, et Tours,Et le retour ainsi se diffère toujours. CARLIN. Tant mieux pour toi, d'avoir liberté toute entièreDe prendre du bon temps, et te donner carrière.Ah, si pour moi le coeur t'en disait tant soit peu,Sotte ! LISE. En faut-il douter ? CARLIN. Le mien est tout en feu,Et depuis cette noce où tu me fis tant boire,Je me suis si bien mis ta largesse en mémoire,Qu'aussitôt que la soif commence à me presser,Pour en guérir plutôt je voudrais t'embrasser. LISE. Tout de bon ? CARLIN. Tout de bon, et s'il t'en faut plus dire,Écoute, en te voyant, de quel ton je soupire. LISE. Tu te sens donc pour moi d'amour bien travaillé ? CARLIN. Ma foi, je n'en dors point quand je suis éveillé, Et si ton coeur sensible à la friponnerie...Lise, ma chère Lise. LISE. Ah point de brusquerie.Et que dirait Virgine à qui tu t'es promis ? CARLIN. Y doit-on regarder de si près entre amis ? LISE. Tu n'es point scrupuleux. CARLIN. Vois-tu ? J'aime Virgine, Mais ce qui m'en dégoûte elle est un peu trop fine,Et sait tant de détours, qu'à ce que j'en entends,Avec elle un mari passera mal son temps.Anselme aussi, voyant du trouble en sa famille,L'a depuis peu chassée en dépit de sa Fille. LISE. Olimpe en sa disgrâce a donc pris grande part ? CARLIN. Elle la garde encore à l'insu du Vieillard ;Le temps rajuste tout. LISE. Elle doit t'être chère. CARLIN. Veux-tu de mon amour savoir tout le mystère ?Je suis homme d'intrigue, et tel que tu me vois, J'entreprends de servir deux maîtres à la fois,Ou plutôt près de l'un faisant le bon apôtre,Je tâche à le duper pour être utile à l'autre. LISE. Ton Marquis de Lorgnac est le sot ? CARLIN. Justement.Jamais on ne fut sot si méthodiquement. Comme il est de naissance et fort riche, il croit êtreL'homme le plus parfait qu'on ait encor vu naître,Et dans cette folie il est persuadéQu'on meurt d'amour pour lui dès qu'on l'a regardé.Aussi fait-il le beau, le plaisant, l'agréable, Vain s'il en fut jamais, contrariant en diable,Grand parleur, curieux des affaires d'autrui. LISE. Le Chevalier, son frère, est-il fait comme lui ? CARLIN. Comme lui ? Dieu l'en garde, il est son antipode.C'est un homme discret, civil, d'humeur commode, Poli, galant, qui fait les choses comme il faut,Et dont la gueuserie est l'unique défaut.[Note : Gueuserie : pauvreté, mendicité [F]] LISE. La tâche est un peu forte. CARLIN. Et d'autant plus qu'il aime.Être gueux en amour est un malheur extrême ;Mais aux beaux yeux d'Olimpe il n'a pu résister. À Virgine par là j'eus ordre d'en conter.Pour gagner quelque accès auprès de sa maîtresseLe Chevalier voulut... LISE. Je comprends la finesse.Olimpe par Virgine a su sa passion ? CARLIN. Non pas, grâce à l'excès de sa discrétion. Depuis deux mois et plus que pour elle il soupire,Il s'est fait remarquer, mais sans vouloir rien dire.Moi-même, il m'a fallu faire le réservé.Cependant tout d'un coup le frère est arrivé,Ce Diable de Marquis, qui s'en va d'importance Faire sonner partout son manque de finance. LISE. Peut-il le décrier sans qu'il se fasse tort ? CARLIN. Tort ou non, il le hait, et voudrait le voir mort.Pour détourner ce coup j'ai joué d'artifice. LISE. Comment ? CARLIN. Du Chevalier j'ai quitté le service, Et cent sujets de plainte au besoin inventésOnt été du marquis avec joie écoutés.En moi par cette fourbe il a pris confiance,Et comme j'applaudis à son extravagance,Je suis chez lui le tout, je tranche, ordonne, agis. LISE. Ainsi... CARLIN. Prends garde à toi, voici notre Marquis.Le coeur te bat-il point ? LISE. Quelle rare figure ? CARLIN. Et bien ? Fait-il la mode ? LISE. Il comble la mesure,Quel attirail de points, de rubans, d'affiquets ![Note : affriquet : terme de raillerie dont on se sert pour parlant des parures des femmes, quand elles sont légères, superflues et affectées. [F]] SCÈNE II. Le Marquis, Carlin, Lise, Cascaret. LE MARQUIS, à Carlin montrant Lise. C'est de moi qu'on te parle ? CARLIN. Oui, Monsieur. LE MARQUIS. Bon, Laquais, À ce prochain détour que faisait cette belle ? CASCARET. Elle vous regardait, Monsieur. LE MARQUIS. Tant pis pour elle. CARLIN. Elle s'en souviendra. LE MARQUIS. Je le crois. Celle-ci,Qui de loin m'envisage, a l'oeil bien radouci. CARLIN. Elle vient de la part d'une certaine Comtesse... LE MARQUIS. Diable, il faut l'écouter. Tu nommes ta maîtresse ? LISE. La Comtesse d'Orgueil. LE MARQUIS. D'Orgueil ! Le nom est grand.Vieille ou jeune ? LISE. Elle n'a que vingt ans. LE MARQUIS. Bien lui prend.La jeunesse est mon goût, sans cela point de tendre.Avecque le mari quelle mesure à prendre ? Est-il accommodant ? LISE. Elle est veuve. LE MARQUIS. Tant mieux.Les Veuves, la plupart, sont mets délicieux,Et de quinze à vingt ans il en est d'égrillardesQui donnent au défunt de terribles nasardes.Pour moi, j'en ai tant vu de toutes les façons, Qu'au besoin je pourrais en faire des leçons.Et Fille, et femme, et brune, et blonde, j'ai beau faire,Tout m'en veut. LISE. Qui pourrait n'aimer pas à vous plaire ?Un Marquis qu'on fait gloire en tous lieux d'admirer ? LE MARQUIS. J'écarte assez la foule afin de respirer, Mais toujours malgré moi j'ai quelque soupirante.La Comtesse est jolie ? LISE. Elle est votre servante. LE MARQUIS. C'est-à-dire, son coeur en tient déjà pour moi ? LISE. Eh, vous pouvez penser... LE MARQUIS. J'en ai pitié, ma foi.Vingt ans, Veuve, et languir ! Viens, conduis-moi chez elle. Il faut la voir ; au moins tu me dis qu'elle est belle ? LISE. Elle a dans Orléans tout fait mourir d'amour,Mais vous en jugerez, Monsieur, à son retour. LE MARQUIS. Elle n'est pas ici ? CARLIN. Puisqu'il faut vous le dire,Pour vouloir fuir le mal quelquefois on l'empire. L'autre jour en passant la comtesse vous vit.Votre mine, votre air, enfin tout la surprit,Et chez elle d'abord l'amour faisant ravage,Pour guérir par l'absence elle a fait un voyage ;Mais de fièvre en chaud mal son coeur par là tombé Est contraint avec vous de venir à jubé.[Note : Venir à jubé : Lieu élevé dans les églises (...) On dit en proverbe "Il l'a fait venir en jubé", je l'ai réduit à se soumettre, à en passer par où je voudrai. [F]]Sa flamme impatiente en ces lieux la rappelle,Vous la verrez demain. LE MARQUIS. Je me souviendrai d'elle.Seulement du retour prends soin de m'avertir. CARLIN. Vous viendrez donc ? LE MARQUIS. Oui, va. À Carlin.Je puis m'en divertir. Et selon... Mais je vois mon impertinent frère. LISE, à Carlin. C'est là le Chevalier ? CARLIN. Lui-même. Adieu, ma chère. LISE. Est-il original qui vaille ton Marquis ? SCÈNE III. Le Marquis, Le Chevalier, Carlin. LE CHEVALIER. Peut-être que je viens mal à propos ? LE MARQUIS. Tant pis.Qui vous force à venir ? LE CHEVALIER. Vous voyant dans la rue, Passerai-je tout droit sans que je vous salue ? LE MARQUIS. Saluez-moi de loin, et ne me dites mot. LE CHEVALIER. Mais ceux qui me verront... LE MARQUIS. Vous prendront pour un sot,Que m'importe ? LE CHEVALIER. Toujours injure sur injure ?Vous êtes mon aîné, je me tais, et j'endure. LE MARQUIS. Et bien, n'endurez point, qu'est-ce que vous ferez ?[Note : Pouilles : Vilaines injures et reproches. Les gueux, la harangères chantent pouilles aux honnêtes gens. (Dict. Furetière)]Vous me chanterez pouille, et vous retirerez,C'est là ce que je veux. LE CHEVALIER. Grâce à votre injustice,Me voir et me parler est pour vous un supplice,J'en suis trop convaincu. LE MARQUIS. Ne l'ignorez donc pas. J'en suis content. LE CHEVALIER. Ma peine a pour vous des appas,Et plus vous connaissez que le malheur m'accable... LE MARQUIS. Il est vrai, votre vie est gueuse et misérable.Mais enfin sans appui, sans ressource, sans bien,Vous devriez mourir, et vous n'en faites rien. Est-ce ma faute ? LE CHEVALIER. Au moins, si par le droit d'aînesseVous avez de grands biens, j'ai la même noblesse. LE MARQUIS. Vous êtes Chevalier, mais quand il faut manger,Votre Chevalerie est un mets bien léger,Et souvent la mâchoire est fort mal occupée, À qui n'a comme vous que la cape et l'épée. LE CHEVALIER. Et la cape et l'épée auront toujours de quoiFaire considérer des gens faits comme moi.Jouissez de vos droits, l'aînesse vous les donne,Je n'y demande rien. LE MARQUIS. Vous me la baillez bonne. Si dans votre chaumière il vous eût plu rester,Votre part de cadet vous eût fait subsister ;Mais on ne va pas loin avec petite somme.Vous avez voulu faire ici le gentilhomme,Et n'ayant plus de quoi, vous voilà sur le point D'être franc parasite, ou de ne dîner point.Gueusez, servez, volez, ce n'est point mon affaire. LE CHEVALIER. J'ai fait quelque dépense, et cru la devoir faire.Ma gloire étant la vôtre, il vous doit être doux... LE MARQUIS. Mais Carlin que voici mourait de faim chez vous, Et s'il n'eût avec moi cherché ses avantages,C'était fait de sa vie ainsi que de ses gages. CARLIN. Sans Monsieur le Marquis j'étais sec, autant vaut. LE MARQUIS. Oyez. LE CHEVALIER. Mon peu de bien vous semble un grand défaut.Toujours sur ce reproche ; et ne peut-il pas être... LE MARQUIS. Mon nom vous fait honneur, on me l'a fait connaître,Il pourra vous servir à duper un bourgeois.L'alliance d'Anselme, est dit-on, votre choix ;[Note : Mugueter : faire le galant, je cajoleur, tâcher de se rendre agréable à une dame. [F]]Vous muguetez sa fille, elle a de quoi vous plaire,Et quand ce ne serait que les grands biens du père, Pour qui n'a pas de pain à mettre sous les dents,C'est un trait de beauté des plus accommodants. LE CHEVALIER. Puisque malgré moi-même on a lu dans mon âme,Il est vrai, mon dessein est de prendre une femme,Et comme Anselme est riche, et qu'il manque d'appui, Ma naissance m'a fait espérer tout de lui.La sienne, je l'avoue, est basse et fort commune. LE MARQUIS. Ce n'était qu'un maraud, mais il a fait fortune ;[Note : Douzain : monnaie de cuivre avec quelque alliage d'argent vallant un sou, ou douze deniers tournois. [L]]Puisqu'il a du douzain, il est démaraudé.Sait-il votre amour ? LE CHEVALIER. Non, c'est un secret gardé. Mais quand il l'apprendra, veuillez ne me pas nuire,Forcez-vous... LE MARQUIS. Laissez-moi cette affaire à conduire.Moi parlant, moi faisant la demande pour vous,Je crois qu'il recevra cet honneur à genoux.Un faquin qu'on a vu petit clerc de notaire, [Note : Faquin : crocheteur, homme de la lie du peuple, vil et méprisable. [L]]D'un cadet de Marquis devenir le beau-père,S'allier des Lorgnacs, peste ! LE CHEVALIER. M'offrir vos soins,Vous à qui je déplais ! LE MARQUIS. M'en déplaisez-vous moins ?Je vous décrierais bien, mais si je vous décrie,J'ai sur mon dos le faix de votre gueuserie. Au moins quand du bourgeois vous aurez les écus,Vous battez en retraite, et ne me verrez plus.Allez, tout de ce pas je vais lui faire entendreQu'il choisit un brave homme en vous prenant pour gendre.S'il s'informe du bien, je suis prêt à mentir. Reposez-vous sur moi. LE CHEVALIER. Mais... LE MARQUIS. Mais sans repartir.J'agis de là. La fille est de vous fort éprise ? LE CHEVALIER. J'ignore encor pour moi quelle estime elle a prise,Mais vingt fois dans la rue elle m'a remarqué. LE MARQUIS. Votre amour autrement ne s'est point expliqué ? LE CHEVALIER. Le père étant pour nous, il nous répondra d'elle. LE MARQUIS. Je vous entends, l'argent vous plaît mieux que la Belle,Et pourvu qu'il vous soit bien et dûment compté,Peu vous chaut du reste. LE CHEVALIER. Ah ! LE MARQUIS. Dites la vérité,Franchement aimez-vous ? Car à moins que l'on aime, Tâter du mariage est la misère même,Et je ne voudrais pas qu'une fille eût sujet... LE CHEVALIER. Non, Olimpe est pour moi le plus charmant objet.Jamais rien de si beau ne s'offrit à ma vue,Et de tant de mérite on la trouve pourvue, Que sa seule conquête assurant mon repos,N'eût-elle aucune dot, je... LE MARQUIS. Voilà de mes sots.Pour trois jours de douceur trente ans de gueuserie.Mais si vous l'épousez, dites-moi, je vous prie,Cadet, prétendez-vous avoir beaucoup d'enfants ? LE CHEVALIER. Peut-on... LE MARQUIS. Point de peut-on, car je vous le défends.La cause est qu'il n'est point de famille nombreuseQui presque en moins de rien ne dégénère en gueuse.Et quand l'oncle est Marquis et des plus apparents,Serviteur aux neveux qui sont dégénérants. LE CHEVALIER. J'aurai soin que jamais aucune plainte à faire... LE MARQUIS. Fort bien, et là-dessus je vais voir le beau-père.Carlin. CARLIN. Monsieur. Il lui parle à l'oreille. J'entends. LE MARQUIS. Va, cours, le temps m'est cher.Si la Marquise vient, qu'on me fasse chercher. SCÈNE IV. Le Chevalier, Carlin. LE CHEVALIER. C'est encor un message à faire à quelque belle ? CARLIN. Grand mystère toujours, et toujours bagatelle.[Note : Bagatelle : Chose de peu d'importance. [F]]Mais d'où diable a-t-il su votre amoureux secret ? LE CHEVALIER. Un amant bien épris est toujours indiscret.J'ai trop parlé d'Olimpe, il aura pu l'apprendre,Et soupçonné l'amour que ses yeux m'ont fait prendre. Mais puisqu'à m'y servir il est si disposé,Le succès pour mes voeux en sera plus aisé. CARLIN. J'en doute ; il n'eut jamais pour vous que de la haine. LE CHEVALIER. Oui, mais me voir sans bien lui donne quelque peine,Et craignant d'en avoir un jour de l'embarras, Si mon feu touche Olimpe, il ne me nuira pas. CARLIN. Il est homme pourtant à nous en donner d'une.Son coeur est plein pour vous d'une vieille rancune.Ainsi j'aurais voulu qu'avant qu'il eût parlé,Votre amour à Virgine eût été révélé. Contre ce qu'il eût dit, comme elle a de l'adresse,Elle aurait préparé l'esprit de sa maîtresse ;Mais vous m'avez fait taire, et tout était perduSi j'eusse osé... LE CHEVALIER. Je vois que j'ai trop attendu,Qu'il serait bon qu'Olimpe eût approuvé ma flamme ; Mais je ne savais pas qu'on dût lire en mon âme,Et que de mon secret malgré moi trop instruit,Le Marquis... CARLIN. Pour ou contre, il va faire grand bruit,Et le Vieillard... LE CHEVALIER. Tais-toi, je vois venir Oronte. SCÈNE V. Le Chevalier, Oronte, Carlin. LE CHEVALIER. Enfin donc il n'est rien que l'amour ne surmonte. Lucrèce a pris sur vous un pouvoir absolu,Et pour elle à l'hymen vous voilà résolu ? ORONTE. J'ai pesté jusqu'ici contre le mariage.J'en tremble même encor lorsque je l'envisage,C'est un marché terrible, et qui doit étonner ; Cependant au torrent je me laisse entraîner. LE CHEVALIER. Le péril en est beau. ORONTE. Telle est ma destinée. LE CHEVALIER. L'ordre vous en est doux ; mais à quand l'hyménée ?Lucrèce vous aimant... ORONTE. Anselme ton tuteurAttend obstinément le retour de ma soeur. Parce qu'elle est Comtesse, il s'est mis à la têteQu'il faut pour plus d'éclat qu'elle honore la fête.Sans cela point de noce. LE CHEVALIER. Il aime à faire bruit. ORONTE. À trois jours seulement le délai se réduit. LE CHEVALIER. Vous croyez donc bientôt voir ici la Comtesse ? ORONTE. Peut-être dès demain, mais j'aperçois Lucrèce.De grâce, pardonnez aux transports d'un amant,Si je cours où m'appelle un objet si charmant. LE CHEVALIER. Sur tout autre devoir l'amour toujours l'emporte. CARLIN, au Chevalier. Olimpe est avec elle. LE CHEVALIER. Éloignons-nous, n'importe. Je ne lui veux parler qu'après que j'aurai suQuel accueil du vieillard ma flamme aura reçu. SCÈNE VI. Oronte, Olimpe, Lucrèce. ORONTE, à Lucrèce. Quoi, sortir sans m'attendre ? Ah, j'ai lieu de m'en plaindre. LUCRÈCE. Oui, car je viens de faire une visite à craindre,Et ma cousine sait... OLIMPE. Que dans tout l'entretien Vous avez écouté de grands diseurs de rien.Qu'il est d'impertinents ! ORONTE. Olimpe est difficile. OLIMPE. Quoi, d'abord qu'on vous voit, recourir au doux style,Prodiguez la fleurette, et vous assassiner,De cent offres d'un coeur qu'on n'a plus à donner ! Pour moi, je suis un peu délicate en mérite.Plus le vrai me sait plaire, et plus le faux m'irrite,Et comme j'aime en tout qu'on soit de bonne foi,Les soupirants d'office ont bientôt fait chez moi. ORONTE. C'est l'usage du monde, et si toutes les Belles Traitaient ainsi que vous l'encens de bagatelles,À quoi seraient réduits nos Galants du bel air,Qui par là près de vous apprennent à parler ?Pour faire un honnête homme il n'est point d'autre école.Le beau sexe aux muets fait trouver la parole, Et parce qu'à vous plaire ils prennent de souci,Tout ce qu'ils ont de rude est soudain adouci. OLIMPE. La douceur s'étend loin. LUCRÈCE. Vous l'avez mendiée. SCÈNE VII. Olimpe, Lucrèce, Oronte, Virgine. VIRGINE, à Olimpe. Enfin c'est tout de bon, vous êtes mariée. OLIMPE. Moi, mariée ? VIRGINE. Oui, vous. Quel malheur à souffrir ! M'en voici hors d'haleine à force d'accourir.Pour pris d'une nouvelle à mes désirs si chère,Daignez faire ma paix avecque votre père.Faudra-t-il que de lui je me cache toujours ? OLIMPE. Ne t'inquiète point, encor deux ou trois jours, Son chagrin passera, j'en réponds. LUCRÈCE. Mais, Virgine,Apprends-nous quel époux mon oncle lui destine. VIRGINE. Un Marquis, si charmé, dit-il, de ses appas,Qu'il se pendra demain s'il ne l'épouse pas,Le Marquis de Lorgnac. OLIMPE. Quoi, j'en serais aimée ? VIRGINE. De votre cabinet, où j'étais enfermée,Je viens d'entendre tout ; sur mon âme il dit d'or.Vos attraits sont pour lui le plus riche trésor.Le bonhomme se rend aux désirs qui le pressent,Et de l'heure qu'il est les articles se dressent. OLIMPE. Sans m'avoir consultée ? VIRGINE. Eh, pour se marier,Est-il fille aujourd'hui qui se fasse prier ?Et puis, quand il s'agit du grand nom de Marquise... OLIMPE. Fort bien. Chez moi pourtant l'esprit seul est de mise,Et de quelque haut rang que l'on me pût flatter, Un sot qui m'en voudrait n'aurait qu'à décompter. ORONTE. Je crains donc bien qu'ici le Marquis ne décompte.Il donne lieu sans cesse à quelque nouveau conte,Et sur ce qu'on en dit, ce n'est pas son défautQue d'avoir eu jamais plus d'esprit qu'il ne faut. Il croit charmer partout, fait le beau, l'agréable. LUCRÈCE. Que vous me faites peur ! ORONTE. Brusque, dit-on, en diable. OLIMPE. Voilà ce qu'il me faut. VIRGINE. Moquez-vous du dit-onVoulez-vous un époux sage comme un Caton,Qui prétende, en vertu de sa grave figure Qu'on marche par compas, et parle par mesure ? LUCRÈCE. Virgine a l'humeur gaie, et pense que... VIRGINE. Ma foi,Bien d'autres là-dessus penseraient comme moi.Pour devenir Marquise il n'est esprit qui tienne.Le titre en plaît toujours, de quelque part qu'il vienne, Et d'ailleurs, quelquefois, s'il faut trancher le mot,Il est avantageux d'être femme d'un sot.Excuse, adresse, fourbe, il n'est rien qu'il ne croie.Quoi qu'on fasse, il ne voit que ce qu'on veut qu'il voie,Et se laissant mener, au besoin, par le nez... OLIMPE. C'est par où se prendraient des esprits mal tournés.Mais quand la vertu seule a pouvoir sur une âme... VIRGINE. D'accord, c'est fort bien fait que d'être honnête Femme,Mais Dieu veuille du trop préserver tous Maris. LUCRÈCE. Laissons là cette folle, et venons au Marquis. Le connaissez-vous ? ORONTE. Non, mais je connais son frère.Qui, s'il était plus riche, aurait bien de quoi plaire.Il a l'air si galant et si particulier,Qu'on ne peut... OLIMPE. Vous voulez parler du Chevalier ? ORONTE. De lui-même. OLIMPE. À sa mine on connaît sa naissance ; Mais l'effet répond mal souvent à l'apparence.L'air ne fait pas l'esprit ; et je douterais fort,Que le sien fût de ceux... ORONTE. Ah, c'est lui faire tort.D'où vient qu'à ce soupçon votre coeur s'abandonne ? OLIMPE. C'est un secret qu'encor je n'ai dit à personne. Depuis plus de deux mois en cherchant à me voir,Ce brave chevalier a paru m'en vouloir.Au Palais pour emplette, au Temple, dans la rue,Je le trouve partout, partout il me salue,Mais quoi qu'il ait eu lieu cent fois de m'aborder, Il n'a jamais plus fait que de me regarder.Jugez si c'est à tort que je le crois stupide. ORONTE. Un excès de respect l'a pu rendre timide,Et je vous plaindrais peu pour l'hymen arrêté,Si le Marquis avait même stupidité. OLIMPE. Quoi qu'on ait fait sans moi, s'il est tel que vous dites,La puissance d'un Père a ses bornes prescrites,Et par précaution, avant que m'engager,Lui parlant en secret, je prétends en juger. LUCRÈCE. En secret ! Et comment ? OLIMPE. Ce soir par ma fenêtre. VIRGINE. Un premier entretien vous le fera connaître ?Et si pour son début il n'a tous mots exquis,Madame, vous voulez refuser un Marquis ?Ma foi, si vous saviez combien... OLIMPE. Laisse-moi faire,Et l'attends au moment qu'il quittera mon Père. Le jour baisse déjà ; sitôt qu'il fera nuit,Dis-lui sous mon balcon qu'il se rende sans bruit. LUCRÈCE. Mais si pour vous donner cette grande nouvelle,Lorsque nous rentrerons, mon Oncle vous appelle ;Et qu'à voir le Marquis, dont sans doute il fait cas... OLIMPE. J'aurai quelque migraine, et ne paraîtrai pas.Fais ce que je te dis, Virgine. LUCRÈCE. Vous, Oronte,Rendez-moi du Marquis un plus fidèle compte,Informez-vous partout en quelle estime il est. ORONTE. Il suffit, vous savez si j-y prends intérêt. ACTE II SCÈNE PREMIÈRE. Le Marquis, Anselme. LE MARQUIS. N'allez pas plus avant, Beau-père, il fait trop sombre,[Note : Incaguer : Terme bas et vieilli. Défier quelqu'un, le braver, en lui témoignant beaucoup de mépris. [L]]Et quoi que de la nuit mes yeux incaguent l'ombre,Chez vous de vos vieux ans le cours trop actuelDoit avoir affaibli le rayon visuel,Et par là j'aurais peur qu'en marchant, quelque pierre Vous fît mal à propos donner du nez en terre.Seulement pour demain, quand je vous irai voir,Préparez votre fille à faire son devoir. ANSELME. Dès mes plus jeunes ans un Chevalier de MalteM'apprit que quand l'honneur qu'on daigne nous faire... LE MARQUIS. Halte. Votre caducité de trop loin se souvient ;Si je vous fais l'honneur, le profit m'en revient. ANSELME. Du moins je vous réponds d'une Fille fort sage,Modeste, accorte, douce, à qui, dès son bas âgeOù l'esprit est toujours de fadaise rempli, Les Quatrains de Pybrac ont donné le bon pli.Elle les savait tous, sur chacun, bonne glose. LE MARQUIS. Les Quatrains de Pybrac ne font rien à la chose,Et votre Fille, étant ce que je me la peins,Ne se mariera pas pour dire des Quatrains. Est-elle propre ? ANSELME. Autant qu'une fille peut l'être. LE MARQUIS. Je vous eusse prié de la faire paraître,Mais j'ai craint, en suivant ma curiosité,Quelque souillon d'habit qui m'en eût dégoûté.J'aime l'ajustement. ANSELME. La dépense est petite. Plus de cent mille écus dont elle seule hérite,Tant en maisons, effets, qu'en bon argent comptant... LE MARQUIS. Ma terre de Lorgnac en vaut deux fois autant.Qu'elle est belle ! Grands parcs pour vaches, boeufs, génisses,Grandes foires au Bourg, grandes hautes Justices, Grands moulins, sans compter de grands fossés pleins d'eau,Qu'on passe en ponts-levis pour entrer au château. ANSELME. Quand je ne vous verrais pour tout bien que la gloireD'être sorti de Gens renommés dans l'Histoire,Mon choix serait pour vous, et ne regardant qu'eux... LE MARQUIS. Ah, que tous les Lorgnacs ont été belliqueux ! ANSELME. La race en est célèbre, et d'abord qu'on la nomme... LE MARQUIS. Beau-père, ainsi je crois que je suis Gentilhomme.Hem ? ANSELME. De votre noblesse on n'est guère en souci. LE MARQUIS. Vous avez pensé voir un amoureux transi, Mon Cadet, qui sans moi, plein d'une sotte flamme,Vous aurait demandé votre Fille pour Femme. ANSELME. Vous touchant de si près il m'aurait fait honneur,Et l'on tiendra toujours sa recherche à bonheur. LE MARQUIS. Il est gueux, archigueux. ANSELME. Mais son Sang est illustre ; Et partout sa vertu lui donne tant de lustre,Que sur ce qu'on en dit... LE MARQUIS. Monsieur On, est un sot.Mon frère fait le doux, le bénin, le cagot.À l'ouïr, vous diriez qu'il n'est rien plus traitable,Cependant entre nous il ne vaut pas le diable. C'est un rieur sous cape ; et tous ses beaux semblants,S'ils amorcent quelqu'un, le mettent en draps blancs.Dit-on draps blancs, beau-père, ou blancs draps ? ANSELME. Il n'importe. LE MARQUIS. Non, à ce qu'il paraît aux gens de votre sorte ;Mais parmi le beau monde où l'on parle correct, L'arrangement des mots veut un soin circonspectL'esprit est un grand fond. Votre Fille en a t-elle ? ANSELME. Chacun le croit. LE MARQUIS. Est-il de rue, ou de ruelle ? ANSELME. Qu'appelez-vous, de rue ? LE MARQUIS. Un esprit trop bourgeois,Un esprit dandinant, de ces filles sans poids, Qui pour toute réponse à ce qu'on leur peut dire,N'ont qu'un, vous vous moquez, et se mettent à rire. ANSELME. Ma fille, en discourant, pourra vous étonner.Sur quoi qu'on lui propose elle sait raisonner,Jamais de bagatelle, ou c'est la faire taire. LE MARQUIS. Et vous l'auriez donné à mon drille de frère !Quel dommage ! Demain je verrai ce que c'est,Et de la noce ensuite on résoudra l'apprêt.Les clauses du contrat déjà sont arrêtées. ANSELME. Il suffit qu'entre nous elles soient concertées, Et qu'un dédit signé, qui vous répond de moi,Quoi qui puisse arriver, m'engage votre foi.Du reste, un peu de temps est assez nécessaireÀ qui tout à la fois a deux noces à faire. LE MARQUIS. Deux noces ? ANSELME. D'une nièce on m'a fait le tuteur. Pour l'épouser, Oronte attend ici sa soeur,Demain elle y doit être. LE MARQUIS. Il diffère pour elle ? ANSELME. On lui doit cet honneur. LE MARQUIS. Et cette soeur s'appelle ? ANSELME. La Comtesse d'Orgueil. LE MARQUIS. Le Comtesse ! Ma foi... ANSELME. Quoi ? Vous la connaissez ? LE MARQUIS. Ah, si je la connais ? C'est une jeune Veuve, aimable, alerte, drue. ANSELME. On le dit, car pour moi je ne l'ai jamais vue. LE MARQUIS. Nous la gouvernerons. Elle est riche ? ANSELME. Et très fort.Un vieillard a tout fait pour elle avant sa mort.Comme sur ses vieux ans il l'avait épousée, Avec lui sa fortune à faire fut aisée.Son revenu, du moins, monte à dix mille écus. LE MARQUIS. Dix mille écus de rente ! ANSELME. Et peut-être encor plus. LE MARQUIS. On fait florès à moins. Peste, quelle Commère ! ANSELME. Un Duc aussi, dit-on, cherche fort à lui plaire. LE MARQUIS. Un Duc ? ANSELME. Oui, qui voudrait... LE MARQUIS. Je crois qu'il voudrait, mais... ANSELME. Elle en est peu touchée. LE MARQUIS. Il ne l'aura jamais. ANSELME. Le temps... LE MARQUIS. [Note : Encloueure : signifie figurément toute obstacle qui empêche la réussite d'une affaire. [L]]Eh, je sais trop où lui tient l'encloueure. SCÈNE II. Le Marquis, Anselme, Carlin. CARLIN, au Marquis. Quatre mots à quartier, Monsieur. LE MARQUIS, à Anselme. Par aventure,Beau-père, vous savez comme on rentre chez vous ? ANSELME. Si je nuis... LE MARQUIS. Preste ; ici vous gagnerez la toux,Bonsoir. SCÈNE III. Le Marquis, Carlin. LE MARQUIS. Combien as-tu de poulets à me rendre ? CARLIN. La Marquise chez vous a passé pour vous prendre,J'ai voulu l'arrêter, mais ne vous trouvant pas ;C'est donc comme il en fait ; fracas contre fracas, M'a-t-elle dit. Dis-lui que puisqu'il me dédaigne,L'Abbé qui lui déplaît va commencer son règne.J'aurais pu me résoudre à ne l'écouter plus,Mais... LE MARQUIS. Ces diables d'Abbés la plupart sont courus. CARLIN. Eh, n'en médisons point ; certains Abbés novices Ne sont pas à courir de méchants Bénéfices.Les Belles trouvent là de quoi se régaler.Bijoux, cadeaux, bombance, elles n'ont qu'à parler. ,L'argent ne coûte rien ; mais pour votre Marquise,Que faire ? LE MARQUIS. Une douceur la rendra plus soumise. CARLIN. Je le crois. LE MARQUIS. Ce vieillard qui vient de me quitter,Tout chat-huant qu'il est, m'a-t-il pu résister ?Où l'on me voit, tout cède. CARLIN. Il se résout à prendre,Sur votre bonne foi, Le Chevalier pour Gendre ? LE MARQUIS. Il m'a tout accordé. CARLIN. Que vous êtes heureux D'avoir pu vous défaire à la fin de ce gueux !Il l'eût fallu nourrir ; c'est toujours votre frère.Que diable auriez-vous fait. LE MARQUIS. Ce que je prétends faire,Ne pas le secourir du moindre verre d'eau. CARLIN. Olimpe y suppléera. LE MARQUIS. Tu l'entends. Quel cerveau ? J'aurais parlé pour lui ? CARLIN. Pour qui donc ? LE MARQUIS. Pour moi-même. CARLIN. Ah, le traître ! Quoi donc vous aimez ? LE MARQUIS. Moi, si j'aime ?Point du tout, mais mon frère ayant ce vilain mal,Pour le désespérer je me fais son Rival. CARLIN. Si vous lui souhaitez misère sur misère, Il veut le Conjungo, Monsieur, laissez le faire,N'est-ce pas, quand lui-même il vous en vient prier,L'accabler de tous maux, que de le marier ?Qu'on ait volé, brûlé, causé famine et peste,Mariez-moi les gens, ils sont punis de reste. Mais la pitié vous prend, et tant de charitéPour votre cher Cadet vous tient inquiété,Que résolu sur l'heure à vous mettre en ménage,Il vous plaît d'enrager de crainte qu'il n'enrage. LE MARQUIS. Pauvre ignorant ! Apprends un tour d'homme d'esprit. J'ai su contraindre Anselme à signer un dédit,Qui de dix mille écus tient la somme assignéeSur celui de nous deux qui rompra l'hyménée. CARLIN. Rien que cela ? Bon, bon, vous voilà garrotté. LE MARQUIS. Contre le Chevalier, c'est là ma sûreté. Par ces dix mille écus où son seing le condamne,Anselme pour sa Fille est bridé comme un âne. CARLIN. Vous connaît-elle ? LE MARQUIS. Non, l'entrevue à demain.J'y dirai de bons mots si je me mets en train ;Car je crois que je puis, sans peur d'engendrer noise, Pousser l'humeur gaillarde avec une bourgeoise. CARLIN. Mais vous l'épouserez ? LE MARQUIS. Oui, si le coeur m'en dit. CARLIN. Comment ? LE MARQUIS. Vivent, Carlin, vivent les gens d'esprit.Sans tenir jamais rien je promettrai sans cesse,Tant qu'enfin la jaunisse entraîne la Maîtresse, Et que le Chevalier qui n'aura pas le sou,S'aille de désespoir faire casser le cou.Les Turcs le devaient bien échiner en Candie. CARLIN. Ils ont tort, mais pour lui, que voulez-vous qu'on die ?C'est l'ordre, chacun vit le plus longtemps qu'il peut. LE MARQUIS. Tais-toi, l'on vient à nous. Jour et nuit on m'en veut,C'est quelque belle encor. CARLIN. Je vais la reconnaître. SCÈNE IV. Le Marquis, Virgine, Carlin. VIRGINE. Carlin. CARLIN. C'est toi, Virgine ! VIRGINE. Oui, qui cherche ton maître.Vous puis-je dire un mot, Monsieur ? LE MARQUIS. Quatre au lieu d'un.La honte vous fait donc choisir le moment brun, Et vous venez dans l'ombre, en fine tapinoise,Éprouver si mon coeur aisément s'apprivoise ? VIRGINE. Du moins je vous apporte un avis important.Ce soir à sa fenêtre Olimpe vous attend. LE MARQUIS. Quoi, la fille d'Anselme ? VIRGINE. Elle-même. LE MARQUIS. La chatte, L'honneur de m'épouser terriblement la flatte.Dès ce soir seul à seul vouloir m'entretenir ! VIRGINE. Vous voyez le balcon, y peut-elle venir ?La nuit se fait obscure. LE MARQUIS. Obscure, ou non, qu'importe ?Cours assembler mes gens pour me servir d'escorte, Carlin, dans un moment je te rejoins chez moi. CARLIN. On vous demande seul. LE MARQUIS. Quelque badaud, ma foi.Tiens-moi prête surtout cette cotte de mailleQui me sert quand de nuit le cas veut qu'on chamaille.Que sait-on quelquefois ce qui peut arriver ? Va vite. SCÈNE V. Le Marquis, Virgine. LE MARQUIS. Au rendez-vous je saurai me trouver. VIRGINE. Ne vous éloignez point, Monsieur ; à la fenêtreAvec moi tout à l'heure Olimpe va paraître. LE MARQUIS. Tu la peux avertir, je reviens sur mes pas.[Note : v. 560. "St" est remplace par "Eh" plus problable et significatif.]Eh. Elle me connaît ? VIRGINE. Qui ne vous connaît pas ? Un homme dont partout on parle avec éloge ? LE MARQUIS. Il est vrai qu'il faudrait être pis qu'Allobroge.Je fais bruit, si jamais aucun Marquis en fit. VIRGINE. Vous êtes beau, galant, gracieux, plein d'esprit. LE MARQUIS. Tu te connais en gens. Pour l'esprit, d'ordinaire J'en cache la moitié dont je ne sais que faire.Sans cela je mettrais tout le monde en défaut. VIRGINE. Olimpe est donc, Monsieur, tout comme il vous la faut.Vous pouvez pratiquer le haut style avec elle,Lui parler sérieux, d'un ton grave. LE MARQUIS. Es-tu belle, Car dans l'obscurité je ne saurais savoirComme ton nez est fait, s'il est blanc ou noir ? VIRGINE. Vous êtes curieux. LE MARQUIS. Tu me parais friponne,Et comme en certains temps volontiers on raisonne,Si je te connaissais digne de raisonner... VIRGINE. J'entends marcher, adieu. SCÈNE VI. Le Marquis, Le Chevalier. LE MARQUIS. Qui vient m'importuner ? LE CHEVALIER. Je vous ai par hasard aperçu dans la rue,Je m'en allais chez vous. LE MARQUIS. Vous avez bonne vue.Je ne vous voyais pas, moi. LE CHEVALIER. L'amour est pressant,Et me fait vous.... LE MARQUIS. Autant en un mot comme en cent. Vous venez demander l'effet de ma harangue.Jamais je ne me suis mieux servi de ma langue,Et j'ai si bien prêché, qu'à l'éclat de mon nomLe bonhomme ébloui n'a pu me dire, non. LE CHEVALIER. Il me donne sa fille ? LE MARQUIS. Elle sera Lorgnaque. LE CHEVALIER. Quelle gloire ! LE MARQUIS. Pour vaincre, il suffit que j'attaque. LE CHEVALIER. Que ne vous dois-je point ! LE MARQUIS. Mon Dieu, je le sais bien. LE CHEVALIER. Si mon sang... LE MARQUIS. Laissons là vos compliments de chien,Je n'en veux point. LE CHEVALIER. Il faut me taire, mais sans doute... LE MARQUIS. Éloignons-nous d'ici de peur qu'on nous écoute. LE CHEVALIER. Puisque mes feux d'Olimpe ont mérité la main,Je voudrais... LE MARQUIS. Et bien, quoi ? Jaser jusqu'à demain ?Venez ; pour satisfaire à votre impatience,Jusqu'au prochain détour je vous donne audience. LE CHEVALIER, bas. Ne vois-je pas quelqu'un qui s'avance au balcon ? Si c'est Olimpe ? LE MARQUIS. Enfin me suivez-vous, ou non ? SCÈNE VII. Lucrèce, Olimpe, Virgine. LUCRÈCE, dans le Balcon. Je n'entends plus personne. VIRGINE. Il ne tardera guère. OLIMPE. Cousine, va, de grâce, entretenir mon père,Et l'amuse si bien par ce que je te dis,Que je trouve le temps de parler au Marquis. LUCRÈCE. J'aurais à l'écouter une joie excessive,Mais pour tes intérêts il faut que je m'en prive.Tel qu'il puisse être, au moins j'en attends le portrait. OLIMPE. Repose-t-en sur moi, tu l'auras trait pour trait. SCÈNE VIII. Olimpe, Virgine. VIRGINE. N'en déplaise à quiconque a fait la médisance, Je maintiens le Marquis, un Marquis d'importance.Si de grand sérieux n'est pas dans ce qu'il dit,C'est qu'il a l'humeur gaie et qu'il se divertit ;Mais quand il veut il parle, et des mieux. OLIMPE. Je souhaiteQu'il n'est pas les défauts... VIRGINE. Charités qu'on lui prête. Croyez-moi, le mal est qu'à trop l'examiner,Vous êtes prévenue, et voudrez raffiner ? OLIMPE. Mais tu sais à quel point Oronte le méprise. VIRGINE. C'est qu'il enragerait si vous étiez Marquise,Et qu'il ne saurait voir sans en être jaloux, Qu'en l'épousant, Lucrèce ait moins de rang que vous. SCÈNE IX. Le Chevalier, Olimpe, Virgine. LE CHEVALIER, bas. J'ai quitté mon brutal pour chercher ce que j'aime. OLIMPE. N'entends-tu pas du bruit ? VIRGINE. J'écoute, c'est lui-même. OLIMPE. Son retour est bien prompt. VIRGINE. L'amour l'a fait voler. LE CHEVALIER. Mes voeux étant reçus je puis enfin parler. Est-ce vous, belle Olimpe ? OLIMPE. Oui, parlez bas, de grâce. LE CHEVALIER. Un Père de ma flamme autorise l'audace,Et fort de son aveu je pourrais m'applaudirSur le flatteur espoir qu'il lui plaît d'enhardir.J'en prends, je vous l'avoue, assez de confiance Pour ne balancer plus à rompre le silence ;Mais cet aveu, Madame, assure peu ma foiVoyant tout ce qui doit vous parler contre moi.Quoi qu'il semble à mes voeux donner pleine victoire,Vous demeurez toujours arbitre de ma gloire, Et l'espoir qu'il me souffre est pour moi sans douceurSi je n'ai mérité de toucher votre coeur.C'est lui qu'à cet espoir l'amour veut qui consente ;Je ne suis point heureux si vous n'êtes contente,Et le moindre soupir à votre âme échappé Me reproche un pouvoir lâchement usurpé.Aurais-je le malheur de vous en faire naître ? VIRGINE. Madame, ce début ? Hem ? Sais-je connaître ? OLIMPE. Voyons la suite, il peut l'avoir étudié.L'amour hait ce qu'il tient d'un secours mendié, Et tout autre peut-être eût tâché de me plaireAvant que d'employer l'autorité d'un Père.N'importe, c'est beaucoup pour flatter votre espoir,Sa parole est donnée, et je sais mon devoir. LE CHEVALIER. [Note : Le texte semble porter pourriez-vous, nous maintenons pas le trait d'union.]Si je m'en prévalais vous pourriez vous en plaindre ; Mais quoi qu'il m'ait promis, vous n'aviez rien à craindre.Pressé de mon amour je ne l'ai fait parlerQue pour être en pouvoir de vous plus immoler.Incertaine autrement s'il agréerait ma flamme,Vous tiendriez vos feux renfermés dans votre âme, Mais lors que mon respect vous soumet son aveu,Je vous donne plein droit d'ordonner de mon feu.Sur lui, sur son espoir vous êtes Souveraine ;Ainsi dites un mot, sa victoire est certaine.C'est de vous qu'il la veut, prêt à la refuser Si vos désirs contraints s'y peuvent opposer. OLIMPE. Ce n'est pas grand effort que de se rendre maîtreD'un amour qui ne fait que commencer à naître. LE CHEVALIER. Que commencer à naître ? Ah, ne le croyez pas.Je brûle dès longtemps pour vos divins appas. Le respect, il est vrai, jusqu'ici m'a fait taire,Mais je n'en ai pas eu moins d'ardeur de vous plaire,Et mes yeux ont trahi les ordres de mon coeurS'ils ne vous ont cent fois parlé de ma langueur.À vous chercher partout leur soin était extrême, Au Temple, dans la rue, à votre balcon même,Et les vôtres souvent par un regard renduOnt semblé m'avertir que j'étais entendu. OLIMPE. Une ardeur si discrète a mérité sans douteDe me trouver sensible aux soins qu'elle vous coûte ; Mais ma mémoire en vain vous cherche sur mes pas. LE CHEVALIER. Vous ne m'avez point vu ? OLIMPE. Je ne m'en souviens pas. LE CHEVALIER. Je m'en étais flatté, pour moi je vous ai vue,Mais cent fois, mais toujours de tant d'attraits pourvue,Que mes brûlants transports s'augmentant chaque jour, À peine tout mon coeur suffit à mon amour.Tout ce qui de mes sens fit d'abord la surprise,N'eut rien que ma raison aujourd'hui n'autorise.Sans cesse elle me dit qu'il faut vous adorer,Qu'à l'heur de vous servir rien n'est à préférer. Madame, je me perds pour avoir trop à dire. VIRGINE, bas à Olimpe. Pouvez-vous écouter ces fadaises sans rire ? OLIMPE. Tais-toi. VIRGINE. Ce n'est qu'un sot, il ne sait ce qu'il dit.Il vous plaît donc ? OLIMPE. Que trop. VIRGINE. Il n'avait point d'esprit. LE CHEVALIER. Vous consultez ensemble. Hélas ! Qu'en dois-je croire ? Parlez, résolvez-vous ou ma perte, ou ma gloire ? OLIMPE. Vous venez de me peindre un coeur bien enflammé,Et quiconque aime ainsi mérite d'être aimé.Mais si d'un autre amour j'étais préoccupée ? LE CHEVALIER. Ah, de quel désespoir j'aurais l'âme frappée ! J'en mourrais de douleur ; mais dans mes déplaisirsVous ne me verriez point contraindre vos désirs.Je vous l'ai dit ; malgré l'aveu d'un Père,Je renonce à l'espoir si je ne puis vous plaire.Un autre à votre bien pourrait être attaché, Mais ce n'est que de vous que j'ai le coeur touché,Et quand vous auriez eu le sort moins favorable,Vous seriez à mes yeux également aimable.Votre seule personne est tout ce que je vois. OLIMPE. Ces nobles sentiments obtiennent tout de moi, Et rien ne saurait plus m'obliger à vous taire,Que quand vous seriez que ce qu'est votre frère,Trahi de la fortune, avec la même ardeurJe voudrais vous donner et ma main et mon coeur.Ni le rang de Marquis, ni tous vos droits d'aînesse... LE CHEVALIER, bas. Elle croit que je suis le Marquis ? Ah Dieux ! OLIMPE. Qu'est-ce ?Nous vient-on écouter ? LE CHEVALIER. Non, Madame, achevez. Bas. Voilà les derniers coups qu'il m'avait réservésJe le vois trop, le lâche a parlé pour lui-même. OLIMPE. Non, votre Marquisat ne fait pas ce que j'aime, Et pour gagner mes voeux sur le choix d'un époux,Vos soins n'avaient besoin seulement que de vous. LE CHEVALIER. Donc à ce que j'apprends vous connaissez mon frère ? OLIMPE. Quoi, votre Chevalier ? Il prétend à me plaire,Et je crois qu'il est bon de vous en avertir, Bien moins par vanité, que pour vous divertir. LE CHEVALIER. Vous le voyez souvent ? OLIMPE. Plus que je ne souhaite.Il me cherche en tous lieux dans sa flamme secrète,Jour et nuit fait la ronde, et je m'étonne bienQu'il n'est déjà venu troubler notre entretien. LE CHEVALIER. Et ses empressements ne font que vous déplaire ? OLIMPE. Je le dois épargner puisqu'il est votre frère. LE CHEVALIER. Non, vous m'obligeriez de ne me point cacherD'où vient que tant de soins ne vous ont pu toucher.Le trouvez-vous mal fait ? OLIMPE. Sa personne est bien prise. Si j'en crois ses amis, dans le monde on le prise ;Mais puisqu'il vous en faut dire la vérité,Il me parait avoir grande stupidité ;Et comme enfin le coeur a ses secrets suffrages,Eût-il et votre bien et tous vos avantages, Si mon Père pour lui disposait de ma foi,Mon devoir me ferait une fort dure loi ;J'irais jusqu'à l'éclat plutôt que m'y résoudre.Vous ne me dites rien ? LE CHEVALIER, bas. Ah, Dieux ! Quel coup de foudre ! VIRGINE, à Olimpe. C'est qu'on fait quelque bruit, et qu'il écoute. SCÈNE X. Le Marquis, Olimpe, Le Chevalier, Virgine, Carlin. LE MARQUIS, à Carlin. Allons. Pour m'entendre jaser tiens-toi sur mes talons.[Note : Joliveté : Trait d'esprit. [L]]Mille jolivetés qui dans l'esprit me viennent...Mon cocher, mes laquais ? CARLIN. Ils sont là. LE MARQUIS. Qu'ils s'y tiennent. OLIMPE, au Chevalier. Quelqu'un s'avance, adieu, Marquis, séparons-nous. LE CHEVALIER, à Olimpe. C'est mon frère. OLIMPE. Je crains l'insulte d'un jaloux, Je vous l'avais bien dit, qu'il passait à toute heure. LE MARQUIS. Qui va là ? LE CHEVALIER. Moi. LE MARQUIS. Qui ? LE CHEVALIER. Moi ? LE MARQUIS. C'est mon frère, ou je meure,Carlin CARLIN. Qu'il se retire. LE MARQUIS. Et s'il fait le mutin ? OLIMPE. Ah, Dieux ! LE CHEVALIER. Ne craignez rien. LE MARQUIS, au Chevalier. Jusqu'à demain matin,Je veux être ici, seul ; qu'on déloge. LE CHEVALIER. Quoi, traître, Tu prétends avec moi parler toujours en Maître ? LE MARQUIS. Mes gens. LE CHEVALIER. Tu m'as fourbé. LE MARQUIS. Vite, mes Gens, à moi,Main basse. LE CHEVALIER. Quoi, main basse ? Avance, et songe à toi.Tu recules infâme. OLIMPE. Où me vois-je réduite ? VIRGINE. Monsieur le Chevalier prend galamment la fuite. OLIMPE. Quel brutal ? Contre un frère ? VIRGINE. Il se sauve en larron !Et cependant de jour il fait le fanfaron.À le voir, vous diriez que c'est la valeur même. OLIMPE. Le nombre m'épouvante, et ma peine est extrême. VIRGINE. Le Marquis est adroit. Comme il l'a relancé ! Ils sont déjà bien loin. OLIMPE. S'il faut qu'il soit blessé ? VIRGINE. Il se ménagera. OLIMPE. Retirons-nous, Virgine. VIRGINE. Vous vous inquiétez, n'en faites point la fine. OLIMPE. Je crains toujours pour lui. VIRGINE. Vous l'aimez donc ? OLIMPE. Hélas !Je ne craindrais pas tant si je ne l'aimais pas. ACTE III SCÈNE PREMIÈRE. Lucrèce, Oronte. LUCRÈCE. Vous vous éloignez donc ? ORONTE. La peine m'est cruelle,Mais il faut obéir, l'ordre du Roi m'appelle.Au moins ce qui me rend ce malheur adouci,J'espère, à mon retour trouver ma soeur ici,Et que tout sera prêt pour l'heureux hyménée Qui doit à votre sort unir ma destinée. LUCRÈCE. Je crains un long séjour si l'ordre est important. ORONTE. Je prends pour moins tarder, la poste au même instant,Et j'obtiens, dans trois jours, le bonheur que je presse,Pourvu qu'en arrivant je trouve la Comtesse. L'amitié qui nous joint la fera se hâter.Olimpe cependant pourra se consulter,Je crains tout de l'époux qu'Anselme lui destine. LUCRÈCE. J'ignore, en le voyant, ce que sera sa mine ;Mais l'ayant cette nuit longtemps entretenu, Elle veut que d'erreur chacun soit prévenu.Jamais, s'il l'en faut croire, on n'eût tant de mérite. ORONTE. Mais moi-même je viens de lui rendre visite.Votre Oncle m'a mené lui faire compliment,Et puisque je l'ai vu, j'en parle savamment. LUCRÈCE. Et que vous a-t-il dit ? ORONTE. Sottise sur sottise !Qu'un Abbé lui fait pièce avec une Marquise,Et que ma soeur jamais ne lui pardonnera,S'il néglige à la voir dès qu'elle arrivera. LUCRÈCE. Il connaît la Comtesse ? ORONTE. Il se le persuade. Où l'aurait-il pu voir ? Pure fanfaronnade !Le bonhomme lui-même en est scandalisé. LUCRÈCE. À cela près encor a-t-il l'esprit aisé ? ORONTE. Rien moins, et l'on croirait qu'il cherche à faire rire. SCÈNE II. Olimpe, Lucrèce, Oronte. OLIMPE, à Oronte. Est-ce une vérité que l'on vient de me dire ? Vous partez ? ORONTE. Oui, Madame, et par l'ordre du Roi. LUCRÈCE. Mais vous m'avez promis... ORONTE. Je sais ce que je dois.Mon coeur qui vous demeure assure ma promesse.Cependant, belle Olimpe, ayez soin de Lucrèce.Tous les moments qu'ici je donne à mon amour Ne font que différer d'autant plus mon retour.Ainsi puisqu'il le faut je m'arrache à moi-même. SCÈNE III. Olimpe, Lucrèce. OLIMPE. Le chagrin de l'absence est cruel quand on aime,Cousine, je te plains. LUCRÈCE. Il doit sitôt cesser,Que je n'aurai pas trop le loisir d'y penser. D'ailleurs, j'ai tant de part à prendre dans ta joie... OLIMPE. Tu m'aimes, et je sais ce qu'il faut que j'en croie.Mais que t'a dit Oronte ? Il a vu le Marquis. LUCRÈCE. Que sert de te parler, si ton dessein est pris ?Il te plaît, c'est assez. OLIMPE. Mais quoiqu'il m'ait su plaire, Si tu m'ouvrais les yeux... LUCRÈCE. Vois-tu ? Je suis sincère,Et le te dirais plus que tu ne dois savoir. OLIMPE. Quels défauts a-t-il vus ? LUCRÈCE. Tout ce qu'on en peut voir,Une vanité sotte, un esprit ridicule. OLIMPE. Ah, pour l'esprit, permets que je sois incrédule, Je m'y connais un peu ; pour quelque vanitéC'est un vice ordinaire aux gens de qualité,Et peut-être est-il bon, quoi que le monde en cause,De croire quelquefois que l'on vaut quelque chose.Si le Marquis se juge un peu d'orgueil permis, Avec moi, pour le moins, il n'est rien plus soumis.C'est un respect si grand, une ardeur si discrète,Que... LUCRÈCE. T'en voilà coiffée, il t'a dit la fleurette ;Mais ce qui me confond, c'est de voir qu'un momentAit produit dans ton âme un si grand changement. Je veux qu'il ne soit pas ce qu'on le prétend être,Ce n'est que d'hier au soir que tu le peux connaître,L'entretien dura peu, tu parlas sans le voir,Et déjà sur ton coeur l'amour a tout pouvoir ? OLIMPE. Voilà ce que sur moi fait l'esprit, c'est mon charme. Quoique fière, par lui ma fierté se désarme,Et pour être le prix d'un don si précieux,Mon coeur n'a pas besoin du conseil de mes yeux. LUCRÈCE. Sans ce raffinement, dis que ce qui t'a prise,C'est la douceur de voir que tu seras Marquise. Cousine, un si beau nom couvre bien des défauts. OLIMPE. Ah, tu me connais mal. LUCRÈCE. Je sais ce que tu vaux,Le faste jusqu'ici ne t'a point éblouie,Mais le Marquis peut bien... OLIMPE. Tu t'en es réjouie,Soit ; au moins crois tes yeux plutôt qu'un faux rapport. Je l'estime, il viendra, tu verras si j'ai tort.Ce n'est pas seulement son esprit que j'admire,Son courage l'égale, et l'on en peut trop dire.Si je te pouvais bien dépeindre de quel airIl repoussa son frère, et le fit reculer... SCÈNE IV. Olimpe, Lucrèce, Virgine. VIRGINE, à Olimpe. Madame, une visite où vous ne songiez guère. LUCRÈCE, à Virgine. Ce n'est pas le Marquis ? VIRGINE. Non, c'est son brave frère. OLIMPE. De quoi s'avise-t-il ? LUCRÈCE. Quoi que l'on t'en ait dit,Tu t'es préoccupée, il doit manquer d'esprit. OLIMPE. Sur un pareil défaut quand je lui ferais grâce, Ce qu'il fit hier au soir marque uns âme si basse,Qu'au moins si je m'en tais, il sera malaiséQu'il me trouve à l'estime un coeur bien disposé. VIRGINE. De peur que le Vieillard lui-même ne l'amène,Je vais vous écouter de la chambre prochaine. Prenez l'occasion de faire enfin ma paix. OLIMPE. J'emploierai le Marquis, va, je te le promets. SCÈNE V. Le Chevalier, Olimpe, Lucrèce. LE CHEVALIER. Madame, j'ai douté si ce serait vous plaireQue venir prendre part au bonheur de mon frère.Je suis né malheureux, et vois malgré mes soins Que souvent j'importune où je l'ai cru le moins.Mais l'honneur que sur moi fait rejaillir sa flamme,Avecque trop de force a pénétré mon âme,Pour ne m'avoir pas à la fin surmonterLe scrupuleux respect qui voulait m'arrêter. Si d'un pareil devoir l'empressement vous gêne,Au moins daignez songer qu'un beau zèle m'amène,Et qu'il ne me fallait qu'avoir le sort plus doux,Pour en rendre l'ardeur moins indigne de vous. OLIMPE. Je dois trop aux bontés du Marquis votre frère Pour ne pas estimer ce qu'il vous plaît de faire,Et vous m'avez fait tort quand vous avez doutéSi vous hasarderiez cette civilité.Non que je la mérite, et que je dusse attendreQue vous pussiez sitôt songer à me la rendre ; Mais j'ai quelque lumière, et sans rien exiger,Je sais ce que je dois à qui veut m'obliger. LE CHEVALIER. Ah, vous ne devez rien, et quoi qu'on puisse faire,On en est trop payé par l'honneur de vous plaire.Mais hélas ! Quels devoirs si pressants, si soumis Pourraient jamais laisser ce doux espoir permis ?Vous plaire est une gloire au-dessus de toute autre.Tout mérite s'efface à voir briller le vôtre,Et le bonheur d'un seul, par ses flatteurs appas,Cause bien des soupirs que vous n'entendez pas. LUCRÈCE, à Olimpe. Est-il stupide ? OLIMPE. Non, j'en suis assez contente ;Mais le Marquis, c'est bien autre chose, il enchante. Au Chevalier. J'étais peu préparée à recevoir de vousDes éloges conçus en des termes si doux ;Je les trouve un peu forts. LE CHEVALIER. S'ils n'ont rien qui vous touche, C'est qu'ils perdent leur grâce en passant par ma bouche ;Mais l'absence, où je suis tout prêt à recourir,Vous laissera de moi peu de chose à souffrir. LUCRÈCE. Vous nous abandonnez ? LE CHEVALIER. Paris m'est trop contraire.Le Ciel depuis longtemps m'y voit d'un oeil sévère, Et peut-être qu'ailleurs j'aurai le sort plus doux. OLIMPE. Quel malheur assez grand vous éloigne de nous ? LE CHEVALIER. Celui de trop aimer, et de ne savoir plaire. OLIMPE. La Dame est bien cruelle. LE CHEVALIER. Ah Dieux, qu'elle m'est chère !Quoique ses durs mépris me causent mille maux, Je n'ai point à m'en plaindre, elle sait mes défauts ;J'en dois subir la peine, en aimer la justice. LUCRÈCE. Il n'est point de rigueur que le temps ne fléchisse.Voyez, parlez, pressez, pourquoi vous rebuter ? LE CHEVALIER. Que je presse ! Non, non, rien n'est plus à tenter. L'amour plus de cent fois m'a fait chercher sa vue,Je n'en ai parlé qu'une, et cette fois me tue.Dans cette seule fois elle m'a fait savoirTout ce qui porte une âme au plus vif désespoir.Dans cette seule fois elle m'a fait entendre... OLIMPE. Cette façon d'agir ne me peut trop surprendre.Le coeur doit être libre à se laisser charmer,Mais on peut sans mépris se défendre d'aimer. LUCRÈCE. Que je lui veux de mal ? LE CHEVALIER. Ah, non, quoi qui m'arrive,Qu'elle ait tout le bonheur dont sa rigueur me prive. Par là mon désespoir peut être soulagé,Et tout ce que je crains c'est d'en être vengé. OLIMPE. Tant de respect gardé fait voir... LE CHEVALIER. Adieu, Madame.À trop d'emportement j'abandonne ma flamme,Et sans doute j'ai tort de mêler mes chagrins Aux sensibles douceurs de vos heureux destins. SCÈNE VI. Lucrèce, Olimpe. LUCRÈCE. Dis tant que tu voudras que ton Marquis l'efface,Sa plaine m'a touchée. OLIMPE. Il l'a fait avec grâce,Et sans ce qu'il fit hier qui témoigne un coeur bas,Son esprit, tel qu'il est, ne me déplairait pas. LUCRÈCE. Il a voulu toujours épargner ce qu'il aime,Et d'abord je croyais qu'il parlât de toi-même.Son oeil était vers toi si tendrement tourné... OLIMPE. Sur quelques soins rendus je l'aurais soupçonné,Mais pour lui quel mépris ai-je laissé paraître ? LUCRÈCE. Cette nuit au Marquis tu les as fait connaître. OLIMPE. Le Marquis est discret. LUCRÈCE. Ne te répons de rien. OLIMPE. Mais avec lui jamais ai-je eu quelque entretien ?Il dit qu'il a parlé. LUCRÈCE. Ce n'est pas toi qu'il aime,D'accord ; on le maltraite, et tu ferais de même. Qu'importe quel objet sa passion ait eu ? OLIMPE. Voici quelque message. SCÈNE VII. Olimpe, Lucrèce, Carlin. LUCRÈCE. Approche. OLIMPE. Que veux-tu ? CARLIN. C'est Monsieur le Marquis, Madame, qui m'envoie... LUCRÈCE. Le Marquis ? CARLIN. Il est là. LUCRÈCE, à Olimpe. Tes yeux brillent de joie. OLIMPE. Qu'il entre. CARLIN, bas. Elles verront un rare original. OLIMPE. Enfin tu vas juger si je m'y connais mal. LUCRÈCE. Je me tais. OLIMPE. Le voici. LUCRÈCE. Quel excès de parure !J'admire son épaisse et vaste chevelure. OLIMPE. Que dis-tu de son air ? L'a-t-il galant et doux ? SCÈNE VIII. Le Marquis, Olimpe, Lucrèce, Carlin. LE MARQUIS, à Carlin. C'est celle-ci ? À Olimpe. Bonjour. Comment vous portez-vous ? OLIMPE. Comme ayant eu longtemps toute l'inquiétude.Où d'un malheur qu'on craint plonge l'incertitude.Ce combat imprévu... LE MARQUIS. Vous parliez d'hier au soir ?Ce n'est rien. En courant j'eus belle peur de choir,J'en tenais tout du long faisant la culebute. OLIMPE. De nuit les plus vaillants sont sujets à la chute. LE MARQUIS. Comment aurais-je fait pour n'être point vaillant ?Ce n'est que feu partout, j'ai le sang pétillant.Ta, ta, ta, quand je vois que l'ennemi recule,Et haye après. OLIMPE, bas. D'où vient qu'il fait le ridicule ? Me veut-il éprouver ? LE MARQUIS. Je crois qu'en cet instantVous avez à me voir le coeur bien palpitant.Que je tâte. OLIMPE. Ah, grands Dieux ! LE MARQUIS, montrant Lucrèce. C'est là votre cousine ? OLIMPE. Pourquoi le demander ? LE MARQUIS. On le voit à sa mine.Elle a le front ouvert, la bouche à l'avenant, Et visage jamais ne fut plus cousinant. LUCRÈCE. C'est là ce grand esprit ? OLIMPE. Ne me dis rien. J'enrage.Se peut-il faire... LE MARQUIS. Encor un mot de cousinage.Tout à l'heure en entrant j'ai trouvé deux BlondinsQui pour me haranguer se sont dits vos cousins. Je leur ai de mes Gens chez eux offert l'escorte,Baissé le tête ensuite, et fait fermer la porte. LUCRÈCE. Ils méritaient de vous plus de civilité. LE MARQUIS. Je hais ces compliments à droit de parenté.Cent devoirs dans l'abord de peur qu'on se mutine, Grand accueil au cousin, et tout pour la Cousine. LUCRÈCE. Quoi, vous serez jaloux ? LE MARQUIS. Oui, si je deviens fou.Jaloux ! Je ne vois pas ni comment ni par où.Diable, après qu'on m'a vu regarde-t-on personne ?Cet oeil perçant ? Ce tour de visage ? Ah, friponne ! Je vous vois me lancer un regard tendre et doux,Qui fait... À Olimpe. Votre Cousine est plus belle que vous. LUCRÈCE. Vous nous déconcertez. Cela se doit-il dire ? LE MARQUIS. Doive ou non, je m'en ris. LUCRÈCE. Mais pourquoi vous en rire ?Puisque enfin vous l'aimez... OLIMPE. C'est là la question. L'amour me cause encor peu d'indigestion,Et j'ai le coeur... LE MARQUIS. Nier une flamme avouée ! OLIMPE. Il faut m'en éclaircir, sans doute on m'a jouée.Êtes-vous le Marquis ? LE MARQUIS. La buse ! OLIMPE. Répondez. LE MARQUIS. Vous-même savez-vous ce que vous demandez ? OLIMPE. Cousine, on me fait pièce. LUCRÈCE. Elle serait bien forte. LE MARQUIS. Si je suis le Marquis ? Oui, le diable m'emporte,Je le suis. OLIMPE. Quoi, celui qu'en qualité d'Époux... LE MARQUIS. Celui qui cette nuit avait le rendez-vous.Quel rendez-vous ! Jamais je n'eus frayeur semblable Mon cadet dégainant a fait d'abord le diable,Et si je n'eusse promptement détalé,J'en avais tout au moins pour un bras avalé. LUCRÈCE, à Olimpe. C'est là comme tu dis qu'il a poussé son frère ? OLIMPE. À la fin je commence à percer le mystère. Vous n'avez pu me voir ? LE MARQUIS. Il m'avait prévenu.Mais dites, l'avez-vous longtemps entretenu ?Il vous en a bien dit, car enfin il enrageD'avoir été dupé sur votre mariage.Ayant auprès d'Anselme imploré mon appui, Il croyait fortement que j'eusse agi pou lui ;Même pour me pouvoir divertir de sa flamme,Je l'avais assuré qu'il vous aurait pour Femme,Qu'on approuvait ses feux. Vous l'aurez détrompé ? OLIMPE. De quel étonnement mon esprit est frappé ! LUCRÈCE, à Olimpe. Oronte avait-il tort ? Ton Marquis ? OLIMPE à Lucrèce. Je le quitte.Celui dont je t'ai tant élevé le mérite,Que j'ai cru le Marquis, c'était le Chevalier. LE MARQUIS. Vous donnez toutes deux dans le particulier,Parlez haut ; si l'amour à l'envi vous talonne, Vous m'avez vu, le mal n'a plus rien qui m'étonne.Quand avec le grand mot, recevrez-vous ma foi,Rêveuse ? OLIMPE. Rien ne presse. LE MARQUIS. Et je veux presser, moi. LUCRÈCE. Un Amant prend toujours l'ordre d'une maîtresse. LE MARQUIS. Bon pour les non-Marquis. OLIMPE. Ah, ma chère Lucrèce, Quel malheur est le mien ? LE MARQUIS. Lucrèce est un beau nomEst-ce par chasteté que vous l'avez pris ? Non.Vous avez l'oeil tourné... LUCRÈCE. Que me voulez-vous dire ? LE MARQUIS. Qu'une Lucrèce en vous... Regardez-moi sans rire.Si, comme il est encor des Tarquins, par hasard Vous en trouviez quelqu'un, joueriez-vous du poignard ? LUCRÈCE. Je ne vous entends point. LE MARQUIS. Vous avez lu l'Histoire,Coquine, vous riez. OLIMPE. Qui l'eût jamais pu croire ? LE MARQUIS, à Olimpe. Mais vous ne riez point, vous ? OLIMPE. Moi rire ? De quoi ? LE MARQUIS. De la voir rire. Elle est grassette. OLIMPE. Laissez-moi. LE MARQUIS. Je veux. OLIMPE. Ne veuillez rien. LE MARQUIS. Ah, petite dodue,Pour un peu d'embonpoint vous faites l'entendue !S'il ne faut que cela que faire voir du gras,Je m'en vais vous montrer... LUCRÈCE. Ah, ne nous montrez pas.Mon Dieu, le vilain homme ! OLIMPE. Où peut-être mon père ? Il le faut appeler. LE MARQUIS. Nous n'en avons que faire.Ces bouquins du vieux temps ne sont propres à rien. LUCRÈCE. Vous le traitez si mal... LE MARQUIS. Je le traite assez bien.Si le nom de bouquin est un nom qui le choque,D'où vient qu'il vieillissait ? C'est pour lui, je m'en moque. LUCRÈCE. Mais quand vous vieillirez... LE MARQUIS. Pourquoi vieillir ? Les ansNe sont faits proprement que pour les sottes gens.Qu'on ait l'air tel que moi, galant, fin, le visageSoutenu d'un brillant... C'est toujours le bel âge.Voyez-moi bien, je suis des propres s'il en est. Mon habit vous plaît-il ? OLIMPE. Rien de vous ne me plaît. LE MARQUIS. Rien de vous ne me plaît ? La laide, la mauvaise ! LUCRÈCE. L'injurier ! LE MARQUIS. Je veux que mon habit lui plaise.Il est bien entendu, chamarré haut et bas,Fort riche en points, pourquoi ne lui plairait-il pas ? OLIMPE. Qu'il me donne la main ! LE MARQUIS. Vous ôtant à mon frère,J'étais fort résolu de n'en vouloir rien faire,Mais puisque vous savez si peu me ménager,Je vous épouserai pour vous faire enrager. LUCRÈCE. M'épouser ? LE MARQUIS. Dès demain. LUCRÈCE. Oui, si... LE MARQUIS. Point de réplique. LUCRÈCE. Est-elle... LE MARQUIS. Contre vous gardez que je me pique.Je vous épouserais toutes deux. LUCRÈCE. Bon cela. LE MARQUIS, à Olimpe. Oh, oh, ma Reine, donc, vous en voulez par là.J'en vais danser de joie. SCÈNE IX. Le Marquis, Anselme, Olimpe, Lucrèce, Clarice. LE MARQUIS. Ah, vous voilà, Beau-pèreJe crois qu'en votre temps vous étiez un bon frère. [Note : Râblu : synonyme de râblé. [L]]Peste, l'heureux Grison ! Qu'il est râblu ! ANSELME. Mais vieux,Et c'est... LE MARQUIS. Courez-vous point quelquefois les bons lieux ?Vous en avez la mine, et tout vieux que vous êtes... ANSELME. Pareilles questions n'ont jamais été faites. OLIMPE. Voilà les beaux discours, et les termes choisis Dont nous régale ici Monsieur votre Marquis. ANSELME. C'est qu'il est gai, ma Fille. LE MARQUIS. Et gai seul plus que trente.Je ne vois point ici paraître de suivante. ANSELME. Ma fille en avait une, il l'a fallu chasser.Certains tours trop rusés... LE MARQUIS. Je veux la remplacer, Vous en choisir moi-même une drôle, follette.C'est contre le chagrin une douce recette,Et comme votre Fille a l'air trop sérieux,Ayant où m'égayer, je m'en porterai mieux. ANSELME. Ma Fille aura toujours si grand soin de vous plaire... LE MARQUIS. Est-ce depuis longtemps que vous êtes son Père ? ANSELME. Que répondre à cela ? Je l'ai toujours été. LE MARQUIS. Toujours ? Quoi, même avant votre nativité ?Le stupide ! ANSELME. J'entends depuis qu'elle est au monde. LE MARQUIS. C'est aussi là-dessus que je veux qu'on réponde. Quel âge a-t-elle ? ANSELME. Elle a... OLIMPE. Quarante ans, à peu près. ANSELME. Elle raille. LE MARQUIS. Pourtant son teint n'est pas trop frais.Le lait de sa nourrice était-il bon ? LUCRÈCE. Courage. LE MARQUIS. Par là l'humeur des gens... ANSELME. N'en ayez point d'ombrage. LE MARQUIS. Et sa Mère, soit dit sans vous désobliger, Vous faisait-elle point quelquefois enrager ?Un Enfant tient de tout. Elle n'est pas la seule... OLIMPE à Anselme. De la mère il ira jusqu'à la bisaïeule,Et si vous l'écoutez, vous courez grand hasard... LE MARQUIS, à Olimpe. De quoi vous mêlez-vous ? OLIMPE. Je dois y prendre part, Et ne pas endurer... LE MARQUIS. Vous devriez vous taire.Voyez, elle fera la leçon à son père.Eh, qu'on me la... Suffit, j'y veut mettre la main.Concluons pour la noce. ANSELME. Il est juste. LE MARQUIS. À demain. ANSELME. La Comtesse d'Orgueil qu'on attend à toute heure Réglera... LE MARQUIS. J'ai réglé ; l'un rit quand l'autre pleureSi votre Fille est sotte, à son dam. OLIMPE, à Anselme. Jusqu'iciL'heur de vous plaire a fait mon unique souci ;Mais si vous m'ordonniez d'accepter... ANSELME. J'ai de l'âge,Taisez-vous. LE MARQUIS. Bon. Voilà parler en homme sage. OLIMPE. Plutôt que me résoudre... LE MARQUIS, à Anselme. À croire son dépitJ'aurais dix mille écus portés par le dédit ;Mais comme il ne faut pas que d'un honnête Père...De quoi diable vous être avisé de la faire ? ANSELME. C'est un fruit de l'hymen. LE MARQUIS. Je vous en déferai, Elle a la tête creuse, et j'y remédierai.Ah tu m'épouseras guenonne. OLIMPE à Anselme. Si ma vieVous est... ANSELME. Encore un coup, taisez-vous. LE MARQUIS, à Olimpe. Je vous prie,Finirez-vous bientôt vos lamentables tons ? LUCRÈCE. Mais mon Oncle, souffrez... LE MARQUIS. Voici l'autre. Sortons, Beau-père, mon carrosse est là-bas, et je penseQu'on peut, tout en roulant, se donner audience. ANSELME. Il vaut mieux qu'ici seul... LE MARQUIS. Vous viendrez avec moi. ANSELME. J'aurais soin de calmer... LE MARQUIS. Vous y viendrez, ma foi ;Je ne m'étonne pas si la Fille est têtue. Marchez. ANSELME. Ah ! LE MARQUIS, le poussant. Marchez donc, là ; Quel pas de tortue ! ANSELME. Sortirai-je avant vous ? LE MARQUIS. Oui ; le maudit vieillard ![Note : Gard au lieu de garde : licence poétique pour faire rimer avec vieillard. ]Qu'il aime à contester ! Les Belles, Dieu vous gard. SCÈNE X. Olimpe, Lucrèce, Virgine. OLIMPE. A-t-on jamais parlé de pareille folie ? LUCRÈCE. C'est encor pis cent fois que ce qu'on en publie. OLIMPE. Pour se l'imaginer je le donne au plus fin. VIRGINE, se montrant. Le bonhomme est sorti, je puis paraître enfin. LUCRÈCE. Ah, Virgine ! VIRGINE. Ma foi, j'en suis toute interdite. LUCRÈCE. Mais tu nous le vantais ; où donc est ce mérite ?Comment avais-tu pu lui trouver de l'esprit ? VIRGINE. Les fous semblent-ils fous quand on leur applaudit ?J'avais bien hier connu, m'acquittant du message,Que son humeur était portée au badinage,Mais devais-je le croire aussi blessé qu'il est ? LUCRÈCE. Cousine, cependant le Chevalier te plaît ? OLIMPE. Je l'avoue. LUCRÈCE. Et c'est toi dont le mépris trop rudeDonne tant de matière à son inquiétude ? OLIMPE. J'eusse peine à lui croire un esprit aussi doux. VIRGINE. Carlin m'avait appris qu'il soupirait pour vous ;Mais outre qu'il avait ordre de n'en rien dire, Sachant son peu de bien je n'en faisais que rire. OLIMPE. L'esprit répare tout, il m'aime, c'est assez. LUCRÈCE, à Olimpe. Attendant que ses voeux puissent être exaucés,Tu peux lui faire dire en secret qu'il espère.Mais les dix mille écus arrêteront ton Père, Il faudra qu'il les paye en trompant le Marquis. OLIMPE. Ah, pour m'en dégager vingt mille au lieu de dix.Moi l'épouser ? LUCRÈCE. Encor si nous avions Oronte,Qu'il pût... VIRGINE. Il n'est donc plus à Paris à ce compte ? LUCRÈCE. Non, il vient de partir. VIRGINE. Attendant son retour, Il me tombe en l'esprit un assez plaisant tour.Je cours chercher Carlin. OLIMPE. Fais agir ton adresse. VIRGINE. Ma frayeur est de voir arriver la Comtesse,Elle gâterait tout. LUCRÈCE. Qu'est-ce que tu prétends ? VIRGINE. Allons, vous le saurez quand il en sera temps. ACTE IV SCÈNE PREMIÈRE. Lucrèce, Le Chevalier, Lise. LUCRÈCE. Êtes-vous satisfait ? LE CHEVALIER. Quelle aimable surprise !Quoi, Madame, à l'espoir Olimpe m'autorise ?Mes voeux sont préférés à ceux de mon rival ? LUCRÈCE. L'erreur du rendez-vous a causé tout le mal,Et la fourbe éclaircie, il ne faut plus vous taire Qu'autre que vous jamais n'aura droit de lui plaire.Le respect que pour elle a gardé votre amourMéritait la douceur d'un si charmant retour.Tandis qu'à d'autres soins ce changement l'appelle,J'ai voulu vous donner cette heureuse nouvelle, Et vous mander ici pour prendre votre avisSur le tour qu'on s'apprête à jouer au Marquis.Lise de ce logis rend Virgine Maîtresse. LISE. Vous savez que j'attends Madame la Comtesse,Il faut de l'arrivée essuyer le hasard. LUCRÈCE. Mais quand elle viendrait ce ne serait que tard. LISE. En tout cas on n'a point à craindre de surpriseLa porte de derrière ici nous favorise ;Vous n'auriez qu'à sortir. LUCRÈCE. J'avais à t'assurerQue d'Olimpe et de moi tu peux tout espérer, Et que son premier soin sera de reconnaîtreLe zèle délicieux que tu lui fais paraître.Voilà de qui surtout m'a fait venir ici. LISE. Je voudrais que déjà la chose eût réussi.Le bon est que dès hier, par un pur badinage, Carlin à son Marquis me fit faire message.Ainsi tout ira bien. LE CHEVALIER. Mais par où me flatterQu'Anselme à son défaut daignera m'écouter ?Les grands biens de mon frère auront touché son âme. LUCRÈCE. Ce n'est pas ce qui doit alarmer votre flamme. N'ayez point là-dessus l'esprit inquiété,Tout Gendre lui plaira s'il est de qualité,Et l'estime d'ailleurs qu'il a pour vous conçue,De nos préventions facilite l'issue.L'obstacle le plus fort vient des dix mille écus. Il est grand, mais enfin nous ne le craindrons plus,Si Virgine pour vous poussant le stratagème,Peut forcer le Marquis à rompre de lui-même.C'est de quoi divertir Oronte à son retour. LE CHEVALIER. Vous aurez cette joie avant la fin du jour. LUCRÈCE. Il ne part point ? LE CHEVALIER. Chez vous vous le verrez se rendre.Les ordres sont changés, on vient de me l'apprendre. LISE. N'importe, il sera bon que la pièce ait effetAvant qu'il sache rien de ce qu'on aura fait.Je craindrais son scrupule et sa délicatesse, À voir qu'on se servît du nom de la Comtesse.Aussi jusqu'au succès cachez-lui ce dessein. LE CHEVALIER. Mais pour jouer ce rôle... LUCRÈCE. Il est en bonne main,Virgine a de l'esprit, croyez-moi. Que fait-elle ?Virgine. SCÈNE II. Lucrèce, Le Chevalier, Virgine. VIRGINE. L'on y va. Voyez si je suis belle. Ai-je perdu mon temps ? LUCRÈCE. Tu m'éblouis les yeux.Quel éclat ! VIRGINE. Je ferai la Comtesse des mieux. LISE. Je crains ta folle humeur, garde-toi bien de rire.Tu sais... VIRGINE. J'ai vu le loup, Madame, c'est tout dire.De l'air dont je soutiens certains tendres souris, Je brouillerais le timbre aux plus sages Marquis.Jugez de celui-ci, sa conquête m'est due. LISE. Mais s'il te reconnaît. J'oubliais qu'il t'a vue. VIRGINE. Il est vrai qu'avec lui j'eus hier quelque entretien ;Mais se voit-on de nuit ? N'en appréhendez rien. Qu'au besoin seulement ma Suivante m'observe. LISE. Dame. VIRGINE. Je payerai bien ; mais j'entends qu'on me serve. LISE. Va, je sais les respects dûs à ta qualité. VIRGINE. Souviens-toi du message entre nous concerté. LISE, à Virgine. Autre embarras, qui peut mettre à bout ton adresse. Depuis hier qu'au Marquis je nommai la Comtesse,Sur ce qu'il croit pour lui qu'elle brûle en secret,S'il s'en était fait faire à peu près le portrait ?Adieu ton étalage en prétendu mérite.Elle est grande, fort blonde, et toi, brune et petite. Quoiqu'elle ait l'air galant, tu l'as plus dégagé. VIRGINE. C'est à quoi je réponds qu'il n'aura pas songé.Voici Carlin. SCÈNE III. Lucrèce, Le Chevalier, Virgine, Lise, Carlin. LE CHEVALIER, à Carlin. Et bien ? CARLIN, au Chevalier. Monsieur, quittez la place.Le Marquis, d'un ruban corrige la grimace.Il est sur l'escalier où ce soin le retient. LUCRÈCE, au Chevalier. Allons trouver Olimpe. Adieu, prends garde... CARLIN. Il vient.Dépêchez. VIRGINE. Là-dedans j'attendrai le message.À sortir gravement mon nouveau rang m'engage. Virgine rentre. CARLIN. C'est l'entendre. LISE, à Carlin. Il croit donc que par excès d'amourPour lui seul la Comtesse est ici de retour ? CARLIN. S'il le croit ? A-t-on vu jamais de ridiculeQui n'eût entre autres dons celui d'être crédule ?Pour le voir, il croira, si tu veux, qu'à grands fraisLa Reine de Congo vient ici tout exprès.Vois dans ses noeuds touffus quel amas de mérite. SCÈNE IV. Le Marquis, Lise, Carlin. LE MARQUIS, à Lise. Qu'en dis-tu ? Suis-je exact ? J'ai promis, je m'acquitte.La Comtesse ? LISE. Je vais l'avertir de ce pas.Qu'elle en aura de joie ? LE MARQUIS. Ah, je n'en doute pas.J'ai quitté sans mot dire un trio de MarquisesPour venir... Mais encore à diverses reprises, Car j'ai, de rue en rue, été forcé de voirVingt carrosses à qui j'ai donné le bon soir.Pour m'avoir, à l'envi chacun faisait instance. LISE. Vous en serez payé largement. LE MARQUIS. Je le pense. SCÈNE V. Le Marquis, Carlin. LE MARQUIS. Cette maison est belle. CARLIN. Et le meuble ? LE MARQUIS. Encor plus. CARLIN. La Comtesse a pris soin d'amasser des écus,Il la faut mitonner. LE MARQUIS. Grâce à ma destinée,Je la tiens déjà prise, et toute mitonnée.Elle m'a vue, suffit ? CARLIN. Faites bien le transi.Les Veuves d'ordinaire aiment le radouci. C'est par là qu'on les prend. LE MARQUIS. Pour peu qu'elle m'entende,À moins que d'être bête, il faut qu'elle se rende. CARLIN. Bête ? Et quoi son esprit fait la nique aux plus prompts.Il est toujours en l'air, et ne va pas que par bonds.Vous en serez charmé. LE MARQUIS. S'il a ces avantages, Nous pourrons elle et moi faire de grands voyages.Je vais haut quand je veux. CARLIN. La voici. LE MARQUIS. L'air m'en plaît. SCÈNE VI. Le Marquis, Virgine, Lise, Carlin. VIRGINE. Rentrez, Page. LE MARQUIS, à Carlin. Du reste il faut voir ce que c'est. VIRGINE. Qu'aujourd'hui mon étoile est heureuse ! LE MARQUIS. Madame,Je m'étais fait de vous un portrait... Sur mon âme, C'était si bien votre air qu'à la parole prèsMon imaginative avait pris tous vos traits.Un agrément de taille, et certain caractère...Dieu me damne, je crois que vous me pourrez plaire.Il entre en votre corps petit, et bien troussé, Je ne sais quoi de grand dont je me sens blessé,Et vos yeux ont surtout la physionomie... VIRGINE. Leur clarté doit pourtant être bien endormie.Les veilles, la fatigue... LE MARQUIS. Ah, je suis enchanté.Que des yeux, la fatigue endorme la clarté. Voilà ce qui s'appelle un tour beau, grand, facile. VIRGINE. L'enflure de l'esprit paraît dans le haut style. LE MARQUIS, à Carlin. L'enflure ! VIRGINE. Qu'avec vous je ferais de profit ? LE MARQUIS. Ah ! VIRGINE. Vous ne dites rien qui ne soit si bien dit... LE MARQUIS. Qu'on me donne deux mois, et je vais vous apprendre Ce qu'un autre en dix ans ne ferait pas comprendre.Mais quand vous le sauriez autant de bien perdu,On parle à des Lourdauds, il faut être entendu.Dites un mot nerveux, vous trouverez des ânes... VIRGINE. Il est, je l'avouerai, peu d'esprits diaphanes, De ces esprits à jour, bien ouverts. LE MARQUIS. C'est pitié !Aussi pour la plus part j'en rabats de moitié.J'y trouve une épaisseur... VIRGINE. Que vous êtes à plaindre ! LE MARQUIS. Si je le suis ? Bien plus qu'on ne croit. Sans rien feindre,De cent belles à qui je parais en conter, Je ne sache que vous digne de m'écouter.Au lieu qu'en m'admirant les gens d'esprit s'écrient,Je ne trouve partout que des sottes qui rient,Point de raisonnement. VIRGINE. Pourquoi les voyez-vous ? LE MARQUIS. Qui donc voir ? Il faut bien hurler avec les loups. On me cherche, on me court ; je suis bon, comment faire ? VIRGINE. Vous souffrez bien, je pense, à force de trop plaire. LE MARQUIS. Si je voulais tenir papier de tous les coeurs... VIRGINE. Qu'on vous fait chaque jour paraître de langueurs ?Que d'amoureux transports qui s'échappent ! LE MARQUIS. Je meure, Je suis sourd des soupirs que j'entends à toute heure. VIRGINE. Il en est qui pour vous auraient pu s'enhardir,Mais puisque l'on connaît que c'est vous assourdir... LE MARQUIS. M'assourdir ? Non pas vous. VIRGINE. Ah ! LE MARQUIS. Ma belle comtesse,Soupirez à votre aise, et que rien ne vous presse. Diable, vous n'êtes pas à mettre tous les jours.Carlin, son mal en moi prend déjà même cours.Mon coeur palpite. CARLIN. Ailleurs où trouver qui la vaille ? VIRGINE. À dissiper mon trouble en vain mon coeur travaille.[Note : Impourvu : Terme vieilli. Non prévu. [L]]L'assaut que sa langueur me livre à l'impourvu... Ah, Monsieur le Marquis, pourquoi vous ai-je vu ? LE MARQUIS. Ne vous en repentez point, Comtesse de mon âme.Si vous êtes en feu, je me sens tout en flamme,Et pour prix des soupirs que j'ai su vous tirer,Écoutez, je commence à contre-soupirer. Ah ! VIRGINE. Monsieur le Marquis, voulez-vous que je meure ? LE MARQUIS. Non, pourquoi tant souffrir ? Guérissez-vous sur l'heure,Et sans mettre avec moi cent soupirs bout à bout,Rognez, taillez, coupez, me voilà prêt à tout. VIRGINE. La Comtesse d'Orgueil serait assez heureuse, Pour mériter le choix... LE MARQUIS. Oui, ma belle orgueilleuse,Mon coeur de tous les coeurs l'inévitable écueil,Ne veut s'enorgueillir qu'auprès de votre orgueil. VIRGINE. Je pourrais vous avoir tout à moi, sans partage ? LE MARQUIS. Tout. VIRGINE. Il ne faut donc point différer davantage. L'ordre est donné chez moi de cacher mon retour ;Pour témoin de notre heur ne prenons que l'amour,L'hymen peut dès demain nous unir l'un à l'autre.Ordonnez du Contrat, tout mon bien est le vôtre. LE MARQUIS, bas à Carlin. Carlin, si je conclus, après le mot lâché, Tu diras que de moi je fais trop bon marché. CARLIN. Sans les meubles elle a dix mille écus de rente.Vous pourriez trouver mieux. LE MARQUIS. J'en trouverais cinquante.Mais l'esprit ! CARLIN. C'est à vous, Monsieur, à vous sonder. LE MARQUIS. Les autres avec moi semblent goguenarder. Celle-ci parle juste, est accorte, et sait vivre. À Virgine. Se promettre n'est rien à moins qu'on ne se livre.Je m'y résous, demain, tout comme il vous plaira. VIRGINE. Mon cher Marquis. LE MARQUIS, à Carlin. De joie elle se pâmera. VIRGINE. Qu'au brillant de mon Astre on va porter envie ? LE MARQUIS. J'en sais qui crèveront. VIRGINE. Que j'en serai ravie ! LE MARQUIS. Garde aussi le poison, si l'on sait que mon choix... VIRGINE, à Lise qui rentre sur le théâtre après en être sortie un moment. Qu'est-ce ? LISE. Monsieur le Duc pour la dixième fois. VIRGINE. Qu'il vienne trente encor, je n'y suis pour personne. LISE. On a suivi votre ordre. LE MARQUIS. Il vous trouve mignonne, Ce Duc ? VIRGINE. Malgré l'ardeur de son empressement... LE MARQUIS. Vous en voudrait-il point concubinalement ? VIRGINE. Concubinalement ! LE MARQUIS. Sans courroux, ma Comtesse.[Note : Larronnesse : Féminin de Larron ; celui, celle qui commet un larcin, qui dérobe furtivement. [L]]Vous savez que Nature est un peu larronnesse,Que partout elle pille, et qu'on voit de nos ans Plus d'amours concubins qu'il n'en est d'épousants. VIRGINE. Le Duc est un grand ami de mon frère. LE MARQUIS. D'Oronte ? VIRGINE. Quoi, vous le connaissez ? LE MARQUIS. Ah ! VIRGINE. Que j'en ai honte ? LE MARQUIS. À certaine Lucrèce... VIRGINE. Admirez le beau choix.Un homme comme lui donner dans le bourgeois ? Si j'eusse pu de vous me priver davantage,Il eût eu beau presser la fin de mon voyage,Son hymen pour six mois m'eût fait fuir de Paris.Cette Lucrèce est riche, et c'est ce qui l'a pris.Est-elle belle ? LE MARQUIS. Non, c'est un nez... une bouche... Des yeux... un teint... Enfin elle n'a rien qui touche,Vous la verrez. VIRGINE. Trop tôt ; j'en meurs déjà de peur,Car enfin le bourgeois me fait si mal au coeur... LE MARQUIS. Aussi fait-il à moi. VIRGINE. Passe encore pour Lucrèce,Son bien répare assez le manque de Noblesse, Mais il est une Olimpe... LE MARQUIS. Et bien ? VIRGINE. Que t'a-t-on dit,Lise ? LISE. Dans son quartier tout le monde s'en rit.Un Campagnard fort riche et de bonne Famille,Est si sot que d'Anselme il épouse la Fille.Le voilà bien logé. LE MARQUIS. Comment ? VIRGINE. Elle n'a rien. LE MARQUIS. Ne dit-on pas qu'Anselme... VIRGINE. Oui, qu'il a quelque bien,Mais il se fait honneur de celui de Lucrèce.Il en a la tutelle, et comme avec adresseDes grands deniers qu'il touche il éblouit les yeux,Une Dupe à trouver... LE MARQUIS. On en trouve en tous lieux. Ne nous vantons de rien, Carlin. CARLIN. C'est votre affaire. VIRGINE. Cette Olimpe a d'ailleurs la tache de sa mère,Qui tombant du haut mal... LE MARQUIS. Du haut mal ? J'en dis fi. LISE. Cependant de superbe elle a le coeur bouffi,Et selon qu'on la trouve en son humeur verveuse, On la voit quelquefois faire la dédaigneuse. VIRGINE. Je plains la pauvre dupe, il faudrait l'avertir.Ce mariage est trop... LISE. Comment l'en garantir ?Le dédit est signé d'une fort grande somme. CARLIN, bas au Marquis. Monsieur, voilà ce tour, disiez-vous, d'habile homme. La Comtesse demain vous épouse en secret,Mais les dix mille écus, Anselme a votre fait.Comment le retirer ? LE MARQUIS. Il faut pourtant le faire. VIRGINE, à Lise. Quel bruit faisait-t-on là ? LISE. Rentrez, c'est votre frère. VIRGINE. Oronte ? CARLIN. Adieu la fourbe. LISE. Il monte ; promptement. LE MARQUIS. Et quand il la verrait ? CARLIN. C'est pour vous seulementQu'elle rentre à Paris, voulez-vous qu'il le sache ? LISE, au Marquis. Suivez vite. LE MARQUIS. Il faut donc aussi que je me cache ? LISE. Entrez. LE MARQUIS. Il n'est plus temps ; il m'a vu, le voici. SCÈNE VII. Oronte, Le Marquis, Lise, Carlin. ORONTE. Ah, Monsieur le Marquis, que faites-vous ici ? LE MARQUIS. Je venais m'informer si la belle Comtesse... ORONTE. Ainsi pour son retour même désir nous presse.Lise, aucun de ses Gens n'est-il encor venu ? LISE. Non, Monsieur. ORONTE. Un portier qui ne m'est pas connuM'a fait façon là-bas quand je t'ai demandée. LISE. Du Duc, et de ses Gens, je me trouve obsédée.Il vient ici sans cesse, et pour m'en garantirJe fais dire souvent que je viens de sortir. LE MARQUIS. Ce Duc n'a pas le goût dépravé ; la ComtesseFait bien enrager qui n'aiment pas la presse. C'est un oeil attirant... ORONTE. Le Duc lui fait honneur. LE MARQUIS. Lui fait honneur ? Là, là. LISE, à Oronte. Quel est ce bon Seigneur ?Des contes qu'il me fait je suis toute surprise. ORONTE. C'est un fou toujours prêt à dire une sottise. LE MARQUIS. La Comtesse partout emportera le prix. Dans sa petite taille elle a l'air si bien pris... ORONTE. Petite. LISE, à Carlin. Il va tout perdre. ORONTE. En est-il de plus grandes ? LE MARQUIS. Où diable a-t-il les yeux ? S'il en est ? Et par bandes. ORONTE. Pour vous, étant Géante, elle aurait plus d'appas. LE MARQUIS. Géante ! ORONTE, à Lise. Il parle d'elle, et ne la connaît pas. LE MARQUIS. Je ne la connais pas, dites-vous ? Par exemple,Elle a les cheveux bruns, le nez court, le front ample,Les sourcils bien taillés, l'air fripon, l'oeil perçant,Le teint des plus unis, le regard languissant,La gorge... ORONTE. Ce portrait est le plus beau du monde. Mais si je vous disais que la Comtesse est blonde ? LE MARQUIS. Et si je vous disais que j'ai l'oeil de travers,Le visage de singe, et la mine à l'envers,L'équipage et l'habit d'un pauvre Gentilhomme,Vous ne me croiriez pas, mon très cher ? c'est tout comme. LISE, à Oronte. Voulez-vous disputer contre un fou ? ORONTE. Je le vois,Ma soeur est du moins connue autant qu'à moi. LE MARQUIS. Sais-je peindre ? ORONTE. On n'en peut conserver mieux l'idée.Mais où l'avez-vous vue ? LE MARQUIS. Où je l'ai regardée. ORONTE. Encor, quelle rencontre... LE MARQUIS. Il n'importe comment. Ces frères curieux parlent si lentement.Laissez-moi mes secrets, je vous laisse les vôtres. ORONTE. J'admire... LE MARQUIS. Admirez donc, vous en verrez bien d'autres. SCÈNE VIII. Anselme, Oronte, Le Marquis, Lise, Carlin. ANSELME. La Compagnie est belle. ORONTE. Ah, Monsieur ! LE MARQUIS, à Carlin. Où va-t-il ?Ce diable de Beau-père a l'odorat subtil ; Il nous sent de bien loin. ANSELME. En passant par la rue,Le hasard sur vos gens m'a fait jeter la vue,Et c'est d'eux que j'ai su que vous étiez ici. ORONTE. J'ai reçu nouvel ordre. ANSELME. Ils me l'ont dit aussiEt puisque vous restez, l'affaire qui nous presse Est de voir arriver Madame la Comtesse.Qu'en avez-vous appris ? ORONTE. Lise l'attend toujours,Mais à certaine Amie elle écrit tous les jours,Et pour m'en informer j'allais passer chez elle. ANSELME. Tandis que vous irez, sur quelque bagatelle Pourrions-nous sans témoins parler mon gendre et moi ?Je le trouve à propos. ORONTE. Lise, retire-toi.Vous pouvez tout ici. LE MARQUIS, à Carlin. Le Beau-père demeure. LISE, au Marquis. Monsieur, défaites-vous du vieillard. LE MARQUIS. Tout à l'heure.Carlin, s'il va parler ? SCÈNE IX. Anselme, Le Marquis, Carlin. ANSELME. Comme on ne peut trop tôt Apaiser les débats qui... LE MARQUIS. Le reste à tantôt,Serviteur ANSELME. Quatre mots. LE MARQUIS. En maison étrangère,N'en eût-on qu'un à dire, il est bon de se taire. ANSELME. Puisqu'on sait que pour vous ma fille... LE MARQUIS. On ne sait rien,Décampez. ANSELME. À quoi bon me pousser ? LE MARQUIS. Je fais bien. À quoi bon m'étourdir, vous ? ANSELME. L'avis est utile. LE MARQUIS. Je ne veux point d'avis. ANSELME. Écoutez. LE MARQUIS. L'imbécile !Faire écouter les Gens. ANSELME. N'entrez point en courroux.Si vous saviez... LE MARQUIS. Tantôt j'irai savoir chez vous.Ne vous suffit-il pas ? ANSELME. Peut-être... LE MARQUIS. Allez m'attendre. ANSELME. Vous étant de vous-même offert à moi pour gendre... LE MARQUIS. Tu ne te tairas point, vieux loup-garou ? ANSELME. Pourquoi ?Vous ne vous moquerez d'Olimpe ni de moi.Je ne suis que Bourgeois, mais... LE MARQUIS. Qui te le conteste ? ANSELME. Chacun vaut ce qu'il vaut, je ne dis pas le reste. Adieu. CARLIN, au Marquis. Qu'il est mutin ! LE MARQUIS. Le traître m'a perdu. CARLIN. Je crois que la Comtesse aura tout entendu. LE MARQUIS. J'enrage. CARLIN. La voici qui sort toute éplorée. SCÈNE X. Le Marquis, Virgine, Lise, Carlin. VIRGINE. Ah, Monsieur le Marquis, je suis désespérée. LE MARQUIS. Ma Reine un peu de coeur. VIRGINE. Non laissez-moi mourir. LE MARQUIS. Ne vous pressez point tant, j'ai de quoi vous guérir. VIRGINE. Vous ? LE MARQUIS. Moi. VIRGINE. De ce vieillard n'êtes-vous pas le Gendre ?Olimpe... Ah nom fatal, que me viens-tu d'apprendre ?C'était donc vous... LE MARQUIS. En vain je l'ai dissimulé.Je suis le Campagnard dont on vous a parlé, Et pourtant pas trop dupe. VIRGINE. Olimpe a su vous plaire.Ah ! LE MARQUIS. Je n'ai fait le sot que pour berner mon frère,Certain Cadet qu'au monde on voit mince et léger,Et qui pour mes péchés n'en veut point déloger.Charmé de cette Olimpe il crut qu'à ma requête On tiendrait sa recherche un parti fort honnête,Mais comme, à le bien prendre, il n'est bon qu'à noyer,Au diable si pour lui j'ai voulu m'employer.Loin de cela, craignant qu'il n'obtint ce qu'il aime,Je courus m'assurer du parti pour moi-même. VIRGINE. C'est là mon désespoir, qu'un Bourgeoise... LE MARQUIS. Non.En m'offrant au Vieillard parlais-je tout de bon ? VIRGINE. Mais le dédit signé... LE MARQUIS. Quitte à l'aller reprendre ;Deux mots, et trop heureux encor de me le rendre VIRGINE. Vous iriez chez Olimpe ? Ah, ne me quittez pas. Si l'ardeur de ma flamme a pour vous quelque appas,Pour ne troubler en rien l'heur de ma destinée,Avant que voir personne achevons l'hyménée.Après, s'il faut payer le dédit, j'ai du bien. LISE. À quoi qu'il puisse aller, pour tous deux ce n'est rien, Mais, Madame, en payant voulez-vous que l'on diseQu'un Marquis d'un Bourgeois soit la dupe ? VIRGINE. Quoi, Lise ?Tu veux donc hasarder... LE MARQUIS. Que hasarderez-vous ? VIRGINE. L'amour n'est guère fort quand il n'est point jaloux.Olimpe vous voyant essaiera de vous plaire. LE MARQUIS. Je sais sa tache, il faut y rembarquer mon frère.Ma foi, je rirai bien si pour don nuptialJe le vois régalé d'un brouet de haut mal. VIRGINE. Mais ne peut-elle vous paraître si belle... LE MARQUIS. Rien n'est plus laid. VIRGINE. Enfin vous me serez fidèle ? LE MARQUIS. Le dédit rendu nul, je suis à vous ce soir.Touchez, foi de Marquis. VIRGINE. Je vis sur cet espoir ;Mais si vous me trompez... LE MARQUIS. Vous tromper ! Je n'ai garde. VIRGINE. Craignez tout, il n'est rien où je me hasarde,Éclat, emportement, fer, poison. LE MARQUIS. J'aurai soin, En pressant mon retour, qu'il n'en soit pas besoin.Adieu, mon Astre, adieu. Le Marquis sort. VIRGINE. Tout va le mieux du monde. LISE. Auprès de ton Vieillard pourvu qu'on te seconde,Les voeux du Chevalier pourront avoir effet. VIRGINE. Viens savoir avec moi ce qu'Olimpe aura fait. ACTE V SCÈNE PREMIÈRE. Olimpe, Virgine. VIRGINE. Demeurez-en d'accord, Madame, quand on aimeOn trouve grand plaisir à se gêner soi-même.Des rebuts du Marquis votre Père en courrouxSemble être encor de lui plus dégoûté que vous,Et ce qui doit surtout flatter votre espérance, Avec le Chevalier il est en conférence.Cependant on dirait à vos fréquents soupirsQue tout se montre ici contraire à vos désirs. OLIMPE. Quoique du Chevalier les voeux puissent me plaire,Par où te répons-tu qu'ils plairont à mon Père ? Que sur lui son mérite aura même pouvoir ? VIRGINE. S'il ne l'agréait pas, l'aurait-il voulu voir ? OLIMPE. Je ne vais pas si vite en ce qui m'intéresse. VIRGINE. Ma foi, je me repends d'avoir été Comtesse,De n'avoir pas laissé la chose au même point. Vous ne méritez pas... OLIMPE. Ne me querellez point. VIRGINE. Et le moyen ? N'était que je vous considèrePour avoir fait ma paix avecque votre Père,Vous n'en seriez pas quitte. OLIMPE. Au moins tu m'avouerasQue de pareils soucis causent de l'embarras. Le bien pour les Vieillards est une douce amorce ;À consentir à tout c'est par là qu'on les force,Le Chevalier en manque. VIRGINE. Et celui du Marquis ?À ce frère déjà je le tiens pour acquis.Impérieux, fantasque, et plein d'extravagance Qui voudrait l'épouser ? Ce serait conscience,Et j'en détournerais... S'il me voulait pourtantJe prendrais le parti d'un coeur assez content,Et ferais, ce me semble, avecque plus d'adresse,La Marquise à beau jeu, que la fausse Comtesse. Puis à bon chat, bon rat ; s'il voulait être sot,Peut-on pas contenter les gens sans dire un mot ? OLIMPE. Tu seras toujours folle. SCÈNE II. Olimpe, Virgine, Carlin. VIRGINE. Et bien, quelle nouvelle ?Le Marquis ? CARLIN. Ton air fin lui brouille la cervelle.De grand don d'être beau tout entêté qu'il est, Il voit rire toujours quand on lui dit qu'il plaît,Ton sérieux le charme, et ce soir il se conteD'aller, en t'épousant, gagner le nom de Comte.Son fait à retirer le met seul en souci. OLIMPE. Doit-il venir bientôt ? CARLIN. Je le croyais ici. Il aura sur ses pas trouvé quelque Marquise. OLIMPE. Mais par le Chevalier s'il voit la place prise,N'aura-t-il point d'ombrage ? CARLIN. Il n'en est plus jaloux,Et cela, grâce au bien que l'on a dit de vous.Madame la Comtesse, outre la gueuserie, [Note : Matoiserie : Tromperie, fourberie. [L]]Vous a donné d'un plat de sa matoiserie.Si vous ne le savez, vous tombez du haut mal. OLIMPE. À se rendre crédule il n'a point son égal. CARLIN. Ces prétendus défauts peuvent tant sur son âme,Qu'avec joie à son frère il vous cède pour Femme. OLIMPE. Mais dégagé d'ici, quand il voudra ce soirAller chez la Comtesse essayer son pouvoir,Et qu'au lieu d'y trouver un accueil amiable,On lui dira néant ? CARLIN. Ce sera bien le diable. VIRGINE. Tu l'iras consoler ? CARLIN. Peste, il y ferait chaud. Il n'est pas toutefois plus méchant qu'il ne faut,J'en viendrai bien à bout, et pourvu que Virgine... VIRGINE. Tu prétends l'épouser, et je te la destine.Jamais en me servant on ne perd avec moi CARLIN, à Virgine. Ah, ma chère Comtesse ! SCÈNE III. Olimpe, Lucrèce, Virgine, Carlin. LUCRÈCE, à Olimpe. Enfin, réjouis-toi, Cousine, dans tes voeux tu n'as rien de contraire.L'esprit du Chevalier plaît si fort à ton Père,Que pour l'avoir pou Gendre, au hasard du dédit,S'il fallait éclater, il n'est rien qu'il ne fît.Ainsi des deux côtés la parole est donnée, Et c'est de ton aveu que dépend l'hyménée ;On t'attend pour cela. VIRGINE, à Olimpe. Courez donc promptement. LUCRÈCE. J'ai déjà répondu de ton consentement,Mais enfin pour la forme il est bon qu'on te voie.Viens. VIRGINE, à Olimpe. Vous craignez, je crois, d'en montrer de la joie. C'est bien fait, votre honneur par là serait noirci. OLIMPE. Tu ne changeras point. VIRGINE. Je vous attends ici.Allez, sur le grand oui faites bien la grimace. SCÈNE IV. Carlin, Virgine. CARLIN. Tu n'oses donc encor... VIRGINE. Je suis remise en grâce,Et sans plus de façon je me montre au Vieillard ; Mais je crains le Marquis. CARLIN. C'est une affaire à part. VIRGINE. S'il m'avait ici vue en habit de Suivante,Comme la fourbe alors deviendrait apparente,Piqué de cet affront, dans son secret dépitPenses-tu qu'il voulût renoncer au dédit ? CARLIN. Il tiendrait bon sans doute, et ferait de la peine, VIRGINE. Cependant n'ai-je pas de quoi faire la vaine ?Mon rôle de tantôt ne se peut mieux jouer.Me suis-je démentie ? CARLIN. Il le faut avouer,Tes charmes rehaussés m'ont fort chatouillé l'âme ; Mais avec ton talent de faire la grand' Dame,Quand tu seras à moi, ne va pas t'aviserDe devenir Comtesse, ou de t'emmarquiser.Il est, sans chercher loin, certains Marquis et ComtesQui sur la gaie intrigue ont les démarches promptes, Et je n'aimerais que s'adressant à toi,Ma race de par eux fût plus noble que moi. VIRGINE. Le beau raisonnement ! CARLIN. Quand on craint la disgrâce,Il fait bon... VIRGINE. Va là-bas savoir ce qui se passe,Et lorsque tu verras le Marquis arriver... Mais... SCÈNE V. Le Marquis, Virgine, Carlin. LE MARQUIS, à un Domestique d'Anselme. Cours dire au Vieillard qu'il me vienne trouver,Que je prétends ici m'expliquer tête à tête. VIRGINE, à Carlin. C'est lui, tout est perdu, Dieux ! CARLIN. Ne fais pas la bête,Il se faut comme on peut tirer d'un mauvais pas. LE MARQUIS. Me trompai-je, Carlin ? VIRGINE. Ne me découvrez pas, Marquis... LE MARQUIS. C'est la Comtesse. Ah, ma chère. CARLIN, à Virgine. Courage. LE MARQUIS. Vous trouver chez Anselme, et dans cet équipage ! VIRGINE. Je vous aime, et l'amour cause bien du souci.Carlin, dis-lui pourquoi je me déguise ainsi. CARLIN. Monsieur, c'est qu'elle a craint qu'Olimpe... Dans son âme Si vous connaissiez bien ce que l'amour. Madame,Vous direz mieux vous-même à Monsieur le Marquis... VIRGINE. Ne le juge-t-il pas ? J'aurais fait encor pisSi pour remédier au mal qui me tourmenteIl n'avait pas suffi de me faire Suivante. Olimpe en cherchait une, et j'ai sans hésiterEmployé mon adresse à me faire accepter.Restant chez moi sans vous, mon amour en alarmesEût de votre Bourgeoise appréhendé les charmes,Et pour peu de pitié que son malheur nous fît, Vous croyant son Époux, j'aurais perdu l'esprit.Ici présente à tout je soutiendrai peut-êtreLes bontés que déjà vous m'avez fait paraître,Voyant ce que je fais vous me préférerez. LE MARQUIS. J'ai de ravissement les sens tout égarés. Carlin, ai-je don de charmer les mieux faites ?Des Comtesses pour moi se changer en Soubrettes,Se résoudre à servir plutôt que hasarderQu'une autre seul à seul puisse me regarder ?Je vaux trop, Dieu me sauve. VIRGINE. Ai-je l'heur de vous plaire Par ce que vous voyez que l'amour m'a fait faire ? LE MARQUIS. Il vous a fait choisir un emploi des plus bas,Mais enfin c'est pour moi, vous ne le perdrez pas. VIRGINE. Pourvu que vous rompiez, et qu'Olimpe ait la honte... LE MARQUIS. Laissez faire, à présent la Bourgeoise à son compte ; Mais pour la faire rire, et vous mettre en repos,Je prétends devant vous lui dire quatre mots,Elle les entendra. VIRGINE. Surtout, sans plus attendreDéchirons le dédit. LE MARQUIS. Je sais par où m'y prendre.Mais pour m'encourager... VIRGINE. Ah, point d'emportement. LE MARQUIS. Ma Comtesse. VIRGINE. Arrêtez. LE MARQUIS. Un baiser seulement,Je vous en tiendrai compte, et... SCÈNE VI. Anselme, Le Marquis, Virgine, Carlin. ANSELME. La pièce est galante.Vous fuyez la maîtresse, et courez la suivante ? LE MARQUIS. J'en veux par là. Cassé, vieux, et prêt à mourir,Vous enragez assez de ne pouvoir courir. ANSELME. Continuez, le jeu commençait à vous plaire. VIRGINE, à Anselme. Ne croyez pas, Monsieur... ANSELME. Tais-toi. LE MARQUIS. Pourquoi se taire ?Je veux qu'elle raisonne, et quand il me plaira,Malgré vous et vos dents elle raisonnera. ANSELME. Vous prenez son parti d'un air... LE MARQUIS. Je veux le prendre. Qu'en est-il ? VIRGINE, à Anselme. Si Monsieur... ANSELME. Encor ? Il faut t'entendre.C'est depuis un moment qu'on t'a reçue ici,Et déjà... C'est assez, n'en soit point en souci.Rentre. LE MARQUIS. Pourquoi rentrer ? ANSELME. Rentre, te dis-je. LE MARQUIS. Ventre.Gardez de m'échauffer, je ne veux pas qu'elle entre. ANSELME. Quoi, toujours vos je veux ? LE MARQUIS. Ma foi, j'en suis d'avisQu'un pied plat comme vous glose sur un Marquis. ANSELME. Vous l'êtes, et je sais ce qu'est votre Famille ;Mais d'où vient ce mépris quand vous aimez ma Fille ?Son hymen avec vous n'est-il pas résolu ? Vous le vouliez tantôt. LE MARQUIS. Je veux l'avoir voulu,Bon pour lors, à présent il me plaît de m'en rire. ANSELME. Mais dans ma Fille encor que trouvez-vous à dire ?N'est-elle pas... LE MARQUIS. Elle est tout ce qu'il vous plaira,Je n'en veux point. ANSELME. Demain cette humeur passera. LE MARQUIS. Point. Comme il est doux ! ANSELME. L'affaire est donc conclue ! LE MARQUIS. Oui, plaignez-vous, pestez. ANSELME. La plainte est superflue.Je dirai seulement sans plus d'émotionQue nous avions tous deux la même intention,Et que je ne venais que pour vous faire entendre Que jamais, moi vivant, vous ne seriez mon Gendre. VIRGINE, au Marquis. L'occasion est belle ; au dédit, promptement. LE MARQUIS. Je vous sais fort bon gré d'enrager doucement.Sus, rendez-moi mon fait, voici le vôtre ; vite.Votre Madame Olimpe où fait-elle son gîte ? Il nous la faut ici, je la veux pour témoin... ANSELME. Pour rester quitte à quitte on n'en a pas besoin. LE MARQUIS, à Virgine. Non, ce vous semble, va, fais venir ta Maîtresse,Dépêche. Bas.Pardonnez, ma divine Comtesse,Pour duper le barbon i faut vous tutoyer. VIRGINE. Vous attendrez fort peu, je vais vous l'envoyer. SCÈNE VII. Le Marquis, Anselme, Carlin. LE MARQUIS. Ce coup inopiné vous rabattra la huppe.Franchement vous pensiez que je fusse une dupe,Et que m'étant laissé bonnement prendre au mot,Avec vous tout de grand j'allais faire le sot. ANSELME. Quand vous m'auriez tenu... LE MARQUIS. Je sais de vos nouvelles.Diable, quel maître Sire avecque ses tutelles !Sur ces cent mille écus dont on m'a cru leurrer,Dites, combien la Nièce a-t-elle à retirer ? ANSELME. De quoi me parlez-vous ? LE MARQUIS. On m'a dit le mystère. Pour la Fille, elle a trop hérité de sa Mère.Tombe-t-elle souvent... Là, vous m'entendez bien? ANSELME. Est-ce donc que ses yeux ne lui servent à rien ?Tomber ! LE MARQUIS. Ce vilain mal, puisqu'il faut qu'on s'explique,En quel temps devient-il plus ou moins domestique ? Hem ? ANSELME. J'ignore à quoi tend ce galimatias. CARLIN, au Marquis. Ne voulant point entendre, il ne répondra pas. LE MARQUIS. [Note : Géniture : Terme familier. L'enfant par rapport au père et à la mère. [L]]Voici sa géniture. SCÈNE VIII. Le Marquis, Anselme, Olimpe, Carlin, Virgine. LE MARQUIS. Approchez, notre prude. OLIMPE. Je vous ai dit tantôt quelque chose de rude,Vous en êtes choqué, mais si vous étiez prêt À recevoir l'excuse. LE MARQUIS. Halte-là, s'il vous plaît.Tantôt, faute d'avoir ouï de moi fleurettes,Vous avez fait la folle, et c'est ce que vous êtes ;Mais quand vous auriez eu l'accueil bénin et doux,Vous parlant d'épouser, je me moquais de vous. Outre qu'à droit, à gauche, et devant et derrière,Votre race a l'honneur d'être fort roturière,Vous possédez encor très personnellementTout ce que la laideur peut avoir d'ornement.Vous êtes sotte, vieille, impertinente, gueuse, Sans esprit, sans talent que celui de grondeuse,Et le Diable qui loge avecque les hiboux,Voulant se marier, ne voudrait pas de vous. À Virgine bas. Ma Comtesse ? VIRGINE, bas au Marquis. J'entends. ANSELME. Vous ne pouviez mieux dire. LE MARQUIS. Qu'elle m'en dise autant, je n'en ferai que rire. On me connaît. OLIMPE. Autant ! À vous le beau des beaux ! LE MARQUIS. Afin de m'adoucir vous direz mots nouveaux ;Point de rapatriement, cela vaut fait, rupture. VIRGINE, bas au Marquis. Vite. LE MARQUIS. Pour déchirer déployons l'écriture.Allons, vieux roquentin, les armes à la main. VIRGINE, prenant le billet du Marquis qu'elle déchire. Donnez-moi, vous feriez d'ici jusqu'à demain. LE MARQUIS. Bon, voilà ton dédit, Bourgeois. ANSELME, déchirant son billet. Et voilà commeJe fais état du tien, Monsieur le Gentilhomme. LE MARQUIS. La colère vous prend, ne vous contraignez pas ;Enragez à votre aide, et faites du fracas. À Olimpe. Fort bien, il vous fallait des Marquis ? OLIMPE. Je l'avoue,J'ai touchant votre hymen mérité qu'on me joue,Mais vous trouverez bon que fort modestementJe vous fasse à mon tour un léger compliment,Et ne vous cache plus que si prendre une femme Est un dessein fixé que vous ayez dans l'âme,Vous êtes obligé par beaucoup de raisonsD'en aller choisir une aux Petites Maisons.Vous avez le cerveau... LE MARQUIS. Tout doux, ma Colombelle.Je sais que je vous fais une injure mortelle ; Vous laisser encor Fille est un tort des plus grands,Mais ne vous fâchez point, tout vient avec le temps.De peur qu'à trop tarder ce vieux nom qui vous choqueVotre virginité vous presse et vous suffoque,Demain, je vous amène un Galant achevé, Joli, beau. ANSELME. J'ai sans vous un Gendre tout trouvé.Qu'on le fasse venir. LE MARQUIS. Ah, voyons donc ce gendre.Trois jours après l'hymen c'est un homme à se pendre.Et la chère Lucrèce, elle n'est point ici ?Je la cherchais des yeux. OLIMPE. Vous met-elle en souci ? Virgine promptement. LE MARQUIS. Vous l'appelez Virgine ? OLIMPE. Pour Monsieur le Marquis avertis ma cousine. LE MARQUIS, arrêtant Virgine. Elle l'avertira si je veux. Demeurez.Vous vous faites servir, ma foi ; vous en aurezDes Valets qui plus haut que vous de trois étages, Quand vous commanderez, se mettront à vos gages ? ANSELME. [Note : Le dernier mot du vers est difficile à lire, souffrir semble correct. ]Il est fort pour Virgine, et ne saurait souffrir. LE MARQUIS. Demain vous en pourrez tout au long discourir.Bouche close aujourd'hui, Compère. ANSELME. Elle est heureuse,Et tandis que ma Fille est sotte, vieille, gueuse, C'est pour elle un sujet d'Orgueil... LE MARQUIS. Voilà le point ;Vous y touchez du doigt, et ne l'entendez point.Laissez faire à l'Orgueil, Il vous promet miracle. ANSELME. Monsieur le Chevalier n'y mettra pas d'obstacle. SCÈNE IX. Anselme, Le Marquis, Le Chevalier, Olimpe, Lucrèce, Virgine, Carlin. ANSELME, au Chevalier. Venez, on vous attend pour un ordre assez doux, J'ai repris ma parole, et ma Fille est à vous.Donnez-lui votre main. LE CHEVALIER. L'aurais-je pu prétendre ?Quel heur ! LE MARQUIS. C'est mon cadet. Bonjour, Monsieur le gendre.Je suis ravi du choix ; quand je la régalaisDe l'offre d'un amant, c'est lui dont je parlais. LE CHEVALIER. À l'obtenir pour moi vous avez eu grand zèle. LE MARQUIS. Trop heureux de l'avoir quand je ne veux plus d'elle.Te voilà bien, Cadet, tiens-y-toi. ANSELME. Je prétendsQue tous trois nous aurons sujet d'être contents,Et qu'entre nous jamais ni discorde ni guerre... LE MARQUIS, à Anselme. Et quand il la verra se débattre par terre,Faire des cris, hurler, rira-t-il bien ? ANSELME. De quoi ? LE MARQUIS. De quoi ? Le fin Renard ! ANSELME. C'est de l'hébreu pour moi. LE MARQUIS. Ne craignez rien, je sais ce qu'il faut qu'on lui cache.Ils sont bien assortis, chacun d'eux a sa tache. Mon cadet est sans bien, je vous l'ai déjà dit,Mais... ANSELME. Il aime la gloire, et cela me suffit.Si quelque qualité peut en lui me déplaire,Puisqu'il faut parler franc, c'est qu'il est votre frère. LE MARQUIS. S'il ne tient qu'à cela, pour vous rendre content Je me défraternise, il en peut faire autant,Laisser du nom Lorgnac la noblesse en arrière,Et se faire appeler Monsieur de l'Anselmière.La Seigneurie est belle, et bien digne de vous,Père Anselme. À Lucrèce. Le Père et la fille sont fous. Qu'en dites-vous, ma Belle ? Il vous faut, que je pensePour les pouvoir souffrir, grand fond de patience ? LUCRÈCE. Vous me croyez peut-être encor plus folle qu'eux ? LE MARQUIS. Vous croire folle ? Ah non, c'est bien assez de deux ;Et d'ailleurs j'ai pour vous... LUCRÈCE. J'en devine la cause. On m'a dit que je dois vous être quelque chose,Que vous épouserez la Comtesse. LE MARQUIS. Comment ?Qui vous l'a dit ? LUCRÈCE. Qu'importe ? À quand l'hymen ? LE MARQUIS. Vraiment ?La Comtesse ! C'est bien mon amour qu'elle brigue ! LUCRÈCE. Pourquoi non ? LE MARQUIS. Demandez à notre vieux Rodrigue, Si la plus misérable accepterait mon coeur. ANSELME. Vous pensez-vous railler ? Je plaindrais son malheur,Et si j'en étais cru, quoique le bien nous tente,Virgine que voilà qui n'est qu'une Suivante,Quand vous la voudriez... LE MARQUIS. Il est bon sur ma foi, Virgine ! Le moyen qu'elle voulut de moi ?Mon bel Ange, parlez, que faut-il que j'en croie ? VIRGINE. Jugez-en. SCÈNE X. Anselme, Oronte, Le Marquis, Olimpe, Lucrèce, Le Chevalier, Virgine, Carlin. ORONTE. Je vous viens faire part de ma joie,Ma soeur est arrivée enfin selon mes voeux,Et demain je me vois en état d'être heureux. VIRGINE, au Marquis. Je me cache un moment afin de le surprendre. ANSELME, à Oronte. C'est d'elle pour l'hymen que le jour se doit prendre. ORONTE, au Chevalier. Pour surcroît d'allégresse on m'a là-bas apprisCe que doit votre amour à Monsieur le Marquis.S'il daignait honorer ma soeur d'une visite, Elle est civile, douce et connaît son mérite. LE MARQUIS. Vous ne m'apprenez rien, n'en soyez point jaloux ;Je l'ai vue, et savais son retour avant vous. ORONTE. Vous l'avez vue ? LE MARQUIS. Holà, qu'on appelle Virgine.Que j'en vais voir ici qui feront grise mine ! VIRGINE. On a besoin de moi, Qu'est-ce ? LE MARQUIS, à Oronte. Ne dites mot. ORONTE. D'où vient que... LE MARQUIS, à Oronte. Nous verrons qui de nous est le sot.Motus. CARLIN, au Chevalier. Garde mon dos, ce n'est plus raillerie. LE CHEVALIER. Va, ne crains rien. VIRGINE. Tandis que chacun se marie,Si j'en faisais autant ? ORONTE. Virgine a de l'esprit. ANSELME. L'exemple tout d'un coup la met en appétit. VIRGINE. J'ai promis le secret, puis-je tenir parole ? LE MARQUIS. Vous allez voir à qui. VIRGINE. C'est la fin de mon rôle,Touche, Carlin. CARLIN. Mon tout, ma Virgine ! LE MARQUIS. Maraud. À Oronte. Elle se divertit. VIRGINE, au Marquis. Je n'ai pas le coeur haut. Si pourtant vous pouviez vouloir d'une suivante,Je suis votre très humble et très tendre servante. LE MARQUIS. La suivante m'a plu, me plaît, et me plaira. ANSELME. Quel est donc ce mystère ? LE MARQUIS. Oronte le dira. ORONTE, à Anselme. Je m'y perds comme vous. LE MARQUIS, à Anselme. Il veut pousser la pièce. La Virgine est sa soeur, Madame la Comtesse. ORONTE. Ma Soeur ? ANSELME. Qui nous rendra raison de tout ceci ?Depuis un an et plus Virgine sert ici.Après l'avoir chassée on vient de la reprendre,Et c'est uns Comtesse ! Y peut-on rien comprendre ? LE MARQUIS. Carlin. CARLIN. Monsieur. VIRGINE. Je puis débrouiller ce cahot,Si l'on veut m'écouter j'aurai fait en deux mots.Le Marquis prétendant épouser ma Maîtresse,J'ai pour l'en dégoûter contrefait la Comtesse,Et par là lui faisant pour moi tout oublier, J'ai levé tout obstacle aux voeux du Chevalier. LE MARQUIS. M'avoir fourbé ? VIRGINE. J'ai tort ; mais Carlin qui me gâte... LE MARQUIS. Ah, coquin, tu mourras. CARLIN. Moi ? Je n'ai point de hâte. LE CHEVALIER. Ce valet est à moi ; point de bruit, s'il vous plaît. LE MARQUIS. D'un gibier de bourreau tu prends donc l'intérêt, Cadet maudit ? Et toi, rieuse ridicule,Épouse-le, j'en dois avaler la pilule ;C'en est fait, je vois bien qu'en pensant l'attraperMoi-même je me suis enfin laissé duper.[Note : Maille : petite monnaie de cuivre valant la moitié d'un denier. (...) [F]]Pour un fat comme lui qui n'avait pas la maille, [Note : Gogaille : grande chère avec bruit et réjouissance. (...) [F]]Cent mille écus sont beaux, il en fera gogaille ;Mais puisse-t-il se voir plus marqué sur le frontQue cent des mieux timbrés ensemble ne le sont ;Que le nombre d'enfants vous rendant misérablesVous fasse tous les jours donner à tous les diables. Puissiez-vous en seize ans en avoir trente-deux[Note : Tortu : Qui n'est pas en ligne droite. Les chemins de montagnes sont tortus. (...) [L]]Tous borgnes, tous bouffis, tous tortus, tous boiteux.Sitôt qu'ils seront grands, que chacun d'eux vous crache,À toi sur la crinière, à toi sur la moustache,Et pour l'achèvement d'un malheur consommé, Qu'ils soient haïs partout comme je suis aimé. Il sort. ORONTE. Vous en voilà défaits. VIRGINE. Et tout par mon adresse.Quel présent fera-t-on à la fausse Comtesse ?Il m'en faut un de noce, et des plus beaux. ANSELME. Suis-nous.C'est moi qui dois payer, et je répons pour tous. ==================================================