******************************************************** DC.Title = LA SORCIÈRE, PARODIE DC.Author = SEWRIN, Charles-Augustin DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parodie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 29/03/2023 à 07:06:37. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/SEWRIN_SORCIERE.xml DC.Source = DC.Source.cote = BnF ARS 8-RF-35111 DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA SORCIÈRE PARODIE EN UN ACTE ET EN VAUDEVILLES DE MÉDÉE Représentée pour la première fois à Paris, sur le Théâtre de la CITÉ-VARIÉTÉS, le 27 Mars 1797. (vieux-style), 7 Germinal de l'an V. PRIX, 15 sous. 1797. PAR B. SEWRIN. De l'imprimerie de JAMAIN, rue Montmartre, n°. 124. PERSONNAGES. MONSIEUR BRIDON, Bailli. M. DUMONT. THYRCÉE, sa fille. Mlle. DÉSARNAUD. FAUSSETTE, amie de Thyrcée. Mme. BRUNET. FISTON, époux de Thyrcée. M. FRÉDÉRICK. BEBÉE, première femme de Fiston. Mlle. JULIE. ALIX, servante de Bebée. M. BRUNET. DEUX ENFANTS. CHOEURS DE PAYSANS, DE PAYSANNES. UN BEDEAU. UN MARGUILLIER. DEUX SERPENTS. QUATRE CHANTRES. MÉNÉTRIERS. SIX ENFANTS DE CHOEUR. TROIS DIABLES. La scène se passe dans un village. LA SORCIÈRE À droite est la maison du Bailli, à côté de laquelle set un petit pavillon ; à gauche est le portail de l'église ; dans le fond, çà et là, sont plusieurs meules de bled. SCÈNE PREMIÈRE. Thyrcée pleurant au milieu d'un groupe de villageoises. FAUSSETTE. AIR : De Malborouck. (lento).Qui cause votre peine ?Miron ton ton mirontaine, En choeur.Qui cause votre peine ?L'on va vous marier.Vous vous faites prier.... Mais j'ai tort de crier,Peut être la migraine,Miron ton ton, mirontaine, idem.Peut-être la migraineVient-elle vous gagner, Il faut, pour l'éloigner,Sauter,Rire, chanter :Oui, calmez votre peine,Mironton, ton ton, mirontaine, idem.Ah ! Calmez votre peine,L'on va vous marier. THYRCÉE. AIR : J'ai rêvé toute la nuit.J'ai fait un rêve la nuitQui de frayeur me saisît,J'en perdrai, je crois, l'esprit, Si, comme on le dit, bis.Souvent un rêve avertitDu danger qui nous poursuit. AIR : De la Fanfare de Saint-Cloud.Au seul nom de mariage,D'une fille, le coeur bat, Le feu lui monte au visage,Et le désir la combat.J'éprouve un effet contraire,Je crains, prenant un mari,Comme il est du choix d'mon père, D'avoir un mari transi ! FAUSSETTE. AIR : Et allons Gai.De votre coeur, ma chère amie,Chassez le chagrin,Plaise au ciel qu'en c'jour on m'mariePlutôt que demain. Toutes les jeunes filles prenant Thyrcée par la main et l'obligeant à sauter pour la distraire.Eh allons gai, réjouissez-vous,L'amour et la folieConviennent aux jeunes époux,Faites comme nous. Deuxième.Vous aurez dans votre ménage De petits enfants,Qui possèd'ront votre visage,Qui seront charmants, CHOEURS. Eh allons gai, réjouissez-vous,L'amour sied au bel âge, Eh allons gai, réjouissez-vous,Faites comme nous. THYRCÉE. Mes bonnes amies, vous faites, je le vois, tout ce qui dépend de vous pour me distraire, mais je vous préviens que vous n'y réussirez pas. À la première paysanne.Ma chère Faussette, tu as beau t'égosiller à perdre haleine, tu ne saurais éloigner de moi le présage funeste... FAUSSETTE. Toujours ce présage... Belle Thyrcée, trêve pour un moment, songez plutôt au bonheur que l'on vous prépare. THYRCÉE. Oui, mais ce bonheur me présage.... FAUSSETTE. Encore !... Ma fine, mamselle, puisque vous l'prenez toujours sur le même ton, voici Monsieur Bridon votre père qui sera sans doute plus disposé que nous à vous écouter. THYRCÉE. Ne me quittez pas, je vous en prie, j'ai besoin de votre amitié, le ciel un jour récompensera les soins qu'elle me prodigue. SCÈNE II. Les mêmes, Monsieur Bridon. BRIDON. AIR : Colinette au bois s'en alla.Ma chère fille, me voilà !Embrasse ton petit papa,Tra la deridera, tra la deridera, FAUSSETTE. Monsieur Bridon, vous n'savez pas,Qu'vot'fille se chagrine .... hélas ! BRIDON. Tra la deridera, tra la deridera.Ce chagrin làSe passera, Ce soir on laConsolera......J'en réponds mignonne ....Tra deridera la la la la la deridera.....Qu'au plaisir ton coeur S'abandonne,Songe à ton bonheur. THYRCÉE. AIR : Ne M'entendez-vous pas.Je ne l'puis sans frémir,Pardonnez, mon cher père,Si vot'fill'vous est chère, Ne la fait'pas mourir,L'hymen me fait frémir. AIR : Nage toujours, mais n't'y fie pas.Écoutez, vous allez me plaindre,J'vous vois déjà pâlir d'effroi,Cependant n'ayez rien à craindre, Ceci n'peut regarder que moi.Je dormais cette nuit dans ma chambre autant qu'il est permis à une jeune fille de dormir la veille d'un mariage, mon esprit était agité par plusieurs songes ; je vois Fiston mon prétendu, il me serrait avec une force.... Tout-à-coup une voix, une grosse voix, semblable à cella qu'vous prenez souvent s'est mise à crier :Gente fillette,D'main tu payeras,Tu paieras une forte dette,Un époux te r'çoit dans ses bras, Nage toujour[s], mais n't'y fie pas, bis. Deuxième.Une sueur froide et mortelleVint aussitôt glacer mon sang,Je tire mes rideaux, j'appelle...Je vois un spectre menaçant : Sa voix m'répète :Demain tu paieras,Tu paieras une forte dette,Un époux te r'çoit dans ses bras,Nage toujours, mais n't'y fie pas. bis. BRIDON. Bah, bah, ce sont des peurs d'enfants, ton imagination frappée t'a fait voir les choses du mauvais côté, tant mieux, tu n'en auras après que plus de plaisir, tu seras surprise agréablement... Mais assieds-toi sur cet escabelle, tu vas voir paraître Fiston qui revient à la tête des garçons du village... Il nous apporte cette toison en question... THYRCÉE. Cette toison, mon père, me présage... BRIDON. Ne crains-tu pas que Bebée, la première femme de Fiston, revienne ici pour te donner du taintoin, oh ! J'ai ordonné, si jamais elle s'avisait d'approcher, qu'on lâchât après elle tous les chiens du village. THYRCÉE. C'est que c'est une si méchante femme..... BRIDON. Je le crois, elle a rossé son père, sa mère, ses frères, ses soeurs, elle a rossé tout le monde ; aussi voilà pourquoi Fiston, qui est d'une bonne pâte, n'a pas voulu demeurer plus longtemps avec elle.Il a divorcé et amené chez moi ses deux enfants, à qui je prétends donner une éducation soignée ; l'un sera magister, et l'autre, si, par hasard tu ne me donnes pas de petits fils, me remplacera dans ma charge de bailli. THYRCÉE. Pour en revenir encore à cette Bebée, mon père, ne dit-on pas qu'elle est un peu sorcière ?... BRIDON. Air : Des Fraises.Oui, malgré son tourbillon,Elle a connu Descartes,Elle a pénétré Newton,Elle sait tirer, dit-on,Les cartes, les cartes, les cartes. Deuxième.Mais de ton esprit enfinQue ce grand jour l'écarte,Garde-toi, mon chérubin,De perdre en si beau cheminLa carte, la carte, la carte. Dans tous les cas Fiston saurait te la faire retrouver... Le voici... J'entends la marché, assieds-toi là, et moi ici... à tes côtés. SCÈNE III. Les précédents, les jeunes filles se rangeant sur les côtés. L'orchestre joue l'air : ON VA LEUR PERCER LES FLANCS. La marche commence par plusieurs garçons qui portent des branches d'arbres, ensuite on voit un petit bateau porté sur un brancard par quatre jeunes gens. Vient après FISTON, endimanché avec des rubans à sa boutonnière, il tient dans sa main un petit sabre de bois tel qu'on en voit aux enfants, derrière FISTON, on voit une peau de mouton avec ses cornes, portée par un homme plus âgé que les autres, le cortège défile devant THYRCÉE, et BRIDON, l'on dépose le petit bateau sur un banc de pierre à la porte dela maison du bailli, et la toison se place au-dessus de la tête de ce dernier. CHOEURS. On leur a percé les flancs,En plein, plan, ran tan plan, tire lire ran plan,On leur a percé les flancs,Maint'nant nous pouvons rire. FISTON, devant Thyrcée. Ran tan plan tire lire, Vous pour qui je soupire,Acceptez ce beau présent,En plein, plan, ran tan plan, tire lire ran plan.Acceptez ce beau présent,Objet de mon martyre. Ran tan plan tire lire,Si j'avais un Empire,J'vous l'offrirais égalementEn plein, plan, ran tan plan, tire lire ran plan.J'vous l'offrirais égal'ment Je n'me l'ferais pas dire. CHOEURS. On leur a percé les flancs,En plein, plan, ran tan plan, tire lire tan plan,On leur a percé les flancsMaint'nant nous pouvons rire. Pendant tout ce morceau, les garçons ont marqué la mesure avec leur pieds. THYRCÉE, se levant précipitamment de son siège. AIR : des trembleurs.Ah grands Dieux !... Est-il possible !Qu'il est grand ! Qu'il est terrible !Qu'il est laid ! Qu'il est horrible !Éloignez-le de mes yeux. BRIDON. Qui donc ?***************** Erreur dans l'interprétation du texte (ligne 372, programme : edition_txt_TOUT.php)Ce n'est pas moi peut-être, cher beau père.... THYRCÉE. Il me glace d'épouvante, J'entends sa voix menaçante,Il me presse, il me tourmente,Fuyons de ces tristes lieux, FISTON. Dites-donc, beau père, savez-vous c'qui lui passe com'c'd par la tête ? BRIDON. Tu ne le sais pas ? FISTON. Non. BRIDON. Eh bien ? Ni moi non plus. FISTON. Même air.On dirait sur ma paroleQue votre chèr'fille est folle, Mais qu'importe, j'en raffole,Mariez-nous à l'instant. BRIDON. Ce n'est qu'un enfantillage,Elle a peur du mariage,Mais tu la rendras plus sage, Demain tu seras content.Et puis, ne s'est-elle pas mis dans l'idée que Bebée reviendra ? FISTON. Ah ! J'entends... Beau père, terreur panique, crainte chimérique... Mamselle, vous pouvez être bien tranquille, quand même elle reviendrait, rien ne pourrait me séparer de vous... Pas si bête que de r'tourner avec c'te femme... C'est un démon, elle serait capable de me tordre le cou... Rassurez-vous, notre divorce est bien prononcé, il y avait incompati..bi...tibilité d humeur. BRIDON. Je te l'avais bien dit : Il déclame.Écarte loin de toi ce présage funeste,Reposons-nous plutôt sur la bonté céleste,Et laissons à ces Dieux qui doivent vous unirLe soin de dévoiler un douteux avenir. AIR : Monsieur de Catinat.Soyez heureux, enfants,Enfants, soyez heureux,Soyez heureux, enfants,Enfants, soyez heureux,Soyez heureux, enfants, Enfants, soyez heureux,Soyez heureux, enfants,Enfants, soyez heureux, FISTON. Nous ne manquerons pas de l'être après cela, cher beau-père, tu Dieu ! c'est pis qu'des litanies.... Ça ressemble comme deux gouttes d'eau à la fin d'une grande chanson qu'mon cousin a composée l'aut'jour. SCÈNE IV. Les précédenTs, un paysan. LE PAYSAN. Monsieur l'bailli, il y a là une femme qui veut absolument vous parler. BRIDON. Son nom. LE PAYSAN. Je ne connais pas plus son nom que sa figure, car elle a la tête enveloppée dans un capuchon, c'qui m'a paru d'abord un peu suspect... J'n'ons entendu que sa voix, elle est belle et si belle qu'elle m'a pénétré l'âme, et que j'n'ons pu lui refuser c'qu'elle a demandé. Elle est ici près qui vous attend. BRIDON. À part.Si c'était..... THYRCÉE. id. Je tremble. FISTON. id. Gare le remue-ménage ! LE PAYSAN. La voilà ! SCÈNE V. Les mêmes, Bebée (déguisée en pelerine, et la tête cachée dans son capuchon. [BEBÉE]. Monsieur le bailli, vous voyez une femme excédée de fatigue, et qui vient vous demander la permission de rester quelque-temps dans ce village, pour tâcher d'y gagner sa pauvre vie... FISTON. À part. Cette voix... Aih ! aih ! aih ! J'ai le frisson !... BRIDON. C'est impossible, il est défendu aux étrangers, et aux gens sans aveu de... BEBÉE. Eh bien, je viens réclamer l'époux que vous m'avez enlevé.... TOUS. Qu'entends-je ? BEBÉE, ôtant son capuchon. C'est moi !... À Fiston.Me reconnais-tu, traître. TOUS. Que vois-je ? Tous les personnages des choeurs saisis d'étonnement, se groupent dans des postures grotesques, et doivent former un tableau comique. FISTON. AIR : messieurs les démons.C'est elle !... M'y serais-je attendu ?À mon s'cours !... Papa, je suis perdu. BRIDON. Sortez, il est son prétendu,Il ne vous sera point rendu. FISTON à Bebée, qui le tire par le pan de son habit. Efforts superflus !Je n'vous aim'plus. BEBÉE. Viens, tu partiras, Tu me suivras,Tu partiras. FISTON. Je l'répète encor,Vous avez tort. BEBÉE. Non, tu partiras, Tu me suivras,Tu partiras. FISTON. Ô ciel ! M'y serais-je attendu ?Si j'vous suis, j'veux être pendu. BRIDON et LES CHOEURS. Sortez, il est son prétendu, Il ne vous sera point rendu. BEBÉE. Jour de Dieu !... Il ne tient à rien que je ne t'arrache les deux yeux... Que je n'étrangle ma rivale, et que je ne fasse repentir le beau père de sa sotte pitié. BRIDON. Viens, ma fille, je ne veux point avoir de démêlé avec cette Mégère. BEBÉE. Mégère !... Je pourrais d'un seul mot...Mais je sais me contraindre,Un tyran qui n'est pas à craindre..........Est indigne de moi. BRIDON. Nous sommes de trop dans cette scène Aux choeurs. et vous aussi, allez-vous en, mais tenez-vous prêts au premier signal... Toi. Fiston, tire-toi de là comme tu pourras... Je te laisse avec elle, tu viendras me rejoindre au logis, et nous irons tout de suite vous marier à l'église. FISTON. Laissez faire, laissez faire... Je m'en vais lui river son cloud comme il faut. AIR : Charmante Gabrielle.Elle crie, elle peste,Elle s'emporte fort,Mais en effet je reste,Pour lui dir'qu'elle a tort.Je la rendrai traitable, J'en ai l'espoir,Ou bien all's'rait plus diableQue vous êt'noir. SCÈNE VI. Fiston, Bebée. BEBÉE. AIR : Que ne suis-je la fougère.Infidèle, ingrat, perfide,Parjure, traître, menteur, Dis-moi quel transport te guide,Homme sans foi, sans honneur.Si j'en croyais ma colère.....Non, je te pardonne encor,Je suis bonne ; je suis mère, Reviens partager mon sort. Deuxième.Nous irons sur la fougèreNous promener de nouveau,Là, tu me diras, ma chère,Que le ciel me semble beau ! Regarde sur ce feuillageCes oiseaux se becqueter,Du bonheur voilà l'image !Il nous faut les imiter. FISTON. AIR : On ne peut aimer qu'une fois.Lisez au fond de votre coeur, Et rougissez, Madame,Tenez, je vous l'dis sans humeur,Vous êt'un'méchante femme.Je connais toutes vos noirceurs,La main qui me caresse Cache sous de fausses douceursLa griffe d'un'tigresse. BEBÉE. AIR : Un cordelier de riche encolure.Le scélérat !... Il méprise mes larmes,Résiste à mes charmes,Tu verras trop tard Le pouvoir de mon art.J'abaisserai l'orgueil que ma rivaleÀ mes yeux étale,Vous sentirez tousL'effet de mon courroux. FISTON. AIR : Du serein.Bon, bon, madame, c'te menace,Ne saurait me faire trembler,C'est moi qui veux bien vous fair'grâ ceTâchez donc de vous en aller. BEBÉE. Fiston, puisque rien ne te touche, Rends-moi du moins mes chers enfants. FISTON. Dieu m'en gard', cet oeil faroucheDévoil' vos plus s'crets sentiments.Je vous l'dis encore pour la dernière fois, Madame, vous ne les aurez point... Quand ils étaient en vos mains, vous en fouettiez du matin au soir ; Monsieur Bridon, mon beau père, les protège et en fera des gens d'esprit comme lui. BEBÉE. Soit... Tu es inflexible, mais...Tu te repentiras de m'avoir abusée,D'avoir en ce moment méprisé mon ardeur. Souviens-toi de ce mot : une seule journéePeut d'un règne brillant effacer la splendeur. FISTON. Je me moque de vos sentences et de vos rebus, adieu... SCÈNE VII. Bebée, Monsieur Bridon. BRIDON à Bebée. Comment !... Vous n'êtes pas encore partie... À Fiston qui s'en va. Retourne auprès de ma fille.... On t'attend... Le bedeau et le marguillier sont arrivés... Nous allons nous mettre en marche. À Bebée. Pour vous, si vous restez encore deux minutes ici, je ferai exécuter les ordres que j'avais donnés. BEBÉE. Monsieur le bailli, écoutez-moi de grâce, je me jette à vos genoux... Où voulez vous que je porte mes pas ?... J'erre depuis si longtemps dans les montagnes, dans les forêts... Ayez pitié de la faiblesse d'une femme... Qu'aurez-vous à craindre en me laissant habiter ce village ?... BRIDON. Non, non, je ne me fie pas à vous... Je sais que vous vous mêlez un peu de la magie... Que vous connAissez les secrets du petit Albert, je n'aime point le voisinage des personnes qui sont en correspondance avec le diable... BEBÉE. Eh bien ?... Je ne vous demande qu'un jour.... Si demain à la même heure vous apprenez que je ne sois point partie, vous userez envers moi de la dernière rigueur. BRIDON. AIR : N'en demandez pas d'avantage.Allons, je le veux, j'y consens,Mais du moins tâchez d'être sage,Je cède à vos désirs pressants, Vous resterez dans le village.....,Un jour seulement,Souvenez-vous en,Et ne restez pas d'avantage. bis. Il sort. SCÈNE VIII. BEBÉE, seule. même air. Deuxième.J'éclaterai donc à mon tour, Cet espoir déjà me soulage,Je n'avais besoin que d'un jour,Ce jour suffisait à ma rage.....Pour venger l'affrontQu'on fait à mon front Il ne m'en faut pas d'avantage. bis. Troisième.Misère, désespoir, fureur,Poison, chagrin, tempête, orage,Haine, souci, peste, terreur,Jacobins, vous et votre rage, Venez dans ce jourVenger mon amour,Ah ! Je n'en veux pas d'avantage. bis. SCÈNE IX. Bebée, Alix. ALIX. Ah ! Vous voilà ma pauvre maîtresse.... BEBÉE. Je ne t'attendais pas, Alix, mais va-t-en, je n'ai pas besoin de toi, pour ce que tu as à me dire ou à me chanter... Au surplus tiens-toi dans ce coin là bas, pendant que je serai cachée ici, je t'appellerai quand il le faudra. On entend sur le serpent, cinq six mesures de la marche qui suit ; ALIX va s'asseoir dans le fond sur une borne où elle s'amuse à tirer les cartes, et BEBÉE se cache sur le devant à droite, derrière un tas de pierres. SCÈNE X. MARCHE DES ÉPOUSAILLES. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. AIR : Grégoire est mort. [ENFANTS DE CHOEUR]. CANON.Ah quel bonheur !Quelle douceur ! Chantons, chantons dans ce grand jour,Vive l'hymen ! Vive l'amour !Plus de chagrin, jeunes époux,Que votre sort fait de jaloux !Ah quel bonheur ! Quelle douceur ! Tout le cortège entre dans l'église, à l'instant où THYRCÉE passe, BEBÉE fait un geste qui exprime sa fureur. Quand le cortège est entré, BEBÉE reste dans un profond anéantissement, et l'on entend jouer dans la coulisse l'air FRÈRE JACQUES en canon. Si l'on veut les cloches ici peuvent faire un carillon. FISTON, dans la coulisse. AIR : Tous les hommes sont bons.Je vous fais le sermentD'êtr'toujours bien constant,Bien gentil, bien aimant,Caressant et bien franc, Confiant, complaisant,Bien fidèle,De vous, ma chère moitié,J'ose attendre une amitiéÉternelle. BEBÉE. C'EST FAUX !.... LE LÂCHE !... COMBIEN DE FOIS NE ME LES A-T-IL PAS FAITS, CES SERMENTS.... J'ÉTOUFFE DE DÉPIT. AIR : Des Visitandines.Ah ! Pauvres dupes que nous sommesFions-nous encore aux sermentsAux belles promesses des hommes,À leurs langages séduisants. bis.L'exemple tous les jours l'annonce, Vingt serments ne coûtent plus rien,Le coeur s'en dégage fort bien,Ce n'est plus lui qui les prononce. L'orchestre joue l'air : Allez vous en gens de la noce : LES CHOEURS sortent de l'église, s'en retournent en sautant et Et gai, gai, gai, jeunes époux,Voilà la noce faite ! Et gai, gai, gai, jeunes époux,Que ce moment est doux. FISTON. Gentilles Bergerettes !N'ayez point de chagrin,Vous serez satisfaites, Vot'tour viendra demain : CHOEURS. Et gai, gai, gai, jeunes époux,Voilà la noce faite !Et gai, gai, gai, jeunes époux,Que ce moment est doux. BEBÉE, à part sur le devant. Le perfide me traiteAvec profond mépris,Mais ma vengeance est prête,Demain adieu les ris. CHOEURS, rentrant dans la maison du BAILLI. Et gai, gai, gai, jeunes époux, Voilà la noce faite !Et gai, gai, gai, jeunes époux,Que ce moment est doux. SCÈNE XI. Bebée, Alix. BEBÉE. Alix, tu peux paraître... J'ai une commission à te donner... Va vite chercher cette robe de siamoise que j'ai achetée, il y a quelque-temps, à une bohémienne ; tu la porteras à ma rivale, tu lui diras que je n'ai plus de haine, et que pour gage de ma sincérité, je lui envoie ce présent de noce.... Va vite, ne perds pas une minute. ALIX. Mais cette robe... BEBÉE. Aussitôt que ma rivale l'aura mise, elle sentira des démangeaisons qui.... Va, ne réplique plus, je me repose sur ton zèle et sur ton amitié. Alix sort. SCÈNE XII. BEBÉE, seule. Prenons actuellement une baguette magique, voici l'instant d'évoquer les démons, et de les rendre soumis à mes ordres. Elle décrit plusieurs cercles par terre avec sa baguette. AIR : Entends ma voix Caron t'appelle, (d'Alceste).Accourez tous, je vous appelle. AIR : Sur le bruit de vos talents.Démons, soyez vigilants, Quittez la demeure sombre,À mes voeux les plus ardentsCédez pour quelques instants.Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan,Ce soir, lorsque viendra l'ombre, Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pa ?Vous vous montrerez céans. SCÈNE XIII. Bebée, Fiston, Alix, tenant deux petits enfants par la main. FISTON. Madame, j'ai encore pitié de vous... Avant d'vous éloigner de ces lieux, vous aurez la consolation d'embrasser vos enfants... Je vous les amène, et les laisse un quart d'heure, pas plus, entre vos mains ; je suis marié... C'est fini, Madame, ne formez plus de voeux inutiles... Quelques sentiments qu'vous ayez pour moi, il ne m'est plus permis de les partager.... Adieu... Alix, vous me les ramènerez, ces chers filiots, dans un quart d'heure, entendez-vous ? SCENE XIV. Bebée, Alix, Les deux enfants. BEBÉE. Alix, ton amitié douce et compatissante, Il n'en faut point douter, a rempli mon attente ?... ALIX. Vous jouirez bientôt d'un triomphe complet, De mon zèle bientôt vous connaîtrez l'effet ;Le présent est reçu, j'ai vu votre rivaleSe parer à mes yeux de la robe fatale. BEBÉE. Ah ! Je respire !... Et ces enfants.... Elle lance des regards furieux sur les enfants. Il sont enfin en mon pouvoir.... ALIX. Eh bien, mes amis, vous n'dites rien... Allons, mes petits... Jasons.... BEBÉE. Le traître !... Il leur a défendu de parler... Je les tiens, je les tiens, il ne m'échapperont pas... Je pourrai à loisir assouvir sur eux ma haine et ma vengeance... Oui. Je les punirai des sottises de leur père... Mon courroux s'enflamme, ma rage augmente... Le désespoir m'entraîne... Vengeons-nous. Elle tire de dessous sa robe une poignée de verges, et elle s'apprête à fOuetter ses enfants. ALIX. Ciel ! Qu'allez-vous faire ?.... BEBÉE, laissant tomber les verges. Dieux !... Nature !... Tendresse !... Je frémis... Les armes me tombent de la main... Alix, cache-les, cache-les, cache les... Eh bien ? Tu ne les caches pas, tu ne les soustrais point à ma fureur, tu ne crains pas que mon bras de nouveau... ALIX emmène les enfans et marche lentement. Pardonnez-moi, ma chère maîtresse, vous voyez bien que je les emmène.... Elle entre avec eux dans le petit pavillon. SCÈNE XV. BEBÉE, seule. [Note : À partir de cette scène XV, la numérotation des scènes n'est pas conforme.]Mais... Quand j'y pense... D'où me vient cette indigne faiblesse ?... J'avais l'occasion la plus belle de me venger, et mon bras a pu balancer un instant... Je ne me reconnais plus... Par quelle route la pitié est-elle entrée dans mon coeur ?... De la pit[i]é !... Je n'en ai point eue, je rougirais d'en avoir... Si j'ai suspendu ma vengeance, j'avais de bonnes raisons pour cela.... Allons, reprenons cette arme redoutable... Elle reprend les verges.[Note : Quinquet : Lampe à huile conçue en 1780.]Nature !... Je suis sourde à ta voix... Tendresse ! Fuyez, fuyez loin de mon coeur... Ne me parlez plus, je ne vous écoute plus... Démons, apprêtez-vous à jouer vos rôles, baissez les quinquets, faite la nuit, l'instant approche, frappons, frappons, l'heure de la vengeance est sonnée. Elle entre dans le pavillon. SCÈNE XVI. Fiston dans la coulisse d'abord, et sur la scène avec les choeurs, au Ve. vers. FISTON. Quel désespoir !Ô trop malheureuse Thyrcée ! Quel désespoir !Grands Dieux ! Qui pouvait le prévoir ? Sur la scène.Amis, cherchons Bebée,Qu'elle me rende mes enfants,Je crains que l'insensée Ne frappe ces p'tits innocenTs. CHOEURS. Quel désespoir !Ô trop malheureuse Thyrcée !Quel désespoir !Grand Dieux ! Qui pouvait le prévoir ? SCÈNE XVII. Les mêmes, Alix sortant du pavillon. ALIX. Vous me voyez troublée,Vite entrez dans ce cabinet,La méchante BebéeÀ vos enfants donne le fouet. CHOEURS. Quel désespoir ! Il faut arrêter l'insensée,Quel désespoir !Vit-on jamais un coeur plus noir ? FISTON se dispose à entrer dans le pavillon, BEBÉE en sort tout-à-coup. SCÈNE XVIII. Les précédenTs, Bebée habillée en noir, sa robe est parsemée de pleurs et d'ossements. Trois diables l'entourent. BEBÉE. Une femme offenséeN'écoute rien dans ses fureurs, Tremble, époux de Thyrcée,Tremble, j'ai trouvé des vengeurs. On entend un grand bruit, et aussitôt le feu prend au pavillon et aux meules de bled. FISTON et les choeurs s'avancent sur le devant de la scène. FISTON, au parterre. Quel désespoir !Messieurs, sauvez-vous d'la fumée,Quel désespoir ! Jusqu'au plaisir de vous revoir ! LES CHOEURS répètent en fuyant. SCÈNE XIX et dernière. Les précédents, Bridon. BRIDON. Un moment !... Un moment, s'il vous plaît, cette fin à est beaucoup trop brusque... Il est des personnes à qui cela ne plairait point... Il faut, autant que faire se peut, contenter tout le monde... Je suis donc d'avis, qu'avant de se retirer, chacun de nous chante son petit couplet... Ergò : je commence, et vous aussi, Bebée, renvoyez ces vilains messieurs-là, vous ne nous quitterez qu'amicalement. AIR : Femmes, voulez-vous éprouver ?En France depuis quelque-tempsL'on a bien changé de méthode,La mise des honnêtes-gensAux fripons a paru commode. Un sot contrefait le savantMomus partout singe Thalie,Un valet fait l'homme importantAujourd'hui tout est parodie. bis. FISTON. Nous avons vu le savetier Se parer du nom de Scévole,Nous avons vu le perruquierSinger Brutus au capitole :Sous un costume grec, romain,Lisette singe Cornélie, [Note : Lekain : Henri-Louis Caïn, dit, (1729-1778), célèbre tragédien.]Et moi je veux singer Lekain,À présent tout est parodie. bis. ALIX. Frontin, Picard, Gros-Jean, Lafleur,Garçons d'office ou d'antichambreTranchent maint'nant du gros seigneur, A leur tour se parfument d'ambre,Excepté le pauvre rentier,Qu'son état vraiment humilie,Chacun veut faire un aut'métier,Ici bas tout est parodie. bis. BEBÉE. Auteurs de l'ouvrage charmantQu'aujourd'hui tout Paris admire,Pardonnez, si pour un momentChez vous nous cherchons de quoi rire.Nous célébrerons en tout temps Le vrai mérite, le génie,L'on peut rendre hommage aux talentsSans exclure la parodie. bis. ==================================================