******************************************************** DC.Title = LA FAUSSE ALARME, PASTORALE en un ACTE DC.Author = PIRON, Alexis DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Pastorale DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/02/2021 à 07:00:11. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/PIRON_FAUSSEALARME.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA FAUSSE ALARME PASTORALE en UN ACTE 1776 Alexis PIRON PERSONNAGES LYSIS, berger fidèle. HYLAS, berger inconstant. SYLVIE, amante de Lysis. CHOEUR DE BERGERS et de BERGÈRES. TIMARETTE, confidente, amie de Sylvie. La scène est sur le bord du Lignon. SCÈNE PREMIÈRE. UN BERGER, derrière le théâtre. Au loup ! Au loup ! Au loup !Le monstre en furieEst dans la prairieQui ravage tout.Au loup ! Au loup ! Au loup ! Venez, sortez tousDe la Bergerie,Et rassemblons-nous !Que chacun de vousS'arme, cours et crie : Au loup ! Au loup ! Au loup !Que dira Sylvie ?Ô funeste coup !Sa brebis chérie,A perdu la vie ! LE CHOEUR Au loup ! Au loup ! Au loup !Le monstre en furieEst dans la prairieQui ravage tout;Au loup ! Au loup ! Au loup ! Hallalis, aboiements, cors, cris, etc. SCÈNE II. Hylas, Choeur de bergers. LE CHOEUR Triomphe ! Victoire !Le monstre est blessé ?Il est renversé :Un trait l'a percé :Hylas la gloire De l'avoir lancé.Triomphe ! Gloire !Hylas a la gloireD'avoir devancéLe plus empressé. Triomphe ! Victoire ! HYLAS Évitez la triste Sylvie :Je le vois en pleurs s'approcher,Toute prête à nous reprocherQu'elle a seule été mal servie. SCÈNE III. Sylvie, Hylas. HYLAS À la ville on perdrait une amante, un amant ;Sans en être un momentMoins gai ni moins tranquille.Laissez, Belle Sylvie, un regret inutile.Quoi ! Pour une brebis, vous pleurs daignent couler ? N'en avez-vous pas millePour vous en consoler ?Pensons aux champs comme à la ville.On y perd une amante, on y perd un amant,Sans en être un moment Moins gai ni moins tranquille. SYLVIE Léger en tout, comme en amours,[Note : Frivole : Inutile, vain ; ce qui n'est d'aucune valeur, qui n'a rien de solide, ni qui mérite qu'on le considère.]Hylas, portez ailleurs vos frivoles maximes,Laissez-moi seule ici donner un libre coursÀ mes pleurs légitimes ; Ils me soulageront plus que tous vos discours. HYLAS Une ariette, une fanfareDissiperons cette vapeurEt la fête qui se prépareVous rendra votre belle humeur. SCÈNE IV. SYLVIE Ô ma chère brebis, je t'ai prise à ma suite,En venant ce matin, cueillir ici des fleurs ?Moi-même j'ai causé ta perte et mes douleurs :C'est moi-même qui t'ai conduiteDans le lieu fatal où tu meurs ! SCÈNE V. Lysis, Sylvie. LYSIS Qu'elle est heureuse, hélas ! De mériter vos larmes !Et qui n'envierait son destin ?Mais c'est trop se laisser accabler d'un chagrinQui me cause pour vous les plus vives alarmes. SYLVIE Je le tenais de votre main. LYSIS Ah ! Que ce peu de mots pour mon coeur a de charmes !Ai-je bien entendu ? Répétez-les sans fin.Pourquoi, pourquoi, belle bergère,Cette brebis vous fut-elle si chère ? SYLVIE Je la tenais de votre main. LYSIS Partagez donc l'allégresseDont vous remplissez mon coeur !Et montrez moins de tristessePour un si petit malheur.En amour est-il une peine, Quand l'amour d'ailleurs est content,Qu'il ne rende légère ou vaine,Et qui dure plus d'un instant ?Venez faire choix dans ma plaineDe l'agneau Le plus beauDu troupeauQue je mène !Chiens et troupeaux et bergers sont à vous.Aimez, et tout vous sera doux. En amour est-il une peine,Quand d'ailleurs l'amour est content,Qu'il ne rende légère et vaine,Et qui dure plus d'un instant ?Mais quoi, vous soupirez encore ? SYLVIE Votre coeur est tranquille, et le mien ne l'est pas. LYSIS Eh ! Quel autre soin le dévore ? SYLVIE Comment aimer, sans craindre les ingrats ? LYSIS Pensez-vous en avoir un, en moi qui les abhorre ?Moi, qui vous aimerai par-delà le trépas ? SYLVIE Je vous en croirais... mais hélas ! LYSIS Avez-vous des sujets de soupçon que j'ignore ? SYLVIE Non, mais si vous m'aimez... LYSIS Aimer ! Je vous adore. SYLVIE Eh bien, si vous m'aimez, rompez avec Hylas.Ce berger malin, sans cesse Rit de la fidélité,Chante la légèreté,Plaisante sur la tendresse ;J'ai vu qu'avec plaisir souvent vous l'écoutiez.Lorsque près de lui je vous laisse, Je vous avouerai ma faiblesse,Je crains de vous revoir autre que vous n'étiez. LYSIS Votre tranquillité fait celle de ma vie :Je le fuirai, belle Sylvie.La fête qu'il donne aujourd'hui, Pour ce jour seulement l'un à l'autre nous lie :Demain vous serez obéie ;Demain, pour jamais je le fuis. Ensemble. Loin de nous tout volageQui nomme esclavage Les noeuds les plus doux ?Ramenons le bel usageDes amours du premier âge :Qu'on prenne exemple sur nous.Loin d'ici tout volage Qui nomme esclavageLes noeuds les plus doux. Sylvie sort brusquement voyant venir Hylas. SCÈNE VI. Hylas, Lysis. HYLAS Tête-à-tête avec ta Sylvie,Tu n'as que les regards, les soupirs et la voix :Et je n'interromps pas, je crois, Des plaisirs bien dignes d'envie. LYSIS Est-il entre amants,De plus doux momentsQue ceux où l'on se donne une foi mutuelle ?Sylvie, avec plaisir, écoutait mes serments. Nous nous jurions une amour éternelle.Est-il entre amants,De plus doux momentsQue ceux où l'on se donne une foi mutuelle ? HYLAS La bergère aime la constance, Mais ce n'est que dans le berger :Elle en parle souvent au moment qu'elle penseElle-même en changer. LYSIS Il est des bergèresLégères, Je le sais, Hylas :Mais je fais de même,Que celle que j'aimeNe l'est pas. HYLAS Tu n'as dans la tête Que ton fol amour :Songeons à la fêteQui doit être prêtePour la fin du jour. LYSIS J'y fais un mauvais personnage, Et je l'y fais bien malgré moi.Le rôle d'un amant volageDevait n'être donné qu'à toi. HYLAS On fait ce qu'on veut de foi ;Tranche moins de lamant fidèle, Et me prends pour ton modèle.Parlons-en de bonne foi :Tu n'as des yeux que pour ta belle ;Qu'une autre le soit plus qu'elle,Tu passeras sous sa loi. LYSIS Trêve à ta morale offensante :Donne-moi seulement et l'esprit et le tonDes vers que tu veux que je chante. Ici on entend un choeur de bergères qui chante.Il n'est d'amours contentsQue les amours constants. HYLAS Dérobons-nous à la foule bruyanteDes bergères de ce canton ;Et qui, sourdes à ma leçon,De ta morale extravaganteFont retenir tout le vallon; Ils sortent SCÈNE VII. Entrée de bergères. LE CHOEUR répète. Il n'est d'amours contents,Que les amours constants. TIMARETTE Aimons comme Sylvie,Son bonheur y convie.Il n'est d'amours contents, Que les amours constants. LE CHOEUR Il n'est d'amours contents,Que les amours constants. TIMARETTE La folle hirondelleN'aime qu'à changer ; Et chez l'étrangerVolez à tire d'aile.Sans voir le dangerQui vole autour d'elleCependant en paix, la sage tourterelle, Près de son tourtereau fidèle,Jouit, à l'abri des vents,Et dans tous les temps,Des plus doux plaisirs du printemps. TIMARETTE et le CHOEUR Il n'est d'amours contents, Que les amours constants. TIMARETTE, seule. Qu'au dieu d'Amour Sylvie a de grâces à rendre !Elle aime uniquement Lysis ;Et Lysis, des bergers le plus beau, le plus tendre,Est d'elle uniquement épris. SYLVIE Des bergers du hameauLysis est le plus beau ;Mais il écoute Hylas ; Hylas est un volage :Et les bergers aimés sont près d'être inconstants.Ce Lysis aujourd'hui si fidèle et si sage Le sera-t-il longtemps ? LE CHOEUR Il n'est d'amours contents,Que les amours constants. SYLVIE Je les ai vus nous fuir : Je les vois reparaître :Écoutons de ce cabinet ; Voyons si je suis en effetAimée autant que je le crois être. Elle va se mettre sous le feuillage. SCÈNE VIII. Lysis, Hylas, et les bergères cachées. HYLAS Goûte et retiens bien mes leçons,Qu'un peu de gaîté les seconde.Tâche d'avoir mon air et mes façons : Et je te garantis tout le succès tu monde. SCÈNE IX. LYSIS et les bergères cachées. LYSIS a voix basse, pas si basse pour que les bergères puissent entendre, comme elles ont entendu Hylas. Il a raison en ce moment :Prenons son ton, son caractère ;Laissons-là le sentiment ;Faisons valoir le talent ; Ne songeons enfin qu'à plaire. Il commence son rôle.Hélas ! Hélas !Que le suis lasD'être fidèle !Est-il temps plus beau, Que le renouveau ?Ni rose plus belle,Que la plus nouvelle ?Aimer le même objet ! L'aimer jusqu'au tombeau !La seule idée en est mortelle. Ah ! Le pesant fardeauQu'une chaîne éternelle !Hélas ! Hélas !Que je suis lasD'être fidèle ! Il est mille sortes d'attraitsQu'une beauté ne peut rassembler seule en elle,Et dont on ne jouit jamaisQu'en voltigeant de belle ne belle.Hélas ! Hélas ! Que je suis lasD'être fidèle ! À part de l'autre côté de l'endroit d'où on l'écoutait, mais, assez bas pour qu'il ne puisse être entendu des bergères.Je me fais à moi-même horreur en m'écoutant.Ce rôle est abominable.Je ne m'en sens pas capable : Je m'en vais défaire à l'instant. SCÈNE X. Sylvie, Timarette. SYLVIE Fidèle amour, tu n'as donc plus d'asile !Je croyais te trouver au fond de ces forêts ;On te méprise aux champs comme à la ville,Je les abandonne à jamais. Qu'ai-je vu ? Qu'ai-je ouï ? Juste ciel ! Dois-je en croireMon oreille et mes yeux ?Une infidélité si noireA-t-elle pu fouiller ces lieux ? Le perfide ! Il me jure Qu'il m'aimera par-delà la trépas !Ses ses serments je me rassure ;Il me quitte, il rejoint Hylas :Et le voilà parjure,Hélas ! Fidèle amour, tu n'as donc plus d'asile !J'ai cru te retrouver au fond de ces forêts ;On te méprise aux champs comme à la ville,Je les abandonne à jamais. Elle brise sa houlette et jette au loin sa pannetière. TIMARETTE Ah ! N'abandonnez point une douce retraite Où le calme d'un coeur souvent s'est rétabli !Rappelez, relevez un courage affaibli,Tous les jours on vous le répète :L'infidèle berger, par son crime avili,Fut-il d'ailleurs en tout un berger accompli, Est peu digne qu'on le regrette,Et ne mérite que l'oubli. SYLVIE Je ne dois à l'ingrat que mépris et que haine ;Je l'en accablerai : mon coeur se le promet :Mais quand on a tant pris de plaisir ou de peine À serrer une chaîne,Qu'on la brise à regret ! SCÈNE XI. Sylvie, Timarette, Hylas. HYLAS Bergères, ma venue est peut-être indiscrète,J'ai cru trouver ici Lysis.Lui seul se fait attendre aux lieux où l'on répète Le spectacle amusant que je vous ai promis. SYLVIE Sors de ma présence,Berger odieux ! TIMARETTE Tu blesses nos yeux ;Laisse-là ta danse, Tes chants et tes jeux.Par eux l'inconstanceInfecte ces lieux ;Avant leur licenceNous vivions heureux Et dans l'innocence.Berger dangereux,Tu blesses nos yeux. EnsembleSors de ma présence ;Berger odieux. HYLAS J'espérais de mes soins tout un autre salaire. SCÈNE XII. Sylvie, Timaretten Lysis, Hylas. LYSIS, à Hylas. Voilà ton rôle, Hylas ;Quelque autre le peut faire :Je ne m'en charge pas. HYLAS Autre boutade, et nouvel embarras ! LYSIS C'est vous que je cherchais, trop heureuse Sylvie ;Vous ne vous plaindrez plus des destins ennemis,On a retrouvé la brebisQue le loup vous avait ravie. SYLVIE Eh ! Je n'y songeais plus, Lysis. LYSIS C'est que vous la croyiez blessée ?La dent ne l'a point offensée ;Elle est comme elle était lorsque je vous l'offris. SYLVIE Telle qu'il plaît au sort de nous la rendre ;N'étant plus pour moi d'aucun prix, La prenne qui la voudra prendre. LYSIS J'ignore si je suis,Et si j'entends Sylvie.Que dites-vous ? SYLVIE Ce que je dis,Je le dirai toute ma vie. LYSIS Quoi ! Cette brebis si chérie,Que vous orniez de fleurs, que vous avez nourrie, Qu'aujourd'hui vous pleuriez, enfin, Par la seule raison, si j'ose vous en croire;Et le répéter à ma gloire, Que vous la teniez de ma main ! SYLVIE Oui, je suis si peu constante,Que cette même raisonnementMe la rend indifférente. LYSIS Expliquez-moi cette énigme effrayante ? SYLVIE Les éclaircissements ne sont plus de raison. LYSIS, à Timarette. Ô vous, sa chère confidente !Au nom de votre intime et tendre liaison,De grâce, dites-moi ce qu'on veut que j'ignore ! TIMARETTE, à Sylvie. Confondez-le d'un mot ! SYLVIE Eh ! Que lui dire encore ? Ignore-t-il sa trahison ? LYSIS Moi qui même ne puis la souffrir dans un autre !Et quelle bouche a put m'en accuser ? SYLVIE La vôtre. LYSIS La mienne. SYLVIE Rougissez ! TIMARETTE Berger une autre fois,Quand vous vous croirez seul, élevez moins la voix. Observez-vous avec un soin extrême.Si vous n'êtes fidèle, au moins soyez prudent.Pensez bas ; et que l'écho mêmeNe soit pas votre confident. LYSIS Ah ! Voici déjà qui m'éclaire ! TIMARETTE Tantôt, quand vous avez, à ce lieu solitaire,De votre coeur léger confié les secrets,De ces secrets Sylvie était dépositaire ;Et dessous ce feuillage épais,J'ai moi-même entendu comme elle, Cette chanson toute nouvelle :Hélas ! Hélas !Que je suis lasD'être fidèle ! LYSIS Enfin voilà tout le mystère ! Gloire, gloire aux tendres amours, À Sylvie.Je triomphe, belle bergère !Car si je fus aimé, je le serai toujours. SYLVIE, à Timarette. Où tend ce discours ?Qu'est ce qu'il espère ? De quoi rit Hylas ? HYLAS De votre colère ;De tout ce fracas,Pour une chimère. SYLVIE Que me voulez-vous faire entendre ? HYLAS Le berger répétait ce rôle injurieuxQue, malgré lui, je lui fis prendre,Et que tout à l'heure à vos yeux,Il vient, malgré moi, de me rendre. LYSIS Avez-vous pu me croire infidèle un moment ? Et comment le pourrais-je être,Moi qui n'ai pu seulementMe résoudre à le paraître !L'étonnement vous arrache un souris.Que votre bouche ajoute à ce sourire aimable, Un mot, un seul mot favorable ! SYLVIE Venez me rendre ma brebis. ==================================================