******************************************************** DC.Title = GALATÉE, OPÉRA. DC.Author = LA FONTAINE, Jean de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Opéra DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 02/12/2021 à 06:16:12. DC.Coverage = Pays mythologique DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/LAFONTAINE_GALATEE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** GALATÉE OPÉRA M. DC. LXXXII. Par LA FONTAINE Cette oeuvre n'a pas été représentée. PRÉFACE Je n'ai point commencé cet ouvrage dans le dessein d'en faire un opéra avec les accompagnements ordinaires, qui sont le spectacle et les autres divertissements. Je n'ai eu pour but que de m'exercer en ce genre de comédie ou de tragédie mêlé de chansons, qui me donnait alors du plaisir. L'inconstance et l'inquiétude qui me sont si naturelles m'ont empêché d'achever les trois actes à quoi je voulais réduire ce sujet. Si l'on trouve quelque satisfaction à lire ces deux premiers, peut-être me résoudrai-je à y ajouter le troisième. LES ACTEURS. GALATÉE, nymphe, fille de Nérée. ACIS, berger aimé de Galatée. NÉRÉE, père de Galatée. POLYPHÈME, cyclope amoureux de Galatée. CLYMÈNE, bergère et confidente de Galatée. TIMANDRE, berger amant de Clymène et confident d'Acis. CHOEURS. ACTE I SCÈNE I. TIMANDRE. Brillantes fleurs, naissez,Herbe tendre, croissezLe long de ces rivages ;Venez, petits oiseaux,Accorder vos ramages Au doux bruit de leurs eaux.Clymène sur ces bordsVient chercher les trésorsDe la saison nouvelle ;Messagers du matin, Si vous voyez la belle,Chantez sur son chemin.Et vous, charmantes fleurs,Douces filles des pleursDe la naissante Aurore, Méritez que la mainDe celle que j'adoreVous moissonne en chemin.Mais j'aperçois Acis : il aime Galatée.Son ardeur pourrait bien être enfin écoutée. Il est beau, c'est assez ; et les filles des dieuxNe consultent que leurs yeux. SCÈNE II. Acis, Timandre. ACIS. Soleil, hâte tes pas ; amène ma déesse.Ô qu'heureux sont les amantsQui te reprochent sans cesse La vitesse des moments ! TIMANDRE. Acis ! ACIS. J'entends la voix de l'amant de Clymène.Cher Timandre, à qui seul j'ai découvert ma peine,N'as-tu point rencontré celle dont les beautésOnt même sur Vénus la victoire emportée ? TIMANDRE. Je viens de la quitter ; elle aide GalatéeÀ se parer des trésors de ces prés. ACIS. C'est Galatée elle-mêmeQue je viens chercher en ces lieux.Tu t'es trompé, Timandre, et crois trop à tes yeux Quand on dit la beauté suprême, On dit la Nymphe... TIMANDRE. On dit la bergère que j'aime.Nous en croirons les yeux de tout autre que vous. LE CHOEUR. Vous ne vous trompez point, bergers : ce que l'on aimeEst toujours l'objet le plus doux. ACIS. La voici, cette Nymphe ; elle vient, laissez-nous,Bergers : ce n'est qu'au seul TimandreQue mes secrets se font entendre. SCÈNE III. Acis, Timandre, Galatée, Clymène. ACIS. Déesse des appas, si quelqu'un des mortelsMettait son coeur au pied de vos autels, Que feriez-vous ? GALATÉE. Ce don ne se refuse guère. ACIS. S'il était fait par un amant ? GALATÉE. Je ne l'en croirais pas moins capable de plaire. ACIS. Si c'était un berger qui vous dît son tourment ? GALATÉE. Il pourrait être si charmant, Qu'on l'écouterait sans colère. ACIS. Déesse des appas, écoutez les soucis d'AcisJe vous aime ; et non pas comme les immortelles,Par crainte, par devoir, sans transports, sans désir,Sans plaisir ; Mais comme il faut aimer les belles ;Il faut auprès de la beautéOublier la divinité. GALATÉE. Berger, je vous trouve sincère ;Vous pouviez autrement témoigner votre amour Je devais m'en douter ; vous deviez me le taire. ACIS. Et ne l'ayant pas fait, je dois perdre le jour.J'y cours, et je vous vais venger de cette offense,Indigne que je suis de mourir à vos yeux. GALATÉE. Ne bougez, mortel ; c'est aux dieux Que l'on doit réserver le soin de la vengeance. ACIS. Je suis mortel, il est vrai ; mais aussiJe puis par mon trépas faire honneur à vos charmes.Les dieux n'en usent pas ainsi :Leur ardeur est légère ; ils aiment sans alarmes ; Et vous méritez un amantQui s'abandonne à son tourment. TIMANDRE, ACIS et CLYMÈNE, ensemble. Il n'est que d'avoir un amantQui s'abandonne à son tourment. TIMANDRE, à Clymène. Le mien n'a point d'égal ; et cependant, Clymène, Qu'avez-vous fait encor pour soulager mes maux ?Que sert de dire à tous propos :" Je suis contente de sa peine " ?Payez-la donc, ingrate, insensible, inhumaine ! CLYMÈNE. Toujours les bergers Nous nomment cruelles,Et toujours leurs bellesLes nomment légers.On leur est sévère ;On fait prudemment Cruelle bergèreCraint volage amant. GALATÉE. Retirez-vous tous deux ; toi, Clymène, demeure.Acis, on vous pardonne ; allez, et dans ces lieuxNe revenez de plus d'une heure. SCÈNE IV. Galatée, Clymène. GALATÉE. Ils sont partis ; je ne crains plus leurs yeux.M'ont-ils point vu rougir ? Clymène, cette offenseMéritait un courroux plus prompt et plus puissantAh ! Qu'il est malaisé de cacher ce qu'on pense,Et plus encor ce que l'on sent ! Cruelle loi qui veux que notre gloireSoit de n'aimer jamais, ou n'aimer que des dieux,Est-il juste de te croirePlutôt que ses propres yeux ?Dès qu'un berger m'a su plaire, Il n'est plus berger pour moi ;Tu m'ordonnes de le taire ;Injuste et cruelle loi !Hélas ! il n'est plus temps, et déjà malgré toiJ'ai flatté ce berger dans l'ardeur qui le presse. CLYMÈNE. Vous craignez de parler, et vous êtes déesse !Quand on est de ce rang, l'on doit encouragerSon berger.Pour moi, je dis au mien sans cesseQu'il m'a touché le coeur aussi bien que les yeux. Je n'en dirais pas tant au plus puissant des dieux.Le silence en amour est une erreur extrêmeSouffrez, mais déclarez vos maux ;Car qui les sait mieux que vous-même ?Que sert d'en parler aux Échos ? Il faut les dire à ce qu'on aime. GALATÉE et CLYMÈNE, ensemble. Hélas ! Pourquoi soumit-on notre coeurÀ ce tyran que l'on appelle honneur ?Tous nos amants nous content leur martyre,Et nos désirs n'oseraient s'exprimer ! Il faut nous empêcher d'aimer,Ou nous permettre de le dire. LE CHOEUR. Aimez, déclarez vos désirs,Car qui les sait mieux que vous-même ?Que sert d'en parler aux Zéphyrs ? Il faut les dire à ce qu'on aime. ACTE II SCÈNE I. [Polyphème, Galathée]. POLYPHÈME. Que vous êtes heureux, troupeaux ! vous ne songezQu'à satisfaire vos envies.Si l'amour vous contraint d'oublier les prairies,Vos feux sont bientôt soulagés ; Et j'ai pour tout plaisir mes tristes rêveriesVain et cruel recours des amants affligés.Que vous êtes heureux, troupeaux ! vous ne songezQu'à satisfaire vos envies. GALATÉE. J'aime la déité de ces rives fleuries : Hélas ! À quoi mes soins se sont-ils engagés ?J'ai beau lui tout offrir, et prés et bergeries ;Ainsi que mes soupirs mes dons sont négligés.Que vous êtes heureux, troupeaux ! Vous ne songezQu'à satisfaire vos envies. Mais n'aperçois-je pas celle pour qui je meurs ?La voilà, l'inhumaine : autour d'elle ZéphireSoupire ;Son teint de lis et de roses l'attire.Jeune et folâtre dieu, va chercher d'autres fleurs ; Laisse en repos son sein d'albâtre ;En vain tu fais la cour à cet objet charmantJe dois seul en être idolâtre ;Il n'est pas fait pour un volage amant.Hélas ! que me sert-il de l'aimer constamment ? SCÈNE II. Polyphème, Galatée. POLYPHÈME. Venez-vous augmenter mes peines ?Cruelle, ai-je à souffrir quelque nouveau mépris ? GALATÉE. Tâchez de vous guérir ; vos poursuites sont vaines,Je vous donne un sincère avis. POLYPHÈME. Quoi ! C'est le fruit de ma souffrance ! C'est le fruit de mes soins si longs et si constants ! GALATÉE. Notre amour ne sert pas toujours de récompenseEt ce n'est pas toujours un ouvrage du temps. POLYPHÈME. Vous écoutez les voeux d'un insolent, sans doute ;Un berger vous parlait tout à l'heure en ce lieu. GALATÉE. Ne pouvant vous aimer, qu'importe qui j'écoute ?Un berger qui me plaît peut passer pour un dieu. POLYPHÈME. Acis un dieu ! Je tiens ce dieu bien téméraire.Qu'il évite ma colère !Polyphème est son prince ; et j'ai dans ces hameaux Cent bergers comme lui qui gardent mes troupeaux.Ils font de votre nom résonner ces coteaux.Si rien de moi vous pouvait plaire,Ma voix se mêlerait avec leurs chalumeaux.L'autre jour je surpris au nid une fauvette, Un rossignol, et deux autres oiseaux :Je les instruis pour vous ; ils suivent ma musette,Et chantent sans faillir déjà deux airs nouveaux.Peut-être aimez-vous mieux de cruels animauxSi ce don vous plaît davantage, J'apprivoise deux jeunes ours :Je n'en puis faire autant de votre humeur sauvage ;Mes dons vous irritent toujours.J'ai des forêts, j'ai des campagnes,Des parcs où vous et vos compagnes Pourrez chasser : tous ces biens sont à vous.Recevez-les, beauté céleste,Avec un autre don que je préfère à tousC'est mon coeur percé de vos coups. GALATÉE. Je ne veux ce coeur, ni le reste. POLYPHÈME. Ah ! cruelle ! c'est trop : gardez que le courrouxNe me porte à la fin à quelque violence. GALATÉE. Une déesse ne craint rien. POLYPHÈME. Qu'Acis craigne du moins, lui de qui l'insolenceOse me disputer ce qui fait tout mon bien. GALATÉE. Moi, le bien d'un Cyclope ? POLYPHÈME. Un Cyclope possèdeCe que l'Olympe a de plus beau.Il est vrai que Vénus vous cède ;Mais je vaux bien Vulcain ; je me suis vu dans l'eau.Je vaux peut-être mieux que votre Acis lui-même : Du moins par mes transports j'ai ses feux surpassés. GALATÉE. Eh bien, je crois Acis moins beau que Polyphème :Cependant il me plaît, je l'aime, c'est assez.L'amour a ses raisons ; mais j'ai beau vous les dire. POLYPHÈME. L'amour est sans raison ; mais j'ai beau me le dire. J'aimerai malgré moi. GALATÉE. J'aimerai malgré vous. POLYPHÈME et GALATÉE, ensemble. Heureux ceux que ce dieu blesse des mêmes coups !Heureux les coeurs unis sous un commun martyre !Tous leurs tourments leur semblent doux. POLYPHÈME. Ma présence vous irrite ; Je le vois bien, cruelle. Adieu. Qu'Acis éviteMon courroux :S'il approche jamais de vous,S'il vous parle, s'il vous regarde,S'il ose seulement prononcer votre nom Voyez cet abîme profond,C'est ce que ma fureur lui garde. SCÈNE III. Galatée, Clymène. GALATÉE. Ses menaces me font trembler.Acis n'osera plus me voir ni me parler.Ô dieux ! Il l'ose encor : le voici ; c'est lui-même. Malheureux, fuis Polyphème :Fuis vite ; il n'est pas loin ; s'il te voit... Mais, hélas !Je parle aux vents ; Acis ne m'entend pas.Clymène, cours à lui. GALATÉE, demeurée seule. Que l'amour a d'alarmes !Que de soucis rendent amers ses charmes ! Quel dieu jaloux, corrompant ce plaisir,Voulut qu'il fût mêlé de peines,Et de ses plus aimables chaînesFit un sujet de crainte, ainsi que de désir ? SCÈNE IV. Galatée, Acis, Clymène, Timandre. GALATÉE. Fuyez, Acis, fuyez ; je frémis quand je pense Au sort dont un tyran menace nos amours. ACIS. Est-il d'autre danger pour moi que votre absence ?Laissez là le soin de mes jours. GALATÉE. Qui le prendra que celle qui vous aime ?Encor si je pouvais vous suivre chez les morts ! Mais vous irez sans moi trouver la Parque blêmeElle rira de mes efforts. ACIS. Zéphyrs, portez aux dieux ces paroles charmantes.Citoyens de l'Olympe, avez-vous des amantes,En avez-vous qui d'un mot seulement Puissent de Jupiter faire ainsi la fortune ?Allez, votre ambroisie est chose trop commune ;[Note : Ambroisie : Viande exquise dont les Anciens feignaient que leurs Dieux se nourrissaient. [F]]Je ne la daignerais souhaiter un moment.Après cette gloire suprême,Si je ne meurs de plaisir et d'amour, Je mérite que PolyphèmeÀ son rival ôte le jourAux yeux de sa maîtresse même. GALATÉE. Berger, vous prodiguez mon bienVotre vie est à moi. Cherchez quelque retraite Qui de nos feux ne dise rien,Quelque grotte sourde et muetteGalatée, Hymen, et l'AmourS'y rendront sur la fin du jourPar la route la plus secrète. Cependant je prierai le SortQu'il vous accorde l'ambroisie.Ne la méprisez plus si fort :Elle vous ôtera la crainte de la mort,Sans qu'il vous en coûte la vie. J'ai découvert à mon père nos feuxIl y consent ; il veut ce que je veux.Le voilà qui sort de son onde.Peut-être à nos désirs a-t-il déjà pourvu,Et déjà du Sort obtenu Ce qu'il refuse à tout le monde.Mais que ne fait-on point pour les filles des dieux ?Cependant gardez-vous d'approcher ce rivage.Allez ; et vous, Timandre, arrachez-le à ces lieuxSi vous m'aimez, s'il m'aime, arrêtez son courage. Je vous confie Acis, conservez-moi ce gage ;Je n'ai rien de plus précieux. SCÈNE V. Nérée, Galatée. CHOEUR DE BERGERS et DE NAIADES NÉRÉE. Ma fille, votre amant doit perdre la lumière.Le Sort m'a répondu : " Vous me pressez en vain ;Si j'écoutais quelque prière, Je cesserais d'être Destin.Je viens d'abandonner la trame d'un monarqueAux ciseaux de la Parque.[Note : Les trois Parques déroulent le destin des hommes par des fils qu'elles peuvent couper à tout instant.]Afin de la fléchir, il offrait des trésorsMais l'or n'a point de cours au royaume des morts ; Caron passe à présent ce prince dans sa barque.Et vous me voulez obligerÀ rendre immortel un berger ! " GALATÉE. Quoi ! Mon berger mourra ! Destin, pour toute grâce,Je te demande qu'il ne passe Qu'après mille soleils le fleuve sans retour.Je te demande, au moins, que dans le noir séjourTu me permettes de le suivre.Ne me condamne point au supplice de vivreAprès avoir perdu l'objet de mon amour. GALATÉE et NÉRÉE, ensemble. Aveugle enfant, que sert qu'on te révère ?Affranchis-tu tes sujets de la mort ?Elle les prend ; et si tu t'en sais faireD'autres nouveaux, elle les prend encor.Vos déités sont un mal nécessaire. NÉRÉE. Allons trouver Acis. GALATÉE. Allons. Puisqu'il n'espèreContre Pluton nulle faveur,[Note : Pluton est le dieu des Enfers. Il se nomme Hadès pour les Grecs.]Faisons qu'il cache son ardeur ;Empêchons-le au moins de paraître,Si l'Amour laisse entrer la peur Dans les coeurs dont il est le maître. LE BERGER et LA BERGÈRE. Pluton a son heureAinsi que l'Amour ;Il faut que tout meure,Que tout aime un jour. L'un et l'autre CourEn sujets abonde ;Deux rois sont au monde,Pluton et l'Amour. LE CHOEUR. Deux rois sont au monde, Pluton et l'Amour. LE BERGER et LA BERGÈRE. Humains, qui devez tous un voyage à Cythère,Ne laissez point passer la saison des beaux joursLe temps d'aimer ne dure guère,Et celui de mourir, hélas ! Dure toujours. DEUX AUTRES BERGERS. Le plus beau de l'âgeLe premier s'enfuitC'est être peu sageD'en perdre le fruit ;Car tout ce qui suit N'est que soins et peine,Douleur et chagrin ;Et puis à la finLa mort nous entraîne. LE CHOEUR. Goûtons la saison des fleurs ; Usons des lis et des roses :Bientôt la saison des pleursViendra finir toutes choses. ==================================================