******************************************************** DC.Title = UN ENFANT DÉRANGÉ, SAYNÈTE. DC.Author = MOINAUX, Jules DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Saynète DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 15/01/2022 à 09:13:26. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MOINAUX_ENFANTDERANGE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5718390w DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** UN ENFANT DÉRANGÉ. 1881. Tous droits réservés. par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux. 8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881 PERSONNAGES. LE NARRATEUR. LE PRÉSIDENT. ADOLPHE. LA MÈRE BRÉCHOT. LE TÉMOIN. Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 269-273 UN ENFANT DÉRANGÉ. LE NARRATEUR. Si la manne dont les Hébreux se nourrirent dans le désert eût été semblable à celle qui est aujourd'hui l'une des branches importantes du commerce de droguerie, les malheureux auraient inauguré singulièrement leur entrée sur la terre, de Chanaan, à en juger par le jeune Bréchot, qui a fait usage de cette substance pendant une quinzaine de jours seulement.Un droguiste, entendu, déclare que dans cet espace de temps Bréchot lui a volé au moins 12 livres de manne, dans des tonnes placées sous un hangar, au fond de la cour de sa maison, laquelle a pour locataires Madame Bréchot et son fils Adolphe.La brave dame, naturellement, vient demander au tribunal, de lui rendre son héritier : Voyez-vous, messieurs, dit-elle, c'est un garçon plein de bonnes qualités, gentil comme tout, mais d'une gourmandise qui lui fera bien du tort quand il sera à son à-part. Je lui dis ça sans détours, devant vous, pour à seule fin que vous le voyiez rougir. Adolphe fond en larmes.Ah ! Quand tu pleureras, c'est pas ça qui rendra la manne au Monsieur, que tu lui as volée, gouliaffre ! Sans coeur ! En voilà-ti pourtant un joli régal, de manger les purgations du monde ! Avec sévérité :Quand on veut manger des purgations ou autre chose, on en achète, Monsieur ! Rires dans l'auditoire. ADOLPHE, sanglotant. J'avais pas.... aaas.... d'argent. LA MÈRE BRÉCHOT. T'as les 40 sous que ton oncle t'a donnés ; c'est la vérité que je te les aurais pas laissé prendre pour acheter de la manne ; mais si j'aurais su que tu aurais voulu en voler, j'aurais encore mieux préféré que tu en dépenses là dedans que de me couvrir de déshonneur, ainsi que ton oncle et ton parrain. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Nous allons entendre le témoin, allez vous asseoir. Le témoin s'avance. LA MÈRE BRÉCHOT. Aussi c'est bien imprudent à un homme instruit comme Monsieur, qui est droguiste, de laisser des friandises dans une cour. Rires.À même un tonneau défoncé, à la portée des enfants. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Allez vous asseoir, Madame. LE TÉMOIN. De la manne, vous appelez cela des friandises ? Est-ce que je pouvais supposer... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Levez la main. LA MÈRE BRÉCHOT, revenant. Chacun son goût ; le goût de c't'enfant-là c'est d'aimer tout... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Allez vous asseoir. Le témoin dépose du fait que l'on sait. LA MÈRE BRÉCHOT. Demandez à Monsieur si je l'ai payé. LE TÉMOIN. En effet, Madame m'a indemnisé. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Enfin, Madame Bréchot, vous réclamez votre fils et vous vous engagez à le surveiller ? LA MÈRE BRÉCHOT. Ah ! Seigneur, les jours, les nuits, je ne ferai que ça. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Il est en apprentissage ? LA MÈRE BRÉCHOT. Oh ! Je crois bien ; il travaille avec moi. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Avec vous ? De quelle profession ? LA MÈRE BRÉCHOT. Dans les visières. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Dans quoi ? LA MÈRE BRÉCHOT. Les visières de casquettes. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Est-il travailleur ? LA MÈRE BRÉCHOT. Oh ! Comme un petit cheval. Cependant ça m'étonnait tant de le voir quitter à chaque instant son travail, des dix ou douze fois par jour, que je me disais : « Est-ce qu'il se dérangerait ? » Rires.Et une figure fatiguée !... Je ne me doutais pas de ce que c'était. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Enfin le tribunal va vous le rendre ; mais surveillez-le mieux. LA MÈRE BRÉCHOT. Je vous dis : c'est un enfant qui n'a qu'un défaut, qu'il ne faut rien lui laisser sous la main de ce qui se mange. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. C'est entendu. LA MÈRE BRÉCHOT. Si je vous disais que quand je suis malade, il m'avale mes... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Mais, Madame, taisez-vous donc ! Le tribunal délibère. LA MÈRE BRÉCHOT. Mes médecines ; il mange le mou du chat, le colifichet du serin, les carottes crues... Le tribunal ordonne que le jeune Bréchot sera rendu à sa mère. LA MÈRE BRÉCHOT, les mains jointes. Grâce ! Messieurs, grâce ! MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Mais votre fils est acquitté, Madame ; retirez-vous et allez le chercher demain matin. ==================================================