******************************************************** DC.Title = HERCULE MOURANT, COMÉDIE GALANTE. DC.Author = MARMONTEL, Jean-François DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Opéra DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 06/07/2022 à 21:08:52. DC.Coverage = Pays mythologique DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MARMONTEL_HERCULEMOURANT.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** HERCULE MOURANT TRAGÉDIE EN MUSIQUE en CINQ ACTES 1761 MARMONTEL représentée pour la premiere fois par l'Academie Royale de Musique le 4 mars 1761. PERSONNAGES HERCULE. DÉJANIRE, épouse d'Hercule. HILUS, fils d'Hercule et de Déjanire. PHILOCTÈTE, compagnon d'Hercule. IOLE, Princesse captive. LYCHAS, esclave d'Hercule. DIRCÉ, confidente de Déjanire. JUPITER. JUNON. LA JALOUSIE. UNE THESALIENNE. CHOEURS de Thessaliens. CHOEURS de Captifs. CHOEURS de Combattants dans les Jeux Olympiques. CHOEURS de Prêtres de Jupiter. CHOEURS de Femmes Suivantes de Déjanire. CHOEURS de Guerriers Compagnons d'Hercule. CHOEURS de Divinités célestes. ACTE I Le théâtre représente le palais d'Hercule à Trachine. SCÈNE PREMIÈRE. Déjanire, Dircé. DÉJANIRE. Dircé, voici le jour où mon sort se décide,[Note : Alcide : autre nom d'Hercule, donné par ses parents à sa naissance.]Le jour qui doit me rendre Alcide,Hélas ! s'il peut m'être rendu.Lui-même il a marqué ce terme à son absence,Et ce jour expiré, tout espoir est perdu. DIRCÉ. Junon le tient sous sa puissance,Elle a prolongé ses travaux. DÉJANIRE. Dieux ! Encor des dangers nouveaux !Ne vous lassez-vous point d'éprouver sa constance ?Il vit pour l'univers ; il ne vit plus pour nous. Faible, plaintive, errante, aux larmes condamnée,Sa famille est abandonnée.Il dédaigne les soins et de père et d'époux. DIRCÉ. De tous les ennuis qu'il vous cause,Sa gloire doit vous consoler. DÉJANIRE. Sa gloire ? Ah ! sans frémir puis-je me rappelerLes périls, les combats où sa valeur l'expose ?Je crois le voir environnéDes monstres de Némée et de ceux d'Erymante,J'entends les sifflements de l'Hydre menaçante, J'entends les cris affreux de Cerbère enchaîné ;Et mon époux sans cesse à mes yeux se présenteLuttant contre le sort, à le perdre obstiné. SCÈNE II. Hilus, Déjanire, Dircé. DÉJANIRE, à Hilus. Mais que vois-je ? mon fils ! en quels lieux est Alcide ? HILUS. Il revient ; Junon même à ce vainqueur rapide Se lasse d'opposer d'inutiles efforts.Au pied du mont Olympe un saint devoir l'arrête.A Jupiter son père il consacre une fête.Cependant ses captifs s'avancent sur ces bords.Dans les fers du vainqueur, une beauté céleste Attire et charme tous les coeurs. DÉJANIRE. Et quelle est cette esclave ? HILUS. Un silence modesteNous cache son pays, son rang et ses aïeux,Mais, si j'en crois mon coeur, elle est du sang des Dieux. Tout en elle intéresse, enchante.Avec elle on gémit de sa captivité.Ah ! que la douleur est touchanteLorsqu'elle afflige la beauté !Verrez-vous sans pitié cette aimable captive ? Il est si cruel d'accablerL'innocence faible et craintive,Et si doux de la consoler ! DÉJANIRE. Pense au retour d'Alcide, à ce jour plein de charmes.Dis-moi qu'il vient tarir les larmes Que son absence a fait couler.Mais j'entends des chants de victoire. SCÈNE III. Hilus, Déjanire, Dircé, Peuple Thessalien, qui vient féliciter Déjanire sur le retour d'Hercule. LE CHOEUR. Victoire, victoire !Le vainqueur des tyrans revient dans nos climats :Il est précédé par la gloire, Et la paix vole sur ses pas. On danse. UNE THESSALIENNE. Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,Ton règne est le printemps du monde.Que jamais la trompette à nos voix ne réponde ;Que la seule musette éveille les échos. Triomphe, aimable paix, enchaîne les héros,Ton règne est le printemps du monde. On danse. DÉJANIRE. Peuple, c'est votre appui qui revient en ces lieux :Allons à son retour intéresser les Dieux. Tandis que Déjanire et le Peuple se retirent, Junon paraît dans les airs poursuivie par la Jalousie. SCÈNE IV. Junon, la Jalousie. JUNON. N'es-tu qu'à moi seule fatale, Jalousie infernale ?Dans les cieux, sur la terre, attachée à mes pas,Tu montes sur ton char, tu ne me quittes pas.N'es-tu qu'à moi seule fatale,Jalousie infernale ? Ne sais-tu tourmenter que le coeur de Junon ?Vois la gloire d'Alcide, et l'éclat de son nom ;Vois le triomphe heureux que ce rivage étale.Jalousie infernale,Ne sais-tu tourmenter que le coeur de Junon ? LA JALOUSIE. Non, non, dans la nature entièreTous les heureux sont mes rivaux.Je voudrais du soleil obscurcir la lumière ;D'Alcide en frémissant j'admire les travaux.Le bonheur de Déjanire Me révolte, me déchire :Je voudrais l'en punir par des tourmens nouveaux. JUNON. Va, répands dans son sein les feux qui me consument,Ces feux que la vengeance et que l'amour allument.Déjanire aime son époux ; Invisible à ses yeux, et sans cesse autour d'elle,Va signaler ta rage en servant mon courroux. LA JALOUSIE. Noirs soupçons, tourments des jaloux,Par la voix de Dircé, sa compagne fidèle,Venez percer son coeur des plus sensibles coups. ENSEMBLE. Que le désespoir, la fureur,Embrasent, dévorent son âme,Qu'elle immole, dans son erreur,Le fatal objet de sa flamme ;Que Jupiter lui-même en frémisse d'horreur. ACTE II Le théâtre représente les jardins du Palais d'Hercule sur le bord de la mer. SCÈNE PREMIÈRE. IOLE, seule. Quelle voix suspend mes alarmes ?Quel Dieu vient adoucir la rigueur de mes fers ?En parcourant ces vastes mersMes yeux ne versent plus de larmes.Que dis-je ? Mon exil, mes malheurs me sont chers. Pour moi l'esclavage a des charmes.Un calme heureux succède au tumulte des armes ;Et j'oublie en ces lieux les plus cruels revers.Quelle voix suspend mes alarmes ?Quel Dieu vient adoucir la rigueur de mes fers ? SCÈNE II. Hilus, Iole. HILUS. Venez, fille des rois, il est temps de paraître.Le rang où le ciel vous fit naîtreN'est plus ignoré dans ces lieux.Moi-même, avant de la connaître,J'ai lu vos destins dans vos yeux. L'amour vous a soumis un coeur dont il est maître.La beauté pour régner n'a pas besoin d'aïeux. IOLE. Laissez gémir une victime.Nos coeurs sont-ils faits pour l'amour ?Et puis-je pardonner au sang qui vous anime Sans révolter celui qui me donna le jour ?Hilus, mon père est mort. HILUS. Il est mort avec gloire.C'est le crime de la victoire,Et non pas celui du vainqueur. Mais, faut-il vous venger en me perçant le coeur ?Frappez. IOLE. Vous n'êtes point coupable. HILUS. Pourquoi donc m'accabler d'une injuste rigueur ? IOLE. Hélas ! À travers ma douleurVoyez-vous éclater une haine implacable ? Non, non, vous n'êtes point coupable.Héros sensible et généreux,Vous serez assez malheureux,Sans que ma haine vous accable. HILUS. Si vous m'aimez, quel bien manquerait à mes voeux ? IOLE. Ah ! Je frémis des maux que l'amour nous prépare.Mais dois-je révéler ce mystère fatal ? HILUS. Ah ! parlez. Quel effroi de mon âme s'empare ! IOLE. Perfide époux, tyran barbare, Alcide ose m'aimer. HILUS. Mon père est mon rival ! IOLE. Fille de Palénor, j'ai vu la flamme erranteRépandre dans nos murs sa fureur dévorante.J'ai vu le vainqueur inhumainDans les fers me traîner mourante ;Et je l'ai vu m'offrir sa main Qui du sang de mon père était encore fumante. HILUS. Ô dieux ! Qu'ai-je entendu ! IOLE. Son amour criminelVient m'attacher à lui par un noeud solennel. HILUS. Ô mère infortunée ! Ô malheureuse épouse ! IOLE. Tremblez que sa fureur jalouse Ne le rende encor plus cruel.De nous voir et de nous entendreFuyons, s'il se peut, le danger.Un regard, un soupir est facile à surprendre ;Le mystère en amour est un voile léger, Et tout peut trahir un coeur tendre.De nous voir et de nous entendreFuyons, s'il se peut, le danger. ENSEMBLE. La plaisir de mêler nos larmesN'adoucira plus nos malheurs. La pitié dans vos yeux a pour moi trop de charmes.Oubliez mes alarmes,Cachez-moi vos douleurs.La pitié dans vos yeux a pour moi trop de charmes. Iole sort. SCÈNE III. Hilus, Déjanire, Dircé. DÉJANIRE, vivement. Mon fils, que tes vaisseaux, avant la fin du jour, Soient prêts à s'élancer sur la plaine liquide.Chargé de mes présents, vole au devant d'Alcide,Va lui porter l'hommage et les voeux de l'amour. SCÈNE IV. Déjanire, Dircé. DÉJANIRE. De mon bonheur puis-je douter encore, Dircé ?J'aime un héros que l'univers adore, Le digne sang des dieux, l'exemple des mortels,Un fils dont Jupiter s'honore,Qui doit lui-même un jour partager ses autels. DIRCÉ. Puisse le tendre amour dont vous brûlez sans cesseNe jamais vous coûter de pleurs ! DÉJANIRE. Avec mille vertus Alcide eut sa faiblesse.Les plaisirs sur ses pas ont répandu des fleurs ;Ils ont égaré sa jeunesse.Le charme est enfin dissipé.Il s'éloigne d'Omphale, il me tient sa promesse, Il vient me rendre un coeur de moi seule occupé. SCÈNE V. Déjanire, Dircé, Iole, les Captifs. Marche dansée, pendant laquelle les Captifs présentent les tributs de leurs climats. Pendant la marche, Iole reste au fond du théâtre. LE CHOEUR DES CAPTIFS. Épouse d'un héros qui des dieux est l'image,L'amour et l'effroi des humains ;Des coeurs qu'il a soumis recevez l'humble hommage.Sa valeur n'eût jamais enchaîné que des mains ; Sa démence a fait davantage. DÉJANIRE. Que de ces fers on les dégage. On danse UNE CAPTIVE. Je trouve mes dieuxPartout où l'on aime.Pour tous, en tous lieux L'Amour est le même.Vaincus et vainqueurs,Sous sa loi suprêmeIl tient tous les coeurs. LE CHOEUR. Nous trouvons nos dieux Partout où l'on aime, etc. LA CAPTIVE. Parmi les lauriers,À l'ombre d'un hêtre,Bergers, ou guerriers,Nous n'avons qu'un maître. Aimé dans les fersL'esclave croit êtreRoi de l'univers. LE CHOEUR. Nous trouvons nos dieuxPartout où l'on aime, etc. On danse Iole s'avance pour rendre hommage à Déjanire. DÉJANIRE, à Iole. Princesse, au gré de la victoireLes trônes tour à tour sont détruits ou fondés.Le sort vous a trahie, et nous a secondés ;Mais à vaincre le sort un grand coeur met sa gloire.Vos droits vous sont rendus dans cet heureux séjour. Du fils de Jupiter la cour est votre asile. IOLE. Le malheur fuit l'éclat du jour,Il ne veut qu'un oubli tranquille. DÉJANIRE. Non, non, si mes voeux sont remplis,Vous ne gémirez plus du malheur qui vous presse. Dans ces lieux, pour vous embellis,A vos destins tout s'intéresse. IOLE, à part. Et pour elle et pour moi quel horrible avenir ! À DéjanireSi vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,De ces bords dangereux laissez-moi me bannir. Laissez-moi retourner aux lieux de ma naissance,Y pleurer mes malheurs. DÉJANIRE. Non ; je veux les finir. IOLE. Si vous êtes sensible aux pleurs de l'innocence,De ces bords dangereux laissez-moi me bannir. DÉJANIRE. C'en est assez. Alcide en ces lieux va venir ;Et vous êtes sous sa puissance. Iole se retire. SCÈNE VI. Déjanire, Dircé. DIRCÉ, vivement. Est-ce à vous de la retenir ?Apprenez qu'Alcide l'adore. DÉJANIRE. Dieux, qu'entends-je ! DIRCÉ. On dit plus encore.Au mépris de vos feux l'hymen va les unir. DÉJANIRE. Et qui t'a révélé le crime du perfide ? DIRCÉ. L'esclave favori d'Alcide,Lychas a publié ce mystère odieux. Daignez l'interroger. DÉJANIRE. Moi ! rougir à ses yeux !Hélas ! pour m'accabler en faut-il davantage ?Je n'en ai que trop entendu.Cette esclave est tremblante et veut fuir ce rivage ; J'ai vu mon fils lui-même interdit, confondu.Du crime de l'ingrat leur trouble est le présage.La honte, la douleur, le désespoir, la rageDéchirent mon coeur éperdu.C'en est fait, mes enfants, vous avez tout perdu. L'opprobre et l'abandon, voila votre partage.Père barbare !... Ô dieux qui me l'avez rendu,Dans les pleurs ne l'ai-je attendu,Que pour lui voir briser le saint noeud qui l'engage ?Est-ce là le prix qui m'est dû ? Non, je ne puis survivre à ce dernier outrage.La honte, la douleur, le désespoir, la rageDéchirent mon coeur éperdu. DIRCÉ. Pour ramener l'ingrat n'avez-vous point encoreCe tissu précieux, ce présent du Centaure ? DÉJANIRE. Ah ! Dircé, quel recours ! je rougis d'y penser. DIRCÉ. Vous laisserez-vous offenser ?Dans ce voile enchanté l'amour cache sa flamme.C'est un charme puissant pour attendrir son âme :Nessus vous l'a prédit expirant à vos yeux. DÉJANIRE. Je ne me connais plus... je tremble, je frissonne...Au trouble de mes sens ma raison m'abandonne.Je le vois préparer cet hymen odieux...Je périrai moi-même avant qu'il s'accomplisse.Viens. À la perfide opposons l'artifice : C'est le dernier espoir que me laissent les dieux. ACTE III SCÈNE PREMIÈRE. Le lieu de la scène est un amphithéâtre, au-delà duquel on voit le temple de Jupiter. HERCULE, seul. Trompeuse image de ma gloire,Cachez ma honte à l'univers.Destructeur des tyrans de la terre et des mers,Je ne puis sur mon coeur remporter la victoire ; Et dompté par l'amour, je languis dans ses fers.Trompeuse image de ma gloire,Cachez ma honte à l'univers. SCÈNE II. Hercule, Philoctète. PHILOCTÈTE. Au pied du monte Olympe, une illustre jeunesseVient célébrer les jeux que tu fais publier. HERCULE. Puissent-ils me faire oublierLes charmes que j'évite et que je vois sans cesse !Je ne t'ai point caché ma nouvelle faiblesse :La beauté fut toujours l'écueil de ma vertu. PHILOCTÈTE. On succombe aisément au danger que l'on aime. Ton coeur ne connaît pas ce qu'il peut sur lui-même.Il eût vaincu l'amour, s'il avait combattu.Vois Déjanire dans les larmes ;Vois du plus tendre hymen les fruits abandonnés.A la honte, à l'oubli les as-tu condamnés ? Rompras-tu sans remords des noeuds si pleins de charmes ? HERCULE. Trop indigne des noms et de père et d'époux,Je veux bien t'avouer la fureur qui m'anime.J'immolerais mon fils pour première victime,Si je m'abandonnais à mes transports jaloux. PHILOCTÈTE. Hilus ! HERCULE. Il a su plaire à l'objet qui m'enflamme.La haine et la pitié, la nature et l'amourPartagent tour à tourEt déchirent mon âme. PHILOCTÈTE. Tous les monstres encor ne sont pas terrassés. HERCULE. L'amour est dans mon coeur une hydre renaissante. PHILOCTÈTE, vivement. Ranime contre lui ta force languissante. HERCULE. Je le veux, mais en vain. PHILOCTÈTE. Tu le veux, c'est assez. Une Symphonie guerrière annonce l'arrivée de combattantsMais j'entends dans les airs la trompette éclatante. Les jeux sont annoncés. SCÈNE III. Hercule, Philoctète, Guerriers, Compagnons d'Hercule portant des trophées, composés de dépouilles des tyrans et des monstres qu'il a dompté, Thessaliens et Thessaliennes HERCULE, se tournant vers le Temple de Jupiter. Arbitre des destins, ô toi dont la puissanceRemplit l'immensité des cieux !Dieu souverain de tous les dieux !Reconnais un mortel qui te doit la naissance. J'ai puni comme toi le crime audacieux ;Comme toi j'ai vengé la timide innocence ;De ton sang immortel suis-je digne à tes yeux ?Arbitre des destins, etc. LE CHOEUR. Chantons Alcide et ses combats. HERCULE, vivement et avec reconnaissance. Chantez, chantez le dieu terribleQui donne la force à mon bras. LE CHOEUR. Chantons Alcide et ses combats.Les tyrans sont domptés, et la terre est paisible. HERCULE et PHILOCTÈTE. Chantez, chantez le dieu terrible Qui donne la force à mon / son bras. LE CHOEUR. A sa valeur rapide il n'est rien d'impossible.Et partout la victoire a volé sur ses pas.Chantons Alcide et ses combats.Chantons. HERCULE et PHILOCTÈTE. Chantez le dieu qui me / le rend invincible. LE CHOEUR. Chantons Alcide et ses combats. LE CHOEUR et ALCIDE. Chantons / Chantez le dieu terribleQui donne la force à son / mon bras. Les jeux commencent par le combat de la lutte : le prix est la peau d'un tigre. Le vainqueur, après l'avoir reçue des mains d'Hercule, exprime son triomphe en dansant. Le prix du chant est une Lyre. On présente en dansant des couronnes aux vainqueurs UN THESSALIEN. Volez, amours, sur le char de la gloire. Pour les héros les doux loisirs sont faits.L'aimable paix embellit la victoire,Et les plaisirs embellissent la paix.Dans les combats voyez Mars en colère,Il fait frémir l'univers alarmé. Prés de Vénus voyez Mars à Cythère,Rien n'est plus doux que ce dieu désarmé. LE THESSALIEN et LE CHOEUR. Volez, amours, etc. Les peuples et le compagnons d'Alcide se retirent sur une fanfare. SCÈNE IV. Hercule, Philoctète, Hilus, Lychas. HERCULE. Quoi ! mon fils de retour ? HILUS, présentant la robe envoyée par Déjanire. De l'amour le plus tendre Recevez l'offrande et les voeux.Rendez à Déjanire un époux glorieux.Venez tarir les pleurs que vous faites répandre.Ah ! que n'avez-vous pu l'entendre !Que n'avez-vous pu voir éclater ses transports ! Son coeur s'élançait vers ces bords,Impatient de vous attendre.Seigneur, venez jouir d'un spectacle si doux.Déjanire est tremblante, et n'ose croire encoreQue le sort apaisé lui rende son époux. Les dieux même, les dieux que l'univers adoreNe sont pas aimés comme vous. PHILOCTÈTE, bas. Entre un coupable amour et la plus belle flamme,Alcide, à quoi te résous-tu ?Le crime et la vertu se disputent ton âme ; Vas-tu céder au crime et trahir la vertu ? HERCULE, bas. Je le craindrai ce coeur trop long-temps combattu. Haut, à Hilus.Vous ne me parlez point de la jeune captive ? HILUS. La reine, qui la plaint, daigne essuyer ses pleurs. HERCULE. Est-ce assez d'adoucir, de plaindre ses malheurs ? Dans un humble esclavage est-ce assez qu'elle vive ?Le ciel l'a mise au rang des roisMon fils, du diadème il faut ceindre sa tête ;Et pour la couronner c'est vous dont j'ai fait choix. HILUS. Moi ? Seigneur ! HERCULE. Vous l'aimez, je vous cède mes droits, Et je vous remets ma conquête. HILUS, aux pieds d'Alcide. Mon père ! Ah ! Ce bienfait m'est plus cher que le jour. PHILOCTÈTE, vivement. Enfin je reconnais Alcide. HERCULE. La vertu dans mon coeur te devra son retour ;Et sans l'amitié qui me guide Je me laissais encore égarer par l'amour.Avant de quitter ce rivageAllons à Jupiter présenter notre hommage.Viens, Lychas, porte-moi ce voile précieux :Puis-je m'en revêtir pour un plus digne usage Que pour sacrifier au souverain des dieux. ACTE IV Le théâtre représente le vestibule du temple de Jupiter, à Trachine. SCÈNE PREMIÈRE. Déjanire, Dircé, la Jalousie. DÉJANIRE, éperdue. Qu'ai-je fait ! Ô Nessus, ta fureur m'a trompée. DIRCÉ. Reine, qui peut vous alarmer ? DÉJANIRE. Juge du coup mortel dont mon âme est frappée.Le sang où la robe est trempée, A mes yeux vient de s'enflammer.Tremblante au bord du précipice,J'avais craint d'employer ce funeste artifice :Tu m'en as inspiré le coupable dessein ;Ou plutôt c'est l'enfer qui l'a mis dans mon sein. LA JALOUSIE, traversant les airs. Oui, c'est la Jalousie, compagne et tyran de l'Amour. DÉJANIRE. Ciel ! LA JALOUSIE. Je servais Junon, et Dircé m'a servie.Pleure Alcide expirant ; tu le perds sans retour. Dircé s'éloigne désespérée, et la Furie disparaît. SCÈNE II. DÉJANIRE, seule. Dieu, grand Dieu ! sois sensible à ma douleur profonde.Protège un héros cher au monde : Hélas ! il est ton sang, il est digne de toi. Les femmes de Déjanire accourent à ses cris ; le temple s'ouvre et les Prêtres paraissent. SCÈNE III. Déjanire, les Femmes de sa suite, les Prêtres de Jupiter. DÉJANIRE. Ministres des autels, partagez mon effroi.De ce héros, l'espoir, le vengeur de la terre,D'Alcide en ce moment les jours sont menacés :Attirez sur moi le tonnerre ; Qu'Alcide vive, c'est assez. LE CHOEUR avec Déjanire. Dieu, grand Dieu ! sois sensible à sa / ma douleur profonde ;Protège un héros cher au monde. DÉJANIRE. De tes autels j'approche en frémissant.Mon crime m'a rendu ton temple redoutable. Hélas ! ma main seule est coupable,Et mon coeur, tu le sais, mon coeur est innocent. LE CHOEUR avec Déjanire. Dieu, grand Dieu ! sois sensible à sa / ma douleur profonde ;Protège un héros cher au monde. On danse. LE GRAND PRÊTRE et le Choeur. Père d'Alcide, à tes genoux, Pour lui nos voeux se font entendre.Veille sur lui comme il veille sur nousRends lui les biens qu'il prend soin de répandre. Les Prêtres préparent le sacrifice. La danse exprime les voeux des femmes de Déjanire. L'autel tremble et le tonnerre gronde. DÉJANIRE. Le temple est ébranlé ! Quels éclats menaçants ! LE GRAND PRÊTRE. Fuis, tremble, épouse criminelle. Le ciel avec horreur rejette ton encens. Le temple se ferme. SCÈNE IV. Déjanire, Hilus. DÉJANIRE. Ah ! mon fils ! HILUS, éperdu. Dieux ! Qu'entends-je ? Et quelle voix m'appelle ? DÉJANIRE. Tu méconnais ta mère ! Arrête. HILUS. Laissez-moi.Ce nom me fait frémir d'effroi.Allez, allez cacher dans la nuit éternelle Un forfait qui vous rend l'horreur de l'univers.Quand je crois présenter les dons d'une main chère,C'est votre fureur que je sers !Vous rendez votre fils le bourreau de son père !Puis-je à ces traits affreux reconnaître ma mère ? DÉJANIRE. Hélas ! C'en est donc fait. HILUS. La plus grand des humains,Alcide, votre époux, l'auteur de ma naissanceA reçu la mort de mes mains. DÉJANIRE. Injustes Dieux ! cruels destins !C'est vous qui dans le crime entraînez l'innocence. HILUS. Alcide expire, consuméDu feu que dans son sein vous avez allumé.Couvert de la robe fatale,Il marchait à l'autel ; une flamme infernaleTout à coup pénètre ses sens. Il veut de la douleur étouffer les accents,Mais il n'en peut dompter l'horrible violence,Et par les cris les plus perçantsIl rompt ce farouche silence.Son corps fumant exhale une noire vapeur A ses flancs embrasés le voile affreux s'attacheIl le déchire avec fureur ;Mais en lambeaux sanglants c'est en vain qu'il l'arrache,Et le poison rapide a coulé dans son coeur.Il tombe, il se débat en mordant la poussière : Des pleurs mêlés de sang inondent sa paupière :Il se relève avec effort,Il embrasse l'autel, il implore la mort.Tout frémit : la terreur l'environne et nous glace.Il me voit, il m'appelle, et j'approche éperdu. Malheureux, m'a-t-il dit, ton erreur m'a perdu ;Mais elle est innocente, et ta douleur l'efface.Traîne-moi loin de ces autelsQue ma faiblesse déshonore ;Fuyons, puisque je vis encore, Et cessons d'exciter la pitié des mortels.Vous l'allez voir. DÉJANIRE. Après mon crime,Le voir ! Ah ! je vais le venger.De mes transports jaloux ton père est la victime.Par un charme inconnu j'ai voulu l'engager ; Ce charme est un poison funesteQu'une furie a préparé.La rage des enfers, la colère céleste,Rien n'excuse l'erreur de mon coeur égaré.Qu'Alcide en mourant me déteste ; Que de tout l'univers mon nom soit abhorré.Mais en fermant les yeux de ton malheureux père,Peins-lui le désespoir de ta coupable mère ;Et dis-lui que mon coeur l'a toujours adoré. ACTE V Le théâtre représente le Mont Aetna environné d'épaisses forêts. SCÈNE PREMIÈRE. Les Compagnons d'Hercule, élevant son Bûcher. LE CHOEUR. Alcide au tombeau va descendre. Qui méritait mieux des autels ?Hélas ! du plus grand des mortelsIl ne vva rester que des cendres. SCÈNE II. Hercule, Philoctète, les Compagnons d'Hercule. HERCULE, se traînant sur le bûcher. Enfin je succombe à ma rage.L'excès de la douleur a vaincu mon courage. À PhiloctèteCruel, à mes tourments veux-tu m'abandonner ? PHILOCTÈTE. De ta gloire à jamais ce seul instant décide.Ose souffrir la vie, ose la couronnerPar une mort digne d'Alcide. HERCULE. Quelle mort ! sous les coups d'une femme perfide ! Oui, je veux lui survivre ; oui, je veux de ma mainArracher son coeur inhumain.Qui la dérobe à ma vengeance ?Quoi ! Mon fils avec elle est-il d'intelligence ?Il me fuit. PHILOCTÈTE. Tu le vois dans la douleur plongé. SCÈNE III. Hilus, Hercule, Philoctète, les Compagnons d'Hercule. HERCULE, à Hilus. Approche. Hé bien, suis-je vengé ?Viens-tu d'immoler ma victime. HILUS. Elle est ma mère. HERCULE. Après son crime,Peux-tu la nommer sans horreur ? HILUS. Hélas ! Connaissez mon erreur : Pour vous rendre à ses voeux, dans ses tendres alarmesElle a cru n'employer qu'un secours innocent.Nessus l'avait trompé ; et ce venin puissantEst le sang du perfide infecté par vos armes. HERCULE. Son coeur n'est point coupable ! HILUS. Ah ! croyez-en mes larmesEt la douleur qu'elle ressent. LE CHOEUR de femmes dans l'éloignement. Ô jour fatal ! Ô mort cruelle ! HERCULE. Qu'entends-je ? Quel cri gémissant ! SCÈNE IV. Iole, les Femmes de Déjanire, Hilus, Hercule, Philoctète, les Compagnons d'Hercule. LE CHOEUR, en s'approchant. Ô jour fatal ! Ô mort cruelle ! HILUS, à Iole. La reine ?... IOLE. Elle n'est plus. HILUS. Ô mon père ! IOLE. À nos yeuxElle vient d'expirer, en demandant aux dieuxD'épuiser leur rigueur sur elle. HERCULE, HILUS et le CHOEUR. Ô jour fatal ! Ô mort cruelle ! HILUS. Nos malheurs sont comblés. HERCULE. Il faut les soutenir.Venez, trop aimable captive.Pour essuyer vos pleurs que mon fils me survive.En mourant je dois vous unir.Je dois de Palénor calmer l'ombre plaintive. À son filsTous mes maux vont finir : mon fils, embrasse-moi...Non, non, arrête, éloigne-toi ;Ah ! crains de respirer le feu qui me consume :Avec plus de fureur je sens qu'il se rallume.Quel accès ! quel supplice ! ô dieux qui m'éprouvez, Qui vous offrit jamais plus d'encens, de victimes ?Et si tel est le sort que vous me réservez,Quel sort destinez-vous au crime ? Il succombe.Viens, mon fils, sois témoin de l'excès de mes maux.Peuples heureux par mes travaux, Est-ce là le bras invincible,Ce bras sous qui tombaient les lions étouffés ?Desséché, consumé d'une flamme invisible,Le reconnaissez-vous dans cet état horrible ?Hercule est abattu : tyrans vous triomphez. Il se lève.Au défaut de mes mains tremblantesHâtez-vous me secourir.Je souffre mille morts, et je ne puis mourir.Déchirez, dispersez mes dépouilles sanglantes.Arrachez de mon sein mes entrailles brûlantes. Lâches, vous frémissez, vous m'abandonnez tous.Où sont-ils, ces brigands dont j'ai purgé la terre ?Ils seraient moins cruels que vous.Dieux ! accordez-moi le tonnerre. Il retombe sur le bûcher. HILUS et le CHOEUR. Il expire dans les tourments. PHILOCTÈTE. Alcide !... Quels gémissements ! HERCULE, il se relève. Mes yeux appesantis vont perdre la lumière.Hilus, jure-moi d'accomplirLa volonté d'un père à son heure dernière. HILUS. Ordonnez. HERCULE. Jure-moi que tu vas la remplir. HILUS. J'en atteste les dieux. HERCULE, il monte sur le bûcher. Viens délivrer mon âmeDe son infernale prison.Au bûcher de ton père ose porter la flamme. HILUS, épouvanté. Moi ! HERCULE. Frémis du parjure et de la trahison. HILUS. Vous voulez que je sois l'horreur de la nature ! Les dieux me puniraient si je n'étais parjure. HERCULE. Obéis, tu le dois. HILUS. Je ne puis. HERCULE. Je le veux. HILUS. Mon père ! PHILOCTÈTE. Alcide. HERCULE. Ah ! Malheureux ! La foudre tombe sur le bûcher et l'allume, Hercule est enveloppé par les flammes. Tout à coup le bûcher se transforme en un char, sur lequel Hercule paraît triomphant. SCÈNE DERNIÈRE. Jupiter sur son Trône, environné de sa cour céleste, Iole, les Femmes de Déjanire, Hilus, Hercule, Philoctète, les Compagnons d'Hercule. JUPITER, à Hercule. Viens, mon fils, viens jouir de ta gloire nouvelle,La flamme a consumé ta dépouille mortelle ; Triomphe du trépas, affranchi toi des lois.Dieux, il est votre égal. Terre, il est mon image.Mondes qui m'adorez, rendez-lui votre hommage.Astres brillants des cieux, retracez ses exploits... le Char d'Hercule s'élève jusqu'au pied du Trône de Jupiter. LE CHOEUR général, la cour céleste et le peuple. Que tout l'univers soit son temple Il est rempli de ses bienfaits.Que sa gloire soit à jamaisDes vertus l'espoir et l'exemple,Et l'épouvante des forfaits. les Divinités célestes descendent et forment des danses. Cette fête est l'apothéose d'Hercule HERCULE, en s'élevant aux cieux. Peuples, recebez mes adieux. À PhiloctèteDigne ami, c'est à toi que je laisse mes armes. À HilusMon fils, j'aurai sur vous les yeux. À IolePrincesse, embellissez la terre par vos charmes ;Mais tournez quelquefois vos regards vers les cieux. Un divertissement général termine l'opéra. ==================================================