******************************************************** DC.Title = L'AUTEUR DANS SON MÉNAGE, COMÉDIE. DC.Author = GOSSE DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 12:06:53. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/GOSSE_AUTEURDANSSONMENAGE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6115529g?rk=21459;2 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'AUTEUR DANS SON MÉNAGE COMÉDIE EN UN ACTE, EN PROSE MÊLÉE D'ARIETTES Représentée pour la première fois sur le théâtre Feydeau le 8 germinal an sept de la République. PRIX UN FRANC. AN VII. Paroles de C. GOSSE ; Musique de C. Bruni. Représentée, pour les premières fois, sur le théâtre des Troubadours, rue de Louvois, les 29 et 30 prairial, 1er et 2 messidor an VIII. PERSONNAGES. GÉRALDE, le Citoyen REZICOURT. ALEXIS, le Citoyen LEBRUN. MAINROI, le Citoyen DESSAULES. MADAME GÉRALDE, la Citoyenne AUVRAY. CÉLESTINE, la Citoyenne AuGUSTINE LESAGE. La Scène se passe dans un cabinet. L'AUTEUR DANS SON MÉNAGE. Le Théâtre représente Le cabinet de Géralde ; sur La gauche est une table, couverte de papiers en désordre ; sur sa droite, un clavecin ; une bibliothèque, dans Le fond. SCÈNE PREMIÈRE. Madame Géralde; occupée à ranger des papiers; CÉLESTINE, lisant. MADAME GÉRALDE. Qu'as-tu, ma chère Célestine ? CÉLESTINE, d'un air triste. Je n'ai rien, ma mère. MADAME GÉRALDE. Reprends donc ta gaîté ordinaire. CÉLESTINE, d'un air triste. Je suis fort gaie aussi. MADAME GÉRALDE. C'est bien assez des ennuis que te donne l'étude. CÉLESTINE, en soupirant. Voici bientôt l'heure, où je vais prendre ma leçon de musique, de dessin, de morale et de philosophie. MADAME GÉRALDE. Ton père, mon digne époux a plus de zèle que d'adresse ; en remplissant ton esprit de tant d'objets, il t'empêche d'en saisir aucun. CÉLESTINE. Il est vrai. MADAME GÉRALDE. Impatient, brusque, même, quand il compose ; le moindre bruit, dit-il, s'oppose à l'harmonie de ses idées ; ses papiers sont-ils dérangés, sa table est-elle trop éloignée de son feu ; enfin, un rien l'agite. CÉLESTINE. Mais un rien l'apaise ; et s'il nous gronde lorsque sa Muse est rétive, de combien de caresses il nous accable, lorsque son Apollon lui sourit ! MADAME GÉRALDE. Je n'approuve point, cependant, le choix de nos sociétés ; comment, au lieu de te présenter dans ces compagnies, où tes talents te distingueraient, il nous conduit, sans cesse, au milieu de ses graves amis, parmi des lettrés, des savans même. CÉLESTINE. J'aime mieux tout endurer que d'être l'objet de vos querelles. MADAME GÉRALDE. Non , je veux lui prouver que la science.... CÉLESTINE. Est utile. MADAME GÉRALDE. Oui ; mais, les savants sont fort ennuyeux. CÉLESTINE, rougissant et baissant les yeux. Il en est d'aimables, maman. MADAME GÉRALDE. Des savans aimables, qu'est-ce que cela veut dire ? CÉLESTINE. Je ne dois rien vous cacher. MADAME GÉRALDE, d'un ton sérieux. Parlez, Mademoiselle. CÉLESTINE. Il y a quelques jours que j'accompagnai mon père chez son ami Mainfroi... MADAME GÉRALDE. Le professeur de mathématiques, ce vieux railleur qui cache sous un air froid le caractère le plus malin. CÉLESTINE. Il s'agissait de fixer les changements de langues grecque et arabe ; chacun, chargé d'antiques, d'inscriptions, se disposait à discuter avec chaleur et méthode une question, aussi utile ; la conversation, grave d'abord devint tumultueuse ; la gravité m'ennuya ; le bruit me donna de l'humeur ; j'étais mécontente et déplacée ; lorsque mes yeux découvrirent, un jeune savant, dont le maintien annonçait un trouble égal au mien ; tout-à-coup sa figure s'anima, ses yeux se fixèrent sur les miens ; et profitant de l'agitation gênérale, il s'approcha de moi et me dit : AIR.Il est moins utile, je pense, D'être savant, que d'être heureux,Non, non, jamais pour la scienceJe n'oublierai d'aussi beaux yeux.Près de vous j'aime l'ignorance, Et je préfère, en vérité,Aux vains discours de l'éloquenceLes doux regards de Ja beauté.Trompé par sa vaine chimère,Le plus instruit déplaît souvent. Celui qui sait l'art de vous plaireEst à mes jeux le plus savant ;Auprès d'une femme jolie,Tout, est plaisir, tout est bonheur :J'étudierais toute ma vie Si vous étiez, mon précepteur. MADAME GÉRALDE. Cette conversation était inconvenante, Mademoiselle ; et votre légèreté a pu seule autoriser un Jeune homme à vous parler la première fois; CÉLESTINE. Ce n'est pas la première fois que je le voyais ; il m'avait déjà distinguée aux promenades ; et j'ai beaucoup souffert à vous le cacher. MADAME GÉRALDE. Je te sais gré de ta confiance ; l'esprit d'une mère de famille n'est pas de s'opposer à l'amour, mais de le diriger vers un but honnête et délicat. CÉLESTINE. Ma bonne maman ! MADAME GÉRALDE. Depuis le lever du jour, ton père se promène dans la grande allée de notre jardin ; en rentrant il va composer. CÉLESTINE, gaiment. À son retour, nous descendrons au jardin ; nous nous assiérons vers le petit treillage. J'ai encore beaucoup de choses à vous dire. MADAME GÉRALDE. Sur quoi ? CÉLESTINE, vivement. Sur Alexis. MADAME GÉRALDE. Il sera maintenant le grand sujet de nos conversations. CÉLESTINE, caressant sa mère. Alexis ne me fera point oublier ma bonne maman. MADAME GÉRALDE, l'embrassant. Ma chère Célestine ! Je vais voir ce que fait ton père, et s'il va bientôt rentrer. Elle sort. SCÈNE II. CÉLESTINE. Comme mon coeur est tranquille ! Oh ! Que je suis aise, d'avoir pris maman pour ma confidente ! ROMANCE.Ô vous qui vous laissez séduire,Jeunes victimes de l'amour ; Si vous redoutez le délireQue nous inspire un doux retour, Ne craignez point un oeil sévère ;Recherchez plutôt sa rigueur;Vous braverez, un séducteur,Vous trouverez paix et bonheur... En disant tout à votre mère. Si déjà mon âme s'agiteAu doux souvenir d'Alexis ;Si mon coeur en secret palpite,Si tous mes sens sont attendris ;D'une erreur peut-être trop chère Je braverai les vains efforts ;Pour m'épargner de nouveaux torts, Et trouver bonheur sans remordsAh ! J'irai tout dire à ma mère. SCÈNE III. Célestine, Madame Géralde. MADAME GÉRALDE. Descends au jardin, Célestine ; j'ai aperçu de loin ton père ; voilà son attitude. Elle le contrefait. Tantôt il sourit, tantôt il s'agite ; il regarde le ciel et l'invoque ; tout-à-coup il recule trois pas ; il menace la terre, et semble lui dire de s'entr'ouvrir ; puis il paraît joyeux : et je ne sais comment nous allons le voir. Il vient... Sauvons-nous. SCÈNE IV. Madame Géralde, Célestine, Géralde. GÉRALDE, se croyant seul, d'un ton animé. Ô mon génie, ne m'abandonne pas !... MADAME GÉRALDE, à part. Il va se fâcher en me voyant. CÉLESTINE, dans un coin du théâtre. Je n'ose bouger. GÉRALDE. Je vais chanter les charmes de l'union conjugale. MADAME GÉRALDE, à part. L'idée est aimable. CÉLESTINE. Si je pouvais sortir sans qu'il me vît. GÉRALDE, en fureur. Femmes célèbres par vos forfaits, éloignez-vous de ma pensée ! MADAME GÉRALDE, à part. Voilà du noir. CÉLESTINE, tremblante. Je serai grondée. GÉRALDE. Vertueuse compagne de Pompée, fidèle épouse d'Ulysse, Andromaque, Mérope, Zelmire, Antigone, que le souvenir de vos vertus échauffe mon imagination ! Il va se mettre à la table. TRIO. CÉLESTINE. Voilà mon père qui compose Je voudrais sortir, mais je n'ose,Maman, il a bien du chagrinMaman, descendons au jardin. GÉRALDE, inspiré. Implacable Médée,Reprends le chemin des enfers. MADAME GÉRALDE. Ô ciel ! sa tête est égarée, CÉLESTINE. Ô ciel ! Sa tête est égarée. GÉRALDE, à sa fille. Antigone, fille adoréeTu sers d'exemple à l'univers, À sa femme :Pénélope, épouse aimée Que de vertus dans tes revers. Il revient à lui, et reconnaît sa femme et sa file.Mais j'aperçois et ma femme et ma fille ;Toutes deux, venez dans mes bras. MADAME GÉRALDE, CÉLESTINE. Quel bonheur ! Il ne gronde pas. CÉLESTINE, caressant Géralde. Vous le savez, mon père ; Vous aimer fait tout mon bonheur ;Auprès de vous, près de ma mère, Tout remplit, tout charme mon coeur. GÉRALDE, les embrassant. Ô ma femme, ô ma fille !Toutes deux, venez dans mes bras : Oui, les plaisirs qu'on éprouve en familleSont les plus vrais et les plus délicats. Vivement.Mais, respectez le moment du génie ;Sortez, je me sens inspiréDu démon de la poésie. MADAME GÉRALDE, CÉLESTINE. Sortons, son oeil est égaré. GÉRALDE. Sortez, je me sens inspiré. Madame Géralde et Célestine sortent. SCÈNE V. GÉRALDE. Rappelons nos idées ; développons dans mon poème toutes les vertus dont la femme nous offre le modèle !... Il réfléchit.Parée de la couronne nuptiale et plus encore de son innocence, la jeune fille marche à l'autel !... Un regard !... que la pudeur contient encore, promet le bonheur à son amant. Bientôt... elle est mère !... Que de devoirs la nature attend d'elle, elle les remplira tous ; des mains mercenaires ne seront point chargées d'un dépôt si précieux ! Mais... Il se balance avec un air gai, animé. Mais, j'entends un refrain joyeux !... Je la vois près du berceau de son fils !... Pendant son sommeil elle le fixe !... À son réveil elle l'embrasse ; et son premier sourire l'attendrit et la récompense... Quel moment sublime, quelle douce extase !... Écrivons, écrivons. Il va vivement à sa table. Ô ciel !... Quel désordre ! Mes papiers sont dérangés ; je ne retrouve point mes notes !... Il se met en colère. Madame Géralde ! Madame Géralde !... SCENE VI. Géralde, Madame Géralde. MADAME GÉRALDE. Que voulez-vous ? GÉRALDE. Ce que je veux !... Où sont mes notes ? ... MADAME GÉRALDE. Vous m'avez dit vous-même de les placer dans votre secrétaire. GÉRALDE. Il est vrai. MADAME GÉRALDE, prenant les notes dans le secrétaire. Les voici. GÉRALDE. Mon imagination est frappée ; chaque minute est une perte !... Laissez-moi, Madame Géralde, laissez-moi. MADAME GÉRALDE. Je vous laisse. GÉRALDE, courant après elle. Pardonne ma vivacité ; j'avais tort ; ma chère femme. MADAME GÉRALDE, à part. Il est fou !... Elle s'éloigne et l'écoute. GÉRALDE. Enfin , me voilà, seul !... Je pourrai composer à mon aise. Il cherche.Je disais que la femme près du berceau de son fils versait des larmes d'attendrissement !... D'attendrissement... Il se gratte le front, et compose.Ne blâme plus notre amour pour les belles !...Mes pensées se troublent, je ne saurais trouver un hémistiche !... C'est ma femme qui en est la cause !... Que le diable l'emporte. MADAME GÉRALDE. Je vous remercie. Elle aperçoit Mainfroi.Mais voici votre ami Mainfroi. GÉRALDE, qui n'a point entendu. De l'homme heureux. MADAME GÉRALDE. Voici votre ami Mainfroi. Elle sort. GÉRALDE, à part. On vient encore me déranger !.... SCÈNE VI. Géralde, composant ; Mainfroi. MAINFROI. Bonjour, Géralde. GÉRALDE. Bonjour. À part.J'étais en verve...Notre amour pour les belles... Mainfroi, que me veux-tu ? MAINFROI. Je viens te communiquer une importante affaire. GÉRALDE. Quelque nouveau problème, sans doute. MAINFROI. J'en ai un très difficile à résoudre. GÉRALDE. Lequel ? MAINFROI. Le coeur de mon neveu. GÉRALDE. Comment? MAINFROI. Il est très amoureux. GÉRALDE. Ah, ah ! MAINFROI. Et cet amour le tourmente. GÉRALDE. Il aime une coquette, sans-doute, MAINFROI. Vous ne savez pas à qui vous insultez. Celle qu'il aime est belle, vertueuse ; mais elle a un très grand défaut. GÉRALDE. Quel défaut ? MAINFROI. Elle aime la poésie ; mon neveu ne peut lui plaire que par l'harmonie de ses hémistiches. GÉRALDE. Pourquoi blâmer un goût aussi délicat ? MAINFROI. Mon neveu ne saurait y répondre ; loin de toucher son coeur par des paroles inutiles, il ne connaît que l'art de les épargner par des signes algébriques. GÉRALDE. Joli talent pour gagner le coeur d'une belle. MAINFROI. Aussi suis-je fort embarrassé. GÉRALDE. Je le crois. MAINFROI. Et je venais te prier.... GÉRALDE. Expliquez-vous. MAINFROI. De protéger l'amour de mon neveu, de lui composer quelque strophe amoureuse. GÉRALDE. Je n'en ferai rien. MAINFROI. Tu me refuses. GÉRALDE. Vingt fois vous m'avez traité de fou ; la poésie est une chimère, disiez-vous. MAINFROI, le priant. Mon ami... GÉRALDE. Non, non. MAINFROI. Obligez-moi. GÉRALDE. Prières inutiles ! MAINFROI. Le bonheur de mon neveu, en dépend. GÉRALDE. Son bonheur !... MAINFROI. Sans doute. GÉRALDE. Voilà une raison. MAINFROI, à part. Il est pris. GÉRALDE. Envoyez-moi votre neveu ; qu'il me fasse le portrait de sa belle ; et je réponds que mes vers le séduiront. Et quand, grâce à ma Muse, vous serez tous heureux, prosternés au pied du Parnasse, vous ne comparerez plus les mathématiciens aux poètes ; les mathématiciens !... Il rit. Vous marcherez sur des routes inconnues ; les calculs de la raison valent ils donc les élans du génie ? MAINFROI. Non, certainement. GÉRALDE. La moindre intrigue vous embarrasse ; si vous aviez à combattre l'avarice d'un tuteur les refus d'un père, les soupçons d'un jaloux. MAINFROI. Je n'oserais le tenter : un mathématicien lutter contre un poète ? GÉRALDE, avec enthousiasme. La poésie nourrit l'âme, l'élève, l'embrase ; et ce n'est qu'au sein des arts, que l'on peut oublier la méchanceté des hommes, et l'inconstance des femmes. MAINFROI. C'est pour cela, que les poètes sont heureux et raisonnables. GÉRALDE. Vous raillez ; mais l'envie vous dévore !... Que pouvez-vous comparer aux succès du génie ? Quelles mains plus utiles que celles qui nous retracent les crimes punis, les vertus récompensées ? Quel triomphe plus beau que celui du poète ; partout sa voix terrible est l'effroi du méchant et l'espérance de l'opprimé ; le burin de Clio, la lyre de Pindare, le masque de Thalie, le poignard de Melpomène ; tout sert également à sa gloire ; ses travaux sont pénibles, le terme de l'espérance est éloigné ; j'en conviens: mais que de récompenses sublimes l'attendent et le consolent à la fois; au théâtre, par exemple, combien le succès doit élever son âme !... Voyez dans nos spectacles cette beauté sensible, dont l'air est si attentif ; ses yeux sont remplis de larmes ; sa respiration est suffoquée ; voyez le mouvement pressé de sa poitrine ; elle se trouve mal !... Et quelle est l'a cause de cette douleur délicieuse ; c'est cet homme qui, renfermé dans son cabinet, marchant comme un égaré, a tracé ses nouvelles combinaisons dramatiques et dont les compositions sombres et pathétiques, commandent à la fois l'attention et l'attendrissement. MAINFROI. Fort bien. GÉRALDE. La pièce finit ; entendez-vous ces trépignements, ces battements de main, ces cris confus et redoublés : l'auteur ? L'auteur ?... Il paraît, il s'avance d'un air modeste ; n'importe son costume, il est toujours beau : les cris redoublent ; le bruit augmente ; et sa tête se baisse au milieu des applaudissements ; dites-moi si tous les mathématiciens de la terre occasionneraient ensemble un tapage aussi délicieux. MAINFROI. Pauvre fou, votre enthousiasme est sublime ; mais il est facile de le détruire ; et je vais opposer au moment du succès le moment de la chute ; déjà quelques murmures ont annoncé l'orage ; un mot, un seul mot réveille la critique ; voyez-vous ce groupe bâillant ; cet autre, s'agitant en mille façons diverses : jetez les yeux dans cette loge ; voyez cette beauté délicate ; pour chasser l'ennui qui l'assiège, elle respire des odeurs ; ici, les amis de l'auteur se désespèrent ; là, ses rivaux se réjouissent ; le souffleur s'embarrasse ; l'auteur s'inquiète ; chacun tremble : le dénouement arrive ; nouveau mécontentement; le bruit redouble ; la toile tombe enfin : quels sons aigus ont déchiré mon oreille ! Entendez-vous les cris de la colère, le rire du mépris, plus insultant encore : à bas l'auteur !... À bas l'auteur !... Et dites-moi si tous les mathématiciens de la terre occasionneraient ensemble un tapage aussi désagréable. GÉRALDE. La chute !... Les sifflets !... Ils n'ont que cela à dire. MAINFROI. Revenons à mon neveu ; il soupire, il m'attend ; et je vais lui annoncer.... GÉRALDE. Que je le mets sous la protection de ma Muse. MAINFROI, d'un ton railleur. Et tu crois que sa jeune amante sera attendrie par le charme de ta poésie. GÉRALDE. Vous en doutez, peut-être. MAINFROI. Quel triomphe pour toi, quel bonheur pour mon neveu ! Oh, pour le coup, si tu réussis, je ne raille plus ; et je reconnais l'utilité de la poésie. À part.Je l'attends au dénouement. Adieu, mon neveu va venir, songe à tenir, ta parole. GÉRALDE. Je l'attends. Mainfroi sort. SCÈNE VIII. GÉRALDE. Ces génies étroits ne sentent, rien... C'est parce que la carrière est dangereuse, qu'elle est encore plus honorable... La chute !.. Les sifflets ! Tout cela est fort désagréable mais enfin, on ne tombe pas toujours. COUPLETS. Je connais plus d'un auteur Qu'une chute désespère ; Moi, je dis, dans ce malheur, J'ai mal fait, je dois mieux faire. Si je viens de m'égarer, Une autre Muse m'inspire ; Je n'ai su faire pleurer, Et je cherche à faire rire. Ainsi, l'amant rebuté Abandonne les cruelles ; Pour trouver la volupté Il s'adresse à d'autres belles ? Si quelque railleur malin Fait tomber tna comédie , , Je ferai le lendemain Une grande tragédie. S'il osait ehcôr dormir , S'il se montrait difficile , Je ferai pour l'attendrir Un aimable vaudeville';. Et si l'on applaudit peu Aux grands efforts de ma rime, Je mets le théâtre en feu, Et le diable en pantomime. Voici l'heure des leçons de Célestine. Avec sensibilité.Un père ne peut mieux commencer sa journée que par l'éducation de ses enfants. Que ce soit votre prière du matin, ô vous qui voyez grandir auprès de vous ces jeunes arbustes ; songez que le bonheur est sous leur ombrage ; c'est en nourrissant la sève de leur vertu, que votre vieillesse sera heureuse et respectée. J'entends ma fille. SCÈNE IX. Géralde, Célestine, portant un gros livre, des dessins et de la musique. GÉRALDE, à part. Qu'elle est jolie ! Approche, ma chère Célestine ; embrasse ton père. Célestine l'embrasse.Tu m'as promis d'étudier. CÉLESTINE, à part. Il va bien me gronder. GÉRALDE, gravement. Je vous ai recommandé le chapitre douzième de mon livre élémentaire, ce chapitre important qui traite de la morale, de la philosophie et qui m'a coûté tant de veilles. CÉLESTINE, à part. Il m'en a coûté bien davantage. GÉRALDE. Qu'est-ce que la morale ? CÉLESTINE. La morale est l'art... Je ne m'en souviens plus. GÉRALDE. Comment ! Vous ne vous souvenez pas de ma morale. CÉLESTINE. Ah, mon Dieu ! GÉRALDE. Est-il possible, Mademoiselle, que vous soyez d'une telle inattention. CÉLESTINE. Ne vous fâchez pas. GÉRALDE, ouvrant son livre. Lisez, Mademoiselle, lisez. CÉLESTINE, ouvre le gros livre en tremblant. La morale est l'art de distinguer le vice, et de suivre la vertu et.... GÉRALDE. Et la philosophie ? CÉLESTINE. La philosophie est l'amour de la sagesse ; elle nous rend indulgents pour les autres, et sévères pour nous-mêmes ; elle nous apprend à supporter l'adversité sans bassesse, l'opulence sans orgueil ; elle nous fait rire des folies humaines ; et par elle, l'homme est plus heureux parce qu'il devient meilleur. GÉRALDE. Quels sont les devoirs des femmes ? CÉLESTINE. La constance et la pudeur. GÉRALDE. Les obligations des mères ? CÉLESTINE. La surveillance et la bonté. GÉRALDE. Avez-vous composé vos dessins ? CÉLESTINE. En voici de nouveaux. GÉRALDE, examinant les dessins. Venez me les expliquer. CÉLESTINE. L'épouse élève vers son père le tendre fruit de son hymen ; elle se plaît à opposer aux cheveux blancs de son vieillard chéri, la tête blonde de son jeune fils. Tandis qu'elle prouve ainsi son respect filial, son oeil fixé sur son époux, sa main étroitement serrée dans la sienne, prouvent l'amour... GÉRALDE, gravement. L'amour. CÉLESTINE. L'attachement qu'elle a pour son époux. GÉRALDE, à part. L'amour, voilà la première fois que ce mot lui échappe. CÉLESTINE, à part. Il va se fâcher. GÉRALDE. En observant avec attention votre dessin Mademoiselle, je vois, que la jeune épouse paraît oublier son père. Vous avez tout sacrifié à l'hymen. CÉLESTINE. Mon exécution a donc trahi ma pensée. Je désirais que son émotion parût partagée. Remarquez combien je me suis attachée à rendre le vieillard respectable. GÉRALDE. Il est vrai. CÉLESTINE. J'ai toujours blâmé ces lourdes compositions, compositions, où, pour arracher le sourire, on blesse les égards que l'on doit à la vieillesse. GÉRALDE. Passons à votre leçon de musique. Chantez moi l'air que vous avez choisi. Il se met au clavecin.Mais point de romance langoureuse. CÉLESTINE, choisissant un morceau de musique. Ce morceau est assez gai, je l'ai distingué. RONDEAU. Dieu favorable aux dames Dieu fripon, dieu malin, Tu subjugues nos âmes, Tu fixes le destin ; La paix, comme la guerre, Tout embellit ta cour ; Les tyrans de la terre Sont esclaves d'amour. Par toi l'âme attendrie Brave tous les malheurs ; Le chemin de la vie Est parsemé de fleurs. Tu conduis la jeunesse Sur l'aile du désir ; Tu charmes 1a vieillesse Par un doux souvenir : La paix, comme la guerre, Tout embellit ta cour, Les tyrans de la terre Sont esclaves d'amour. GÉRALDE, en colère. Sont esclaves d'amour. Pourquoi avez-vous choisi ces paroles ? CÉLESTINE. La musique m'a paru jolie. GÉRALDE. Elle est maussade ; et je vous défends de la répéter. CÉLESTINE. Quel sujet avez-vous pour me gronder ? GÉRALDE, à part. Il serait dangereux de m'expliquer. CÉLESTINE. Comment ai-je pu vous déplaire ? GÉRALDE. Ne m'interrogez pas ; retournez à l'étude ; réfléchissez sur vos cours de morale, de philosophie ; étudiez mon livre élémentaire ; et surtout, que l'hymen, n'entre plus dans la composition de vos dessins ; une petite fille ne doit point inventer de semblables tableaux. CÉLESTINE, en pleurant. Une petite fille ! Ah, pauvre Alexis. Elle sort. SCÈNE X. GÉRALDE. Quelle expression elle avait mise dans son dessin ! Que les regards de cette jeune épousée étaient ardents ! Comme elle prononçait ce mot... Amour !... Mais ne blâmons point cette sensibilité, c'est la première vertu des femmes. Ô sexe aimable et chéri, c'est de toi que ma Muse doit s'occuper ; Il court à la table.Mon esprit est plein de tes grâces, de tes vertus. Il compose.Ne blâmez plus notre amour pour les belles Froids orateurs, , soyez reconnaissants. . . . Il cherche.Vos premiers cris furent calmés par elle ;Et les héros !... et les héros ont été des enfants. Il déclame le quatrain.Fort bien ! La chute est admirable.Pour adoucir lès horreurs de la guerre , Le ciel mit dans nos coeurs l'amour et les désirs ; Ainsi la femme est un dieu... SCÈNE XI. Géralde, Madame Géralde. MADAME GÉRALDE. On vous demande. GÉRALDE, brusquement. Laissez-moi. Il écrit.Pour adoucir les horreurs de la guerre, Le ciel mit dans nos coeurs l'amour et les désirs ; Ainsi la femme est un dieu... MADAME GÉRALDE. M'avez-vous entendue ? GÉRALDE, cherchant ses vers. Ainsi la femme est un dieu... MADAME GÉRALDE. Répondez. GÉRALDE, en colère. Au diable !Ainsi la femme est un dieu... MADAME GÉRALDE. Un jeune homme vous demande. GÉRALDE, vivement. Tant pis pour lui. MADAME GÉRALDE. Écoutez-moi. GÉRALDE, en colère et vivement. Ne parlez pas ; vous allez détruire mon enthousiasme ; je compose ; je chante les douceurs de l'hyménée ; et je vous prie, ma chère femme, de ne pas m'impatienter. MADAME GÉRALDE. Quelle tête ! GÉRALDE. Ne m'échauffez pas les oreilles. Oh ! Mon Dieu, vous êtes cause que mon vers s'est échappé ; que disait-il, mon vers, vous en rappelez-vous ? MADAME GÉRALDE. Non, sans-doute. GÉRALDE. Je disais.... MADAME GÉRALDE. Vous disiez qu'il faut m'entendre. GÉRALDE. Oh ! Qu'une femme est insupportable ! MADAME GÉRALDE. Ce n'est point là votre vers. GÉRALDE. Silence, le voici. Il déclame.Pour apaiser les horreurs de la guerre, Le ciel mit dans nos coeurs l'amour et les désirs ;Ainsi la femme est un dieu sur le terre ;Elle calme nos maux et double nos plaisirs. Comment les trouvez-vous ? MADAME GÉRALDE. Mauvais. GÉRALDE. Mauvais ? MADAME GÉRALDE. Sans doute ; ne vantez pas les femmes étrangères ; et soyez plus honnête envers la vôtre. GÉRALDE, en colère. Madame Géralde, vous me poussez à bout ; vous me devenez insupportable !... MADAME GÉRALDE. Vous l'êtes bien davantage. GÉRALDE. Je prendrai mon parti. MADAME GÉRALDE. Quel parti ? GÉRALDE. Vous me troublez sans cesse ; vous tuez mon talent ; et vous me forcerez enfin... MADAME GÉRALDE. À quoi ? GÉRALDE. À divorcer, Madame Géralde, à divorcer. Il compose.L'hymen fut inventé pour charmer l'existence. MADAME GÉRALDE, vivement. Que penserait-on de vous si l'on était témoin d'une semblable scène ; eh quoi ? Dirait-on, celui qui paraît si reconnaissant envers les mères, si tendre envers les épouses, il maltraite sa compagne : votre conduite sera la critique de votre ouvrage ; pour qu'on vous croie, messieurs les écrivains, il faut que vos actions soient semblables à vos écrits. GÉRALDE, à part. Elle a raison, je crois, ma femme. MADAME GÉRALDE. Le mot affreux que vous avez prononcé ne m'est pas échappé ; et quoique rassurée par l'amitié que vous portez à votre Célestine, je ne peux m'empêcher de pleurer en me le rappelant. GÉRALDE, confus. Qu'ai-je dit ? MADAME GÉRALDE. Vous avez parlé de divorce ! GÉRALDE. De divorce !... j'ai prononcé ce mot affreux ; ah ! Pardon, ma chère femme ; et c'est ma misérable vanité qui me l'a arraché. Ah ! Pardonne-moi ; que le diable emporte mes vers ; ceux-ci ne verront pas le jour, puisqu'ils t'ont chagrinée. Il déchire ses vers , et embrasse sa femme. MADAME GÉRALDE. C'en est assez, mon ami ; tout est oublié. GÉRALDE, ému. Je n'entends point que mon talent pour la poésie trouble la paix dé mon ménage ; si tu l'exiges, je vais déchirer devant toi toutes mes productions ; je te sacrifierai jusqu'à mon poème en dix-huit chants. MADAME GÉRALDE. Calme-toi. GÉRALDE. Tu n'as qu'à dire un mot, la postérité ne le verra point. MADAME GÉRALDE. Laissons cela ; écoute-moi ; je venais t'annoncer que le neveu de ton ami Mainfroi demande à te parler, et qu'il attend depuis longtemps. GÉRALDE. Fais-le entrer, ma bonne amie. MADAME GÉRALDE. Je vais l'introduire. Elle va sortir. GÉRALDE, la remenant, ému. Veux-tu que je déchire mon poème, et que je renonce au Parnasse pour la vie. MADAME GÉRALDE. Non, mon ami ; que la littérature charme tes loisirs ; mais n'imite pas la folie commune, et qu'un délassement n'empoisonne point ta vie. GÉRALDE. Bonne excellente épouse... MADAME GÉRALDE. Allons, mon ami, faisons la paix. Ils s'embrassent. Elle sort. GÉRALDE, seul. Oh, c'en est fait, je dois renoncer, à la poésie, cela me rend d'une humeur insupportable; cependant j'avais bien commencé mon poème sur les femmes ; je suis fâché de l'avoir déchiré ; il me vient encore une bonne idée. SCÈNE XII. Géralde, Alexis ALEXIS. Je vous prie d'excuser la liberté... Je vous dérange ; vous paraissez profondément occupé. GÉRALDE. Restez, je vous attendais. ALEXIS. Mon oncle vous à prévenu sur ma situation. GÉRALDE. Oui, vous êtes amoureux ; votre jeune amante aime la poésie. ALEXIS. Pour lui plaire, je voudrais lui adresser des vers dictés par mes sentiments, mais embellis par votre plume aimable. GÉRALDE. Quels sont les paroles de la demoiselle ? ALEXIS. Je l'ignore ; je sais seulement, et mon oncle me l'a dit, son père est rempli d'esprit et de talent ; lui-même a fait l'éducation de sa fille. GÉRALDE. Vous approuvez ce soin. ALEXIS. Je l'admire. GÉRALDE. Eh bien ! Il faut en parler dans nos vers ; on excite l'amour d'une demoiselle délicate, lorsqu'on sait apprécier les vertus de son père. GÉRALDE. Demeurez, je me sens inspiré. Il écrit. ALEXIS. Je me retire. GÉRALDE. Non, demeurez. ALEXIS. Attendez !... Je suis en verve. Ne m'interrompez pas ? AIR.Pour plaire à l'objet qui m'enflamme,Et dont j'attends un doux retour,Grand dieu, fais passer dans son âmeEt mes désirs, et mon amour ; Remplis son coeur de mon ivresse.Qu'il partage mon ardeur ; Que l'image de ma maîtresseL'inspire et parle à son coeur. GÉRALDE, composant. Fort bien ; quelle chaleur ! Mes vers parleront à son coeur.Lisez. ALEXIS, après avoir lu avec émotion. L'esprit et le sentiment brillent tour-à-tour dans vos vers. GÉRALDE. Les yeux d'un auteur, les yeux d'un amant ont peine à distinguer des défauts. ALEXIS. Ils sont charmants. GÉRALDE. Ne trouvez-vous pas indiscret, que je les communique à mon épouse ? C'est un excellent juge ; jamais je ne compose sans l'avoir consulté. ALEXIS. Cela me procurera l'occasion de lui présenter mes devoirs. GÉRALDE. Je vais donc l'appeler. Madame Géralde ? Madame Géralde ? SCÈNE XIII. Géralde, Alexis, Madame Célestine, Célestine. ALEXIS, allant au-devant de mad. Géralde. Madame... Ciel, que vois-je, Célestine ! CÉLESTINE, le reconnaissant. Alexis ! ALEXIS, à part. Le coeur me bat. GÉRALDE, bas à Alexis. Vous permettrez que ma fille se retire ; je ne veux point qu'elle entende mes vers. ALEXIS. Et pourquoi ? À part.Personne n'en peut mieux juger qu'elle. GÉRALDE, bas à sa femme. Restez, mais renvoyez Célestine. MADAME GÉRALDE. De quoi s'agit-il ? ALEXIS, vivement, regardant Célestine. D'une déclaration d'amour. GÉRALDE, agité, bas à Alexis. N'en parlez pas devant cette petite fille : jamais ce mot n'a frappé son oreille. CÉLESTINE, vivement. Je voudrais bien l'entendre. GÉRALDE, à sa femme. Ma fille ne se connaît point en vers. MADAME GÉRALDE. Pourquoi mépriser son jugement ? CÉLESTINE. Vous me traitez comme un enfant. Mais demandez à ma bonne maman. Je raisonne avec elle, et j'ai peur avec vous. ALEXIS, bas à Géralde. Vos vers ne peuvent inspirer que des sentiments délicats. GÉRALDE, content. Il est vrai. ALEXIS. Le bon goût les distingue. GÉRALDE, à part. Ce jeune homme est connaisseur. CÉLESTINE, en caressant Madame Géralde. Je voudrais bien entendre les vers de mon papa. MADAME GÉRALDE, bas à son mari. Vous l'humilieriez par un refus. CÉLESTINE. Je ne connais que la bonté de votre coeur ; que je puisse encore applaudir aux qualités de votre esprit. GÉRALDE. Eh bien, je vais vous les lire. ALEXIS, vivement. Il s'agit d'un amour pur et délicat. CÉLESTINE. Je le crois. ALEXIS, vivement, en regardant Célestine. L'objet a mille qualités : esprit, grâces, talents, modestie ; elle réunit tout. CÉLESTINE, émue. Cela doit être intéressant. GÉRALDE. Silence. MADAME GÉRALDE. Écoutons. GÉRALDE, déclamant les vers à sa fille. Pourquoi cacher le beau feu qui m'anime,Et me livrer à de cruels efforts ;Lorsque l'amour est le fruit de l'estime,L'amant doit-il rougir de ses transports ? Loin de vouloir échapper à lui-même,D'un sot orgueil il doit braver l'erreur,Beauté sensible, apprends donc que je t'aime,Et d'Alexis décide le bonheur. CÉLESTINE. Oh ! Que ces vers sont jolis. ALEXIS. La chute est admirable. Il déclame en fixait Célestine.Et d'Alexis, décide le bonheur. GÉRALDE. C'est coulant, c'est naïf. Il déclame.Et d'Alexis décide le bonheur. À Madame Géralde.Qu'en pensez-vous, Madame Géralde ? MADAME GÉRALDE. Il sont assez bien. CÉLESTINE. Oh papa, c'est votre meilleur ouvrage. GÉRALDE. Écoutez le second couplet. ALEXIS, à Géralde. La modestie vous empêche d'appuyer sur les beaux endroits de votre ouvrage. GÉRALDE, à part. C'est la vérité. ALEXIS. Pour bien exprimer ses vers, il faut avoir mon coeur. Il prend la déclaration d'amour des mains de Géralde, et chante en lisant. AIR.Un père tendre, à ton enfance,Forma ton esprit et ton coeur ;Je lui dois ma reconnaissance ;Lui devrais-je aussi mon bonheur ? Célestine, soit attendrieJe t'engage à jamais ma foi ;Ton Alexis chérit la vie, Pour la passer auprès de toi. CÉLESTINE, à part. Quel trouble agite tous mes sens ; Papa, vos vers sont excellents. ALEXIS. Quel trouble agite tous mes sens ; À Géralde.Vos vers sont excellents. GÉRALDE, MADAME GÉRALDE, à part. Oh, c'est charmant ! À Alexis.Que de feu !... Que de sentiment ! SCÈNE DERNIÈRE. Géralde, Alexis, Madame Géralde, Célestine ; Mainfroi : paraît dans le fond ; son geste annonce le plaisir qu'il éprouve, en voyant lire Alexis. ALEXIS, les feux fixées sur Célestine. Ô toi que j'aime, sois sensibleAux voeux de mon premier amour ;Que ton âme soit moins paisible,Et qu'elle éprouve un doux retour.Célestine !... Célestine. Alexis croyant que Géralde ne le voit pas, prends la main de Célestine. GÉRALDE, surpris. Célestine que dites-vous ;Quel est donc ce transport bizarre ? ALEXIS. Je suis perdu, l'amour m'égare. À Géralde.Cachez votre courroux. GÉRALDE, apercevant Mainfroi, et courant à lui. Approche, explique-moi cet étrange mystère ; J'ai composé mes vers ; à tous ils ont su plaire.Célestine est émue ; Alexis enivré ;Un sentiment nouveau tout-à-coup le domine ;En déclamant mes vers, il nomme Célestine.Apprends-moi le secret de son coeur égaré. MAINFROI, d'un ton railleur. Tes vers sont composés ; à tous ils ont su plaire.Célestine est émue ; Alexis entraîné...Dans leurs yeux tour-à-tour le sentiment pétille ;Du trouble de leur coeur ne sois point étonné ;Apprends-doncque ces ver s'adressaient à ta fille. GÉRALDE. À ma fille... MAINFROI. À ta fille. GÉRALDE. Pour me tromper on s'introduit chez moi. MAINFROI. Allons, mon ami, calme-toi ;Mon Alexis sera de la famille. GÉRALDE. Ton neveu m'a trompé. MAINFROI. Je suis le seul coupable. L'amitié rend tout excusable. CÉLESTINE, à Géralde en le caressant. Ah ! Mon père, il n'est point coupable ;Faites le bonheur de tous deux. ALEXIS, à Madame Géralde. Ah ! Madame, comblez nos voeux. MADAME GÉRALDE, à Géralde. Qu'en pensez-vous ? GÉRALDE. On peut attendre. MADAME GÉRALDE. Ah !... Pourquoi retarder leur bonheur ? GÉRALDE, entraîné par les caresses de sa famille. Soyez unis ; soyez mon gendre ;Et surtout faites son bonheur. À Célestine, en lui présentant Alexis.Tu vas prendre, ma chère,Un autre précepteur ; Celui-là sait mieux te plaire. CÉLESTINE. Mon livre élémentaireEst écrit dans son coeur. CÉLESTINE, ALEXIS. L'amour qui nous engageSuffit à tous nos voeux. MAINFROI. Tu les rends tous heureux ;C'est ton meilleur ouvrage. ==================================================