******************************************************** DC.Title = LES COMPLIMENTS, PIÈCE EN UNE SCÈNE. DC.Author = RICCOBONI, ROMAGNESI DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Compliment DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 06/07/2022 à 21:30:52. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/RICCOBONIROMAGNESI_COMPLIMENTS.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LES COMPLIMENTS PIÈCE EN UNE SCÈNE. M. DCC. XXXVI. AVEC APPROBATION ET PERMISSION. Par Messieurs ROMAGNESI et RICCOBONI. À PARIS, Chez PRAULT, Fils, Quay de Conti, à la descente du Pont-Neuf, à la Charité. Représenté pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi, le 10 Avril 1736. ACTRICES. MADEMOISELLE SILVIA. MADEMOISELLE RICCOBONI. MADEMOISELLE FLAMINIA. MADEMOISELLE BELMONT. MADEMOISELLE CATINE. MADEMOISELLE FABIO. ACTEURS. MONSIEUR ROMAGNESI. MONSIEUR RICCOBONI. MONSIEUR DESHAYES. MONSIEUR THOMASSIN. MONSIEUR EVRARD. SCÈNE I. [Monsieur Thomassin, Tous les acteurs]. Les Acteurs entrent sur le théâtre par une marche, dans laquelle ils font la révérence au public. MONSIEUR THOMASSIN. Voilà déjà notre révérence faite ; allons, mes amis, il ne s'agit plus que de parler. TOUS LES ACTEURS. Messieurs... MONSIEUR THOMASSIN. Cela produit un effet charmant ; continuons de parler tous à la fois. MONSIEUR DESHAYES. Mais on ne nous entendra pas. MONSIEUR THOMASSIN. Tant mieux mon enfant, aussi bien n'avons-nous pas de trop bonnes choses à dire ? MONSIEUR RICCOBONI. Doucement, s'il vous plaît, Messieurs ; chacun de nous à la dernière assemblée a brigué l'honneur de complimenter le public. Les dames ont prétendu que leurs droits étaient pour le moins aussi bien fondés que les nôtres ; et pour faire cesser le tumulte, la troupe a délibéré que chacun ferait le sien à part. Commençons donc de cette manière, et cédons le pas aux dames. MADEMOISELLE SILVIA. Aux Dames ! Il y a dans cette politesse plus d'orgueil que de civilité. Vous voulez faire entendre que les meilleurs compliments sont réservés pour la fin. MONSIEUR RICCOBONI. Moi ! Point du tout. MADEMOISELLE SILVIA. Et vous pourriez vous tromper. À Mlle Riccoboni. Peut-on vous demander qui a composé le vôtre ? MADEMOISELLE RICCOBONI. Qui me l'a composé ? Moi-même. MADEMOISELLE SILVIA. Oh ! Je gage que c'est votre mari. MADEMOISELLE RICCOBONI. Vous me croyez donc bien bornée. Je ne serais pas capable de produire une pareille bagatelle. MONSIEUR RICCOBONI. Bagatelle ! Je le soutiens très joli. MADEMOISELLE SILVIA. Il est de lui, il est de lui ; puisqu'il le trouve bon. MONSIEUR THOMASSIN. Pour moi, j'ai fait faire le mien par l'auteur qui les fait tous les ans à la Comédie Française. MONSIEUR DESHAYES. Ma foi, j'aurais cru que ces Messieurs les faisaient eux-mêmes. MONSIEUR ROMAGNESI. Au fait, Messieurs, commençons. COMPLIMENT.Messieurs, les compliments en beautés si fertiles,Pour avoir trop produit, sont devenus stériles :Depuis que l'on en fait, leurs traits sont épuisés,Et ne nous offrent plus que des moyens usés.En vain, pour en vouloir déguiser la figure, On a des compliments renversé la structure;L'un aujourd'hui les tourne en dissertations,L'autre, en vers mal construits, y met des fictions :Qu'aux français une pièce ait quelque réussite,C'est dans le compliment qu'on vante son mérite, C'est-là qu'elle reçoit l'encens le plus flatteur,Et tout le compliment n'est fait que pour l'auteur.Pour nous, qui n'avons point de ressources pareilles,Dont le genre tout simple offre moins de merveilles,Nous ne pouvons, hélas! Quand il faut vous parler, Que vous remercier de ne nous pas siffler :En effet, nous avons, dans notre insuffisance,Éprouvé mille fois toute votre indulgence ;Mais nous dirons aussi que, pour la mériter,Il n'est point de périls que nous n'osions tenter. Nous avons critiqué des auteurs respectables,Nous avons contrefait des acteurs admirables ;Nous avons même osé donner du sérieux ;(Ce n'est pas, il est vrai, ce qu'on a fait de mieux ;)Mais faut-il s'étonner qu'une troupe comique Ait essuyé l'affront d'échouer au tragique,[Note : Cothurne : C'est une espèce de soulier ou de patin élevé par des semelles de liège, dont se servaient les anciens acteurs de tragédies sur la scène, pour paraître de plus belle taille. Il couvrait le gras de la jambe, et était lié sous le genou. [F]]Quand des héros en place, au cothurne aguerris,Dans plusieurs nouveautés ont ennuyé Paris.Vous allez voir, Messieurs, qu'il est très difficileD'amuser à la fois et la Cour et la ville. Premièrement il faut .... MADEMOISELLE SILVIA, l'interrompant. Monsieur ... MONSIEUR ROMAGNESI. Premièrement... MADEMOISELLE SILVIA. Eh ! Monsieur, finissez ce mauvais compliment. BOUTADE.Les grands versSont pervers,De petitsBien bâtis En ces lieuxValent mieuxQu'un sabbatDont l'éclatÉtourdit, Et ne ditDans le fondRien de bon.Oh pour moiSur ma foi Je prétendsEt j'entendsDire en brefDe mon chefQuatre mots À proposAu Public,C'est le hic.Son bon goûtJuste en tout, N'aime pointSur ce pointQu'un ActeurGrand conteurFasse voir Son savoir ;Mais il veut,S'il se peut,Des discoursBons et courts. Il fait bien.Est-il rienD'ennuyeuxComme ceuxQui voudraient Et croiraientPar leurs ditsÉruditsAveuglerOu régler Le CenseurConnaisseur.Son arrêtToujours prêtMet le prix Aux écrits,Vous pouvezEt savezEnhardirApplaudir Les talentsExcellents.Bien aussiDieu merciSavez-vous Contre tousVous servirÀ ravirDe vos droits ;Dont cent fois Les auteurs,Les acteurs,Se sont vusConfondus.Poursuivez Proscrivez[Note : Grimaud : petit écolier. Terme injurieux dont se servent les grands écoliers pour injurier les petits. [F]]Les grimaudsIdiots,Les HuronsHistrions, Par le bruitQue produitLe sifflet,C'est bien fait,Mais chez nous Prêtez-vousComme gens.Indulgents,Qui témoinsDe nos soins PardonnezEt venezSeulementBonnementRéjouir ÉbaudirUn petitVotre esprit.Si du grandCependant Vous trouvezPercevezQuelque traitÀ souhaitTout nouveau Qui soit beau.Que pour lorsNos effortsReconnusBien reçus Soient payésAppuyésDu bonheurDe l'honneurDe vous voir Chaque soir ApplaudirEt remplirÀ grand bruitCe réduit. Dans nos JeuxTrop heureuxNous serons:Et verronsNos souhaits Satisfaits. MADEMOISELLE RICCOBONI. ODE.Quel bruit soudain se fait entendre ?D'où naît ce tumulte enchanteur ?Quel plaisir vient de se répandreDans les regards du spectateur ? J'y vois ces marques d'allégresse,Cette vive et flatteuse ivresseDont l'heureux acteur s'enhardit.Content d'un zèle qui le flatte,Le public généreux éclate ; Il nous approuve, il applaudit.De cette aimable récompenseNaissent nos soins et nos travaux,Un succès produit l'espéranceD'obtenir des succès nouveaux. [Note : Nautonier : ce mot est beaucoup plus usité et beau en poésie qu'en prose. Il veut dire matelot, marinier ; celui qui conduit, ou qui aide à conduire une barque, un navire. [F]]Le Nautonier dans la tempête,Aux vents qui menacent sa tête, Jure de ne plus se risquer ;Mais si les faveurs de NeptuneOnt fait prospérer sa fortune, Il ose encor se rembarquer.Que ta destinée est flatteuse !Toi dont les talents séducteursT'offrent dans ta carrière heureuse,Le plaisir d'enchaîner les coeurs. Charmé de se laisser séduire,Tout s'attendrit, s'égaye, admire,Suivant ce que ton art prescrit;Et la multitude étonnée,Sans cesse où tu veux entraînée, Semble n'avoir qu'un même esprit.Que vois-je ? Arrête téméraire,Ton bonheur t'aveugle et te perdQuoi donc la sûreté de plaireTe nuit plus qu'elle ne te sert? Tout rempli d'un orgueil extrêmeTu t'abandonnes, à toi-mêmeTu ne veux plus rien écouter.Gardes-toi de te méconnaître;Plus on est chéri de son maître, Plus sa haine est à redouter. De cette vaine confianceGardons-nous de nous enivrer.Qui marche avec trop d'assurance,Est sur le point de s'égarer. Quand le Public nous encourage,C'est à lui qu'il faut rendre hommageDes traits où nous réussissons.Soit qu'il punisse ou qu'il pardonne,Jusqu'aux éloges qu'il nous donne, Tout doit nous servir de leçons. MONSIEUR DESHAYES. RONDEAU.Pour un acteur, c'est un fardeau pesantDe se montrer au public à présent.Depuis le temps qu'au théâtre il préside,Il est trop sûr dans tout ce qu'il décide ; Et le bon goût s'accroît chemin faisant.Bien est-il vrai qu'au séjour amusantOn donne asile à plus d'un exposantQu'on ne peut prendre à sa mine stupidePour un acteur. On me dira que le mal est cuisant Autant pour vous, que pour le déplaisant; Mais si faut-il que la clémence guideTout spectateur de nouveautés avide,Et qu'il ne soit aux pièces malfaisantPour un acteur. MADEMOISELLE CATINE. COMPLAINTE.À Votre justiceNous avons recoursContre le caprice,De qui la maliceNous fait tous les jours Mille mauvais tours.Jadis les suivantesDans les nouveautésÉtaient triomphantes;Tirades brillantes, Couplets bien dictésGaiement débités,Des grâces riantesTiraient leurs beautés.[Note : Thalie : muse de la Comédie, le joueuse, la florissante.]Aujourd'hui Thalie Change nos destins. L'aimable folie,Si chère aux humains,Semble être avilie.La mélancolie Suit les écrivains;Et l'auteur oublie,Qu'aux traits, les plus fins,Il faut qu'on allieLes charmes badins. Enfin les soubrettes,Partout aux aboisQuittent leurs emplois;Et les plus parfaitesOnt depuis six mois, Par un nouveau choix,Joué les coquettes.Intéressez-vousÀ notre disgrâce,Et parlez pour nous [Note : Parnasse : lieu de séjour d'Apollon et des Muses.]Aux gens du Parnasse.Qu'on nous rende enfin.Notre caractère.Qu'un valet malinAmuse le père: Que malgré la mère Soubrette légèreConduise à sa finUn tendre mystère.Mais n'espérons plus D'être protégées;Les moeurs sont changées,Nos soins superflus.L'amant sans notre aideSe fait écouter ; La fille lui cèdeSans nous consulter. Mademoiselle FLAMINIA, Mademoiselle BELMONT. MADEMOISELLE FLAMINIA. BALADE.Quand la jeunesse aimableMontre quelques talents ;Aux spectateurs galants Tout paraît admirable.De ces premiers attraits,Quand l'éclat se retire,Quoique nous puissions direL'on trouve tout mauvais. MADEMOISELLE BELMONT. Dans l'objet adorableQui touche notre coeur,Taille, esprit, grâce humeur,Tout paraît admirable.L'hymen suit-il de près L'amour qui l'en conjure;Humeur, esprit, figure,L'on trouve tout mauvais. MADEMOISELLE FLAMINIA. Qu'un auteur lise à tableQuelque nouvel écrit, On s'intéresse, on rit,Tout paraît admirable.Qu'au théâtre à grands fraisOn vous le représente ;Il n'a plus rien qui tente : L'on trouve tout mauvais. MADEMOISELLE BELMONT. D'une pièce agréableChaque trait est loué ;Chacun a bien joué ,Tout paraît admirable; Mais au lieu d'un succès,A-t-on mauvaise chance,Acteurs, musique, danse,L'on trouve tout mauvais. MADEMOISELLE FLAMINIA. ENVOI.Qu'on vous soit favorable, Tout paraît admirable. MADEMOISELLE BELMONT. Ne dites donc jamais,L'on trouve tout mauvais. MONSIEUR RICCOBONI. SONNET. L'homme en tous ses travaux montre la folle envie De surmonter le temps qu'il ne peut retenir Et pense reculer les bornes de sa vie, En méritant l'honneur d'un brillant souvenir. Il croit à chaque instant voir sa peine suivie Du chimérique bien qu'il espère obtenir, Et semble dans l'orgueil, dont son âme est ravie, Négliger le présent pour chercher l'avenir. Faut-il que d'un tel prix le désir nous anime ? Pour remplir dignement un coeur ambitieux, Un triomphe pareil est-il assez sublime ? Non ! Pour jouir d'un sort dont on soit envieux, De nos contemporains cherchons plutôt l'estime ; Quand on plaît à son siècle, on est trop glorieux. MONSIEUR THOMASSIN. DU COQ A L'ASNE.C'est donc à moi présentementDe vous faire mon compliment.Mais je suis piqué d'une chose; D'où vient que chacun se dispose,Aux Français comme dans ces lieux,À vous haranguer de son mieux ?Et que l'Opéra se délivreDe cet important savoir-vivre Dont nous lui donnons des leçons ?Ces Messieurs-là sont sans façons;Chacun tremblent qu'ils ne s'enrhument,Aux compliments ils s'accoutument,En reçoivent et n'en sont pas. Or le plus grand des embarrasEst d'avoir des pièces nouvelles. Quoique les vieilles soient fort belles,Le Public ne vient point les voir.À propos je voudrais savoir, Quand vous criez, « ouvrez les loges » ,Si nous vous devons des éloges.Vous me direz, nous avons chaud ;Mais les autres ont froid là-haut,Cela fait une différence. Vivons toujours dans l'espérance ;On nous promet pour cet étéPlus d'une bonne nouveauté.Le Public en demande et crie,Qu'en les attendant il s'ennuie; Mais quand il les voit, c'est bien pis.Pour réveiller les assoupis,On dit qu'il faut de la musique,Qu'elle est anti-soporifique.Moi, je dis qu'on se trompe fort, Parce que le concert m'endort.Cependant pour peu qu'elle plaise,Comme notre troupe est fort aiseDe ne jamais se refuserÀ ce qui peut vous amuser. Voici notre chanteur qui tremble,Et n'a pas grand tort, ce me semble : Qui va, le moins mal qu'il pourra,Prendre le ton de l'Opéra. MONSIEUR EVRARD, chante. En Musique française aujourd'hui je m'acquitte Des respects que vous doit le nouveau débutant. MADEMOISELLE FABIO, chante. L'Italienne a bien plus de mérite,Elle danse en chantant. MONSIEUR EVRARD. Mais dans les compliments il faut de la décence. MADEMOISELLE FABIO. Non, non, la légèreté, La vivacité,Doivent avoir la préférence. MONSIEUR EVRARD. Sous ces noms bien souvent le bizarre est caché;Songez qu'on vous l'a reproché. Air.Il faut que l'harmonie Douce, agréable, tendre, unie, Trouve le chemin du coeur.Elle doit conserver jusques dans la fureurLes grâces de la mélodie ;On peut inspirer la terreur Sans entrer en frénésie.Il faut, etc. MADEMOISELLE FABIO. Viva, viva l'allegriaQuesta sola è dolce al cor.Gia che il canto è una pazzia. Che da noi cacci il rigorD'una mesta fantasia.Viva, etc. DUO.Unissons, rassemblons vos accords et les nôtres. MADEMOISELLE FABIO. J'égayerai vos chants.Unissons, etc. MONSIEUR EVRARD. J'adoucirai les vôtres. VAUDEVILLE.Dans toute sociétéLe compliment est d'usage ;Mais l'exacte véritéN'est point de son apanage.L'ami plein d'empressement, Vous fait offre de service :Faut-il que son zèle agisse,Ce n'était qu'un compliment.Fillettes dussiez-vousDe ces conteurs de fleurettes Qui viennent à vos genouxVanter leurs ardeurs parfaites.Ils s'expriment tendrement,Semblent frappés de vos charmes,Ils emploient jusqu'aux larmes ; Et ce n'est, qu'un compliment.Vous que les biens, les honneursGuident aux brillantes places ;Qui croyez gagner les coeurs,Quand vous accordez des grâces: Lorsque chacun hautementVous prodigue la louange, Craignez de prendre le change,C'est peut-être un compliment. Les AUTEURS au Parterre. Avant que d'avoir parlé, Nous étions remplis d'audace:Mais le public assemblé,Change les choses de face.Nous craignons présentementQue, bien éloignés de rire, Chacun ne se mette à dire :Oh ! Le mauvais Compliment. ==================================================