******************************************************** DC.Title = LÉANDRE FIACRE, PARADE DC.Author = GUEULLETTE, Thomas-Simon DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parade DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 13:18:10. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/GUEULLETTE_LEANDREFIACRE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LÉANDRE FIACRE PARADE. M. DCC. XX. par M. GUEULLETTE . représentée pour la première fois en société en 1720. Présentation des représentations et premières éditions. Voici, ci dessous, l'entête complète du fichier qui a servi de base à l'élaboration de ce texte, la graphie a été adaptée au contexte du site theatre-classique.fr. Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (24.VII.2000) Texte relu par : Y. Bataille Adresse : Bibliothèque municipale, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.66.50.- Minitel : 02.31.48.66.55. - Fax : 02.31.48.66.56 Mél : bmlisieux@mail.cpod.fr, [Olivier Bogros] bib_lisieux@compuserve.com http://www.bmlisieux.com/ Texte établi sur un exemplaire (BmLx : ns 919) de l'édition du Théâtre des boulevards, réimprimée à Paris en 1881 par Edouard Rouveyre, avec une notice de Georges d'Heylli. ACTEURS LÉANDRE, amant d'Isabelle. ISABELLE, fille de Villebrequin. CASSANDRE, amoureux d'Isabelle. VILLEBREQUIN, père d'Isabelle. GILLES, valet de Cassandre. La scène est à Paris. SCÈNE PREMIÈRE. Léandre, Isabelle. LÉANDRE. Quoi ! Charmante z'Isabelle, j'apprends que vous allez t'épouser Monsieur Cassandre. Où est la foi que vous m'avez promise ? Où est l'amour, où est le bien que vous me portiez ? ISABELLE. Taisez-vous donc, mon cher Liandre, si vous ne voulez t'empêcher mon établissement ; car enfin je vous aime plus que lui, mais il a plus de moyen que vous. LÉANDRE. Mamselle, tout cela z'est bel et bon, mais enfin il vaut mieux faire plaisir d'un pied à une honnête personne, que d'un doigt à un sot et à un vieux comme il est. ISABELLE. Mais vraiment, mon cher Liandre, je sens bien ce qu'en vaut l'aune. Aussi ce n'est point la badinerie qui me fait prendre le parti, c'est l'envie d'avoir de quoi, je compte bien toujours vous voir. LÉANDRE. Non, Mamselle, je ne veux point que vous soyez Madame Cassandre. Je veux moi même faire votre fortune, et il ne sera pas dit que l'on m'aura passé le bec par la plume. ISABELLE. Mais, mon père, charmant Liandre, que dira-t-il ? LÉANDRE. J'aurai toujours pour sa personne beaucoup de considération, mais je lui donnerai vingt coups de pieds dans le vendre, s'il ne fait pas ce je veux. ISABELLE. Vous êtes assurément bien le maître de faire ce qu'il vous plaira, si vous croyez que ce soit pour le mieux. LÉANDRE. Je sais que Monsieur Cassandre va venir pour vous épouser, faites comme si de rien n'était et laissez-moi faire. ISABELLE. Oui, mon cher z'Amant, vous ferez toujours comme vous voudrez et tant qu'il vous plaira.  SCÈNE II. Cassandre, Gilles. CASSANDRE. Enfin je viens ici pour épouser. GILLES. Oui, mais non pas pour épousseter. CASSANDRE. Veux-tu bien m'écouter ? Je veux faire une fin. GILLES. Pardienne, Monsieur, elle est toute faite et vous voulez stapendant épouser Mamselle z'Isabelle. CASSANDRE. Oui bien assurément. GILLES. Je ne parle pas pour elle, mais les filles de ce pays sont quelquefois si savantes, qu'elles n'apprennent rien de nouveau la première nuit de leurs noces. CASSANDRE. Oh nous savons cela, mais il y a fille et fille. GILLES. Oui, Monsieur, il y en a de la grande et petite espèce : mais, Monsieur, voulez-vous savoir ce qui vient partout ? CASSANDRE. Oui-da, je suis toujours bien aise de m'instruire. GILLES. Monsieur, ce sont des cornes ; car il n'y a point de terre qui ne produise des cocus. CASSANDRE. C'est vraiment bien le temps de me tenir ces propos. GILLES. Si vous voulez j'imposerai silence à mes paroles, mais aussi voulez-vous que j'attende que vous ayez voyagé en Cornouailles, et que l'on vous appelle Monsieur Corneille. CASSANDRE. Ce malheur ne peut m'arriver, Isabelle est belle, elle est sage, elle est fille de mon bon ami Villebrequin. GILLES. Oui elle est belle, mais un homme qui a une belle femme, tout le monde est son cousin. CASSANDRE. Hé bien tant mieux, on me fera plus d'honneur. GILLES. [Note : Pardienne : ]Mais pardienne, ne savez-vous donc pas qu'une bonne chèvre, une bonne mule, et une bonne femme, font trois mauvaises bêtes. CASSANDRE. Enfin, je te demande conseil, mais ce n'est pas pour me contredire. GILLES. Monsieur, puisque vous le prenez par-là, je vous baise bien les mains ; baisez-moi les fesses. CASSANDRE. Tout cela est bon ; va t'en dire à mon compère Villebrequin que je l'attends ici pour lui faire visite comme l'honnêteté le désire. GILLES. J'y vesse, mais pardienne, par les mamelles de mon cul, vous faites là une grande folie. Apercevant Villebrequin.Taye, taye, taye, Monsieur Villebrequin. SCENE III. Villebrequin, Cassandre, Gilles. GILLES, à Villebrequin. [Note : Trousser : On dit aussi, dans le style railleur et satirique, qu'une femme s'est laissé trousser la jupe pour dire, qu'elle a fait faux bond à son honneur. On dit encore d'une personne, d'une maison qu'elle est bien troussée ; pour dire, qu'elle est bien prise en sa taille,, qu'elle est propre, bien ajustée, que rien n'y manque. [F]]Voilà Monsieur Cassandre qui vient pour vous trousser son compliment, et pour trousser Mamselle z'Isabelle. VILLEBREQUIN. Ah ! Bonjour mon compère et mon bon ami. CASSANDRE. [Note : Dispos : Qui est agile, léger, qui se porte bien. (...) On dit dun vieillard qui se porte bine qu'il est encore gaillard et dispos. [F]]Vous me voyez frais, gaillard, et dispos, et je viens pour terminer la petite affaire dont nous avons parlé. VILLEBREQUIN. Et quand la voulez-vous faire ? CASSANDRE. Tout à l'heure. VILLEBREQUIN. J'y consens. Isabelle, hola ; ho, Isabelle. SCÈNE IV. Villebrequin, Isabelle, Cassandre, Gilles. ISABELLE. Plaît-il, mon père ? Qu'est-ce que vos commandements m'ordonnent ? CASSANDRE. Qu'elle est bien élevée ! Quelle modestie ! VILLEBREQUIN. Saluez mon bon ami Monsieur Cassandre, il vient pour vous prendre à femme. ISABELLE. Ah ! Mon cher Papa, je ne pourrai jamais. GILLES. Pardienne, c'est lui bien plutôt qui ne le pourra pas. CASSANDRE. Mademoiselle, vous voyez un homme qui voudrait avoir tout l'or d'un pays pour le soumettre à vos pieds, et pour mériter votre consentement. ISABELLE. Monsieur, tout ce que mon cher Papa ordonne, je le fais toujours. CASSANDRE. Vous me charmez. À Villebrequin.Allons donc mon beau-père. GILLES. Monsieur Villebrequin n'est donc plus votre compère, vous verrez que c'est Mamselle. CASSANDRE. Oui, je t'assure, qu'elle m'est tout ce qu'on peut être pour moi. VILLEBREQUIN. [Note : Bourson : ou bourseron, Petite poche attachée à la ceinture de haut-de-chausse, où on met son argent ou sa bourse. [F]][Note : Fiacre : C'est un nom qu'on a donné depuis peu aux carrosses de louages, du nom d'un fameux loueur de carrosses qui s'appelait ainsi. Quand on parle d'un carrosse mal-propre, ou mal attelé, on l'appelle par mépris un fiacre.]Tenez, ma fille, voilà mon bourson, allez acheter tout ce qu'il vous faudra, prenez un fiacre pour avoir plutôt fait. À Cassandre.Vous verrez tout ce qu'elle achetera. CASSANDRE. Si vous voulez prendre ma bourse aussi ? VILLEBREQUIN. Non, laissez, vous vous mocquez de moi. Elle a suffisamment de quoi, je lui donne plus de quinze francs. Vous verrez, vous verrez, vous dis-je, laissez la faire. ISABELLE. Oui, mon cher Papa, je m'y en vais, ne vous impatientez pas. SCÈNE V. Villebrequin, Cassandre, Gilles. CASSANDRE. En vérité votre Isabelle est une charmante personne. VILLEBREQUIN. Il est vrai, c'est une créature qui est fort bonne ; toutes nos voisines la montrent pour exemple. GILLES. Et tous nos voisins la montent. VILLEBREQUIN. Jamais de bruit avec elle, c'est la complaisance même. GILLES. Oui, quand on fait ce qu'elle veut. CASSANDRE. Que je vais vivre une vie agréable et joyeuse ! GILLES. Et cornue. CASSANDRE. Te tairas-tu z'insolent. Par mon âme, si j'entendais ce que tu dis, je crois que je te battrais. VILLEBREQUIN à Gilles. Va t'en, mon ami, voir quand le fiacre sera de retour, et viens nous avertir. CASSANDRE. Va, je te prie, car je brûle d'impatience de la revoir. GILLES, en s'en allant et faisant les cornes. Je vous prends toujours à témoin que ce n'est pas ma faute, si vous en faites la folie. CASSANDRE. Très assurément je te battrai, si tu ne m'obéis pas, et si tu parles encore. SCÈNE VI. Cassandre, Villebrequin. CASSANDRE. Je vous demande excuse pour ce mien serviteur, il a de l'esprit, mais il ne sait pas toujours ce qu'il dit. VILLEBREQUIN. Oh ! Vous vous moquez, ces sortes de gens ne peuvent z'avoir autant de bien disance, ni tant d'esprit que nous en avons... Enfin vous êtes donc content de ma charmante z'Isabelle. CASSANDRE. On ne peut z'avoir plus de joie t'au coeur que vous m'en donnez, mon cher beau-père. SCÈNE VII.Cassandre, Villebrequin, Gilles. GILLES. Monsieur, Monsieur. CASSANDRE. He bien ? GILLES. Le fiacre est à la porte. VILLEBREQUIN. Allons donc au-devant de ma fille. GILLES. Monsieur, je ne crois pas que cela vous soit nécessaire, non plus qu'à elle. VILLEBREQUIN. Eh pourquoi donc ? GILLES. Écoutez-moi bien. CASSANDRE. Que nous va-t-il dire ? GILLES. Le carrosse est bien à la porte comme je viens de vous le dire ; les glaces de bois sont bien fermées, le fiacre va bien, mais les chevaux ne marchent point. VILLEBREQUIN. Comment ! Qu'est-ce que cela veut dire ? CASSANDRE. Cela me paraît incompréhensible. GILLES. Oh pardienne, je le comprens bien moi. VILLEBREQUIN. Expliques-toi donc. CASSANDRE. Parle donc promptement. GILLES. Par le masque de mon derriere, je crois qu'ils faisaient le manège dans le carrosse. CASSANDRE. Comment ? GILLES. Pardienne oui. Le manége se fait là sans éperons, et les écuyers n'ont besoin que d'une baguette de six ou sept pouces de long. VILLEBREQUIN. Je commence à me douter de ce qu'il veut dire, mais je ne puis le croire. Je m'en vais voir qu'est-ce que c'est. Attendez-moi ici. SCÈNE VIII. CASSANDRE, seul. Tout ceci commence à me mettre z'un tant soit peu en cervelle à me donner du souci. Gilles aurait-il raison ? Mais non, une personne t'aussi-bien élevée, aussi modeste comme Mamselle z'Isabelle, et la fille du compère Villebrequin.... Oh non, cela n'est pas possible. SCÈNE IX. Villebrequin, Cassandre, Isabelle, Gilles, Léandre en fiacre. VILLEBREQUIN. La voici que je vous ramène. GILLES. Pardienne il les a fait sortir tous deux du carrosse. CASSANDRE. Qui ? GILLES. Pardienne, le fiacre et vot'Maîtresse. ISABELLE. Je causais avec lui, je faisais mon marché. VILLEBREQUIN. Cela est vrai, ils étaient tous deux dans le carrosse. Au Fiacre.Mais mon ami que voulez-vous de plus ? Est-ce que vous n'êtes pas content ? LÉANDRE, en fiacre. Non mordi, je ne le suis pas, j'en veux encore, je veux avoir mon reste. Il fait claquer son fouet. Lazzi de peur de Gilles et des autres.Et le premier qui branche ici, je lui casse mon fouet sur le corps. GILLES. Sainte merde ! CASSANDRE. Jérusalem. VILLEBREQUIN. Ma fille donne-lui tout ce qu'il demandera, et qu'il nous laisse en repos. ISABELLE. Mon cher papa, je lui en ai donné tant qu'il a voulu ; ce n'est pas ma faute, je vous en assure, s'il en veut encore. LÉANDRE. Non, Monsieur, je n'en ai point z'assez. Je ne suis point tel que je parais figuré à vos yeux. J'ai emprunté le carrosse d'un de mes amis, pour témoigner à la charmante z'Isabelle combien j'ai de passion pour elle. Je suis Monsieur Léandre. VILLEBREQUIN. Monsieur, vous en êtes bien le maître. CASSANDRE. Monsieur, je vous laisse tout mon droit. GILLES. Pardienne, Monsieur, vous ne laissez pas grand chose. LÉANDRE. Allons profiter d'un déguisement, qui m'a fait vous obtenir de messieurs vos parents. VILLEBREQUIN. Allons faire la noce. Voulez-vous venir avec nous, mon Compere ? CASSANDRE. Pour le présent, je vous suis bien obligé. SCÈNE DERNIÈRE. Cassandre, Gilles. GILLES. Pardienne, Monsieur, j'avais bien raison, ce n'était pas ma faute. CASSANDRE. Tais-toi, tu me sens le vieux battu. GILLES. Et vous le vieux cocu. CASSANDRE. Oh pour le coup, si je n'avais peur de casser mon bâton... GILLES. Donnez, donnez, je ne crains que les coups de votre tête, car elle est trop bien armée. CASSANDRE, voulant battre Gilles. Voilà pour toi. Gilles s'enfuit, et Cassandre court après. ==================================================