******************************************************** DC.Title = LES PROMENADES DE PARIS, COMÉDIE EN TROIS ACTES. DC.Author = MONGIN DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:07:46. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MONGIN_PROMENADESDEPARIS.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64725310 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LES PROMENADES DE PARIS COMÉDIE EN TROIS ACTES. Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens [du Roi] dans leur Hôtel de Bourgogne le sixième jour de 1695. M. DC. LXXXXV. Mise au théâtre par Monsieur Mongin. Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens sur leur Hôtel de Bourgogne, le sixième juin de Juin 1695. ACTEURS ÉLISE, fille de qualité. COLOMBINE, suivante d'Élise. LÉANDRE, Capitaine de Dragons, amant d'Élise. OCTAVE, jeune homme de famille, amant d'Élise. CALMAR, homme de Robe, amant d'Élise. ARLEQUIN, Valet de Léandre, amant de Colombine. SCARAMOUCHE, Valet d'Octave, amant de Colombine. MEZZETIN, Valet de Calmar, amant de Colombine. UN FIACRE, Arlequin. UN POÈTE, Scaramouche. UNE VENDEUSE DE BOUQUETS, Mezzetin. BACCHUS, Mezzetin. Suite de Bacchus. Plusieurs Garçons Cabaretiers qui ne parlent pas. La Scène et au Bois de Boulogne, et aux Tuileries. ACTE I SCÈNE I. Octave, Scaramouche. Le théâtre représente le Bois de Boulogne. OCTAVE. Non, non, laisse-moi, Scaramouche, je ne veux plus avoir recours qu'au désespoir. SCARAMOUCHE. Mais recourons auparavant à mon industrie, et écoutez-moi de grâce. OCTAVE. Quoi ? Parce que je n'ai pas encore de quoi flatter l'ambition d'Élise, et que je ne puis lui donner ma foi et mon bien qu'après la mort de mon père, la cruelle me sacrifie à Monsieur Calmar, elle reçoit ses soupirs, son amour, ses fêtes, et aujourd'hui même dans ce Bois de Boulogne il faut que je me voie la victime d'un rival odieux, d'un coffre-fort d'amour, en un mot d'un vieux Calmar ? SCARAMOUCHE. [Note : Masette : Petit cheval, ou cheval ruiné qu'on ne saurait faire aller, ni vaec le fouet, ni avec l'éperon. [F] ][Note : Savate : Vieux soulier, fort usé. [F] ]Vous avez raison. Vous sacrifier à Calmar, c'est préférer un hibou à un joli homme, une masette à un cheval d'Espagne, et une vieille savate à un jeune et souple escarpin. Mais il n'est plus de filles qui ne soient de mauvais goût pour devenir femmes. OCTAVE. Des cheveux noirs avec des blancs, ah le bel assemblage ! Qu'il fera beau voir ce vieux Calmar sembler le père de sa femme, et n'être pas celui de tes enfants ! SCARAMOUCHE. Non, ce mariage-là n'est pas faisable, et je saurai bien l'empêcher, vous dis-je, si vous voulez me croire. OCTAVE. Mais quoi donc ? Que veux-tu que je fasse ? SCARAMOUCHE. Il faut premièrement assister à la fête de Calmar sans nous faire connaître. OCTAVE. Et comment ? SCARAMOUCHE. Vous allez voir. Voici de quoi nous métamorphoser. Il déshabille Octave, et le met en garçon de cabaret. OCTAVE. Qu'est-ce donc que cela signifie ? SCARAMOUCHE. Laissez-moi faire de grâce. Scaramouche s'habille ensuite. OCTAVE. Mais as-tu perdu l'esprit ? Dis-moi donc à quoi bon cette mascarade ? SCARAMOUCHE. Je m'en vais vous l'apprendre. Mais voyons auparavant si vous saurez bien jouer votre rôle. Criez-vous bien : Duquel, Meilleurs ? Du Champagne ? Du Bourgogne ? À huit ? À dix ? À quinze ? À trente ? Holà, on y va. Savez-vous courir, mentir, et vous enivrer au buffet ? Voilà un garçon de cabaret depuis les pieds jusqu'à la tête. OCTAVE. Mais encore un coup, à quoi bon me déguiser en garçon de cabaret, et que dira le cabaretier de Calmar, si... SCARAMOUCHE. Ce cabaretier est de mes amis ; et pour voir Élise, et se moquer de Calmar, il n'y a point de déguisement plus favorable. Mais chut, j'entends quelqu'un, suivez-moi, sauvons-nous vite. SCÈNE II. Élise, Colombine, Arlequin en Fiacre qui survient. ÉLISE. Grâce au Ciel, Colombine, en ce sombre bocageNous voici tous deux sans chapeau. COLOMBINE. Que peu de filles de votre âgeRemercieront le Ciel d'un pareil avantage !Mais puis donc qu'en effet nous sommes sous l'ormeau, Sans fâcheux, au frais ? À l'ombrage ;[Note : Chicaneau est aussi le nom d'un personnage de la comédie des Plaideurs de Jean Racine.]Tandis que notre Chicanneau,Notre Monsieur Calmar met ordre à son cadeau,Qu'il fait chauffer les plats, rafraîchir les bouteilles,Et que de ses doux yeux vous êtes à couvert, De cedit sieur Calmar parlons à cour ouvert. ÉLISE. Colombine, tout deux, les murs ont des oreilles. COLOMBINE. Mais ce bois n'en a point, il est sourd et muet.Le Bois de Boulogne est discret ;Et l'on aurait bien de quoi rire, Si ces échos et ces oiseauxChantaient et redisaient ce qu'ils entendent direMais tout se tait sous ces ormeaux ;Et ce que tous les jours un chacun leur confie,Marque assez qu'il faut qu'on s'y fie. Parlons donc net. Calmar qui vous fait les yeux doux,Vous touche-t-il un peu ? Plaît-il ? Qu'en pensez-vous ?Pour lui, tout ce qu'il fait dit assez ce qu'il pense. ÉLISE. À son amour pourtant j'impose assez silence. COLOMBINE. Point trop, et cet amour qui vous fait régaler, Qui pour vous divertir ne trouve aucun obstacle,Qui vous donne concert, fête, bal, et spectacle,Tout cela parle assez, et fait assez parler ;Et dés-lors qu'une fille est riche, jeune, belle ;Que comme vous enfin elle est maîtresse d'elle, Et celle d'un nombre d'amants,Elle fait bien des médisants. ÉLISE. Et que pourrait de moi dire la médisance ? COLOMBINE. Mon Dieu ! Calmar et sa dépenseDonnent carrière à son caquet. Tenez, vous aurez beau prôner pour votre gloire,Que Calmar avec vous file un amour parfait,On ne voudra jamais le croire,Et par tout aujourd'hui l'on sait,Et cela par expérience, Qu'en amour comme à l'audienceLes Gens de Robe vont au fait.C'est un terrible amant qu'un amant libéral.Je veux que sans l'aimer vous en soyez aimée.Je veux qu'à votre cour il ne soit point fatal, Il l'est à votre renommée.Nul en vain, dira-t-on ; ne répand ce métalSi l'on vous donne, il faut que vous donniez de même,C'est pour recueillir que l'on sème,Et Calmar, cet original, Loin de croire qu'à l'or votre cour se révolte,Cet amant se croit tous les joursÀ la veille de sa récolte. ÉLISE. Oh, je veux, s'il se peut, qu'il s'y croie toujours,Ou que de ce Calmar la flamme soit dupée, Jusqu'à ce que l'hiver m'ait ramené l'épée.C'est ainsi qu'autrefois Pénélope si sageJusqu'au retour de son époux,Abusait et jouait les fousQu'elle tenait en esclavage. COLOMBINE. [Note : Pénélope : personnage de L'Odyssée d'Homère. Femme d'Ulysse et mère de Télémaque qui attendit vingt ans le retour de son époux et roi.]Il est vrai, Pénélope eut dit-on cette gloire :Mais la belle eut filé plus doux,Si parmi ses amants elle eût eu comme vousGens de Finance et d'Écritoire.Mais à juger de vous par vos raisonnements, L'on vous croirait de ces femmes habiles,Qui pour mieux duper leurs amants,Leur semblent des vertus faciles ;Donnent de l'espoir au désirs ;Répondent aux douces paroles: Et quand pour vous et vos plaisirsUn Amant, par exemple, a semé des pistoles,Qu'ensuite à la récolte il souhaite venir ;Sans rien accorder ni permettre,On sait toujours lui tout promettre, Et jamais ne lui rien tenir. ÉLISE. Oui, Colombine, en ce siècle où nous sommesC'est ainsi qu'on mène les hommes. COLOMBINE. Non, les hommes qu'on mène ainsiNe sont plus de ce siècle-ci. Les hommes aujourd'hui sont à l'égard des belles,Ce que sont les pêcheurs à l'égard du poisson ;Si vous ne mordez pas d'abord a l'hameçon,Si vous les amusez, ou faites les rebelles,Et les galants et les pêcheurs S'en vont jeter leur plomb ailleurs. ÉLISE. Ces pêcheurs des poissons peuvent n'être pas dupes.Un homme vient à bout de tous les animaux.Mais l'animal portant coiffes et jupes,Le fait toujours donner dans ses panneaux. COLOMBINE. Hé bien, tous vos amants sont dupes, je me rends.Mais de Léandre encor faut-il qu'il vous souvienne,Si pleurant votre absence à la Guerre, il apprend Qu'on veut vous guérir de la sienne. ÉLISE. Léandre de Calmar peut-il être jaloux ? COLOMBINE. Non, mais d'Octave il pourrait l'être.Mais à propos d'Octave, oh ça, qu'en pensez-vous ?Il vous aime, et ses yeux, les soins, ses billets-douxVous l'ont fait assez bien connaître. ÉLISE. Octave a du mérité, il est doux, sage, et tendre. Et s'il pouvait disposer de sa foi,[Note : Vers 102, on lit Landre au lieu de Léandre dans l'édition originale.]Ce serait, après Léandre,Celui que je voudrais qui soupirait pour moi.Mais Léandre me met en des frayeurs mortelles.Je n'ai de lui nulles nouvelles, Et sa santé, sa vie, à chaque heure du jour,M'alarme autant que son amour. COLOMBINE. Vous serez rassurée au premier Ordinaire.Ne peut-on, après tout, en passer un ou deux Sans vous écrire ou vous déplaire ? Tous ces amants guerriers ne font pas maîtres d'eux,Et de leurs fers sur nous rejaillit l'amertume.De plus, pour contenter sa gloire et ses amours,Faut-il que Léandre ait toujoursOu l'épée à la main, ou la main à la plume ? Oh, tous ces amoureux guerriers,Ces héros pour leur Roi quittent leurs héroïnes,Et leurs couronnes, leurs lauriers,Pour nous encore un coup ne sont que des épines.Léandre cependant, pour peu qu'il soit jaloux, Devrait... Mais paix, on vient à nous. ARLEQUIN, en fiacre arrive en chantant avec une bouteille et un verre à la main. [Note : Fiacre : C'est un nom qu'on a donné depuis peu [fin XVIIème] aux carrosses de louage, du nom d'un fameux loueur de carrosses qui s'appelait ainsi, ou plutôt comme l'atteste Mr. Ménage du nom de l'image de Saint Fiacre qui servait de d'enseigne à un certain logis de la rue Saint Antoine de Paris. Quoiqu'il en soit, quand on parle d'un carrosse malpropre, ou mal attelé, on l'appelle par mépris un fiacre. [F] ]Vivat ! Mais que font donc ces nymphes bocagères,Seules dans un lieu si touffu ?Approchons, découvrons un peu tous ces mystères. Reconnaissant Élise et Colombine.Ah, Mesdames, c'est vous ? COLOMBINE. Qu'est-ce ? Que nous veux-tu ? ARLEQUIN. On vous attend avec impatience. ÉLISE. Et qui ARLEQUIN. Monsieur Calmar et la collation.Pour moi, vous voyez ma pitance,Je porte ma provision, Montrant sa bouteille.Et voilà la seule maîtresse Que je mène sur le gazon.A votre santé, ma Princesse. Après avoir bu, il leur présente à boire et dit ;Tenez, voilà pour me faire raison.Goûtez de ce vin, il est bon. COLOMBINE. Fi ! Les femmes en boivent-elles ? ARLEQUIN. Bon ! En ivrognerie aujourd'hui les femelles[Note : Grenouille : Se dit figurément d'un méchant poète. [F] Sirop de grenouille, ici, sont les poèmes. ][Note : Damer le pion : On dit proverbialement ,Damer el pion à quelqu'un pour dire, Enchérir sur lui, avoir avantage sur lui, le supplanter. C'est une métaphore tirée du jeu d'échecs qui s'est pourtant tournée en un sens contraire. [F]]Dament le pion aux chapeaux.Le sexe ne boit plus du sirop de grenouille,Il n'aime que les vins et les amants nouveaux,[Note : Quenouille : bâton auquel on attache de la filasse, du lin, de la laine pour filer. (...) [F]]Et l'Empire Bachique enfin tombe en quenouille. Il boit. COLOMBINE. Fort bien ! Notre Fiacre s'en donne.Mais de grâce voyons s'il a le vin discret.Ne connaîtrions-nous personneDe celles qu'en ce bois il amène en secret ? ARLEQUIN, regardant Élise et Colombine. [Note : Bonne fortune : On appelle en termes de galanterie, bonne fortune, les dernières faveurs d'une jolie dame ; être heureux auprès des femmes. Ce galant est fort bien fait, il est homme à bonne fortunes. [F]]Voilà deux des bonnes fortunes Qu'ici Monsieur Calmar ait encor jamais eu.[Note : Robin : Terme de dénigrement. Homme de robe. [L]]Heureux tous ces robins des blondes et des brunes !Ils en ont à présent à bouche que veux-tu. COLOMBINE. [Note : Maraud : Terme injurieux qui se dit des gueux, des coquins qui n'ont ni bien ni honneur, qui sont capables de faire toutes sortes de lâchetés. [F]]Pour qui donc nous prend ce maraud ? ARLEQUIN. Paix, ne le prenez point si haut. Ne faites point tant la féroce,Ces airs-là siéent mal avecque mon carrosse. ÉLISE. Cet ivrogne-là croit parlerÀ tes pratiques ordinaires. COLOMBINE. Laissons-le dire. Oh ça, dans ce lieu solitaire Quelles Beautés te font le plus souvent rouler ?Là, fais-nous quelque confidence ?Dis-nous. ARLEQUIN. Motus. En vain vous voulez me sonder.On me paye ici pour garderEt les manteaux et le silence. Le silence est mon gagne-pain ;Et dès aujourd'hui pour demainLouison, Catin, et Sylvie,Qu'on croit partout femmes d'honneur,Ne me donneraient plus de quoi gagner ma vie, Si j'allais révéler la leur. COLOMBINE. Pour toutes ces vertus traitables,Je veux bien les mettre à l'écart.Mais dis-nous, quelles sont les femmes raisonnablesQu'amène ici Monsieur Calmar ? ARLEQUIN. Femmes raisonnables ? Je crois.[Note : Goberger : Terme bas et populaire, qui signifie, si réjouir, se moquer. [F]]Que vous vous gobergez de moi.Je ne menai jamais ni raison ni sagesse ;Et tout compté, tout rabattu,Je ne quis cocher, ma Princesse, Que de la moyenne vertu.Ne sait-on pas bien mon négoce ?Ne sait-on pas, quand bien je voudrais le cacher,Que celles dont je suis cocher,Sont semblables à mon carrosse. COLOMBINE. Une belle ressemble au fiacre ? ARLEQUIN. Assurément. COLOMBINE. En quoi donc se peut-il, bon Dieu ! Qu'elle en approche ?Va, va, tu perds le jugement,Et toute comparaison cloche. ARLEQUIN. Oh ! Celle-ci ne cloche point, Ou bien ne cloche qu'en ce point.C'est qu'une belle en Fiacre étant bien promenée,[Note : Heure du berger : C'est le moment heureux, l'occasion favorable pour obtenir une faveur d'une belle. Se prend aussi pour le temps où l'on peut réussir en quelque chose que ce soit. [F]]On ne lui paie au plus que l'heure du Berger ;Et que l'on paye au Fiacre, où l'on va voyager,Toutes celles de la journée. COLOMBINE. Tous ces impertinents discoursNe doivent s'adresser qu'à de franches coquettes.Mais des femmes comme nous faites,Par exemple... ARLEQUIN. Bon ! tous les joursJ'en mène qui vous sont égales. COLOMBINE. [Note : Vestale : On dit maintenant [XVIIème] quand on veut adoucir le mot en parlant d'une femme qui ne vit pas fort régulièrement, qu'elle ne se pique pas d'être vestale.]Oh ! Tu ne mènes donc jamais que des Vestales. ARLEQUIN. Oui, Vestales, fort bien ! Oh, puisqu'il faut parler,Puisque l'on me contraint à ne plus rien celer,[Note : Donzelle : terme burlesque qui se dit pour demoiselles ; mais il est odieux et offensant ; et se prend ordinairement en mauvaise part. [F]]De grâce, dites-moi ? Ces humaines donzelles,Qui crainte de passer pour telles, Me cachent à Paris leurs demeures, leurs noms.Et dans ce Bois leurs actions;Oui, ces femmes en général,Qui pour aller faire naufrage,Ne veulent s'embarquer dedans mon équipage [Note : Quinze-vingts : Ce sont trois cent aveugles qu'on reçoit dans un hôpital fondé à Paris par Saint Louis. [F]][Note : Arsenal : l'Arsenal de Paris [est l'endroit] où l'on fond des canons. [F] Sa localisation se situe dans le 4ème arrondissement au sud de la Place de la Bastille, il n'y a plus d'Arsenal dans Paris.]Qu'aux Quinze-vingts, à l'Arsenal ?Toutes ces Belles, par exemple,Sont-elles entre nous, d'une venu fort ample ? COLOMBINE. J'avoue... ARLEQUIN. Item, celles encor qui vinrent en ces lieux,Au retour des Hirondelles, Faire aux guerriers leurs adieux ;À ce départ ces femelles ,Qui semblaient être en des douleurs mortelles,Et qui si peu de jours après,Dans ce Bois de Boulogne mêmes Avecque des gens de Palais[Note : Plumet : Bouquet de plume que le militaires portent à leur chapeau, à leur casque etc. Vieux en ce sens. Collectivement le plumet, les gens de guerre. [L]]Oublièrent leurs chers plumets,Et s'oublièrent elles-mêmes ? COLOMBINE. À l'oubli près, qu'en dites-vous ?Ce maraud-là parle pour nous. ARLEQUIN. [Note : Au XVIIème, Chaillot et Passy était un des villages hors de Paris. Passy et Chaillot sont proche du Bois_de_Boulogne.]Et celles qu'on régale à Chaillot, à Passy ;Et qui pour dire grand-merci,Et payer leur écot d'un bon vin de Bourgogne,D'une bonne collation,S'en vont dans le Bois de Boulogne, En faire la digestion ? COLOMBINE. Si. ARLEQUIN. Ces belles encor, ces écueils de la bourse,Qui voulant toujours être en course ;À force de courir l'hiver les jeux, le bal,L'été les bois et la prairie , Conduisent mes chevaux enfin à la voirie,Et leurs amants à l'hôpital ;Se bâtissant ainsi, ces prodigues coquettes,Sur la ruine des chevaux,[Note : Godelureau : Jeune fanfaron, glorieux, pimpant et coquet qui se pique de galanterie, de bonne fortune auprès des femmes, qui est toujours bien propre et bien mis sans avoir d'autres perfections. Les vieux maris ont sujet d'être jaloux de ces godelureaux qui viennent cajoler leurs femmes. [F]]Et celle des godelureaux, [Note : Madelonnettes : Sorte de religieuse établies dans le XIVème et XVème siècles, dont les maisons servaient de retraite au pécheresses. Nom tiré de Sainte-Madeleine qui est la patronne des repenties. [L]]Un refuge aux madelonnettes. ÉLISE. Laissons-là cet ivrogne, allons, sortons d'ici.Colombine, c'est trop lui donner audience.Monsieur Calmar m'attend avec impatience,Je suis de voir sa fête impatiente aussi. COLOMBINE. Allons. Au Fiacre.De la raison toi, prends donc plus de soin,Et gardes-en, je t'en conjureAutant qu'il en faut, tout au moinsPour conduire à Paris ta vilaine voiture. Elles s'en vont. ARLEQUIN. Oh, tout doux, mon Fiacre vilain ? Hé de grâce, épargnez un peu votre prochain.Quelque vilain qu'on soit, Comtesses et MarquisesDu fiacre cependant sont tellement éprises,Qu'elles quittent des chars tirés à six chevaux,Pour s'en venir en fiacre ici sous ces ormeaux. [Note : Manant : paysan, habitant dans un village, ou en métairie à la campagne. [F]]Mais où court ce manant si vite.Il faut nous divertir de ce bonhomme-ci.Holà, Manant, holà l'ami ?Où veux-tu donc aller au gîte ? PIERROT. À Paris. ARLEQUIN. À Paris ? PIERROT. Oui je quitte les champs, Et je ne veux pas davantageÊtre du nombre des manants. ARLEQUIN. Ah ah ! Le plaisant personnage !Et quelle est la raison, mon pauvre villageoisQui t'incite et te pousse à devenir bourgeois ? PIERROT. Et c'est que maintenant les femmes de villageN'aiment plus leurs maris dedans le mariage.La mienne me fait enrager.J'espère qu'à Paris elle pourra changer.Quand je serai bourgeois, qu'elle sera bourgeoise, [Note : Noise : Démêlé ; querelle qui s'émeut entre gens du peuple, ou dans les familles. Elle n'aboutit d'ordinaire qu'à des crieries, et il n'y a point d'effusion de sang. [F]]Nous n'aurons plus, je crois, ni querelle ni noise. ARLEQUIN. Oui, les bourgeoises de ParisAiment fort en effet leurs paisibles marisQuitter ton hameau pour la ville !Hé double sot, pauvre animal, C'est tomber de fièvre en chaud-mal.Tu veux être bourgeois ? Je t'en ferai voir milleQui voudraient devenir manants. PIERROT. Et moi, j'en connais un pas bien loin de céans,Adoré, chéri de sa femme. Elle lui dit : Mamour, mon fils, tout ci, tout çaOh ! Pierrot donnerait son âmePour avoir tous ces biaux noms-là. ARLEQUIN. Ah ! Si cela te rassasie,Plus de chagrin, plus de tourment. Pour toi Paris aura mille agréments.Là, pour ôter soupçon et jalousie,Des femelles à tous momentsDonnent à leurs époux le nom de leurs amants.Mais veux-tu guérir ta folie : Reste quelque temps en ce bois,[Note : Tapinois : qui ne se dit que dans le burlesque. Il est venu en tapinois ; c'est à dire secrètement, sourdement et sans faire de bruit. [F] Voir Molière, Les Précieuses ridicules.]Et tu verras en tapinoisQue le divorce a droit de bourgeoiseChez les plus paisibles bourgeois. PIERROT. Serviteur aux Bourgeois, je ne veux donc plus l'être. ARLEQUIN. Oui, tiens-t'en à ta vie et rustique et champêtre. PIERROT. On, ne me parle point des champs.Je n'y veux point rester. Mais il est sur la terreBien plus d'une sorte de gens. ARLEQUIN. Il est des gens de robe, il est des gens de guerre. Lequel de ces états aimerais-tu le mieux!Veux-tu devenir... PIERROT. [Note : Robe : se prend aussi pour La profession des gens de Judicature. Les gens de robe. [Ac 1762]]Oui, je veux,Je veux devenir gens de robe. ARLEQUIN. Mais pour bien percer le rabat,[Note : Ducat : Monnaie d'or et d'argent qui est battue dans les terres d'un Duc, et qui vaut environ un écu en argent, et deux étant d'or. [F]]Il faut plus d'un talent, comme plus d'un ducat. PIERROT. Pour des ducats, on en dérobe.J'ai et bonne main et bon cour,Enfin déjà je suis à moitié Procureur.[Note : Babil : Abondance de paroles sur des choses de néant ou superflues ; un parler continuel et importun. [F]]J'ai beaucoup de babil, bon port, belle prestanceÀ moins on peut être avocat. J'ai de la gravité, je ronfle à l'audience ;Et de bien plus d'un magistratC'est-là toute la science. ARLEQUIN. Oui, mais ces gens de robe époux,Manants, sont moins heureux que vous. Chez vous, femme, mari, chacun fait sa besogne.L'homme fait des fagots, la femme des balais.[Note : Robin : Terme de dénigrement. Homme de robe. [L]]Mais ces pauvres robins s'échauffent au Palais,Tandis que leurs moitiés dans ce bois de BoulogneGobent tranquillement le frais. PIERROT. Perrette aura moins de licenceJe la tiendrons de près. ARLEQUIN. Mais l'heure d'Audience,Chez les femmes de robe est l'heure du berger. PIERROT. Au diantre donc la robe, il n'y faut plus songer. ARLEQUIN. Non, il vaut encor mieux s'en aller à l'armée,Allons, il faut servir le Roi,Et quand tu porteras le plumet et l'épée,Ah, ta femme ma foi sera bien attrapéeIl faudra bien que la rusée T'aime, ou qu'elle dise pourquoi. PIERROT. En effet, la mine guerrièreAux femmes aujourd'hui donne dans la visière.Mais un plumet, une épée à Pierrot !Moi porter cela ? Quelque sot ! Que porteront les Gentilshommes ? ARLEQUIN. Bon, bon ! Dans le siècle où nous sommes,On habille de même et manants et marquis.Tel portait des sabots jadis,[Note : Écarlate : Se dit aussi de l'étoffe teinte d'écarlate. Les cardinaux, les présidents, les conseillers sont vêtus d'écarlate. [F]]Qui porte aujourd'hui l'écarlate. Un homme n'est plus un pied-plat,Dés qu'il n'a plus sa bourse plate.L'argent est gentilhomme, en un mot, entends-tu ? PIERROT. Quoi ? Noblesse à présent ne vient pas de vertu ? ARLEQUIN. Hé non, ce n'est plus là sa source. Noblesse en ce pays se tire de la bourse.Oui, la Noblesse vient de là. Il fait comme s'il comptait de l'argent.Cela te semble-t-il étrange ?Pierrot aura pourtant, tout comme le voilà,Des Lettres de noblesse avec Lettres de change. Ainsi tu peux porter arme, et quoi que manant,[Note : Arrière ban : Est aussi l'assemblée de ces nobles en corps d'armée. Le Ban et l'Arrière-ban est longtemps à se mettre en campagne. [F]]Tu pourras à ton gré suivre l'arrière-ban. PIERROT. Allons donc; aussi bien ces Arriere-BanistesDes morts et des blessés n'emplissent point les listes.Mais comment m'appellera-t-on ? Car Pierrot, ce nom-là n'est point fait pour la Guerre. ARLEQUIN. Hé tous les jours on change et d'habit et de nom.Pierrot s'appellera le Marquis de la Pierre,Et Perrette ta femme aussi sera Marquise. PIERROT. Son amour après ça me sera tout acquis ? ARLEQUIN. Non pas. Hé quelle est ta sottise !Ta femme Marquis ? Tant pis !Nous voyons tous les jours Marquises et Comtesses,Être aussi mal avecque leurs maris,Que leurs maris sont mal avecque les richesses. PIERROT. Comment ? Quand j'irai à l'armée,Que j'aurai vu quelques combatsQuand j'aurai bonne renommée,Perrette ne m'aimera pas ? ARLEQUIN. Et quand bien tu ferais mille et mille conquêtes, Quand tu serais le plus grand des guerriers, Les coiffes rarement épargnèrent les têtesQue Mars a couvert de lauriers. PIERROT. Oh bien, me voilà donc revenu de la gloire. ARLEQUIN. Veux-tu, Pierrot, veux-tu m'en croire ? PIERROT. Hé bien ? ARLEQUIN. Reste manant, et retourne chez toi. Il est dans le monde je crois,Bien plus d'un doux et bon ménage.Mais il en est bien moins à Paris qu'au village.Crois-moi, in vino veritas. Il boit. PIERROT. Moi retourner aux champs ? Je ne le ferai pas.Car encore à Paris, si ma femme est un diable,Et s'il faut que j'y sois un mari misérable,J'aurai de quoi me consolerEn voyant partout mon semblable. Mais il est temps de m'en aller.Serviteur. ARLEQUIN. Mais avant de remettre en chemin,Tiens, sable ce verre de vin.Cela, dit-on, avise bien un homme. PIERROT. Non, je veux, vous dit-on, être dépaysé. Et que je boive ou non, je suis tout avisé.Un bourgeois et moi, c'est tout comme. ARLEQUIN. Hé bien donc, à votre santé. Il boit, et Pierrot s'en va. MEZZETIN tenant une bouteille à la main, et des restes de la Collation, entre et chante : Vive le Bois de Boulogne,Vive tous ces tapis verts, [Note : Trogne : Terme burlesque, qui se dit d'un visage gros et laid, ou qui est rouge ou boutonné, comme celui d'un ivrogne. [F]]Où l'on vient rougir sa trogne,Et voir la feuille à l'envers !C'est dans ce lieu délectable,C'est dans ce charmant séjour,Que les plaisirs de la table Font venir ceux de l'amour.Courage, Camarade ! Voici les restes de la collation que je viens partager avec toi. Allons, buvons, mangeons, rions, chantons. ARLEQUIN. À juger de la collation par ces restes, elle était somptueuse, et je crois qu'il fera peu resté de cruauté à celle à qui on l'a donnée. MEZZETIN. Tout doux. Cette maîtresse-ci, non plus que sa suivante, n'est pas de même étoffe que les autres, et mon maître et moi ne soupirons aujourd'hui qu'à bon escient et pour le mariage. ARLEQUIN. Hé oui, pour un mariage du Bois de Boulogne, n'est-ce pas ? Allons, buvons à ce bon mariage. MEZZETIN. Tu railles, mais je parle sérieusement, et dès aujourd'hui... ARLEQUIN. Mon Dieu ! Je connais ton maître ; et Monsieur Calmar, te dis-je, est un de ces Calmars qui ne veulent épouser que la débauche. MEZZETIN. Non encore un coup, nous allons faire divorce avec elle. Il faut finir, et tu vas perdre en nous une bonne pratique. ARLEQUIN. Bon, bon ! Quand ton maître serait assez fou pour se marier tout de bon, serait-il plutôt infidèle au Fiacre et à toutes ses petites maîtresses qu'à sa femme ? MEZZETIN. Assurément, et mon maître et moi nous vivrons avec nos petites femmes comme s'il n'y avait qu'elles de femmes au monde. ARLEQUIN. Quoi ? Monsieur Calmar, par exemple, ne se promènera plus, ne s'enivrera plus, et ne se perdra plus dans le Bois de Boulogne qu'avec sa femme ? MEZZETIN. Non, qu'avec sa femme. ARLEQUIN. [Note : Quinze-vingt : Ce sont 300 aveugles qu'on reçoit dans un hôpital fondé à Paris par Saint-Louis. [F] Et aussi, le quartier alentour.]Monsieur Calmar ne donnera plus de rendez-vous aux Quinze-vingts, au Palais-Royal, ni de fêtes au Grand Turc et à Picpus qu'à sa femme ? MEZZETIN. Non. ARLEQUIN. [Note : Tuileries : Lieu où l'on fait des tuiles. Le Jardin du Louvre s'appelle les Tuileries, parce qu'au même lieu on faisait auparavant de la tuile. [F] ]Monsieur Calmar ne se fera plus enfermer la nuit aux Tuileries, et n'en sortira plus par dessus l'impériale d'un carrosse qu'avec sa femme ? MEZZETIN. Non. ARLEQUIN. Et Monsieur Calmar ne meublera plus de chambres à Paris, et n'en louera plus à la campagne que pour les éclipses de sa femme ? MEZZETIN. Non, non, non. Mon maître, redis-je, ne connaîtra, ne verra et n'aimera que sa femme. Mais paix. J'entends la voix je crois de celle qui doit être la mienne. Oui, c'est Colombine elle-même. COLOMBINE, entrant. Holà hé, Fiacre, c'est assez boire et manger ; cours en donner à tes chevaux, et les mets en état de nous mener tout à l'heure aux Tuileries. MEZZETIN, au Fiacre. Oui, oui, laisse-nous seuls, et va soigner tes bêtes. ARLEQUIN. J'y cours, et je sais bien qu'en ce charmant séjour, Dans de semblables tête à têtes, Il ne faut de tiers que l'amour. Courage elle est jolie. Il s'en va. MEZZETIN. Hé bien, mon adorable, Ce Bois à mon amour sera-t-il favorable ? Nous sommes sans témoins, et nous pouvons ainsi...Mais arrête, où cours-tu ? COLOMBINE. Rengaine ta tendresse. Je vais rejoindre ma maîtresse, Et ne veux point rester seule dans ce bois-ci. MEZZETIN. Et qu'as-tu donc à craindre en ce charmant bocage ? Qu'est-ce ? En ce bois est-il quelques filous ? COLOMBINE. Que trop. Oui, sous ce vert feuillage, Des filles seules comme nous Sont souvent mises au pillage. Fuyons les bois de peur des loups. MEZZETIN. Non, ici sans se hasarder On se promène, on se repose. [Note : Caquet : Abondance de paroles inutiles qui n'ont point de solidité. [F] ]Si tu crois qu'aux caquets un tête à tête expose, Le Fiacre viendra nous garder. COLOMBINE. Mauvais moyen pour empêcher la chose ! Et tous ceux qui sous ces ormeaux Font la charge de sentinelle , Bien loin de garder une belle, Ne gardent rien que les manteaux. MEZZETIN. Que cette retraite est charmante ! [Note : Gazon : Motte de terre grasse, molle, et fraîche, tirée d'une prairie, ou d'une pelouse, et qui est couvert d'une herbe déliée, et touffue. [F]]Qu'il est doux d'être assis dessus ce vert gazon ! COLOMBINE. Ne voilà pas déjà le gazon qui te tente ? Adieu. MEZZETIN. Non non, de grâce, arrête, écoute donc. COLOMBINE. Laisse-moi. MEZZETIN. Mais d'où vient cette peur, cet effroi ? Tu ne serais pas plus timide, Quand tu serais avecque moi [Note : Thébaïde : Lieu désert où se retirèrent de pieux solitaires chrétiens ; ainsi nommé parce qu'il était voisin de la ville de Thèbes. [L]]Aux déserts de la Thébaïde. COLOMBINE. Oh, ce bois est plus dangereux Que le désert le plus affreux. Telle qui tiendrait bon où gîte la cicogne, Se rend dans le Bois de Boulogne. On ne va boire ni manger Où les cicognes vont loger ; Mais ici tous les jours l'ivrogne, À l'aide du vin de Bourgogne, Fait sonner l'heure du berger. D'un précipice ou d'une grotte Où sifflent les serpents, l'on peut se dégager : Mais qu'une nymphe est en danger [Note : Siffler la linotte : Fig. et populairement. Boire plus que de raison, et, aussi, être en prison. Signifie aussi instruire un intrigant, une intrigante, pour les faire réussir dans les projets qu'on a formés. [L]]Où l'on sait la contraindre à siffler la linotte ! Dans ces lieux la Coquette à la bisque se rend ; Et pour la bisque aussi la prude Permet dans cette solitude Ce que partout elle défend. MEZZETIN. Oui, dans ce beau séjour tout ressent la tendresse, On n'y voit que toi de tigresse. Tu n'as point de pareil ici que ces cailloux ; Et ce bois ne voit point ni d'humains ni de bêtes, Qui dans leur tête à têtes Soient si bêtes que nous. Mais ne la fais donc plus la bête, Colombine. Te sied-il bien d'être mutineDans un séjour où tour se rend ; Où nul coeur n'est indifférent ; Où l'on ne voit enfin que toi d'impitoyable ? COLOMBINE, à part. Ah ! Qu'Arlequin m'est redevable Et que n'est-il ici, Coquin, au lieu de toi ! Quelle est la femme comme moi Assez maîtresse d'elle, assez fidèle et sage Pour résister, à ces hélas ? Et pour ne sacrifier pas Le plumet à la robe en ce sombre bocage ? Mais chut ! Quelqu'un vient en ce lieu, Et j'entends que l'on nous appelle ; Et c'est fort à propos. Adieu. SCÈNE III. Calmar, Élise, Colombine, Mezzetin, Octave et Scaramouche en Garçons Cabaretiers. CALMAR. C'est , Mademoiselle, une petite collation champêtre, comme vous voyez. ÉLISE. Monsieur Calmar ne fait rien que de magnifique, et à la campagne comme à la Ville tout est somptueux quand il s'en mêle. Ici Octave et Scaramouche mettent le couvert à terre. On apporte plusieurs carreaux sur lesquels on s'assied, et lorsqu'on découvre les plats qu'un avait servis pour manger, on les trouve remplis d'instruments de musique tout différents , qu'Octave, Scaramouche, et les autres garçons cabaretiers prennent et dont ils jouent ; ce qui forme un concert fort agréable. Calmar et Élise dansent ; après quoi on fait tomber Calmar, et on l'emporte enveloppé dans la nappe ; ce qui finit le premier acte. ACTE II SCÈNE I. Calmar en habit de Cavalier, Mezzetin. Le Théâtre représente les Tuileries. CALMAR. Si j'avais eu cette épée, l'on ne m'aurait pas insulté impunément au Bois de Boulogne. Holà Mezzetin, me voilà en état de plaire et de faire face aux Tuileries. Mais avant que d'aller plus loin, dis-moi ce que tu penses de mon habit. Trouves-tu qu'il pêche contre l'air guerrier ? Me trouves-tu encore quelque teinture de la robe, et me prendrais-tu de loin pour Monsieur Calmar ? MEZZETIN. Oh, vous voilà, Monsieur, tout à fait bien décalmardé ; il vous reste seulement à prendre l'air et les manières assortissantes à votre habit. Là, mettez-moi ce chapeau sous le bras, par exemple. Le peigne à la main ? Barbouillez-vous le nez de tabac ; faites plisser votre justaucorps. L'estomac débraillé. Allons, l'air brusque, vif, et dissipé ? Bon ! Il ne vous manque plus qu'une moustache, un ton de fausset, et des créanciers à vos trousses, pour avoir toutes les parties d'un galant homme. CALMAR. Ce changement d'air et d'habit, ce produira je crois dans le cour d'Élise. Cette métamorphose lui paraîtra peut-être extraordinaire : mais Jupiter lui-même s'est bien métamorphosé pour se rendre aimable. MEZZETIN. [Note : Paroli : On dit figurément, donner le paroli à quelqu'un ; pour dire, renchérir sur ce qu'il a dit, sur ce qu'il a fait, soit en bien, soit en mal. [F]]J'ai oui dire en effet, que Jupiter s'était changé en pluie d'or, et une pareille métamorphose, Monsieur, vous siérait bien mieux que celle-là. Car enfin, que va-t-on dire devoir un vénérable Magistrat comme vous, venir donner le paroli à tous les petits-maîtres des Tuileries ? CALMAR. [Note : Bonnet carré : sorte de chapeau porté par les membres de la magistrature.]Va va, je ne suis pas le seul de ma robe, qui au sortir du Palais, troque le rabat et le bonnet carré, contre l'épée et le plumet, pour se faire regarder de bon poil aux Tuileries. Que veux-tu ? Élise ne se rend point aux fleurettes, aux cadeaux, ni aux fêtes ; il faut l'attaquer par les yeux, et les hommes aujourd'hui ne font donner les femmes dans le panneau, qu'en leur donnant dans la vue. MEZZETIN. [Note : Académie française : institution créée par Richelieu en 1637 pour défendre et illustrer la langue française et pour élaborer un dictionnaire.]D'accord. Je sais que l'amour tout nu n'est plus de ce siècle, et que les étoffes de la rue Saint-Denis font plus de conquêtes, que tout le mérite crotté de l'Académie Française. Mais ce n'est pas assez que l'attirail d'un guerrier ; il en faut les qualités, l'air, les manières, et ce je ne sais quoi enfin qui met tant de sympathie entre la coiffe et le plumet. En un mot, il faut être héros de mine et d'effet, Monsieur, pour vaincre votre héroïne. CALMAR. Et bien, s'il ne fallait qu'aller à la guerre, je suis capable de tout pour plaire à Élise. MEZZETIN. Vous allez à la guerre ? Ah, ah, ah ! Il rit. CALMAR. Oui, moi, à la guerre. Pourquoi non ? Je veux du mal à mon père et à ma mère de m'avoir envoyé au Droit plutôt qu'aux Cadets. MEZZETIN. Vous à la guerre ? Fi donc ! Vous voudriez troquer votre Cabinet contre une tente ? Votre carrosse contre un fourgon ? Et votre vie enfin douce et tranquille, contre les fatigues et les peines de nos Césars ? CALMAR. Oui. J'affronterais les peines les plus rudes, pour engager Élise à soulager la mienne. MEZZETIN. Chanson ! Quoi ? Vous qui ne pouvez braver le sommeil à l'Audience, vous iriez affronter l'insomnie continuelle de l'Armée ? Vous qui ne pouvez ouïr sans chagrin les sottises qui sortent de la bouche d'un Avocat, vous iriez vous exposer de gaîté de cour à celle du canon ? Vous vous moquez, Monsieur, vous vous moquez. CALMAR. Non, sérieusement, je voudrais qu'il ne tînt, pour plaire à Élise, qu'à troquer ma robe contre l'épée, et ma charge contre un régiment. MEZZETIN. Monsieur Calmar à la tête d'un régiment ? Ah, ah ! Il rit.Le beau spectacle ! CALMAR. Oui, moi, à la tête d'un régiment. Où est là le mot pour rire ? MEZZETIN. Qu'il ferait beau voir la gravité d'un sénateur dans la tranchée ou sur la brèche ! CALMAR. Encore ? Ouais ! Ce Maraud-là se moque de moi. Finissons ces ris, je te prie. Changeons de discours, et va de ce pas avertir mes musiciens, et leur dis. MEZZETIN, riant. Quel plaisir de voir Monsieur Calmar courir avec les gouttes sur les pas des Césars ! Ah, ah, ah, ah ! Il s'en va en riant. CALMAR. [Note : Rosser : terme populaire. Bâtonner rudement quelqu'un, le traiter en rosse ; et se dit pas extension de toutes sortes de mauvais traitements. [F]]À la fin la patience m'échappe. Tu ris encore. Il faut que je rosse ce coquin-là. Arrête, arrête, arrête. Il court après. SCÈNE II. Colombine. Arlequin en habit de soldat, ayant une épée, et les cheveux dans une bourse. COLOMBINE. Quoi, c'est toi, mon cher Arlequin ? Mais sans aller plus loin, apprends-moi, je te prie, Depuis quand donc ici ? ARLEQUIN. J'arrive en ce jardin, Et ne puis t'exprimer l'envie Que je sentais de te revoir. Mais du moins, fais donc ton devoir,Et permets qu'ici je t'embrasse ; On ne refuse pas cette petite grâce. Il veut l'embrasser. COLOMBINE, le repoussant. Fi donc, l'on nous regarde ; apaise tes transports. Ta personne me semble encore bien vivante, Pour venir d'un pays où l'on voit tant de morts. ARLEQUIN. C'est que l'absence, ma Charmante,A le don de rendre un amant Une fois plus vif et plus tendre ; Et surtout au retour de Flandre, On se sent près de vous tout je ne sais comment. COLOMBINE. Laissons cela, parlons de ton maître. ARLEQUIN. Aujourd'hui Ta maîtresse pourra s'expliquer avec lui.Était-ce avec Calmar que dans la grande allée Elle riait de si bon cour, Lorsque je t'ai du doigt doucement appelée ? COLOMBINE. Non, c'est un autre adorateur. Mais qui t'a dit que ma maîtresse Fut aussi celle de Calmar ! ARLEQUIN. Cela n'est que trop vrai, traîtresse, Que sans avoir à la tendresse Non plus qu'à la personne égard, Tout à coup ta maîtresse Élise, l'infidèle Quitte Léandre pour Calmar. Je n'aurais jamais pu croire cette nouvelle. Ah ! Malheureux Léandre ! COLOMBINE. Il est mal informé ; Et quoi que de Calmar Élise soit aimée, Ton maître en est-il moins aimé ? ARLEQUIN. Et quoi, sans doute, puisqu'à l'armée L'on nous a su mander son infidélité. Mais ce bruit est-ce donc mensonge ou vérité ? COLOMBINE. Comment ton maître a cru ce faux bruit véritable ? ARLEQUIN. Oui, c'est sur les discours que l'on nous a tenu, Que de Flandre à Paris en poste il est venu. COLOMBINE. Oui, mais raisonne. Est-il croyable ? Qu'un homme au cour tendre, aux yeux doux, Se quitte pour un sot de fort mauvaise mine ? ARLEQUIN. Tu dis encor vrai, Colombine. Mais aujourd'hui les femmes, entre nous, Aiment, et trouvent bons de si mauvais ragoûts, Qu'en amour aussi bien qu'à table On ne dispute point des goûts ; Et dans ce siècle abominable, Où pour ce métal seul tout cour est enflammé,C'est peu pour être bien aimé, Que d'être de figure aimable. Ce n'était pas Calmar non plus que ses désirs [Note : Martel : vieux mot qui signifiait autrefois marteau, qui se dit encore en cette phrase. Il a martel en tête ; pour dire, il a quelque chose qui lui donne du chagrin, du souci, de l'inquiétude, de la jalousie. [F]]Qui nous donnaient martel en tête ; Nous craignions que ton or en butte à vos désirs, Ne lui donnât une conquête, Que tout l'or du Pérou ne pourrait pas payer. COLOMBINE. Allez, vous étiez fous de vous tant effrayer. Le cour de ma maîtresse est de la vieille roche,Un hameçon doré n'est pas ce qui l'accroche ; Et si Calmar enfin est bien reçu chez nous, C'est que de ma maîtresse il est l'homme d'affaire. Il fait de son mieux pour lui plaire : Mais ma foi, quoiqu'il puisse faire, Il ne fera point de jaloux. Quoi que de ces Calmars l'on souffre la présence, Et les fêtes et la dépense, On n'a pour eux d'autres douceurs Que celles d'écouter les leurs. ARLEQUIN. Oui mais, ces dragons noirs de la galanterie,N'ont-ils point non plus, je te prie, Dedragonné tant soit peu ta vertu ? COLOMBINE. Comment donc ? Pour qui me prends-tu ? Crois-tu que de tout bois Colombine fait flèche ? Ah ! Fi de ces Calmars cela ne me sent rien. ARLEQUIN. On dit pourtant qu'ils ont fait brèche À de plus grands cours que le tien. Et qu'en amour tous ces reptiles, Assiégeaient en été les cours Comme ordinairement nous assiégeons les villes. COLOMBINE, riant. Ah, ah ! Les illustres vainqueurs ! Ils ne les prenaient pas de même. ARLEQUIN. Comment ? Employaient-ils quelqu'autre stratagème ?Ils ne les prenaient pas de même ? Et pourquoi non ? COLOMBINE. Hé, c'est qu'une ville mutine, Ville à l'épreuve du canon, Vous la prenez, vous autres par famine. Au contraire, bien des Iris, [Note : Ruelle : Petite rue par où les charrois ne peuvent passer ; dégagement d'une grande rue. Se dit de l'espace qu'on laisse entre un lit et la muraille.]Tenant bon dans une ruelle Aux soupirs de leurs favoris,Capitulent souvent au Moulin de Javelle. ARLEQUIN. Je t'entends. C'est à dire, en peu d'expressions, Qu'en amour comme en guerre, avec une farouche, Les meilleures munitions Sont les munitions de bouche. Les Calmars, à ce compte, opulents, généreux, Et surtout beaucoup amoureux, Doivent avancer leurs conquêtes. COLOMBINE. Hé bien, le nôtre encore un coup,N'avance que fort peu, quoi qu'il aime beaucoup, Il nous donne souvent des cadeaux et des fêtes, Et ce soir même il s'est offertDe nous donner aux Tuileries Au clair de Lune un fort joli concert. ARLEQUIN. Un Concert ? COLOMBINE. Oui, voilà de ses galanteries. ARLEQUIN. Mon maître viendra donc à temps pour y chanter. Mais attends, il me vient certain dessein en tête, Qui pourrait bien déconcerter Le héros du concert, le maître de la fête. Est-ce de voix ce concert ? COLOMBINE. Oui. ARLEQUIN. Fort bien.Le valet de Calmar n'est pas incorruptible. Avec un doigt de vin la chose est infaillible. Je connais un musicien. Pour rendre ta chose complète, Il ne me manque plus rien Qu'un faiseur de vers, un poète. COLOMBINE. Quel est donc ton dessein ? ARLEQUIN. Tantôt tu le sauras ; De ce que le t'ai dit garde d'ouvrir la bouche. Adieu, j'aperçois Scaramouche, Qui peut être pourra me tirer d'embarras. Va donc, cours vite à ta maîtresse Et dis-lui que Léandre arrive sur mes pas. COLOMBINE. Mais. ARLEQUIN. Va, te dis-je. COLOMBINE. Hé bien, à revoir ; je te laisse. SCÈNE III. Arlequin. Scaramouche, gesticulant comme un Poète quifait des vers. ARLEQUIN. Hé bien , mon cher ami Scaramouche ? Ouais ! Il me regarde, et ne me voit ni ne m'entend. Holà donc, réveille-toi, Scaramouche. SCARAMOUCHE. Ah ! Serviteur à votre Seigneurie. ARLEQUIN. Toi qui sais la carte du monde, enseigne-moi, je te prie, où je pourrais trouver un poète ? SCARAMOUCHE. Un Poète ? Ah, c'est chose peu rare. Des poètes aujourd'hui le Ciel n'est point avareEt l'Hiver a moins de glaçons, Le Printemps moins de violettes,L'Été beaucoup moins de moissons, L'Automne moins de fruits, que Paris de poètes. ARLEQUIN. Oh oh ! Voici parler archipoétiquement. Serais-tu devenu poète en un moment ? SCARAMOUCHE. Non, ce n'est que d'aujourd'hui que je suis poète, mon cher, et il y a plus d'un an que j'ai quitté la livrée pour la poésie. ARLEQUIN. Quitter la livrée pour la poésie, c'est être bien ennemi de sa fortune ! Et pauvre fou ! À quoi penses-tu ? Regarde au Cours la Fleur en carrosse à six chevaux ; jamais les Muses ont-elles fait un si beau quatrain que celui-là ? SCARAMOUCHE. N'importe. J'aime mieux, te dis-je, monter sur Pégase qu'en carrosse, et il vaut mieux prendre le chemin de l'Hôpital que celui de la Grève. Venons à ton affaire. Quel poète veux-tu ? Est-ce un poète héroïque, lyrique, satyrique, tragique, ou comique ? ARLEQUIN. Oh, oh ! En voilà encore du plus fin ! Non, c'est un poète de musique, d'opéra, de concert. SCARAMOUCHE. Tu veux dire un chansonnier ? ARLEQUIN. Oui, voilà en un mot ce que je cherche, un chansonnier. SCARAMOUCHE. Et bien, je suis ton fait. Je fuis le premier chansonnier du monde, et le premier de Paris pour les chansons. ARLEQUIN. Fort bien. Fais m'en donc quelques-unes, je te les paierai sur le prix courant de l'Opéra. SCARAMOUCHE. C'est à dire en monnaie de singe. ARLEQUIN. Et oui, ce doit être là la monnaie de l'Opéra, puisqu'au lieu de poètes et de musiciens, il n'y a plus à l'Opéra que des singes. Mais revenons à mes chansons. Je voudrais... SCARAMOUCHE. Et bien, parlez. De quel caractère les voulez-vous ces chansons ? ARLEQUIN. Je les veux... Et mais, je les veux du caractère des chansons. SCARAMOUCHE. C'est à dire de quel style les aimez-vous ? Par exemple, les chansons passionnées ? ARLEQUIN. Passionnées ? Non. SCARAMOUCHE. Amoureuses, tendres ? ARLEQUIN. Oh non, non. SCARAMOUCHE. [Note : Bachique : de Bacchus [Dyonisos], Dieu du vin, de l'ivresse et des débordements sexuels.]Voudriez-vous quelque chanson bachique ? ARLEQUIN. Point du tout. SCARAMOUCHE. Chanson héroïque ? ARLEQUIN. Encore moins. SCARAMOUCHE. Chanson tragique, énergique, mélancolique, chromatique ? ARLEQUIN. Et non, Cervelle lunatique, non ; je ne veux point de toutes ces chansons en ique ; il me faut, te dis- je... SCARAMOUCHE. Paix, je vais vous montrer un échantillon de celles que vous voulez, et voici une de mes chansons favorites. Écoutez bien. Il chante.Chantez, chantez, petits Oiseaux. Près de vous l'Opéra, l'Opéra doit se taire. Vous faites tous les jours des chants, des airs nouveaux, Et l'Opéra n'en saurait faire. Hé bien, cela vous plaît-il ? Qu'en dites-vous ? ARLEQUIN. Fort bien. Mais... SCARAMOUCHE, chantant. Vous faites tous les jours des chants, des airs nouveaux, Et l'Opéra n'en saurait faire. ARLEQUIN. Écoutez- moi donc. Il faudrait... SCARAMOUCHE, continuant de chanter. Chantez, chantez, petits Oiseaux... ARLEQUIN. Encore ? SCARAMOUCHE, toujours chantant. Prés de vous l'Opéra, l'Opéra doit se taire. ARLEQUIN. Et tais-toi donc aussi, maudit Poète ; et par grâce... Scaramouche interrompt toujours Arlequin , et le quitte en chantant sans lui répondre. Arlequin s'en va. SCÈNE IV. Colombine, Élise, Calmar qui survient. COLOMBINE. En vérité, Mademoiselle, il n'est pas permis à une beauté d'aussi bon acabit que vous, d'entendre si peu le manège de la promenade. Hé ! Vous vous promenez aussi nonchalamment aux Tuileries, qu'en pleine campagne. ÉLISE. Mais comment donc faut-il se promener ici, Colombine ? COLOMBINE. Comme tout votre sexe, Mademoiselle. Il faut comme toutes les belles, ne pas hasarder icI une démarche naturelle. Êtes-vous avec moi dans la grande Allée, par exemple, il faut me parler toujours sans rien dire, pour sembler spirituelle ; rire sans sujet, pour paraître enjouée ; se redresser à tout moment, pour étaler sa gorge ; ouvrir les yeux, pour les agrandir, se mordre les lèvres pour les rougir, parler de la tête à l'un, de l'éventail à l'autre, donner une louange à celle-ci, un lardon à celle-là. Enfin, radoucissez-vous, badinez, gesticulez, minaudez, et soutenez tout cela d'un air penché ; vous voilà à peindre aux Tuileries. Entrez en lice. ÉLISE. Fais ces leçons-là aux coquettes, Colombine; je ne viens aux Tuileries que pour me promener, et je ne me promènerais pas avec tant d'artifice, quand bien j'y viendrais pour plaire. Mais ce n'est pas là mon dessein, et Léandre à grand tort de s'alarmer. COLOMBINE. Cependant, Mademoiselle, à propos de Léandre, vous ne devez rien négliger pour le convaincre que Calmar qu'il croit son rival, n'est que votre dupe. Mais que vois-je ? ÉLISE. Ah ! C'est Léandre, Colombine ! COLOMBINE. Point du tout, et c'est, je crois, Monsieur Calmar. ÉLISE, à Calmar. Quoi ? C'est vous, Monsieur Calmar ? CALMAR. Oui, ma belle Demoiselle, c'est moi-même, et vous voyez ce que font pour vos beaux yeux ceux qui font de la juridiction, du ressort, et de la compétence de vos charmes. Vous voilà satisfaite, et vous ne me reprocherez plus que je sens le procès et la chicane. COLOMBINE. En effet, Monsieur Calmar a l'air tout à fait galant, et la physionomie toute martiale. Ah ! De toutes les Métamorphoses, après la Pluie d'or, il n'y en a point qui touche plus les femmes que celle du plumet ; et Monsieur Calmar sent sort le Petit-maître à pleine gorge. CALMAR, se quarrant. Trouves-tu, Colombine ? Nous n'avons point si mauvaise mine, n'est-ce pas ? Et j'ose mettre en avant, sans ostentation, contestation, contravention intervention, discussion, et homologation. ÉLISE. Ah, Colombine ! Bouchons nos oreilles. COLOMBINE. Tout doux, Monsieur Calmar, nous ne sommes pas ici à l'Audience. Vous oubliez que vous êtes un Petit-maître, et vous déshonorez votre habit. CALMAR. Que veux-tu, ma pauvre Colombine ? C'est l'amour qui me fait parler. Mais, au reste, Mademoiselle, je vous ai préparé un concert le plus agréable du monde. ÉLISE. À propos. Et bien de quoi sera-t-il composé votre concert ? Y aura-t-il des voix et des instruments ? CALMAR. Vous serez dans peu éclaircie là-dessus, et je veux vous donner de surcroît le plaisir de la surprise ? COLOMBINE. La surprise en effet sera le meilleur de la fête. Mais voilà Jeanneton la bouquetière des Tuileries. En attendant, arrêtons-nous à elle. JEANNETON, crie. Des fleurs, des bouquets, Mesdames. Elle chante.À moi, femmes et fillettes, Prenez mes bouquets. Ces fleurs cachent des fleurettes, Et ces bouquets aux poulettes Portent souvent des poulets. COLOMBINE. Fort bien. Mais, Jeanneton, approche et montre-nous Tous ces poulets, ces billets doux. Emportes-tu beaucoup ? Montre donc, je te prie. JEANNETON. Non, ce n'est plus comme autrefois. Je gagnais hautement ma vie [Note : Tapinois : Sourdement, en cachette. [L]]À rendre des poulets jadis en tapinois. Mais à présent c'est fait de la galanterie. Les billets doux n'ont plus que de faibles attraits La belle mode en est cause ; Et les poulets en fricassée En amour aujourd'hui font les meilleurs poulets. ÉLISE. Que dis-tu des Tuileries, Jeanneton ; et comment les trouves-tu aujourd'hui ? JEANNETON. Je les trouve comme à l'ordinaire, dans une furieuse disette de beau monde masculin ; et on peut dire qu'après les diamants et l'argent, ce qu'il y a de plus rare en été à Paris, ce font les jolis hommes. ÉLISE. On y trouve cependant encore des plumets malgré la guerre, comme tu vois. Elle lui montre Calmar. JEANNETON, éclatant de rire. Ah, ah, ah ! Que vois-je ? Est-ce Monsieur Calmar ? Ah, ah, ah ! COLOMBINE. Te tairas-tu ? JEANNETON. Ah, ah , ah ! La plaisante métamorphose ! Et que Monsieur Calmar est drôle comme cela ! Ah, ah, ah ! CALMAR. Qu'est-ce donc, que signifie cela ? Jeanneton, de quoi ris-tu ? JEANNETON. Ah, ah, ah! CALMAR. Ouais ! Il semble que ce soit moi qui lui donne à rire ! COLOMBINE. Point du tout, Monsieur, c'est une fille qui rit ainsi de tout le monde. Donnez lui seulement la pièce pour l'engager à nous montrer les poulets, et l'empêcher de rire. CALMAR. Volontiers. Il tire sa bourse et donne un Louis à Jeanneton.Tiens, Jeanneton, cesse de rire, et montre-nous quelques-uns de tes poulets tendres, de ces poulets que l'on confie à ta discrétion, et que tu rends ponctuellement à leur adresse. JEANNETON, prenant le Louis. On ne saurait rien refuser à Monsieur Calmar. Mais, motus, surtout. Tenez voilà toute ma boutique. Elle fait voir plusieurs billets. Il n'est point de poule qui couve tant de poulets, comme vous voyez. Oh ça, commençons donc par un bout, et finissons par l'autre. Qui est celui-ci ? Ah, je sais ! C'est un billet de la jeune Aminthe. Vous connaissez bien cette jeune enfant, ce tendron qui a épousé ce vieux penard qui serait bien le trisaïeul de sa femme. Voici ce qu'elle écrit à un jeune cadet.Que pour te voir je me hasarde ! Mais je veux te persuader, Mon cher, qu'une femme qu'on garde En donne souvent à garder. Avec deux commodes amies, Pour tromper mon maudit époux, Je viens descendre aux écuries : Ce vieux penard, ce vieux jaloux, Croit que pour tout le jour je suis aux Tuileries, Et pour mieux duper ce vrai sot, Je cours, je passe et je repasse Dedans la grande Allée, et dessus la terrasse, Pour aller tout droit à Chaillot. À mon bonheur aujourd'hui tout conspire, Pourvu que mon vieux sot ne sache point cela. Mais il n'est que son front qui pourrait l'en instruire. Et le front d'un cocu souffre tout sans rien dire. Un tel front jamais ne parla. Voilà comme la jeune Aminthe traite son époux. En voici un d'un Gascon, qui fait sa déclaration d'amour à cette jeune Marchande du Palais qui a tant la vogue maintenant.Il faut que mon amour avorte. Cadédis ! Je suis mort, si jamais il en fut. Oui ; je suis mort, ma Reine, ou le Diable m'emporte ; Vos yeux ont frappé droit au but. Je ne suis point de ces gens d'écritoire, Qui traitent l'Amour en Roman. Songez à me guérir, et ce tout promptement. Car pour peu que ce Dieu me rende l'humeur noire, Oui, pour peu que l'Amour me cause de tourment, Aussitôt je le rend net comme un lavement. ÉLISE. Voilà bien le caractère Gascon ! JEANNETON. En voici un Suisse. COLOMBINE. Comment ? Un Poulet suisse ? Et les Suisses se mêlent-ils aussi de Galanteries ? JEANNETON. OuI, les Suisses en France sont tout galants, et la Galanterie Française sent aujourd'huI le Suisse à pleine gorge.Les Suisses, à bien des Philis, Semblent grossiers, ivrognes, impolis. Mais combien de Français combien de nos Narcisses, Sont encore pis que des Suisses ? Écoutez donc ce jargon-ci. Il s'adresse à une femme de la moyenne vertu. C'est à Bélise, là... Cet atelier public, cette maîtresse banale et universelle. CALMAR. Ce sont là les preuves qu'il faut faire, pour posséder un coeur quisse. JEANNETON. Écoutez :Quand moi ne fou foir boint ici, Bour moi l'être tout gros de chagrin, de souci. Fou l'être mon cher coeur, ma chère âme, mon mie ; Fou tout mon tibertissement ; Fou mon cour, fou mon Tuileries, Et moi li devenir par mon foi votre amant, Et mandir par sti femme à betite pesogne, Si li foudrez pien fou, dans un petit moment, [Note : Matelote : Mets composé de plusieurs sortes de poissons apprêtés à la manière dont on prétend que les matelots les accommodent. [L]]Mangir un matelote en ce Bois di Poulogne ? ÉLISE. Rien n'est au monde plus divertissant JEANNETON. Voici la réponse que la Dame a faite au dos du billet. CALMAR. Répond-elle aussi en Suisse ? JEANNETON. Vous n' y songez pas, Monsieur Calmar ; il faudrait qu'elle fut du pays de son amant, et elle est parisienne. Écoutez.Pour un Suisse, Monsieur, vous parlez bon François. Je vous entends, je vous conçois ; Mais changez, s'il vous plait, de note. Avec ton coeur offrir la matelote, C'est faire l'Amour en bourgeois, Le Proverbe est commun en amour comme en guerre. Avecque bourse vide on n'est jamais vainqueur ; Et courez par toute la terre, Je me donne pour rien, si vous trouvez un coeur Qui gratis aime et s'attendrisse. À présent sans le quart d'écu, Fut-on un Adonis on n'est qu'un malotru. Ainsi donc le ciel vous bénisse. Chez moi point d'argent, point de Suisse. Voici une chanson, d'un Marquis d'Été... là, de ces héros qui préfèrent les fleurs des Tuileries à tous les lauriers du Champ de Mars. Ce fat du bel air l'envoie à Uranie, cette belle étrangère. Jeanneton chante les paroles suivantes sur un air de Thesée qui commence.Que nos Prairies, etc. Les Tuileries, Toutes fleuries, N'auront jamais Ma Belle, vos attraits. Les fleurs nouvelles Qu'on voit chez elles, Près de vous, Philis, Sont gratte-culs et pissenlits. Les Tuileries Ne font fleuries Qu'en certain temps ; Et vous, Princesse. Objet de ma tendresse, Et vous, Princesse, Vous êtes fleurie en tout temps. Que dites-vous de cela Monsieur Calmar ? Tenez, tenez, à vous le dé. Voici un couplet qu'un guerrier adresse à un de vos confrères.Heureux les Bourgeois de Paris, Quand le plumet court à la gloire ! Ils font l'amour à juste prix. Heureux les Bourgeois de Paris ! Du beau sexe ils font tous chéris ; Sans combattre ils chantent victoire. Heureux les Bourgeois de Paris, Quand le plumet court à la gloire ! Hé bien, vous reconnaissez-vous là, Monsieur Calmar ? CALMAR. Non, ceux à qui s'adresse cette chanson ne sont point mes confrères. JEANNETON. Je vois bien que vous aimez mieux avoir un éventail pour confrère. CALMAR. Un éventail pour confrère ? Te moques-tu ? JEANNETON. Je ne me moque point, vous allez voir si l'éventail n'est pas votre confrère dans toutes les règles.Votre sort et le sien chez le sexe est le même. Ce n'est que dans le chaud extrême Que l'on vous voit tous deux Des Belles éteindre les feux. Non, ce n'est qu'en été que vous êtes d'usage ; Et dés lors qu'à Paris l'on verra des glaçons, L'éventail aussitôt vous tiendra ce langage. Confrère Calmar décampons Allons au Garde-meuble allons. COLOMBINE. Que tu es folle, Jeanneton ! Allons faire un tour, Monsieur Calmar, et en nous promenant, Jeanneton nous chantera le reste de ses chansons. Ils s'en vont, et Jeanneton en s'en allant reprend Les Tuileries, toutes fleuries, etc. ACTE III SCÈNE I. Arlequin, Pierrot. ARLEQUIN, seul. Hé non, Messieurs, non, encore un coup, je ne sais point de nouvelles. Au diantre soit des Nouvellistes ! Ces fous-là me prennent pour une Gazette. Mais songeons à notre affaire. Tout me favorise, tout me rit. La musique de Calmar est ivre, la mienne est prête, et il ne me manque plus que mon maître pour jouer notre Comédie. Il ne doit pas être loin. Faisons en l'attendant un tour dans ce Jardin, pour remarquer le terrain. Mais quel est ce Ridicule-ci ? PIERROT, en colère. [Note : Tortu : Qui n'est pas droit, qui est de travers. [L]]Hé bien, qu'est-ce, Messieurs ? Suis-je tortu, ou bossu ? De quoi riez-vous ? Au diantre soient les rieurs, et la maudite engeance ! Se gausser ainsi de tout allant et venant ? ARLEQUIN. En effet, quelle canaille est-ce là ! Voilà bien un homme pour donner a rire ! PIERROT. [Note : Gausseur : Celui qui se gausse, Terme familier. Se railler.]Voyez un peu ces badauds ! Je me baille au Diable, si je ne ferai sentir ma main au premier gausseur que je verra y rire. ARLEQUIN. Oh ! Vous donneriez trop d'ouvrage cette main ; Vous auriez beau frapper ;et dans ce grand jardin L'on ne se vient voir que pour lire. Chacun, sous ce feuillage vert, D'un oeil malin se regarde et se lorgne. Un magot qui voit de travers, Vous tourne en ridicule un borgne ; Un âne rit d'un sot ; un cocu d'un bâtard Chaque femme de sa compagne ; Une laide pleine de fard, Décrie à haute voix le rouge et blanc d'Espagne. Enfin que dirai-je de plus ? Chacun rit de celui du quel il fuit les traces.Ah ! Qu'un Ancien dit fort bien là-dessus ? Tout mortel porte deux besaces. En celle qui pend devant lui sont étalés tous les défauts d'autrui : Mais vous, enfants de la Satyre, Quand ici devant vous vous voyez cent défauts, Songez bien, avant que d'en rire, Qu'autant vous en pend sur le dos. PIERROT. Ils se gaussont, parce que je Quis encore tout neuf aux Tuileries. Mais que de braveries ! Que de biautez ! Quelle foule ! ARLEQUIN. Hé bien que dites-vous de tout ce tripotage ? Est-ce qu'on voit cela dedans votre Village ? Chez vous par exemple, voit-on Ces figures extravagantes ? Et ces Gazettes ambulantes Par escouade, par peloton, Perdre ou gagner victoire en Flandre, en Allemagne ? Faire des châteaux en Espagne, Et battre l'ennemi seulement en discours ? Ces fols criants comme des sourds, Par leurs dits et leurs rêveries, Leur hurlements, et leurs sottes raisons, Ne vous feraient-ils pas prendre les Tuileries [Note : Petites maisons : nom donné autrefois à un hôpital de Paris où l'on renfermait les aliénés. [L]]Pour les Petites-Maisons ? PIERROT. En effet, des fous à ces Nouvellistes il n'y a que la main. Mais tenez, tenez, su'est-ce que c'est que ces petits court vêtus ? ARLEQUIN. Qui ? Cette seconde espèce de femme, et qui font si bien les Damoiseaux ?Ils viennent tous en fard, en mouches, en dentelles, En Narcisses en Adonis Voltiger de Belles en Belles, Jeter un oeillade à Philis, Dire une sottise à Lisette, En tout lieu semer la fleurette, Et faire flèche de tout bois ; Aimer les femmes par douzaine, Se vanter que pour eux il n'est point d'inhumaine, Et faire ici tout à la fois Le Marquis, le Tartuffe, enfin tout personnage, Hors le leur, et celui de sage. PIERROT. [Note : Petit-collet : Écclésiastique. En mauvaise part, celui qui affectait de porter un petit collet et de se donner des manières dévotes. [L]]Oh, chez nous les petits-collets Ne sont ma foi pas si coquets. Mais, à ce que je vois, on est libre à Paris. Toutes ces femmes-là, malgré leurs biaux habits, Ne repoussons point les hommes, Comme celles de mon pays. ARLEQUIN. Bien au contraire, ces IrisNous courent tous tant que nous sommes. La coiffe ici vole au chapeau. Et tiens, remarques-tu le burlesque écriteau Qu'on voit affiché devant elle ? Vois-tu ces mots écrits sur bien plus d'une Belle : [Note : Robin : Terme de dénigrement. Homme de robe. [L]]Coeur à louer pour le Robin, CoEur à louer pour la Finance, Place de peu de résistance, Coeur à terme à la Saint-Martin. [Note : Manant : Terme d'ancienne pratique. Habitant d'un bourg ou d'un village. [l]]Et bien, Manant, voit-on cela dans ton village ? PIERROT. Non, il n'est point chez nous de femmes de louage. ARLEQUIN. C'est que dans ton village il n'est point de plumets ; Et vos amantes, vos bergères, Qui ne vous perdent jamais, N'ont point besoin de locataires : Mais pour les nôtres, en amour Elles font tout l'été de fort longues diètes, Et toute Promenade est une basse-cour Où l'on ne voit qu'un coq pour cinquante poulettes. PIERROT. Ma foi, je plains toutes ces biautez-là. Mais expliquez-moi, je vous prie, Toutes ces autres que voilà. Qu'est-ce que cela signifie ? Comment s'appelle ce château, Ces terrasses et ces jets d'eau ? Ces allées surtout ? Qu'est-ce que ces allées ? ARLEQUIN. Voici comme vulgairement La chose eu appelée. Tiens, devant nous premièrement Voilà la grande allée. PIERROT. La grande allée ? ARLEQUIN. C'est la carrière du beau monde. C'est là qu'avec grand appareil, Au petit couché du Soleil, Viennent se mettre en montre et la brune et blonde. C'est là qu'on met à l'étalage dentelle ; étoffes, et rubans ; C'est-là que tous les ambulants Viennent mettre à l'encan leur taille et leur visage. C'est là que l'on se donne un public rendez-vous ; Que tous les beaux objets se trouvent, Et que tous ils se désapprouvent, Parce qu'ils se ressemblent tous. Voilà en peu de mots ce que c'est que la grande allée. Pour ces petites d'à côté, l'une est l'allée de la fronde ou du contrôle. PIERROT. Ces allées où font ces bancs ? ARLEQUIN. Oui, c'est là qu'on s'assit pour médire à son aise, Que l'on parle du beau, du mauvais, et du bon ; Enfin c'est là que tout se pèse, Et qu'à chaque passant on taille le lardon. PIERROT. Et cette allée-ci si sombre et si touffue ? ARLEQUIN. C'est l'allée des rendez-vous. Ce qu'on dit, ce qu'on fait en semblable retraite, Se devine assez entre nous Mais cette allée est fort discrète ; Et dont bien en prend aux jaloux. PIERROT. Et cette autre allée où l'on ne se promène que seul à seul ? ARLEQUIN. C'est le séjour de la misanthropie, C'est là qu'un noir chagrin, que la mélancolie,Se promènent matin et soir ; Et là bien des humains se plaisant seuls, font voir Qu'on peut se plaire, quoi qu'on die, En fort mauvaise compagnie. PIERROT. Mais qu'est-ce que je vois là-bas ? Tatidié ! Quel bagage ! Qu'est-ce donc que cette allée-là ? ARLEQUIN. Où donc ? PIERROT. Hé, là où se promènent tous ces chevaux et ces carrosses. MEZZETIN. [Note : Il s'agit du Cour de la Reine, le long de la Seine.]Hé, c'est le Cours. PIERROT. Allons, faisons une descente dans ce Cours. Je n'ai jamais vu tant de biau monde. Allons donc. ARLEQUIN. Tout doux ; fantassin ni piéton Ne vont jamais en ce canton. L'on n'étale aux Tuileries Qu'habits, rubans, modes, et broderies ; Ici pour briller, tout mortel Prend un mérite personnel : Mais au cours prés duquel nous sommes, Là ce font les chevaux qui font valoir les hommes ; Et parmi ces humains, et parmi ces chevaux, Qui vont de mon côté, qui reviennent du vôtre, On pourrait prendre l'un pour l'autre, Sans faire de grands quiproquos. Ces ballots par exemple et ces larges visages Qui remplirent eux seuls de si grands équipages, Ces gens, d'esprit comme de corps épais. De leurs coureurs sont-ils pas les images ? Mais, Cours, à tant de sots favorable carrière, Parmi tous ces beaux chars, tous ces beaux étalons, Que penses-tu de voir en carrosse à deux fonds, Ceux que jadis tu vis derrière ? C'est ici qu'un vrai spectre, un remède d'amour, Est un Soleil en Carrosse à trois glaces ; Six Chevaux bien croupés au Cours, Entraînent après eux les cours, les ris, les grâces. Un mérite roulant est une flèche, un dard, Auquel il n'est point de rempart, Et l'on ne trouve point de belle, À qui les roues d'un beau Char, Ne fassent tourner la cervelle. Mais arrête, vois-tu ce petit animal, [Note : Phaéton : Par plaisanterie et par allusion à Phaéthon, fils du Soleil, cocher, charretier. Petite voiture à quatre roues, légère et découverte, ainsi dite, parce que, menée d'ordinaire rapidement, elle fait courir des dangers et à ceux qui la conduisent et à ceux qui passent. [L]]Ce jeune Phaéton, qui pour frapper la vue, Par une route trop battue, Court en carrosse à l'Hôpital ? D'autres ambitieux, qui pour fuir cet outrage, Aux dépens de leur ventre étalent un beau train ?Vous autres bourgeois de Village, De cette ville aimeriez-vous l'usage, Et vous réduiriez-vous à n'avoir pas du pain, Pour avoir un bel équipage ? Des chevaux bien nourris courent sous ce feuillage, Dont les maîtres meurent de faim ; Et ces chevaux de bonne mine, Qui font si bien aller un carrosse en ces lieux, Font bien mal aller la cuisine. Enfin dans ce grand Cours chacun à qui mieux-mieux Vient jeter de la poudre aux yeux.Mais voici l'heure de mon concert, la nuit approche ; serviteur, Monsieur le Manant. À nous revoir ici ce soir, au clair de Lune. PIERROT. Comment ? Est-ce qu'on vient ici la nuit ? ARLEQUIN. Sans doute ; et minuit c'est la plus belle heure des Tuileries. Arlequin chante :Ce beau jardin que l'on admire Est ordinairement, le jour, Le théâtre de la Satyre, Et la nuit celui de l'amour. Dans le jour, la blonde et la brune Y font étaler leurs attraits ; Mais au demi clair de la Lune, On y voit leurs charmes secrets. PIERROT. Ah ! Je souhaite donc que la nuit vienne au grand galop. Voilà qui est admirable, qu'on voie de si belles choses aux Tuileries quand on n'y voit goutte ! Pierrot s'en va. SCÈNE II. Mezzetin, Arlequin. MEZZETIN, arrêtant Arlequin, qui s'en allait. Que vois-je ? Est-ce Arlequin ? ARLEQUIN. Hé, c'est toi, mon cher Mezzetin ! Ah ! L'heureuse rencontre, et que j'ai de joie de te revoir ! MEZZETIN. Comment donc ? Tu as quitté l'Armée pour venir aux Tuileries ? ARLEQUIN. Oui. Faut-il que cela t'étonne ? [Note : Enfants de Bellone : soldats. Bellone déesse de la Guerre qui accompagne Mars.]Hé, combien d'enfants de Bellone À Paris, comme moi, cet été font venus [Note : Béquée : Ce que contient de nourriture, pour les petits, le bec d'un oiseau. [L]]Demander becquée à Vénus ? Ah ! Que depuis mes adieux pour l'Armée, J'ai bien mangé, mon cher, de la vache enragée, Et bien encouru des malheurs ! Tu me regardes bien ? J'ai perdu mes couleurs,Comme tu vois, je suis plus noir qu'à l'ordinaire. Ce sont fruits de l'Art militaire. Si tu me vois le teint de la poudre à canon, Cela vient de la liaison Qu'elle et moi tout l'été nous avons eue ensemble. Sens aussi cet habit, sens. Et bien, que t'en semble ? MEZZETIN après avoir fleuré l'habit d'Arlequin. Je ne sens rien. ARLEQUIN. Comment ? Ce juste-au-corps Ne sent pas le carnage et la mort ? Sens encor. MEZZETIN, portant sa main au nez. Va, tes senteurs sont ridicules. ARLEQUIN. Tu n'as donc point de sentiments. Cet habit est par tout lardé de corpuscules Anglais, Espagnols, et Flamands. Ah ! Que dans cette boucherie, Quoi que je fisse l'esprit fort, Il me fallut trinquer bien des coups d'eau de vie, Pour donner celui de la mort. Je suis un homme franc, s'il en est sur la terre ; Tu ne vois point de ces hâbleurs Qui disent tous les maux qu'ils ont eus à la guerre, Sans mettre du nombre leurs peurs. Pour moi, je l'avouerai sans feinte, Je n'eus de passion en Flandre que la crainte. Ceux qui font tant sonner leur bravoure, leur nom ; Crois-moi, les gens de cette sorte, Ont comme moi la gueule morte, En voyant celle du canon. Témoin ces braves capitaines, Qui quand la charge sonne ont recours aux neuvaines. MEZZETIN. C'est à dire qu'il est des Guerriers en bravoure Aussi fanfarons qu'en amour. Mais la guerre, Arlequin, fait donc bien de la peine ? ARLEQUIN. Mon éloquence serait vaine À te le vouloir exprimer. Oui, l'on souffre tant à l'Armée, Que bien des braves gens que je n'ose nommer, Souhaitaient cet été, malgré leur renommée, Devenir Bourgeois de Paris ; Et de tous ces bourgeois en été si chéris Nos guerriers convoitant la vie et les pistoles Maint d'entre eux disait ces paroles, Petits-Collets, robins, et douaniers, Que votre sort est doux, qu'il est digne d'envie ! Il ne vous coûte au plus que soupirs monnayers Pour gagner Cloris ou Sylvie ; Mais chez nous, pour gagner ou victoire ou lauriers, Il faut qu'il en coûte la vie. Petits Blondins, robins, et douaniers, Vous êtes plus heureux cent fois que nos Guerriers. L'été n'a pour vous que des charmes, Quand il nous faut suer sous le poids de nos armes, Chez vous et glaces et liqueurs, Du chaud adoucirent les peines ; Chez nous il n'est que les frayeurs Qui glacent le sang dans les veines. Vous répandez vin d'Espagne et du Rhin, Quand nous versons le sang en abondance. Vous avez plus d'une catin, Quand nous n'en avons pas pour notre subsistance. Vous dormez et soirs et matins, Quand nous sommes tous des lutins, Nous ne voyons qu'épée, ou baïonnette nue. Ah ! Quelle affreuse nudité, Auprès de celles qui l'été Aux bains s'offrent à votre vue ! Buveurs, quand vous cassez les verres et les pots, On casse bras et jambe à nos braves héros ; Et vous riez sur l'herbe, et vous faites ripaille, Quand nous jurons sur ce champ de bataille. Enfin chacun de vous content de son destin, Avecque la brune et la blonde Ne cherche qu'à peupler le monde, Quand nous ne voulons que sa fin. Qu'en dis-tu, Mezzetin ? Ce sont là nos alarmes, En raccourci voilà nos maux. Les plus grands pour moi sont que nous autres Héros, Tandis que devant nous chacun met bas les armes, Des Bourgeois qui sont nos rivaux, Nous font porter celles des sots. Mais à propos, parlons de toi. Comment gouvernes-tu nos veuves ? De la mine dont tu es, et de l'inconstance dont elles sont, pendant que nous sommes au Champ de Mars, tu dois cet été faucher copieusement dans le champ des Amours. MEZZETIN. Et, j'ai aussi un régiment de maîtresses que je ne voudrais pas troquer contre celui de ton maître ; et entre autres une certaine Colombine... ARLEQUIN. Co... MEZZETIN. Colombine. ARLEQUIN, à part. Colombine ? Ah, la traîtresse ! Haut.Et il ne faut pas demander si vous êtes bien aimé de cette Colombine ? MEZZETIN. Ma foi, sans trop s'en faire accroire, quand on est tourné comme je le suis, on est toujours assez sûr de son fait auprès des femmes. ARLEQUIN. Mais sans trop d'indiscrétion, ne pourrait-on pas savoir à quoi vous en êtes avec elle ? MEZZETIN. Sans un maudit fiacre qui est venu ce matin nous interrompre pendant que nous étions tête à tête dans le Bois de Boulogne, j'aurais poussé les affaires bien loin. Mais ce qui est différé n'est pas perdu. Serviteur. Il s'en va. ARLEQUIN, seul. Bon voyage. Après cela fiez-vous à ces carognes de femmes ! Mais voici justement mon maître. SCÈNE III. Léandre, Arlequin. LÉANDRE. D'où sors-tu donc, Arlequin ? Il y a une heure que je te cherche. ARLEQUIN. Je me promenais en vous attendant, Monsieur, ici près , dans l'allée des soupirs, où je faisais réflexion sur l'instabilité des choses humaines par rapport aux femmes. LÉANDRE. Ah Ciel ! Est-ce d'Élise que tu veux parler ? L'as-tu vue ? Et bien, que t'a-t-elle dit ? Qu'as-tu appris ? Réponds vite. ARLEQUIN. Non, Monsieur, Élise n'est point la matière de mes réflexions ; c'est la moins femme de toutes les femmes en inconstance. Mais sa suivante, mais Colombine... LÉANDRE. Hé faquin, qu'ai-je à faire de Colombine ? Parle-moi d'Élise. ARLEQUIN. Et bien, je vous dis, Monsieur, qu'Élise est malgré l'absence, rage, aimable, fidèle. Mais Colombine... LÉANDRE. Hé laissons-là Colombine, encore un coup ; parle de ce qui me touche. Quoi donc ? Élise n'aime ni n'épouse Calmar ! ARLEQUIN. Non, Monsieur, Élise ne sera point Calmardée. Mais Colombine entêtée de Mezzetin, est à la veille... LÉANDRE. Encore ? Hé traître, qu'est-il question ici de Mezzetin et de Colombine ? Ne me parle que d'Élise. Rends-moi compte de sa conduite, et de celle de Calmar. ARLEQUIN. Et bien, je vous dis, Monsieur, que Calmar a fait de son mieux pour nous supplanter. Il a donné fête, bal, spectacle, et aujourd'hui même dans le Bois de Boulogne, Élise. LÉANDRE. Et bien, achève, qu'a fait Élise dans le Bois de Boulogne ? ARLEQUIN. Elle a fait ripaille avec Calmar, et n'est sortie de table que pour venir aux Tuileries entendre un concert qu'il lui donne. Mais Colombine, tête à tête avec Mezzetin. LÉANDRE. Tu ne finiras donc jamais, bourreau ? Veux-tu donc oublier Colombine et me tirer d'inquiétude ? Élise, dis-tu, n'est sortie de table que pour aller au concert ? Qu'est-ce que c'est donc que ce concert ? ARLEQUIN. Oh, puisqu'il n'y a pas moyen de vous parler de Colombine, venons donc au fait. Je vous dirai que le concert que veut donner Calmar, m'en a fait inventer un, où nous déconcerterons un peu ce rival. Venez apprendre votre rôle. Mais voici Octave et Scaramouche. OCTAVE, embrassant Léandre. Que vois-je ? Quoi, c'est vous mon cher Léandre ? LÉANDRE. Oui, vous voyez, mon cher Octave, un homme encore tout poudreux, et hâlé du soleil de Flandre ! ARLEQUIN. Quoi ? Te voilà donc dépoétisé, Scaramouche ? SCARAMOUCHE. Oui, j'ai suivi tes conseils, je me suis rapatrié avec la fortune; j'ai repris la livrée. OCTAVE. Quel sujet donc vous fait venir en poste de Flandre à Paris, et qui vous fait quitter le Champ de Mars pour les Tuileries ? LÉANDRE. Un Dieu qui fait quitter les armes pour la quenouille, le Ciel pour la Terre ; l'amour, en un mot, cher Octave, l'amour. SCARAMOUCHE. Es tu amoureux aussi toi, Arlequin ? ARLEQUIN. Si je suis amoureux ? Belle demande ! Et ne sais-tu pas, animal, que l'amour est le faible de tous les grands hommes ? OCTAVE, à Léandre. [Note : Plumet : Fig. Un jeune militaire. [L]]Peut-on savoir quelle est la belle qui vous met ici au rang des plumets d'été, Léandre ? SCARAMOUCHE, à Arlequin. [Note : Soubrette : Familièrement et par mépris, femme subalterne et intrigante. [L]]Et pourrait-on vous demander quelle est la soubrette qui vous met au rang des des grands hommes, Arlequin ? LÉANDRE. Ah ! Je vais en un seul mot vous peindre la plus aimable de toutes les femmes, Octave ; c'est Élise, Élise qui est seule capable d'enlever mon coeur à la gloire. ARLEQUIN. Scaramouche, c'est Colombine, qui seule peut enlever mon coeur à la cuisine. OCTAVE. Élise votre maîtresse, Léandre ? SCARAMOUCHE. Colombine ta maîtresse, Arlequin ? LÉANDRE. OuI, Élise ma maîtresse ; et c'est sur ce que l'on m'a mandé qu'elle était celle d'un nommé Calmar, que je suis venu savoir de ses nouvelles. Mais grâces au Ciel, c'est une fausse alarme, et Élise n'est point infidèle. ARLEQUIN. Queusi queumi, Scaramouche. OCTAVE. Mais avez-vous des preuves de la confiance et de l'amour d'Élise, Léandre ? SCARAMOUCHE. Et toi, es-tu bien sûr des bonnes grâces de Colombine, Arlequin ? LÉANDRE. Les rigueurs dont Élise paie les douceurs de Calmar, me font des preuves de sa constance, et je veux, comme ami, vous en montrer de son amour. Tenez, Octave, reconnaissez-vous là Élise ? Il lui montre le portrait d'Élise qu'il a au bras. ARLEQUIN. Attends, Scaramouche, tiens, reconnais tu là Colombine ? Il ôte son justaucorps, et fait voir à Scaramouche le portrait de Colombine qu'il a sur son dos. OCTAVE. Oh, Ciel ! C'en est trop, je suis le misérable. Serviteur, Léandre. Il s'en va. SCARAMOUCHE. Ah, Ciel ! Je fuis le malheureux. Serviteur, Arlequin. Il s'en va. LÉANDRE. Comment donc ? Qu'est-ce que cela signifie ? Arrête, Octave. Un mot ? Octave ? Découvrons d'où vient un adieu si brusque. Il le suit. ARLEQUIN. Courons après, Monsieur. Holà hé, Scaramouche, Scaramouche ? Il y a ici quelque anguille sous roche. Scaramouche ? Ils sortent. SCÈNE IV. Colombine, Élise, Calmar qui survient. COLOMBINE. Oui, Mademoiselle, vous avez aujourd'hui deux hommes à désabuser ; l'un de l'opinion où il est que vous pouvez l'aimer, et de celle où est l'autre que vous ne l'aimez plus. ÉLISE. Pour Léandre, mon coeur se justifiera assez par la joie dont il sera saisi à sa vue. Mais la pièce que l'on veut jouer à Calmar me fait de la peine. Je voudrais le congédier de meilleure grâce, et il faut l'épargner, ne fut-ce que pour l'amour de sa robe. COLOMBINE. Et ne songeons qu'à l'épée, Mademoiselle. Il ne faut rien épargner pour tirer Léandre d'erreur, et vous ne pouvez le désabuser que par un prompt et bon mariage. Qu'attendez-vous ? Ne laissez pas retourner votre amant à l'Armée, sans l'attacher avant des liens du contrat. Et prenez ce guerrier enfin pendant qu'il est encore tout entier. Mais chut, voici Monsieur Calmar. CALMAR, arrive. Hé bien, ma belle Demoiselle, à présent que la nuit approche à vos beaux yeux ne peuvent plus s'occuper aux Tuileries, il est temps de divertir vos oreilles. Allons, il faut commencer notre concert. COLOMBINE. L'heure et le lieu sont tout à fait favorables à la Musique. CALMAR. Ah ! Qu'il serait heureux, ma pauvre Colombine, s'ils l'étaient aussi un peu à mon amour. Mais, holà, Musiciens, commencez. SCÈNE DERNIÈRE. Plusieurs musiciens s'avancent, et jouent une ouverture ; après quoi Mezzetin en Bacchus, chante. Plusieurs musiciens s'avancent, et jouent une ouverture ; après quoi Mezzetin en Bacchus, chante. MEZZETIN. Je viens d'une saison brûlante Dissiper les vives chaleurs, Et par de Bachiques liqueurs, Enivrer s'il se peut Élise et sa suivante, C'est ainsi qu'on touche les coeurs. Il boit.Le beau sexe en vaincu par sa propre mâchoire, Quand l'Amour court à jeun, et seul, à la victoire, Il est bien facile à dompter. Une belle aisément tient bon contre nos charmes, Mais si jadis Tarquin eut emprunté ces armes, Lucrèce n'eut fait que chanter. La suite de Bacchus danse. CALMAR. Où font donc mes autres Musiciens ? Holà, Messieurs les Musiciens, qu'on vienne donc achever cette scène de l'Opéra. Léandre et Arlequin entrent. LÉANDRE, chante ces paroles suivantes. Ô vous, qui jouissez de la saison nouvelle, Amoureux Rossignol, plaintive Tourterelle, Chantez, petits oiseaux, vantez-vous, vantez-vous D'être plus heureux que nous. Vos femelles Sont fidèles ; Et pour voler au Combat Vous ne laissez point vos belles À des gens de Rabat. On entend ensuite un bruit de guerre et de trompettes. ARLEQUIN, chante sur l'air: J'entends déja le bruit des armes. Ce bruit, ces tambours, ces trompettes,De Mars annoncent le retour. Prenez congé de nos coquettes, Bourgeois, rengainez votre amour La coiffe est sourde à vos fleurettes Sitôt qu'elle entend le tambour. Le bruit de guerre recommence et Léandre chante ensuite. LÉANDRE. Au retour du Printemps, La robe préside aux ruelles : Mais au retour des combattants Tous les Amours s'en vont chantant ;Adieu, Robins, quittez nos belles, Adieu, vous reviendrez avec les hirondelles, Au retour du Printemps. CALMAR. Ouais ! Est-ce que l'on me joue ici ? Comment l'entendez-vous donc, Mademoiselle ? COLOMBINE, chantant au nez de Calmar. Dansons, chantons avec gaîté Bourgeois, à d'autre, à d'autres Ce n'est qu'au coeur de l'été, Qu'on peut recevoir le vôtre. LE CHOEUR. Dansons, chantons avec gaîté Bourgeois, à d'autre, à d'autres Ce n'est qu'au coeur de l'été, Qu'on peut recevoir le vôtre. Il se forme un cercle, au milieu duquel se trouve Calmar, et la danse finie, il s'en va tout en colère. ARLEQUIN. Allons au mariage, allons. Pour vous, Messieurs les violons, Dites à Calmar qu'il vous paye. En violons, partout on nous défraie ; Et surtout ces gens de procès, Ces Messieurs à langue dorée. À nos dépens ils parlent au Palais, Mais en revanche aussi c'est toujours à leur frais, Que nous dansons nous autres gens d'épée. ==================================================