******************************************************** DC.Title = L'ENFER GALANT, PARODIE DC.Author = FUZELIER, Louis DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parodie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/02/2021 à 07:00:08. DC.Coverage = Grèce DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/FUZELIER_ENFERGALANT.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'ENFER GALANT PARODIE non représentée. De la pastorale de la comédie des Trois Spectacles Des Amours des déesses Ballet représenté en 1729, Jouée avec Pierrot Céladon, et la pantomime anglaise. M. DCC. XXIX. AVEC APPROBATION et PRIVILÈGE DU ROI. PAR FUZELIER ACTEURS DIANE. PLUTON. ENDYMION. VÉNUS. MELPOMÈNE. HÉBÉ. BACCHUS. APOLLON. MARS. PAN. Le théâtre représente le mont Latmos couvert de bois avec une caverne au fond. L'ENFER GALANT SCÈNE I. Bacchus, Pan. PAN, à part. Que vois-je ? AIR : Toujours que si du Nouveau monde.C'est le charmant dieu du raisin,Il paraît en pointe de vin Haut.Fils de Sémélé, quelle affaireVous conduit sur le mont Latmos ?Sous cet ombrage solitaire Venez-vous chercher le repos ? BACCHUS. Quoi, le dieu Pan ! Le dieu des forêts ne sait pas ce qui se passe ici dans le sein de son empire ? PAN. C'est que depuis un mois ou deux je me trouve souvent à Paris. BACCHUS. Quoi ! Vous ignorez encore que Pluton est amoureux dans ces bois ? PAN. Pluton amoureux ! Cela ne lui sied pas, il ferait bien mieux d'aller chercher l'Indifférence à l'Opéra ! BACCHUS. AIR : sur RadegondeL'Indifférence ! Eh ! Que fait-elle là ? Mon cher, je pense, Vous inventez cela ! Que venez-vous conter ? Qui diantre songera. Avec tant de prudenceDe mettre à l'OpéraL'Indifférence ? PAN. Eh ! Quelle est, s'il vous plaît, l'enchanteresse qui a métamorphosé Pluton si prodigieusement ? BACCHUS. Vous ne le devineriez jamais : c'est la régulière Diane. PAN. Comment le savez-vous ? BACCHUS; La découverte de ce secret ne nous a pas beaucoup coûté : un faune curieux l'a surpris en rodant sous cet ombrage, ce faune l'a dit à Cérès, la maman Cérès n'a pas manqué de le rapporter à sa fille Proserpine qui a eu la discrétion de ne s'en plaindre qu'à Mercure dans le temps qu'il conduisait la dernière caravane des trépassés et Mercure à son retour n'en a fait confidence qu'à tous les dieux. PAN. Cette nouvelle n'a pas dû les ennuyer, Pluton amoureux ! Je n'en reviens pas. BACCHUS. AIR : J'en avons tant riTout l'Olympe en est réjoui J'en avons tant ri PAN. Ma foi Pluton pour ce coup-ci[Note : Ellébore : Plante médicinale.]Mérite l'ellébore BACCHUS. J'en avons tant riJ'en rirons bien encore PAN. J'approuve vos bonnes intentions. BACCHUS. [Note : Mont Latmos : Montagne d'Asie Mineure, sur les confins de l'Ionie et de la Carie, près de la côte. Etait célèbre dans la mythologie par le visites que Diane venait y faire au berger Endymion. [B]]Et pour les bien remplir presque tous les dieux se sont donné aujourd'hui un rendez-vous général sur le Mont Latmos ; nous savons que Pluton doit y chercher Diane, nous avons formé le dessein de les surprendre et de les régaler d'une espèce de charivari. PAN. AIR : Mon mari est à la taverne.Vous vous arrangez à miracle,On ne peut pas vous critiquer !Oh ! j'en jouirai !L'Enfer galant est un spectacleQue je ne prétends pas manquer ! Comme les autres j'en veux rireTa la lerita la retita la lerire. BACCHUS. Ce C'en n'est pas trop à vous d'en rire,Ta la lerita la retita la lerire AIR : Par bonheur ou par malheur.Dans le faubourg Saint-Germain Sur le théâtre romainVous avez certaine intrigue ; PAN. Mon acte a fort plu, vraiment.Il a réussi sans brigue. BACCHUS. Oui, mais solidairement. PAN. AIR : Landeriri.Oh ! Que vous êtes pointilleux !Est-ce que je n'ai pas de la voix ? Est-ce que Doris ne chante pas joliment ? BACCHUS. [Note : Avare amoureux (l') : Comédie en un acte et en prose de Jean du Mas d'Aigueberre (1692,1755), représentée pour le première fois le 6 juillet 1729 au théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain. Fait partie de Trois spectacles avec "Polyxène" et "Pan et Doris".]Ma foi sans L'Avare amoureux.LanderittePan vous auriez en véritéBien déchanté. PAN. Vous ne vous connaissez pas qu'en gosiers de buveurs. Adieu, je vais chercher Doris, je veux qu'elle ait sa part dans la fête d'aujourd'hui. SCÈNE II. BACCHUS, seul. Ceci ne commence pas mal ; Pan se mêle de vouloir faire le goguenard… AIR : j'ai fait à ma maîtresseOn peut juger du restePar cet échantillon.Je prévois, malepeste,Qu'il viendra sur ce montBien des dieux sans cervelle, Et de qui sans façonOn peut dire la pelleSe moque du fourgon.[Note : Exemplum ut talpa : Citation de dictionnaire latin : Par exemple comme la taupe pour signifier qu'on prend un exemple parmi d'autres. Voir aussi La Fontaine Fable XUII, 1.]Exemplum ut talpa, j'aperçois la Muse de la tragédie. SCÈNE III. Bacchus, Melpomène. BACCHUS. [Note : Cothurne : C'est une espèce de soulier fort haut, ou une espèce de patin élevé sur des semelles de liège dont se servaient les anciens tragédiens sur le scène pour paraître de plus belle taille. Se dit figurément du style pompeux et tragique. [F]]Eh bien ! Grave Melpomène, vous venez donc en cothurne à une partie bouffonne ? Mais... AIR : Lon lan la deriri.Comment gouvernez-vous Linus,Ce digne fils du blond Phébus ? D'une humeur si doucette,Je crois que cet amant chériDoit être un bon mari ! MELPOMÈNE. Aussi l'est-il. BACCHUS. Et bien lui en prend, car je ne vous trouve pas aisée à vivre ! Le pauvre Linus saurait bien qu'en dire. AIR : le joli jeu d'amour.Vous lui fîtes une avanieSur le chapitre d'Uranie MELPOMÈNE. Oh ! je le croyais dans ce jour... BACCHUS, riant. Toure loure, loure loure, loure loure loure lour. MELPOMÈNE. Oh ! Je le croyais dans ce jourFripon au jeu d'amour. BACCHUS. Vous êtes un peu trop prompte à soupçonner les bonnes gens. MELPOMÈNE. Comment ? Je verrais de loin mon amant aux genoux d'une belle et ne soufflerais pas ! BACCHUS. Mais ! Ce que vous preniez pour un rendez-vous n'était qu'une consultation. Linus interrogeait Uranie sur votre mariage ! MELPOMÈNE. AIR : la bonne aventure ô guéIl prenait là trop de soin ! BACCHUS. Je le conjecture. MELPOMÈNE. Aimé de moi, quel besoinQu'on lui dise dans un coinSa bonne aventure ô guéSa bonne aventure ? BACCHUS. Au fond, vous n'avez pas absolument tort. AIR : tu croyais en aimant Colette[Note : Uranie est la muse de l'Astrologie.]Linus parlait d'astrologieMais qui diantre devineraitQue seul avec fille jolieDes astres on s'entretiendrait ? MELPOMÈNE. Oublions cela… Je sens que ce discours rallumerait ma colère. Mais plus de querelle, je vais rejoindre mon tendre Linus qui s'est écarté un moment dans ce bois pour me composer une élégie. BACCHUS. [Note : Elegie : Espèce de poésie qui s'emploie dans les sujets tristes et plaintifs. [F]]Une élégie ! AIR : Aïe ! Aïe ! Aïe ! JeannettePar vous en fut-il prié ? Son refus devrait vous plaire !Lorsqu'un nouveau mariéS'amuse à rimer ma chèreAïe, aïe, aïeIl pourrait mieux faire Ma chère, aïe, aïe, aïe. SCÈNE IV. BACCHUS, seul. AIR : je ne m'y connais guèreJe ne m'y connais guèreEn mari fait à l'ordinaire.Pour les poètes, je sais bienQu'en ménage ils ne valent rien. SCÈNE V. Bacchus, Apollon, Hébé. BACCHUS. À propos de poètes, voici leur beau directeur, d'où vient que la jeune Hébé l'accompagne ? APOLLON. Elle m'a prié de la conduire dans ce bois ; il est question de turlupiner un vieux galant, ceci est de sa compétence… HÉBÉ. AIR : du haut en basC'est mon métierQue de me divertir sans cesseC'est mon métierDe ne point faire de quartierLaissons radoter la vieillesse Rire sied bien à la jeunesse.C'est mon métier. BACCHUS. [Note : Dauber : signifie figurément, Médire de quelqu'un, le railler en son absence. [F]]Passe pour vous, folâtre Hébé, mais Apollon ne devrait pas46, lui, être si enclin à dauber sur les amants malheureux ; ne se souvient-il déjà plus de Daphné et de Coronis ? AIR : Ton humeur est Cateraine.Jamais il n'a fait fortuneDans l'empire de Vénus. APOLLON. Point d'apostrophe importune Doucement, Seigneur Bacchus ! HÉBÉ, à Bacchus. Vous n'avez pas le vin tendre. BACCHUS. De quoi se plaint Apollon,Oserait-il se prétendreAussi galant que Pluton ? APOLLON. Non assurément je ne prétends pas cela. Je conviens que tout cède aujourd'hui à Pluton en fait de galanterie. AIR : on n'aime point dans nos forêts.En aimant Diane il surprend,Sur les sentiments il raffine. HÉBÉ. Oh ! Qu'il était bien différentQuand il enleva Proserpine !C'était un amant très mal né, Il s'est depuis façonnéVenez blond Phébus, il me tarde de voir Pluton faire l'amour en berger, cela doit être drôle. SCÈNE VI. Bacchus, Vénus. BACCHUS. La petite a raison, il est temps que j'aille me cacher dans les bois ainsi que font tous les dieux qui s'y rendent… Mais quelle est cette venue ? Eh ! C'est Vénus en grand deuil ! Ceci mérite attention. À Vénus.Bonjour aimable souveraine de Paphos….Êtes-vous en noir par affliction ou par coquetterie ? VÉNUS. Hélas ! BACCHUS. AIR de Joconde.Pour qui ces crêpes sont-ils mis ?Çà parlez, soyez francheVoulez-vous pleurer AdonisOu paraître plus blanche ? A présent tout est en replisTout est indéchiffrableDu deuil, des coeurs, des habitsL'équivoque est semblable. VÉNUS. AIR : M. de la Palisse est mort.Bacchus ! Ne badinez pas Sur ma perte trop cruelle,Adonis est mort hélas !Et moi je suis immortelle. BACCHUS. Eh ! Tant mieux, vous aurez le temps de vous retourner ! VÉNUS. Perfide Mars, quelle indignité ! Avoir fait tuer par un vilain sanglier un des plus jolis hommes du monde. BACCHUS. AIR : Lon lan [la] deriretteCette mort-là, certainement,Ne peut être honorablement Mise dans la gazette. VÉNUS. Eh ! L'on ne l'oubliera jamaisEt j'en ferai les frais.Oui, je vais instituer des jeux funèbres en l'honneur d'Adonis qui seront célébrés dans la Grèce, dans l'Egypte, dans la Syrie. BACCHUS. En attendant ces anniversaires-là AIR : Amis sans regretter ParisMettez, pour augmenter encorVos pompes douloureuses, Les Grâces en ras de Saint-MaurEt l'Amour en pleureuses. VÉNUS. Ce qui me pique le plus, c'est que cette funeste mort est l'ouvrage de mon imprudence. Je savais que Mars venait pour me surprendre clandestinement avec son rival. AIR : ces filles sont si sottesAh ! Je devais plus promptementEnvoyer chasser mon amantLe congédier brusquement. Mais quand on nous cajoleNous perdons bientôt le jugement.Une femme est si folleVraimentUne femme est si folle. BACCHUS. Il le faut avouer, le retardement d'Adonis n'était pas trop sage et ses chasseurs n'étaient pas plus raisonnables que lui, de s'amuser à danser quand ils avaient un sanglier furieux à courir. Avaient-ils peur de n'être pas assez fatigués ? AIR des sept sauts.Il faut qu'Adonis soit en délire,Ce qu'il fait peut-il se concevoir ?Mortel qu'un dieu veut occireDoit-il s'amuser à voir Il saute.Un saut, deux sauts, trois sauts, quatre sauts, cinq sauts, six sauts ? VÉNUS, riant. Halte-là, Bacchus, vous me feriez étouffer de rire. AIR : je ne suis né ni roi ni prince.Votre danse est par trop comique BACCHUS. Elle triomphe du tragiqueQue vous veniez représenter ;Vénus qui pleure et qui soupireDès que l'on parle de sauterNe saurait s'empêcher de rire. VÉNUS. C'est une inattention qui est échappée à mon désespoir. BACCHUS. Les veuves sont fort sujettes à ces inattentions-là ; mais où vous conduit à présent votre désespoir inattentif ? VÉNUS. Je viens sur le mont Latmos chercher à me dissiper un peu, il faut bien suivre le torrent. BACCHUS. AIR : On n'entend plus le bruit des armesLe torrent à tout nous engageMalgré tout le poids des raisonsLe torrent aussi sous l'ombrageConduira Mars et j'en réponds,Vous ferrez un rapatriage En dépit de tous vos crépons. SCÈNE VII. Bacchus, Mars. BACCHUS, seul. Je sais que Mars est admirable pour consoler les belles affligées… Eh ! Le voilà ! D'abord, le torrent opère. MARS. AIR : Carillon de Mélusine.Pour le coup Adonis n'est plusJ'ai puni l'ingrate Vénus BACCHUS, ironiquement. Rien n'est égal à sa tristesse MARS. Pour calmer celle qui me presse Din dan don din din dan donJe viens carillonner Pluton BACCHUS. L'amusement est digne du dieu de la guerre. Même air.Mais Mars qu'est ce donc que ceci ?Sans fanfare, arriver ici ?Quoi ! Vous ne mener vos trompettes Que dans les affaires secrètes ?Là quand il faut furtivementTrouver Vénus et son amant ?Répondez ad rem. MARS. Din dan don din din dan don Je vais carillonner Pluton SCÈNE VIII. Bacchus, Pluton. BACCHUS. [Note : Petit maître : Fig. et familièrement. Petit-maître, jeune homme qui a de la recherche dans sa parure, et un ton avantageux avec les femmes. [L]]Mars se tire d'affaire en petit-maître. Sans doute le monarque des enfers n'est pas encore ici. Allons prendre notre poste avant qu'il arrive. Morbleu le voici, il m'a aperçu, je ne peux me dispenser de le saluer. À Pluton. AIR : Lon laPluton sans bruit infernal !Que vous vous annoncez mal !Quoi tranquillement. PLUTON. Par un tremblement La terre ne chancelleQue quand sur mon char polimentJe reconduis ma belle,Lon laJe reconduis ma belle. BACCHUS. Que vous quittez docilement dès qu'elle vous congédie. AIR de Julien l'hospitalier.Vous faites gémir les campagnesVous faites mugir les montagnesEt puis aussi doux qu'un moutonVous endurez tout sans vergogne.On dira ma foi que Pluton Fait plus de bruit que de besogne.Adieu beau ténébreux, je ne veux pas vous gêner. À part.Allons informer les dieux de l'arrivée de Pluton, ils comptaient d'en être avertis par un tremblement de terre ; ce petit signal leur a manqué, c'est à moi d'y suppléer. SCÈNE IX. PLUTON, seul. [Note : Mont Latmos : Montagne d'Asie Mineure, sur les confins de l'Ioni et de la Carie, près de la côte, entre Millet et Héraclée, était célèbre dans la mythologie par les visites que Diane venait y faire au berger Endymion.]Enfin le mont Latmos est paisible, je ne rencontre plus de bergers téméraires qui osent y chanter des airs nouveaux pendant que Diane s'y promène. AIR : Ô gué lon la bergèreIls me cèdent la place,Et sans souffler,[Note : FLageoler : Jouer du flageolet qui est une petite flûte.]D'abord qu'ils ont l'audace d'y flageoler.Diane se plaît fort vraiment A les voir jouer de leur instrument !Oh ma foi ! Je les chasseBien promptement.Elle vient cette déesse de mauvais exemple qui s'avise d'être prude quand la mode en est passée dès le déluge ! SCÈNE X. Pluton, Diane, boudant. PLUTON. [Note : Ecaniller : Eveiller, exciter.]Vous m'avez cette obligation-là, j'ai écanillé tous ces bergers chantants qui vous étourdissaient. DIANE. AIR : De quoi vous plaignez-vousDe quoi vous mêlez-vousD'épouvanter leurs musettes ? PLUTON. D'amour ils parlaient tous. DIANE. De quoi vous mêlez-vousDe venir dans ces retraitesNous y donner pour régalAu lieu de leurs brunettes Un concert infernal ? PLUTON. AIR : Eh zon, zon, zon, Lisette.Si Diane souffraitL'amour sous ces ombragesMon coeur me conduiraitToujours dans ce bocage. Riant.Et zon zon zon. Sérieux.Mais Diane est trop sageEt zon zon zon[Note : Caton [-234 - -149] : surnommé l'Ancien ou le Censeur, romain célèbre par ses vertus, né à Tusculum, l'an 234 av. J.-C. d'une famille obscure. Il mourut l'an 149 après J.-C. à 85 ans. Censeur, il exerça ses fonctions avec une sévérité qui passa en proverbe. ]C'est un petit Caton. DIANE. Que vous sert de m'aimer ? PLUTON. La belle demande ! DIANE. AIR : Ô Reguingué.Oui car je n'aimerai jamais. PLUTON. Comment esquiver vos attraits ?Où ne lancent-ils pas leurs traits ?Au Ciel, en Terre redoutablesDans l'enfer même ils font les diables. DIANE. AIR : des fraisesQuoi dans l'éternelle nuit, Vous l'affirmez sans honte,Quoi dans l'éternelle nuitLe flambeau de l'amour luit ?Quel conte, quel conte, quel conte ! AIR : Non, je ne ferai pas ce qu'on veut que je fasseNon, Pluton n'est pas fait pour semer la fleurette. PLUTON. Oh ! je sais quand il faut dire la chansonnette ! DIANE. Non, Pluton n'est pas fait pour se laisser charmer. PLUTON. Pluton vous voit souvent, peut-il ne pas aimer ? DIANE, ironiquement. Comment donc ? Je ne vous reconnais plus. AIR : Branle de Metz.Ce style galant et rareEst-il du dieu des enfers ? Vous ferez bientôt des versSous les cyprès du Tenare89 PLUTON. Vous conviendrez que PlutonN'a rien du tout de barbare. DIANE. Je conviendrai que Pluton Ne fut jamais si mignon.Oh çà ! J'ai affaire au ciel et vous en enfer !Ce n'est pas tout à fait le même chemin, quittons-nous sans cérémonie. PLUTON. Oh ! Je ne vous laisserai pas là toute seule ! DIANE. Vous avez une fureur de politesse qui assomme ! On ne saurait sortir de chez vous que vous ne fassiez atteler votre char et que vous ne vous campiez vous-même dedans pour ramener... Bas.des gens qui ne vous tiennent pas grand compte de vos honnêtetés. PLUTON. AIR : Toure loureEn soupirant, quel déboire91 j'essuie !Mon rang ici de rien ne me tient lieu,Je vois fort bien que Pluton vous ennuie. DIANE. Oui comme amantMais Je respecte le dieu. À partToure lon ton ton tontaine la tontaineToure lon ton ton tontaine la tonton AIR : J'en jurerais presque sur sa laideur.C'est à ce mot que Pluton se retire,Par son amour il n'est pas retenu.Partez, mon cher, de vous on pourra dire Jean s'en alla comme il était venu. PLUTON, à part. Je n'ai garde de faire une... pareille sortie... Demeurons plutôt pour examiner la conduite de Diane, son empressement à me chasser doit m'être suspect. AIR : J'ai fait à ma maîtresseCachons-nous pour apprendreCe qu'elle deviendra. Il sort. DIANE, seule. Le sot va redescendre[Note : Sonica : À point nommé, justement, précisément. [F]]Sur son char sonica. Riant.Ah ! Pour faire une scèneToujours le pied en l'air,Ce n'était pas la peineDe sortir de l'enfer.Mais Endymion se montre à mes yeux ! Qu'il paraît inquiet ! Il n'ose m'aborder, il est un peu honteux, il a besoin qu'on le mette en train. SCÈNE XI. Diane, Endymion. DIANE. AIR : Mariez, mariez, mariez-moi.Vous êtes par trop discret, À part.Je vous désire moins sage Haut.Car Diane vous permetL'accès de ce vert bocage.Rassurez, rassurez, rassurez-vous,Là, Berger, prenez courage. Approchez, échauffez, dégelez-vous,Vous filez un peu trop doux.À propos de doux, apprenez Endymion que j'ai cent fois entendu vos concerts... les plus doux.... mais... AIR : Tarare pompon.Vos chants n'expliquent point quel est votre esclavageA qui destinez-vous ce cadeau musical ? ENDYMION. Ah déesse, laissez-moi mon secret ! AIR : Tique tique taque lon lan la.N'allez pas me l'arracher. On ne saurait trop cacherUn amour trop téméraire. Lazzi du bâtonnement.Tique tique taque et lon lan la,L'amant ne peut trop se taireQuand il en est logé là. DIANE. Ne craignez rien. AIR : Pierre BagnoletQuel est ce feu qui vous anime ?Il ne paraît pas fort pressant.Parlez. ENDYMION. Vous m'ordonnez un crime. DIANE, à part, haussant les épaules. Il veut toujours être innocent !Quel innocent ! Pauvre innocent ! Haut.Parlez. ENDYMION. Vous m'ordonnez un crime ? DIANE. La peste crève l'innocent. ENDYMION. AIR : Le bonhomme DiogèneSi vous saviez déesseL'objet de ma tendresse, Loin de me tourmenterPour déclarer qui j'aimeVous verriez qu'un dieu mêmeN'oserait s'y frotter. DIANE. AIR du Camp de Porché-Fontaine106En amour tout rang est égal Il s'agit seulement de plaire,Ce qu'on refuse au généralSouvent s'accorde au mousquetaire.L'amour est un mutin d'enfantPata pan pata pan pata pan pan pan Qui mène tout tambour battant. ENDYMION. AIR : un boulanger de GonesseAinsi donc la tendre flammeDu maître des enfers,Ne touche point votre âme ?Il porte en vain vos fers ? C'n'est pas pour lui que le four chauffe ?C'n'est pas pour lui qu'on cuit chez vous ? DIANE. C'est la pure vérité ! ENDYMION. [Note : Enclouure : Terme de vétérinaire. Blessure d'un cheval qui s'est encloué. Fig. Empêchement, noeud d'une difficulté. [L]]Oh ! Je devine l'enclouure ! DIANE. Quel devin ! Qu'il est bouché. ENDYMION. Confessez la dette ! Vous donnez dans le subalterne, vous oubliez la grandeur.111 AIR : Du haut en bas.Du haut en bas, Votre coeur se plaît à descendre.Du haut en bas,Vos yeux ont trouvé des appas.Quelque heureux mortel vous rend tendre,Et pour lui vous daignez vous rendre, Du haut en bas. DIANE. Enfin vous y êtes ; oui, c'est un mortel qui me charme. AIR de la serrure.Au dieu du ténébreux empireJe le préfère. ENDYMION, à part. Aveu maudit.Comment nommez-vous ce fortuné là ?Eh bien ? DIANE. Faut-il vous le redire ? ENDYMION. Vous ne l'avez pas encore dit. AIR : Lampons.Parlez donc plus clairement.Parlez donc plus clairement. DIANE. Je n'ai jamais vu d'amant.Je n'ai jamais vu d'amant.De conception plus dure. Eh bien ! Le feu que j'endureC'est vous, vous, vous, vous,Vous qui l'allumez chez nous.Cela est-il clair ? ENDYMION. Vous commencez à être intelligible. AIR : I'n'faut pas tout direEh quoi ? J'obtiens tant d'appâtsPour qui je soupire ! Eh quoi ? J'obtiens tant d'appasOh ! je n'en parlerais113 pas,I'n'faut pas tout dire. DIANE. Il faut tout vous dire à vous !Il faut tout vous dire ! N'approchez pas de ce bocage, plaisirs indiscrets et causeurs ! Restez à Paris, et vous qui savez parfaitement bien vous taire, venez bergers, accourez troupe prudente. AIR : Flon flon.Soyez ma confidenteEt célébrez mon choix,Ici Diane chantePour la première fois AIR : tout comme il vous plairaTout comme il vous plaira, LariraTout comme il vous plaira. ENDYMION, inquiet. Ouais, les bergers ne viennent pas. DIANE. Nous nous en passerons bien. AIR : Fi donc Julien.Il me suffit de mon berger ENDYMION. Et moi de ma déesse.Nous pouvons ici sans danger Nous parler de tendresse.Allons cher coeur,Plus de rigueur,Que l'amour la suspende ! DIANE. Endymion ! Songez-y donc !Est-ce que cela se demande ?Serez-vous toujours aussi neuf ? SCÈNE XII. Diane, Endymion, tous les Dieux. LE CHOEUR, caché. Endymion,Songez-y doncEst-ce que cela se demande ? ENDYMION. AIR : CharivariOh ! J'en deviendrai malade !Maudit Pluton !Est-ce encore là quelque aubadeDe ta façon ?Entendrons-nous encore ici Charivari ? DIANE. Vous n'avez que trop bien deviné. J'aperçois dans le bois votre rival qui fulmine et tous les dieux qui se moquent de lui. Hélas, je vais avoir mon tour. CHOEUR DES DIEUX, qui arrivent formant un branle avec Pluton qu'ils entraînent malgré lui, ils environnent Diane et Endymion en chantant. Endymion.Songez-y doncEst-ce que cela se demande ? Pluton se débarrasse des dieux qui l'arrêtaient. Diane et Endymion entourés tâchent de s'échapper. PLUTON, à Diane. Je vous prends donc sur le fait, Madame la sévère. AIR : Tu croyais en aimant Colette.Vous faisiez la prude, déesse ?Vous faisiez la Lucrèce, enfin ? HÉBÉ. N'est-elle pas une Lucrèce ?On la trouve avec un Tarquin121 ! LE CHOEUR DES DIEUX, riant. N'est-elle pas une Lucrèce ?On la trouve avec un Tarquin ! BACCHUS, retournant Endymion qui s'était toujours caché avec son chapeau. Sachons du moins quel dieu est le galant de notre chère soeur. Quelle chute ! Ce n'est qu'un simple berger ! ENDYMION, tremblant. Fort à votre service. APOLLON. L'effronté ! Avoir perverti ma chaste jumelle ! Ceci mérite un châtiment exemplaire ! ENDYMION. AIR : des fraises.Ah ! Messieurs les dieux, pardon ! APOLLON. Non, non, point de clémence. ENDYMION. Épargnez Endymion ! PLUTON. Il faut punir ce fripon !Vengeance, vengeance, vengeance ! CHOEUR DES DIEUX. Vengeance, vengeance, vengeance ! BACCHUS. Oh ça ! Pluton, vous êtes juge et partie dans cette affaire-ci ; voyons un peu ce que vous ferez de votre criminel ! PLUTON. Moi ? Je ne prétends rien innover ; je me copierai sur l'arrêt rendu par mon frère Jupiter en cas pareil ; vous devez vous souvenir tous que ce même Endymion a eu jadis l'audace de s'attaquer à la reine des cieux et que son époux condamna le téméraire à un sommeil de plusieurs années, je lui impose encore ce supplice. ENDYMION. Miséricorde ! DIANE. Quelle barbarie ! VÉNUS. En vérité, Pluton, vous êtes trop cruel ! PLUTON. En vérité, Vénus, vous ne l'êtes pas assez ! VÉNUS, à Diane. AIR : Va t'en voir s'ils viennent Jean.Chère Diane aujourd'huiVous faites des vôtres !Vénus prend votre parti ! PLUTON. Quoi contre nous autres ? VÉNUS. Puisqu'elle est des nôtres, Oui Puisqu'elle est des nôtres. PLUTON. Vous allez voir le cas que je fais de votre protection ! Holà suivant de Morphée ! Il arrive deux songes.Emparez-vous de ce galant et endormez-le très profondément pour deux ou trois siècles, car il n'est que trop éveillé. HÉBÉ à Endymion qui baille. J'endors le petitMon fils,J'endors le petit. DIANE, tiraillant Endymion. AIR : Bonsoir la compagnie.Remuez-vous, Endymion ?La... ENDYMION, baillant. C'en est fait ma mie ! DIANE. Juste ciel ! ENDYMION s'endormant. Bonsoir bouchon !Bonsoir la compagnie ! Bonsoir, pour deux ou trois cent ans !Bonsoir la compagnie ! BACCHUS. Voilà ce qui s'appelle agir vertement. AIR : Je ferai mon devoirLes plaisants seront bien camus, Ils ne chanteront plus (bis)Que Pluton sortant de l'enferNe vient que prendre l'air. (bis) DIANE, désespérée tenant Endymion. Le voilà dans un engourdissement épouvantable. AIRAdieu paniers [vendanges sont faites] Que ferai-je dans ces retraites,Sans mon berger,Sans mes amours?Hélas ! Il dormira toujours.Adieu Paniers, Vendanges sont faites. Les suivants de Morphée emportent Endymion endormi, Diane désespérée le suit, et tous les dieux lui font cortège en chantant. LE CHOEUR DES DIEUX. Adieu paniers, vendanges sont faites. ==================================================