******************************************************** DC.Title = UN DOUBLE AVEU, SCÈNE POUR DEUX JEUNES FILLES. DC.Author = NADAUD, Gustave DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/02/2021 à 07:00:10. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/NADAUD_DOUBLEAVEU.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** UN DOUBLE AVEU SCÈNE POUR DEUX JEUNES FILLES - NOUVELLE ÉDITION - 1896. Droits de reproduction, de traduction et de représentation réservés pour tous les pays, y compris la Suède et la Norvège. GUSTAVE NADAUD SOCIÉTÉ ANONYME D'IMPRIMERIE DE VILLEFRANCHE DE ROUERGUE, Jules Bardoux, Directeur. PERSONNAGES. MARIE, 19 ans, Melle Reichembourg de la Comédie Française. JEANNE, 18 ans, Melle Ludwig de la Comédie Française. UN DOUBLE AVEU SCÈNE UNIQUE. JEANNE. Si tu m'en priais bien, je te ferais, Marie,Un aveu ; mais il faut, il faut que... MARIE. Je t'en prie. Elles s'asseoient. JEANNE. Eh bien, j'aime... quelqu'un. MARIE. Depuis ? JEANNE. Depuis un mois. MARIE. Et tu m'en fais l'aveu pour la première fois ? JEANNE. C'est vrai. MARIE. Va, ne crains pas que je te catéchise ; Et, puisque la franchise appelle la franchise,J'aime aussi... quelqu'un. JEANNE. Ah ! Depuis ? MARIE. Depuis trois mois. JEANNE. Et tu m'en fais l'aveu... ? MARIE, l'arrêtant. Pour la première fois.C'est que, vois-tu, mon coeur n'est pas un coeur vulgaire,Il est si grand, si pur !... JEANNE. Le mien ne l'est donc guère ? Tu crois être la seule à l'avoir pur et grand ?Tout le monde est ainsi. MARIE. Mais moi, c'est différent. JEANNE. Très bien ! et comme c'est toi qui fais le partage,La différence doit être à ton avantage ! MARIE. C'est possible ; en tout cas, j'ai la prétention Qu'à chacune de nous, d'être une exception. JEANNE. À ce compte, ta flamme est exceptionnelle ? MARIE. Et la tienne ? JEANNE. La mienne est simple et naturelle. MARIE. Est-elle partagée au moins ? JEANNE, sèchement. C'est mon secret. MARIE, finement. Tu me fais un aveu, mais un aveu discret. Changeant de ton.Je n'ai le droit de rien exiger, mais en somme,Tu peux bien me parler de ton joli jeune homme. JEANNE. Pardon : d'abord il n'est ni jeune ni joli. MARIE. Ah ! c'est comme le mien. JEANNE. Il est donc accompli. MARIE. Pas beau ? JEANNE. Tu ne crois pas, certes, que je désire [Note : Gandin : Dandy ridicule, du nom d'un personnage de vaudeville ; mot passé dans l'argot du monde. [L]][Note : Gommeux : Le dernier nom du jeune homme à la mode, de celui qu'on a appelé muscadin, mirliflor, dandy, lion, gandin, petit crevé, etc. [L]]Un gandin, un gommeux, une tête de cire ? MARIE. Il est vieux ? JEANNE. Il n'est pas antédiluvien :Il a trente-deux ans. MARIE, vivement. Juste l'âge du mien. Après un repos.Blond ? JEANNE. Non. Blond ? MARIE. Non. Brun ? JEANNE. Non, Brun ? MARIE. Non. Roux ? JEANNE. Pas encore. MARIE. Ni blond, ni brun, ni roux... il est donc incolore ? JEANNE. C'est châtain si l'on veut. MARIE. Châtain clair ? JEANNE. Oh ! Très clair. MARIE, avec attention. Les feuilles quelquefois tombent avant l'hiver.Bref, il est chauve ? JEANNE. Un peu. L'on dit que le génieÉvite le front bas et la tempe garnie. MARIE, inquiète. Il est grand ? JEANNE. Non. MARIE. Petit ? JEANNE. Non. MARIE. Il est donc moyen ? JEANNE. Oui, ni grand, ni petit. MARIE. Toujours comme le mien !Jeanne ! JEANNE. Marie. Elles se lèvent. MARIE, à part. Alors, je frémis. JEANNE, même jeu. Plus de doute,C'est lui ! MARIE. Ce ne peut être un autre. Allant rapidement vers Jeanne.Écoute ! JEANNE. Écoute. Très rapidement.Est-il négociant ? rentier ? agriculteur ? MARIE, même jeu. Avocat ? médecin ? magistrat ? armateur ? JEANNE. Ingénieur ? soldat ? marchand ? propriétaire ? MARIE. Avoué ? professeur ? journaliste ? notaire ? JEANNE. Nous marcherions une heure ainsi sans faire un pas.Arrêtons-nous : il est artiste, n'est-ce pas ? MARIE. Nous chercherions en vain à nous tromper nous-mêmes. Son nom, tu le connais. JEANNE, avec sensibilité. Et je sais que tu l'aimes.De quel droit l'aimes-tu ? MARIE. Quoi ? tu parles de droits !Tu ne peux alléguer qu'un mois, et j'en ai trois. JEANNE. C'est la première fois qu'une femme se flatteD'être l'aînée en âge et la première en date. MARIE. En revanche, je vois que les jeunes souventOnt plus d'instruction qu'on n'en puise au couvent. JEANNE. Peut-être. MARIE. Aux qualités que ton esprit lui donne,Je cherche ce qui peut te plaire en sa personne. JEANNE. Ta seule expérience est mon unique loi. MARIE. Je n'ai fait que parler après toi, d'après toi.Il n'est pas beau. JEANNE. Mais non. MARIE. Pas jeune. JEANNE. Il faut t'en croire. MARIE. Trente-deux ans, pas vrai ? JEANNE. Si j'ai bonne mémoire. MARIE. N'ai-je pas entendu qu'il manque de cheveux ? JEANNE. Si je l'ai bien compris, c'est un de tes aveux. MARIE. Cet ornement est bon pour les cerveaux infirmes. JEANNE. C'est mon opinion, car c'est toi qui l'affirmes. MARIE. Pas grand et pas petit ? Médiocre. JEANNE. Moyen. MARIE. Bref un homme qui passe et dont on ne dit rien. JEANNE. Soit, n'en parlons plus. MARIE. Mais alors, mademoiselle, Comment expliquerai-je un tel excès de zèle ? JEANNE. Mon zèle trouvera son explication,Madame, dans l'excès de votre passion. MARIE. Pour vous livrer ainsi, vous avez l'assuranceQu'on ne pense qu'à vous ? JEANNE. J'en ai quelque espérance. Madame, je suppose, est dans le même cas ? MARIE. Je ne saurais aimer qui ne m'aimerait pas.Mais quand ainsi deux coeurs... JEANNE. Deux ou trois ! MARIE. Correspondent,Quelle preuve en a-t-on ? JEANNE. Oh ! les preuves abondent. MARIE. C'est un signe, un regard, un serrement de main ? JEANNE. Peut-être. MARIE. Une façon de se dire « à demain ? »Voilà tout ? JEANNE. C'est assez. MARIE. Et puis... ? JEANNE. Je suis muette. MARIE, après un repos. Il vous a fait des vers ? JEANNE. Non, il n'est pas poète. MARIE. Je le sais. Avec intention.Il a fait votre portrait ? JEANNE. Comment ?Il n'est pas peintre. MARIE, vivement. Il n'est pas peintre ? JEANNE. Non vraiment, Puisqu'il est architecte ! MARIE. Alors c'est... c'est un autre !Toi le tien, moi le mien ! JEANNE. Bref chacune le nôtre ! MARIE, embrassant Jeanne. Jeanne ! JEANNE, embrassant Marie. Marie ! Hélas ! Dans quel pénible émoiTu m'as mise ! MARIE. Et toi donc ! Enfant ! JEANNE. Pardonne-moi. Après un silence.Dis donc, Marie, es-tu bien sûre, mais bien sûre Qu'il est peintre ? MARIE. Et le tien, architecte ? JEANNE. Je jureQue... que je n'ai jamais aimé monsieur... MARIE. Plus basNi moi monsieur... JEANNE, lui mettant la main sur la bouche. Tais-toi ! MARIE. Que je ne nomme pas. JEANNE. Peintre ! MARIE. Architecte ! JEANNE. Dieu ! Que c'est beau, la peinture !Le premier des beaux-arts ! MARIE. Après l'architecture. JEANNE, lui tendant la main. Oh ! Que c'est bien à toi d'aimer ainsi le tien ! MARIE, même jeu. Et que c'est mieux à toi de n'aimer pas le mien ! ==================================================