******************************************************** DC.Title = COMPLIMENT fait à la clôture du Théâtre Italien, le samedi 14 Mars 1750. DC.Author = ROY, Pierre-Charles DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Compliment DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 26/04/2020 à 14:06:34. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/ROY_COMPLIMENT14MARS1750.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** COMPLIMENT fait à la clôture du Théâtre Italien, le samedi 14 Mars 1750. 1750 PERSONNAGES. MONSIEUR SOLY. MADEMOISELLE ASTRAUDY. ARLEQUIN. Extrait du Mercure de France, Mai 1750, pp. 177-185. COMPLIMENT. SCÈNE PREMIÈRE. Monsieur Soly, Mademoiselle Astraudy. MONSIEUR SOLY. Haranguer le Public ? Vous ! Quelle extravagance ! MADEMOISELLE ASTRAUDY. Monsieur, prenez un ton un peu plus radouci. MONSIEUR SOLY. Vous réglerez mon ton, je pense ! MADEMOISELLE ASTRAUDY. En faveur de mon sexe un peu de complaisance. MONSIEUR SOLY. Le sexe en tout pays n'a que trop de puissance ; Dans notre République il n'en est pas ainsi,Tout est dans la même balance. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Eh bien ! Ne suis-je pas Comédienne aussi ? MONSIEUR SOLY. La dernière venue iciMe dispute une préférence ? MADEMOISELLE ASTRAUDY. Mon âge est, comme on sait, l'âge de l'espérance,Et le Parterre a voulu de tout tempsFavoriser le germe des talents :Notre faiblesse attire l'indulgence. MONSIEUR SOLY. Eût on beaucoup d'expérience, L'indulgence est à désirer. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Moins j'ai d'acquit, plus je dois l'implorer.Ainsi le Compliment est à ma bienséance. MONSIEUR SOLY. Ah ! Ah ! Si le Public nous souffre avec bonté,Ce sera par votre éloquence. MADEMOISELLE ASTRAUDY. L'éloquence a l'air apprêté,Et contr'elle on est en défense ;Au moins l'ingénuitéÀ mon âge est naturelle ;Quand je promettrai du zèle, Beaucoup de docilité,Ce serment dans ma bouche a lieu d'être écouté. MONSIEUR SOLY. Votre jeunesse encor ! MADEMOISELLE ASTRAUDY. Ressource telle quelle. MONSIEUR SOLY. Dites tout : votre vanité Laisse en arrière la beauté. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Je ne m'en pique pas, et je me rends justice. MONSIEUR SOLY. La beauté ne fait pas l'Actrice. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Le Public seul la forme, et c'est par ses leçonsQue dans notre Art nous avançons. MONSIEUR SOLY. Et les auteurs aussi La belle découverte ! MADEMOISELLE ASTRAUDY. L'Auteur les prend de loin à loin :Mais pour nous tous les soirs c'est une école ouverte. MONSIEUR SOLY. On attend vos progrès. MADEMOISELLE ASTRAUDY. J'y mettrai tout mon soin. MONSIEUR SOLY. Croyez-vous en avoir besoin ? Vous dansez ; le mérite est léger et frivole ;Depuis qu'on vous a fait monterJusqu'à l'honneur de réciter,La présomption vous rend folle. MADEMOISELLE ASTRAUDY. La danse est de quelque secours. Sans elle ce théâtre aurait de mauvais jours. MONSIEUR SOLY. Pour votre compliment, faites la capriole. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Eh ! Mais, Monsieur, vous m'insultez. MONSIEUR SOLY. Je vous prie humblement me céder la place. MADEMOISELLE ASTRAUDY. C'en est trop, vous empiétezSur les droits du parterre : il fait justice ou grâce. C'est lui qui nous reçoit, c'est lui seul qui nous chasse. SCÈNE II. Arlequin, Mademoiselle Astraudy, Monsieur Soly. ARLEQUIN. Montrons nous. C'est à moi de les morigéner.Qu'est-ce donc ! Que de bruit ! Eh quoi ? Petits Comiques,Qui ne devez que badiner,Parbleu c'est bien à vous de vous passionner Sur le ton des acteurs tragiques ? MONSIEUR SOLY et MADEMOISELLLE ASTRAUDY. Écoutez-moi... ARLEQUIN. J'ai tout entendu de là-bas.Je vais vous accorder. MONSIEUR SOLY. Bel arbitre à vrai dire !Ah ! ARLEQUIN. Vous riez : je ne m'en fâche pas,Car j'aime assez à faire rire. Je sais concilier les plus aigres humeurs,Aux pieds de l'intérêt courber l'antipathie.J'ai mis ces jours passés d'accord deux procureurs, MADEMOISELLE ASTRAUDY. Comment ? ARLEQUIN. Par le profit, boussole des grands coeurs,L'un à l'autre vendit les droits de sa partie. Le lendemain je fis embrasser deux auteurs. . MONSIEUR SOLY. Le miracle est plus fort. ARLEQUIN. Après dix ans de guerreÀ l'aide du sifflet je sus les rapprocher :Tous deux également bafoués du parterre,N'eurent rien à se reprocher. Pour une opulente douairièreDeux Gascons allaient s'égorger,Je les rendis amis. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Eh ! De quelle manière ? MONSIEUR SOLY. Est-ce en les faisant partager ? ARLEQUIN. Non, c'est en leur montrant que chez la Trésorière Rien ne restait plus à gruger. MONSIEUR SOLY. Oui, l'intérêt cessant fait cesser la querelle ;Mais l'intérêt, l'honneur beaucoup plus cher que lui.Nous font disputer aujourd'hui. ARLEQUIN. Et vous dérangent la cervelle. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Sans offenser Monsieur. MONSIEUR SOLY. Sans me faire valoirAux dépens de Mademoiselle. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Je voulais donc... MONSIEUR SOLY. Je veux... ARLEQUIN. C'est à moi de vouloir. MONSIEUR SOLY. À vous ? ARLEQUIN. Et tous les deux rentrez dans le devoir. MONSIEUR SOLY. Ah ! Pour un Arlequin la phrase est bien hautaine. ARLEQUIN. Ah ! Nous ne sommes pas ici chez Melpomène.Là les plus grands héros, Turcs, ou Grecs, ou Romains,Européens, ou Mexicains,Sont alternatifs sur la scène ;L'un y succède à l'autre, et chacun a son tour : Ici j'ai toute la semaine,Point de pièces sans moi ; fête ou non, c'est mon jour :Partant je suis dans mon domaine.Et toute la troupe est ma Cour. MONSIEUR SOLY. Des gestes, des lazzi, science fort profonde ! L'habit, le masque joue. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Au moins il vous seconde,sans cela vous seriez à bout. ARLEQUIN. Que d'honnêtes gens dans le monde ,De qui le masque impose et dont l'habit fait tout !Mais voici du Public la dernière audience, Faut-il par nos débats lasser sa patience ?Il adoucit pour nous la rigueur de ses lois,Pour moi surtout, moi qu'il a tant de foisPrévenu de sa bienveillance,J'étouffe sous le poids de la reconnaissance. Je veux bien avec vous mettre en commun mes droits,Quoique sûr de la préséance.Ça parlons ensemble tous trois. MONSIEUR SOLY. Adieu, grand Orateur, adieu, je me retire ;Vous ne me laissez rien à dire. Il sort. ARLEQUIN, à Mlle Astraudi. Vous décampez aussi, je crois. MADEMOISELLE ASTRAUDY. Il ne l'emporte pas sur moi,C'est ce qui me console. ARLEQUIN. Oui triomphez, ma belle.Que voilà bien l'esprit femelle ! SCÈNE III. ARLEQUIN. Puisque le champ me reste, il faut avec éclat se tirer d'un pas délicat.Messieurs, je suis balourd, confus dans mon langage,Court de mémoire, dont j'enrage,D'autres diraient, un peu distrait,Assez enclin au verbiage, Ainsi que tous porteurs de robe et de bonnet,Mais se connaître en effetEst le chef-d'oeuvre du sage,Et du comédien surtout, dont l'apanage,Est de se croire parfait. Vous nous passez trop de défauts sans doute,Mais nous ne les adoptons pas.Nous nous corrigerons, Messieurs, quoiqu'il en coûte,J'en jure sur ce coutelas.Cet auguste serment est mon plus digne hommage. Je n'en dirai pas davantage.Le discours le plus beau déplaît par la longueur ;Après le créancier, est-il quelque visagePlus maussade qu'un harangueur ? Le défaut d'espace nous oblige de renvoyer au mois prochain le Compliment que Monsieur Roy a composé pour l'ouverture du même théâtre. ==================================================