******************************************************** DC.Title = LES FRÈRES HARENG, SAYNÈTE. DC.Author = MOINAUX, Jules DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Saynète DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 20/02/2022 à 17:30:35. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MOINAUX_FRERESHARENG.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5718390w DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LES FRÈRES HARENG 1881. Tous droits réservés. par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux. 8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881 PERSONNAGES. LE NARRATEUR. LE PRÉSIDENT. ANTOINE HARENG, plaignant. HONORÉ HARENG, prévenu. Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 213-217 LES FRÈRES HARENG LE NARRATEUR. C'est tout à fait une petite Thébaïde que la maison des deux frères que voici en police correctionnelle ; Étéocle et Polynice n'étaient pas plus furieux l'un contre l'autre que ne l'étaient nos deux modernes frères ennemis, le jour de la rixe sanglante dont le tribunal est saisi. Toutefois, il n'y a pas lieu d'emboucher la trompette héroïque pour chanter leur combat singulier. Nous n'en sommes pas à dire :[Note : Vers 1453-1454 de La Thébaïde ou les frères ennemis de Jean Racine.]... D'un oeil brillant de rage,Dans le sein l'un de l'autre ils cherchent un passage,et si nous avons parlé de rixe sanglante, c'est par simple allusion au coup de poing sur le nez d'un des adversaires, et qui a motivé une de ces effusions de sang qu'on arrête avec une clef dans le dos.Et puis, on se disputait, non pas un trône, mais un fonds de boulangerie. Enfin, rien ne prêterait moins à la poésie que le nom des deux rivaux. Un poème intitulé les Frères Hareng serait absolument ridicule ; décidément une chronique correctionnelle est bien tout ce qu'il faut. Allons-y donc, et gaiement, si nos deux héros veulent y mettre du leur. [Note : Horion : Coup rudement déchargé. [L]]Antoine Hareng, le vaincu, a tiré, des horions fraternels, une vengeance sans gloire ; il a dénoncé Honoré Hareng, son vainqueur, au commissaire de police.Aujourd'hui, Antoine, dont le nez est désenflé et la fureur calmée, vient chercher à excuser son frère. Voyez-vous, messieurs, dit-il, dans tout ça il n'y a pas de quoi fouetter un chat. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Alors il ne fallait pas porter plainte. ANTOINE. Je sais bien, mais, sur le moment, j'étais si vexé d'avoir reçu ma pile... Voilà d'où c'est venu : Honoré voulait avoir le fonds du père, qui est mort il y a quelque temps ; moi, je voulais l'avoir aussi ; alors, quand il a boissonné un peu et moi aussi, nous nous repassons quelques gifles et nous n'y pensons plus après. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Il ne s'agit pas de gifles : vous avez dit au commissaire de police que votre frère avait voulu vous assassiner, et, aujourd'hui, il n'aurait rien fait, à vous entendre. LE PRÉVENU. Entre frères, pensez, mon président, on s'aime, pas vrai ? MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Singulière façon de se le prouver. LE PRÉVENU. C'est le vin. ANTOINE. Voilà !... Sans le vin... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Enfin le ministère public n'abandonne pas la poursuite ; dites ce qui s'est passé. ANTOINE. Eh bien, comme je vous dis, Honoré, est rentré dans une abondante ivresse. La mère, qui était là, lui fait des remontrances, dont il lui répond : « Vous, m'man, vous n'avez pas la parole, vu que vous tétez pas mal votre petite goutte aussi, sans vous commander. » Parce que faut dire que c'est vrai, ça ; seulement la mère, c'est des prunes à l eau-de-vie, presque tous les jours. Alors, moi, je fais donc aussi des reproches amicables à Honoré ; si bien qu'il me dit qu'il allait quitter ses bottes et se mettre à l'ouvrage, et il monte dans notre chambre en promettant de changer de conduite ; mais il a seulement changé de bottes. Pour lors, en redescendant, il se met à dire qu'il est l'aîné et que le fonds lui revenait de droit. Je lui réponds que la boulangerie n'a pas d'âge, dont là-dessus, nous nous chamaillons et qu'il finit par me repasser un coup de poing sur le nez, que j'ai saigné peut-être plein ce qui tiendrait dans ma casquette et que mon nez est devenu si tellement gros que ça m'en faisait loucher, et violet comme une aubergine. Moi, je me rebiffe ; v'là ma soeur qui crie : « Au voleur! » par la fenêtre ; il y avait deux hommes qui passaient à ce moment-là ; au lieu de monter, en entendant crier au voleur, ils se sauvent. Alors je dis à ma soeur : « Crie au secours ! » Là-dessus, elle crie au secours ! Et les voisins sont venus qui nous ont séparés. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Allez vous asseoir ! ANTOINE. Mon président, dans tout ça, il n'y a eu que mon nez et une chaise de cassés ; le pharmacien m'a arrangé mon nez, le menuisier a arrangé la chaise... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. En voilà assez ! ANTOINE. Ah ! Et puis je ne vous dis pas tout : après, en causant nous deux Honoré, nous nous sommes dit : Mais au lieu de nous battre toujours à qui aura le fonds, en nous associant, ça arrangerait tout. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. C'est par là que vous auriez dû commencer. LE PRÉVENU. Nous n'y avions jamais pensé. ANTOINE. C'est une idée qui nous est venue comme ça. Alors, à présent, nous sommes associés. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Si vous vous étiez associés tout de suite, vous ne vous seriez pas battus ? LE PRÉVENU. Ah ! Ne m'en parlez, pas... Je suis si vexé !... ANTOINE. Et moi, donc ! Car, à présent, nous sommes très heureux. LE PRÉVENU. À ça près de quelques gifles. Par-ci par-là... On n'a jamais vu deux frères plus d'accord. Le tribunal a condamné Honoré à 50 francs d'amende ; mais, grâce à l'association, cela fait 25 francs chacun. ==================================================