******************************************************** DC.Title = AGIS, PARODIE d'AGIS. DC.Author = GOULARD, Jean-François-Thomas DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parodie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 13:20:01. DC.Coverage = Grèce DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/GOULARD_AGIS.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** AGIS PARODIE D'AGIS EN UN ACTE. Représentée, pour la première fois, par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi, le Vendredi 2 Août 1782. M. DCC. LXXXII. À PARIS, Chez BRUNET, rue Mauconseil, à côté de la Comédie Italienne.[sans marque d'achevé d'imprimé] ACTEURS. AGIS, Roi de Sparte. M. Méniter. LÉONIDAS, beau-père d'Agis, son collègue au trône. M. Rosière. AGÉSISTRATE, mère d'Agis. Mme. Gontien CHÉLONIS, fille de Léonidas, femme d'Agis. Me. Julien. LYSANDER, ancien Ephore, ami d'Agis. M. Trial. EMPHASÉS, Ephore ami du tyran. M. Chevalier. EPHORÉS. SÉNATEURS. UN SPARTIATE. M. Philippe. UNE JEUNE FILLE. Mlle. Desbrosses. UN GARDE. M. Dufresnoi. UN DOMESTIQUE. TROUPES DU PEUPLE. SOLDATS. La Scène est à Sparte, dans le Palais des Rois. À droite, on voit la statue de Lycurgue. AGIS SCÈNE PRÈMIERE. AGÉSISTRATE, seule. Air : Du Noël Suisse.Ah ! le coeur me bat ; Car mon fils combat Contre un fier tyran, Qui pis est son parent. Sparte, je rougis D'aimer mon cher Agis : Hélas ! c'en est fait, Peut-être il est défait : S'il vit, je le pleure, Ou dans ma demeure Je mourrai sur l'heure, À moins qu'il ne meure : Ah ! ce n'est qu'ici, Qu'on se console ainsi. J'aperçois Lysander, l'ancien précepteur de mon fils : cet homme-là n'est point sans mérite ; d'ailleurs, il fait fort bien les nouvelles. SCÈNE II. Agésistrate, Lysander. AGÉSISTRATE. Air : De Joconde.Sparte enfin, prudent Lysander, Ressuscitera -t-elle ? LYSANDER. Ah ! ce bien à nos coeurs si cher, La liberté chancelle. J'entre au Sénat : dans mon ardeur ;Je parle, je pérore ; Mais ils m'ont pris pour un plaideur ; Car ils dorment encore. AGÉSISTRATE. Air: Du pas redoublé de l'infanterie. Ah ! combien nous comptions pourtant Sur leurs décrets suprêmes ! LYSANDER. Mais qu'aperçois-je en cet instant ? Parbleu ! ce sont eux-mêmes. AGÉSISTRATE. Pourquoi dans mon appartement, Leurs faces parasites ? LYSANDER. Ah ! c'est qu'ils sont apparemment Dans leur cours de visites. Lysander, écartant les fauteuils.N'allez pas les faire asseoir ; ils s'endormiraient encore. AGÉSISTRATE. Eh ! Comment les en empêcher, s'ils en ont envie ? LYSANDER. Parlez-leur de la Patrie, de la vertu, de la gloire. AGÉSISTRATE. [Note : Mercuriale : Ce mot s'emploie aussi pour signifier une assemblée de gens de lettres, qui se fait tous les Mercredis chez quelque personne savante, où l'on parle de plusieurs choses, soit de lettres, soit de nouvelles. On a tenu longtemps des Mercuriales chez Mr. Ménage. [F]]Ils dormiraient debout : quoi qu'il en soit, essayons une petite mercuriale, à la manière, accoutumée. SCÈNE III. Les précédents, les Sénateurs entrent. AGÉSISTRATE. Je suis de vous Très mécontente, Entendez-vous ? Air : Tout roule aujourd'hui. Vous craignez un tyran infâme ; Vous moliriez, s'il était là : Faut-il que ce soit une femme Qui vous reproche ces torts-là ? Chacun pour soi dans cette affaire ; Aucun n'est Grec ni Citoyen : Les uns agissent pour mal faire, Et tous les autres ne sont rien. Air: Pour la Baronne.À la buvette, Vous oubliez votre pays,Et la besogne n'est pas faite, Que l'on vous voit mener Thémis À la buvette. À Lysander.Ces Messieurs ne disent rien. LYSANDER. Ils n'en pensent pas moins. Air : Souvenez-vous en.Mais attendons Emphases Pour concerter nos projets. Je l'ai vu tantôt vraiment, Méfions-nous-en, Méfions-nous-en : Pour moi je le crois tout bas, Ami de Léonidas : [Note : Le vers 54 est le vers 224 de Agis, tragédie de Laignelot.]Il semblait sous le fer endormir la victime. LYSANDER. Je l'aperçois. AGÉSISTRATE. Voilà ce que c'est que d'en parler ! SCèNE IV. les précédents, Emphasés. EMPHASÉS. Air : Des trembleurs.On récit va les surprendre ; Mais hélas ! Quel détour prendre ? Comment puis-je leur apprendre Un si déplorable sort ? Que la mère m'intéresse ! Mettons-y beaucoup d'adresse, Et ménageons sa tendresse... Ah ! Madame, Agis est mort. AGÉSISTRATE, gaîment. Il est mort ! Air : Des drapeaux. Quel plaisir ! Ah ! mon désir S'accomplit : je suis heureuse, Mon fils meurt : C'est un malheur Pour Sparte, et non pour mon coeur. EMPHASÉS, à part. La tête lui tourne : rassurons-la. Haut.Mais, écoutez, Madame, il n'est peut-être que battu, blessé légèrement, et d'ailleurs en très bonne santé. AGÉSISTRATE, tristement. AIR : Nous jouissons dans nos hameaux. Qu'entends-je ! Ne me cache rien Du malheur qui m'accable : Ah ! Si mon fils se porte bien,Je suis inconsolable. Au reste, dans l'art des combatsJe ne suis pas novice. S'il n'est plus, je cours sur ses pas Demander du service. SCÈNE V. Emphasés, Lysander, Le Sénat. EMPHASÉS, aux Sénateurs. Pour vous, Messieurs, je vous conseille de prendre votre parti : je sais de très bonne part que Léonidas se prépare à vous remercier. LES SÉNATEURS, en sortant. AIR : Quel désespoir. Quel désespoir, D'être sans état à notre âge !Quel désespoir, Que faire du matin au soir ! SCÈNE VI. Emphasés, Lysander. EMPHASÉS. À Nous deux maintenant. Du Duo des deux Avares. Profitons du malheur de tous, De moitié nous serons ensemble... LYSANDER. Que dis-tu ? Quoi, tu trahis l'État ? EMPHASÉS. Un peu ; mais qu'importe ? LYSANDER. AIR : Belle Raimonde. Quand c'est sur toi que se fonde Notre commun intérêt ! EMPHASÉS. La fortune me seconde, Mon sort n'est pas encor fait : Chacun pour soi dans ce monde, Le sceptre est beau tel qu'il est. LYSANDER. Je ne t' écoute pas ; laisse-moi, traître, ne compte plus sur mon amitié. AIR : On compterait les diamants. Nous mourrons courageusement, Sans que tu sois de la partie. EMPHASÉS. J'en suis indigne assurément ; Admire au moins ma modestie. LYSANDER. Te parlant encor, je croirais Partager ton ignominie. Reste tout seul. EMPHASÉS. Ah ! je pourrais Être en meilleure compagnie. SCÈNE VII. EMPHASÉS, seul. Il m'émeut avec sa vertu : je sens.... Allons, allons, point de faiblesse ; les petits scrupules dérangent les grands projets. J'entends Agis et les boucliers des soldats. Défait, proscrit, chassé, comment, peut-il rentrer dans Lacédémone ? Le tyran est trop prudent pour le lui permettre. Ah ! J'ai bien peur que ce ne soit point la faute de Léonidas. SCÈNE VIII. Agis et ses soldats, qui le couvrent de leurs boucliers. AGIS. AIR : Du Vaudeville des chasseurs.Tenez, parlez-moi des grands-hommes Pour n'être jamais abattus. Messieurs, je pense que nous sommes Assez bruyants pour des battus. Ceci finira la campagne ; Tant que j'ai pu, j'ai bataillé : Nous jouions au Roi dépouillé ; Mon beau-père est celui qui gagne. Allez, mes chers amis ; je suis très reconnaissant de vos services, et je vous réforme. Ils sortent. SCÈNE IX. Agis, Chélonis. AGIS. AIR : De Joconde.C'est ma femme : enfin plaignons-nous De son humeur légère ; Vous aviez quitté votre époux. CHÉLONIS. Non, j'ai suivi mon père. Tu souffres ; je dois partager Ton malheur et ta chaîne. Peut-on voir, sans le soulager, Un homme dans la peine ? AGIS. Ces sentiments là sont très-beaux, et vous êtes justifiée. J'aperçois ma mère. SCÈNE X. Les précédents, Agésistrate. AGIS. Eh bien, ma mère ? AGÉSISTRATE. Eh bien, mon fils ? AGIS. AIR : Ah ! vous dirai-je maman. Cet échec est déplaisant, Que faut-il faire à présent ? Pendant qu'un tyran prépare Un supplice affreux, barbare, Je crois qu'il serait malin De me tuer de ma main. AGÉSISTRATE. AIR : Faut d'la vertu. Faut d'la vertu, pas trop n'en faut, L'excès partout est un défaut, bis. AGIS, fièrement. AIR : Quand on est mort c'est pour longtemps. Quand on est mort, c'est pour longtemps, L'on est affranchi des méchants, De l'esclavage et des tyrans. AGÉSISTRATE. Tu ne m'entends donc pas, mon cher Agis ? Faut d'la vertu, etc. AGIS. Soyez donc d'accord avec vous, ma mère. Vous désiriez impatiemment ma mort, si j'étais battu : je le suis, vous m'engagez à vivre, AGÉSISTRATE. Ah ! J'ai tort, j'ai tort ; c'est une petite inconséquence maternelle, dont je rougis. Fais tout ce que tu jugeras à propos, je ne t'en empêcherai pas. AGIS. Maintenant je suis refroidi ; d'ailleurs, j'aperçois Léonidas qu'il faut que j'insulte un peu pour humilier sa victoire. SCENE XI. Léonidas, Emphasés, et les précédents, Troupe de Soldats et de peuple. LÉONIDAS. AIR : Chantons Laetamini. J'ai puni ton audace Et la mort où tu cours... AGIS. Je ris de ta menace, Et crains peu pour mes jours. LÉONIDAS. Çà n'durera pas toujours. 4 fois. CHÉLONIS. Mon cher Agis, mon père ! [Note : Le vers 130 est le vers 654 de Agis de Laignelot.]Ah ! Puissai-je en ce jour, me montrant fille et femme... LÉONIDAS. Mais, mon cher enfant, c'en est aussi trop à la fois. Et toi ! À Agis.[Note : Les vers 130 et 131 sont presque semblables au vers 357 et 358 de Agis de Laignelot.]Crois-tu que mon courroux dissimule l'affront, Que mon sceptre brisé fit jaillir sur mon front. CHÉLONIS. Encore un coup, mon père, ne dites pas de ces folies-là.[Note : Les vers 133 et 134 sont identiques au vers 381 et 382 de Agis de Laignelot.]Hélas ! pouvez-vous voir, sans en être attendri, Ces vêtements de deuil, ce visage flétri ? AIR : Regardez ces traits. Regardez ces traits Pâles et défaits. Hélas ! Mon oeil est éteint : Pleurer, a gâté mon teint. Voyez ma douleur, Je tombe en langueur. Ah ! papa, si j'avais su, J'aurais eu Moins de vertu. LÉONIDAS. AIR : C'est la petite Thèrèse. Pourquoi donc, ma chère fille, M'étourdir de tels regrets ? Ta mine est toujours gentille, Tes appas sont toujours frais : Plus d'un que ta bouche frappe, Épris de cet oeil mutin, Mordrait encor à la grappe Dans la vigne du voisin. CHÉLONIS. Mon père, laissons la bagatelle, et daignez accorder à mon mari... LÉONIDAS. Que demande- t-il ? AGIS. AIR : Des portraits à la mode. Selon les anciens usages des tyrans, Prendre nos biens sans nuls ménagements. Goûter les plaisirs toujours à nos dépends,C'était ton ancienne méthode : Aujourd'hui rends-nous la douce égalité, Que chacun ici trouve la liberté, Et mettons nos femmes en communauté, Par-là nous serons à la mode. LÉONIDAS. L'égalité ! Chimère : et sur qui régnerais-je ? AGIS, avec emphase. Sur toi-même. LÉONIDAS. Le bel empire ! AGIS. Décide-toi, Léonidas.... Où suis-je ? LÉONIDAS. Ici, je crois. AGIS, en extase. Licurgue ressuscite, Sparte renaît triomphante. LÉONIDAS. Qu'a-t-il donc ? AGÉSISTRATE. C'est une vision ; il est sujet à cela depuis son enfance, ce ne sera pas la dernière. AGIS. Eh bien, Léonidas, sommes-nous égaux ? LÉONIDAS. Je ne dis pas non, seulement qu'Emphasés approche et que je lui dise deux mots à l'oreille. Il amené Emphasés au bord de la scène.Il faut user de ruse pour me défaire de tous ces gens-là ; les Sénateurs me contrarieraient, anéantissons-les. AIR : Va-t'en voir s'ils viennent. D'un héroïsme plaisant. Chacun d'eux s'entête ; Cherche un Sénat complaisant, Et pas trop honnête : Je te fais dès-à-présent Le Roi de la fête. EMPHASÉS. Bien obligé, Monseigneur. LÉONIDAS. Emphasés, encore un mot. EMPHASÉS. Monseigneur ! LÉONIDAS. AIR : Va-t'en voir s'ils viennent. Agis peut nuire aux projets Que j'ai dans la tête : Il a pour lui nos sujets, Et l'émeute est prête. Toi, dans l'instant, En sortant, Prends soin qu'on l'arrête. EMPHASÉS. Monseigneur, comptez sur mon exactitude. CHÉLONIS. C'est-il fait ? LÉONIDAS. J'y suis. AIR : Or écoutez petits et grands. Or écoutez petits et grands ; Nous finirons en bons parents ; Je rends, en abdiquant l'empire, L'égalité qu'Agis désire : Admirez comme en un moment S'est fait en moi ce changement ! AIR : Du Vaudeville de la Rosière. Chantez, dansez, moi désormais Je quitte un rang que je dédaigne ; Je me détrône : oui, qu'à jamais Seule ici la liberté règne. AGIS. Ah ! Je ne demande plus rien ; Tout était mal, et tout est bien. LE CHOEUR. Ah ! nous, ne demandons plus rien ; Tout était mal, et tout est bien. AGIS. AIR : De la fanfare de Saint-Cloud. Ô Ciel ! Quel retour prospère ! Un Roi nous, rend tous égaux ; Amis, chantons mon beau-père ; Rimons lui... cent madrigaux : Embrassons tous mon beau-père, Certes il l'a bien mérité ; Faisons danser mon beau-père ; Pour fêter la liberté. UN JEUNE SPARTIATE. AIR : Un Cordelier dit à Lisette. Depuis que j'ai brisé les chaînes, Et des pédants et des tuteurs, J'ai mangé mon bien dans Athènes, Entre l'amour et les prêteurs :J'ai tes mains nettes ; Mais en tout cas L'égalité paiera mes dettes : Ce système a beaucoup d'appas. LÉONIDAS. Danse toujours, mais n't'y fie pas, Danse toujours, etc. UNE JEUNE FILLE. Même air.Cléandre par l'hymen me tente, Comment prétendre à ce lien ? Ma mère est esclave indigente, Son père est riche et citoyen : Chose importune ! J'étais sans bien, L'égalité fait ma fortune ; Que notre hymen aura d'appas ! LÉONIDAS. Danse toujours, etc. UN LAQUAIS. Même air.J'abjure l'humble ministère Qui m' attachait à Monseigneur ; Sa Grandeur ne sommeille guère, Et je souffrais de son humeur. Mais s'il l'agrée, De très grand coeur, Ce soir, je lui rends sa livrée ; Vivre sans, maître a tant d'appas ! LÉONIDAS. Danse toujours, etc. Fort bien, mes amis ! Allez maintenant vous asseoir au banquet qu'Emphasés a fait préparer par mon ordre ; c'est le verre à la main que nous ratifierons nos traités. TOUS. AIR : Allons à la Guinguette. Allons, allons, allons nous réjouir, allons. Ils sortent. SCÈNE XII. LÉONIDAS. AIR : Je me suis levé par un matinetJ'ai la balle en main, Je suis en bon train ; Mais il faut enfin Mener tout à la fin. Heureusement qu'Agis n'est pas malin, Il n'en serait pas dupe. Emphasés arrive avec l'air empressé ; je gagerais bien que mon Sénat est fait. SCÈNE XIII. Léonidas, Emphasés. LÉONIDAS. AIR : Des simples jeux de l'enfance.Eh bien, faut-il que je te nomme ? Tout est-il prêt, peut-on siéger? EMPHASÉS. Je n'ai pu résoudre un seul homme À s'asseoir ici pour juger. LÉONIDAS. Comment ! Répugnance absolue ! Quel est leur motif ou leur but ! EMPHASÉS. Ils ont peur que Sparte ne hue : Tout acteur tremble à son début. LÉONIDAS. Point d'hommes ! EMPHASÉS. Cela ne m'a pas empêché de faire un Sénat. LÉONIDAS. De femmes, peut-être ? EMPHASÉS. Précisément. LÉONIDAS. Tu te moques. EMPHASÉS. Non, Monseigneur, un très joli sénat, oh s'y trompera, soyez-en bien sûr. LÉONIDAS. Comment pourront-elles juger, trancher, décider, condamner sans appel ? EMPHASÉS. Eh ! Monseigneur, elles ne font que cela toute la journée. AIR : Vous l'ordonnez.Comptez d'ailleurs sur un profond mystère Elles auront l'air décent et posé. LÉONIDAS. Leur rôle ici ne sera pas aisé. EMPHASÉS. Pourquoi, Seigneur ? LÉONIDAS. C'est qu'il faudra se taire. Mais quelles femmes as-tu choisi ? EMPHASÉS. AIR : Monsieur le Prévôt des Marchands. J'ai des coquettes pour briller, Du bel-esprit pour babiller, Des médisantes à prouesses, Pour instruire et pour démêler ; Pour condamner j'ai des Lucrèces, Et des minois pour consoler. LÉONIDAS. AIR: Philis demande son portrait. Je doute fort qu'à ce cadeau Sparte entière applaudisse. EMPHASÉS. Pourquoi pas !L'amour n' a-t-il pas un bandeau,Ainsi que la justice ? Sera-ce la première fois, Au bon temps comme au nôtre, Que l'un aura dicté les lois Et les arrêts de l'autre. LÉONIDAS. Des femmes ! EMPHASÉS. AIR : Tu croyais en aimant Colette. N'ayez aucune inquiétude, Allez, tout ira pour le mieux ; Ne fût-ce que par habitude, Mon Sénat fera des heureux. LÉONIDAS. À la bonne heure, où sont-elles ? EMPHASÉS. Dites donc, où sont-ils ? Feignez de ne pas les reconnaître. LÉONIDAS. Fort bien, allons, fais-les entrer, que je les installe chez-moi, cela me fera beaucoup plus commode. SCÈNE XIV. Les Sénateurs et les précédents. LÉONIDAS. Bonjour, la compagnie,Bonjour, Bonjour, la compagnie. AIR : Du petit mot pour rire. Gentil Sénat, écoutez-moi, Respectez Et dictez Ma loi ; N'allez pas contredire, Et fâchez que s'il ne me faut Pour vous créer qu'un petit mot, Un petit mot, Un petit mot Suffit pour vous détruire. À Emphasés. Je suis content de leur silence ; prenons-les par la coquetterie. AIR : Réveillez-vous, belle endormie. Contre Agis Sparte se récrie ; Sénat, il faut, par équité, Punir un traître à la Patrie, Qui nous parle d'égalité. L'égalité : ce mot seul m'indigne ; c'est qu'outre les malheurs sans nombre dont il affligerait l'État, il entraînerait nécessairement la décadence de la toilette, cet art enchanteur de corriger la nature ou d'ajouter à ses dons. AIR : Du Vaudeville du Roi et le Fermier. Oui, je suis sûr que ce grand Maître Proscrit cet art ingénieux : Pour paraître belle à nos yeux, Regarde donc, il faudra l'être. LE SÉNAT. Il est coupable, il a grand tort ; La mort, la mort, c'n'est pas trop fort. LÉONIDAS. Plus de toilette, plus d'opulence. Même air. La brillante et riche Aspisie Doit renoncer à la douceur De voir sa compagne ou sa soeur, Mourir cent fois de jalousie. LE SÉNAT. Il est coupable, il a grand tort ; La mort, la mort, c'n'est pas trop fort. LÉONIDAS. Elles me paraissent bien préparées. AIR : On ne peut aimer qu'une fois. Agis doit être en ce momentDans la chambre prochaine ; Allez, qu'il paroisse humblement, Sans oublier sa chaîne. SCÈNE X.. Les précédents ; Agis, en costume de Citoyen de Sparte. LE SÉNAT. Suite de l'air.Ô Ciel, comme il est équipé ! Quel attirail gothique ! AGIS. C'est un Peintre qui m'a drapé ; Je suis d'après l'antique. Mais à propos. AIR : Du Port Mahon. On ose m'arrêter, J'aurais dû m'en douter ; Ma prudence est légère ; Tyran, tyran, tyran sanguinaire, Ah ! du moins ma colère Te dira bien ton fait. LES SÉNATEURS, avec dignité. Qu'est-ce que c'est, etc. LÉONIDAS. Le Sénat t'interroge. AGIS. Oui dà ! Je suis donc au Sénat! La belle jeunesse ! D'honneur, mon cher tyran, la mascarade est gaie. AIR : Guillot un jour trouva Lisette. Ces Messieurs n'ont pas l'air auguste. LÉONIDAS. Au Sénat parle décemment ; Il se pique au moins d'être juste. AGIS. Je leur en fais mon compliment. LÉONIDAS. Ma foi, lui-même il nous engage À punir cet amer langage. Prononcez son arrêt sans peur. AGIS. Tu les fais trop durs. Moi je gage Qu'on ne meurt pas de lour rigueur. LÉONIDAS. Insolent ! Tu sentiras tout-à-l'heure.... AGIS. AIR : Jardinier ne vois-tu pas. De leur courroux impuissant, Lorsque tu me menaces, Tu te crois bien imposant, Tu n'as l'air que d'un pédant En classes, en classes, en classes. AIR : Que ne suis-je la fougère. Ô toi qu'ici je retrouve ! Et pour nous deux j'en rougis, Feu Licurgue, accepte, approuve, L'hommage et les voeux d'Agis. Tes vertus font effacées Le crime a seul de l'éclat. En montrant le Sénat. Dans quelles mains sont placées Les affaires de l'État ! Tout tourne autour de moi ; je m' élance, où suis-je ? LÉONIDAS. Encore une vision ; ce tic-là ne laisse pas que d'être désagréable. AGIS. AIR : De Zémire et Azor. Dans ce nuage qui s' entr' ouvre, Postérité je te découvre : C'est toi, là' bas, là-bas, là-bas, La terre s'enfuit sous mes pas. LÉONIDAS. Il est timbré. AGIS. AIR : Au coin du feu. Messieurs, voyez la gloire, Consacrant mon histoire.... LÉONIDAS. Qu'on lira peu. AGIS. Ciel ! La race future Redit mon aventureAu coin du feu. (bis.) SCÈNE XVI. Les précédents, Un Garde. LE GARDE. AIR : Mes chers amis, pouvez -vous m' enseigner.Ah ! Monseigneur, arrivez promptement ! Le peuple a battu votre Suisse ; Il est déjà dans votre appartement, Et prétend se faire justice : Il est puissant,Pressant ; Dans son dépit Il dit,Que Monseigneur est celui qu'on abhorre : On nous demande Agis,Le fils : Et partout réclamé,Nommé, Chacun le bénit et l'adore. LÉONIDAS. Même air. Je n'aurai pas un moment de repos ! Mais à la fin c'est un martyre : Cet accident vient d'ailleurs à propos ; Car Agis n'a plus rien à dire. Soyez certains, Mutins, Que dans ce cas, Mon bras, Saura punir cet insolent caprice. Que l'on amené Agis,Mon fils ; Qu'il soit dûment coffré,Serré. Gardes, allez ; qu'on m'obéisse. SCÈNE X.II. les Sénateurs, seuls. PREMIER SÉNATEUR. AIR : On dit qu'à quinze ans.Eh bien, qu' dis-tu d' çà ? SECOND SÉNATEUR. Moi, mon coeur, j'en ai la migraine. TROISIÈME SÉNATEUR. Écouter tout çà, Sans répondre un seul mot à çà ! QUATRIÈME SÉNATEUR. Mais comme Agis nous mène ! Comme nous souffrons çà ! PREMIER SÉNATEUR. Dam' ! C'n'était pas la peine De nous, créer pour çà. TOUS. Puisque c'est comm' çà, Quittons la morgue qui nous gêne ! On peut s'passer d'çà, N'est-on pas à nos pieds sans çà ? SCENE XVIII. LYSANDER, seul. À mon dernier récit. AIR: Lison, jeune et timide. Ne perdons point la carte ;Je suis long,Mais pardon ; Un vieillard même à Sparte N'est pas toujours concis, Quand il fait des récits. Seul.... qu'en croire ?L'Auditoire Pressé de défiler.... Avec humeur.Quand j'apporte une histoire, Personne à qui parler ! Personne, pas seulement un Sénat ! Narrons toujours Imaginez donc, Monsieur ou Madame. AIR : Y a coups de pieds, etc. Nous sommes pris par trahison, Le tyran nous jette en prison. Partout nombreuse Si bonne escorte : Le peuple, impatient, troublé, Lui demande assez haut la clef: Le tyran dit qu'il l'a perdue ; prétexte gauche et ridicule ! Ces tyrans n'ont jamais de bonnes raisons. Oh ! Qu'a-t-on fait ?Patapan, patapan, Nos amis ont brisé la porte. AIR : Des Trembleurs. Sparte, entre ses Rois, balance, Quand Léonidas s'élance,Et porte- cent coups de lance,Qu'Agis reçoit sans compter; Déjà le cruel l'embrasse,Mon -héros s'en débarrasse,Le prend au col, le terrasse,Et s' amuse à lui chanter: AIR : Par pitié daigné vous rendre.Par pitié daigné vous rendre, Que mou sang se fasse entendre. AIR : Venez vous de Chantilly. Léonidas lui dit oui, Terminons dès aujourd'hui, L'amitié parle, elle opère : Fais-tu grâce à ton beau-père ? Vraiment, mon beau-père, Oui. Tout a l'air d'être fini, point du tout. AIR : Soeur Martine, soeur Martine. Car le traître prend le large, Et partout, Tout-à-coup, Fait sonner la charge. Fait sonner la charge. Un cor finit l'air. AIR : R' lantamplan tirelire. Des deux côtés à l'instant, En plein, plan, R' Lan tan plan tireli ramplan ; On s'approche en combattant, Moi, je regarde faire. Longtemps chacun espère Pour le fils, pour le père ; On se rosse en attendant, En plein, plan, R' lan tan plan tireli ramplan ; Un cri part, c'est le tyran Prêt à frapper la mère. AIR : Lison dormait. Agis en deux pour fond le traître Un bras par-ci, l'autre par-là.....Mais c'est lui-même, qu'on apporte, je reprendrai ce récit-là. SCÈNE XIX. Les précédents, Agis, sur un brancard ; Soldats. AGIS. AIR : Je voudrais bien détaler.Je penche tout d'un côté. Mes amis, je crains la chute, Et je dois, en vérité, Vivre encor une minute. AIR : Où s'en vont ces gais Bergers. Mon bouclier est là-bas ; C est-là ce qui m'importe. CHÉLONIS. Ah ! Meurs tranquille ; à son bras Un des nôtres, le porte. AGIS. Cherche le, car je ne mourrai pas Qu'on ne me le rapporte. CHÉLONIS. AIR : Palsambleu, M. le Curé, etc Grands Dieux ! Sous tes coups abattu,Faut-il que mon père meure ! AGIS. Plaisants regrets ! Et franchement crois-tu Que ma santé soit meilleure ? AIR : Du serin qui te fait envie. Mon trépas n'a rien qui t' étonne, C'est le cas de prendre un parti ; Chélonis à Lacédémone, Peut encor faire un bon parti ; Mille amants assiégeant ta trace, Auprès de toi cherchaient accès ; Qu'un d'eux par l'hymen me remplace. CHÉLONIS. Cher Agis, hélas ! J'y pensais. AGIS. Ma bonne amie, vous êtes une femme de précaution je l'ai toujours dit. SCèNE DERNIÈRE. Les precédents, Ag2sistrate, Les vieux Sénateurs et les Soldats. On entend un air gai. AGÉSISTRATE. AIR : Que Pantin serait content.Ah ! que mon coeur, est contentCher Agis combien on t'aime !Sparte est libre en nu moment, Mon fils doit mourir gaiement;Un fait tout particulier,C'est que j'ai sans bouclier,Triomphé d'Emphases même,Dans un combat singulier. Allons, mes amis. LE CHOEUR. Que notre coeur est content!Cher Agis, combien on t'aime!Sparte est libre en un moment,Agis doit mourir gaiement. AGIS. Ma mère, modérez cette joie, je n'en mourrai peut-être pas. AGÉSISTRATE. Oh que si, mon bon ami, défie-toi moins de la bonté des Dieux. CHÉLONIS. Vous êtes cruellement Lacédémonicienne. AGÉSISTRATE. AIR : Ton, humeur est Catherine. Imitez-moi ; dans mon âme, C'est l'honneur qui fait la loi. CHÉLONIS. C'est qu'entre nous deux, Madame, Vous perdez bien moins que moi. AGÉSISTRATE. Mon fils meurt, mais dans l'histoire Il n'aura jamais d'égal. CHÉLONIS. Ah ! Plusieurs, malgré sa gloire, Diront qu'Agis finit mal. AGIS. AIR : Des paniers. Mesdames, vous parlez toujours ; Défaut que je déteste! AGÉSISTRATE. Mon cher fils... CHÉLONIS. Mes tendres amours... AGIS. Dans mon état funeste, Ma mère, je n'ai pas tout dit, Et je sens bien que mon esprit, AGÉSISTRATE. Mon fils, mettez vite à profit Le peu qui vous en reste. AGIS. AIR: Lise voyait. Il est donc temps que je quitte ces lieux ; Ah! recevez mes plus tendres adieux ; Ce n'est pas tout de montrer du courage, De bonne grâce Agis doit s'en aller. Or, d'un mourant ai-je bien l'équipage ? La voix touchante, et l'air et le langage ! CHÉLONIS. Un peu plus bas, je crois qu'il faut parler. AGIS. Si bas qu'il faudra, même pas du tout. CHÉLONIS. AIR : Sans cesse à la Ville, à ta Cour. Ah! je le perds, quel affreux sort ! Puisqu'il se tait, il est bien mort ; Blâmez ces pleurs, si vous l'osez ; Des maris là fleur m'est ravie. Tenez, ma mère.Étouffons-le de nos baisers Pour le rendre à la vie. AGIS, revenant à lui. AIR : C'est la fille à Simonette. Grands Dieux, je renais, où suis-je ? Quand mes jours étaient finis ; Qui fait donc un tel prodige ? CHÉLONIS. Un baiser de Chélonis. AGIS. Mon amour t'en félicite ; Ce trait-là fera cité.... Voilà comme on ressuscite Dans les bras de la beauté. AGÉSISTRATE. J'ai tout-à-l'heure, en guerrière, Supporté la mort d'Agis ; Je reprends un coeur de mère, Et crains peu pour les jours d'un fils, Mourant pour Sparte agitée,S'il remplissait mes désirs,Je serais aussi flattéeQu'il vécut pour vos plaisirs. CHÉLONIS, au Public. Même air. Honneur à la Tragédie Qui mérita des succès.Grâce pour la Parodie, Toutes deux font des essais. Et bon parent, sans malice, Agis, tout récemment me, Demande qu'on l'applaudisse, En faveur de son aîné. ==================================================