******************************************************** DC.Title = LE PROCÈS DES PRÉCIEUSES EN VERS BURLESQUES, COMÉDIE DC.Author = SOMAIZE, Antoine Baudeau de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:07:47. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/SOMAIZE_PROCESPRECIEUSES.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k711060 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE PROCÈS DES PRÉCIEUSES EN VERS BURLESQUES COMÉDIE M. DC. LX. AVEC PRIVILEGE DU ROI. PAR Mr SOMAIZE. À PARIS, Chez ESTIENE LOYSON, au Palais, à l'entrée de la Galerie des Prisonniers, au Nom de Jésus.Achevé d'imprimer le 12 juillet 1660. MADAME, Après avoir quelque temps douté si je différerais les preuves de mon respect pour vous en donner de plus considérables, ou si je me hasarderais de vous le témoigner par l'offre d'une bagatelle : je me suis enfin laissé persuader que je ne pouvais avec trop d'empressement chercher les moyens de vous en donner des marques ; mais comme il me semblait presque impossible qu'elles vous fussent considérables sortant de mes mains ; j'ai cherché dans les agréments d'un style burlesque de quoi réparer mon peu de mérite, et ne me sentant pas assez fort pour vous plaire par la beauté de mes pensées, j'ai voulu vous empêcher de songer à ma faiblesse, et réparer ce défaut par la plaisanterie de mes imaginations : En un mot, MADAME, je me suis résolu de vous offrir une Comédie, n'osant pas vous présenter un Ouvrage sérieux. Dans cette entreprise je n'ai point d'autre but que celui de vous divertir, et de vous faire connaître que je me souviens de ce que je vous dois. J'avoue que c'est me charger d'une nouvelle obligation que de vouloir m'acquitter ainsi ; mais il est bien malaisé de n'être pas toujours redevable à celles qui vous ressemblent ; aussi me fondai-je entièrement sur votre bonté. C'est une de vos vertus, MADAME, et vous n'avez pas acquis moins de réputation dans la Cour par elle, que par toutes vos autres bonnes qualités. Je m'abuserais moi-même si je prétendais en faire ici le dénombrement. Trop de choses vous ont rendue recommandable durant que vous avez été auprès de la plus auguste et plus vertueuse Reine qui ait jamais porté la Couronne pour me laisser le moyen de l'oser entreprendre ; aussi ne m'y hasarderai-je pas ; et tout le témoignage que je veux rendre à une vertu connue de tout le monde, c'est que dans ce lieu où votre naissance vous avait appelée ; dans ce lieu dis-je où la médisance n'épargne personne, votre vertu lui a si bien fermé la bouche que les plus médisants ne l'ont jamais ouverte que pour publier que vous étiez la plus sage et la plus vertueuse personne de la Cour ; et dans ce lieu ce n'est pas peu de chose de conserver tant d'estime avec tant de beauté. Cependant ce qui pour lors était vrai ne l'est pas moins à présent, au contraire on peut dire que vos vertus brillent avec plus d'éclat : mais dans cette estime générale de tous ceux qui vous connaissent souvenez-vous de cette générosité par où vous l'avez acquise. C'en est une bien grande, MADAME, de regarder de bon oeil les choses qui sont au dessous de nous, et c'est celle dont je vous prie de vous servir en mon endroit, me permettant de me dire avec respect, MADAME, Votre très humble et très obéissant serviteur, SOMAIZE. AU LECTEUR. Je te donne ici un Procès, dont le sujet est si nouveau, que malgré toute l'antiquité de la chicane, on n'en avait point encore vu de semblable au Palais : il s'y est fourré comme en son pays natal, et bien qu'il soit né dans un lieu fort tranquille, il n'a pas laissé de passer dans celui du trouble et de l'embarras. En vain j'ai tâché par raison de le retenir, la démangeaison d'avoir ton jugement m'a forcé de l'exposer à recevoir de toi un Arrêt moins favorable que celui que mes amis en ont porté. Je n'en appellerai point, et ne croirai pas même que tu me fasses d'injustice en le condamnant : mais comme tu peux lui être contraire par plusieurs raison, il me semble assez juste de te dire ce que la liberté du Poème Burlesque y a rendu raisonnable ; qui est premièrement l'expression qui dans ces sortes de Comédies, fait une partie du plaisant, et reçoit toutes sortes de façons de parler. Le sujet ensuite qui dépend entièrement de l'imagination, et qui n'a besoin pour être reçu que du passeport de la vraisemblance. Il serait besoin ici de faire un long discours pour expliquer ce que c'est que vraisemblance ; mais pour te le dire en deux mots, c'est tout ce qui, bien qu'extraordinaire par sa nouveauté, tombe néanmoins assez dessous les sens pour persuader à l'esprit que cela peut arriver sans renverser l'ordre établi dans le cours des choses. Ce qui dépend souvent bien plus de l'arrangement des actions, que des actions même. Peut-être m'accuseras-tu d'y avoir manqué précipitant en un jour un procès, qui selon la coutume des Modernes dure pour l'ordinaire des six mois : mais le Théâtre peut bien donner cette licence, puisque la raison et l'utilité voudraient qu'ils ne fussent pas plus longs, outre que ceci étant plutôt un arbitrage en forme, qu'un jugement réglé. Il ne faut pas s'étonner qu'il aille si vite, aussi n'est-ce pas là de quoi je veux le plus me défendre, et les scènes déliées qui sont présentement tout à fait condamnées dans les pièces régulières, et que j'ai laissé passer dans cette Comédie, me fourniraient une ample matière, d'apporter quantité d'excuses, ce que je ne ferai pourtant pas, croyant qu'elles ne sont pas tout à fait condamnables dans une pièce burlesque, qui est proprement un ouvrage ou tout est permis, pourvu qu'il fasse rire. Comme je te l'ai donné pour te divertir, je te pris si tu ne le trouves pas assez plaisant de te donner quelque jour de patience, j'en exposerai un autre à ta censure qui pourra réparer les défaut de celui-ci ? Ce sera la Pompe funèbre d'une Précieuse, avec toutes les cérémonies de ce fameux Convoi ; que ces termes de lugubres et funestes ne t'épouvantent point, car je puis t'assurer que cet enterrement n'aura rien de triste que son nom. ACTEURS RIBERCOUR, Gentilhomme Manceau et député de ce Païs. ROGUESPINE, son valet. THEOCRITE, Professeur és langues Espagnole, Italienne et Françoise. PANCRACE, Professeur de la langue Pretieuse. ERGASTE, écuyer de Madame_la_Duchesse de … UN GREFFIER. PATRICE, Juge se disant de l'Academie Françoise. ANAXARITE, Juge se disant de l'Academie Françoise. ARISTIME, Juge se disant de l'Academie Françoise. EPICARIE, Deputée du Corps des Pretieuses. SA SUIVANTE. RODOGINE, écolière, qui vient apprendre à parler Pretieux. La Scène est à Paris Texte établi à partir de l'édition critique de Léa Delourme Pour Paris-Sorbonne et de l'exemplaire numérisé de Gallica, cote Rés. Yf-4128 de la BnF. SCÈNE PREMIÈRE. Patrice, Epicarie. EPICARIE, en appelant Patrice. Hem, ou courez-vous de ce pas ? PATRICE. Ma foi, je ne vous voyais pas,Et j'allais chez vous pour vous dire,De vous apprêter à bien rire.Notre homme, enfin arriva hier, Et m'est déjà venu prierDe lui répondre sa requête,Regardez si vous êtes prête,Et si vous avez aujourd'huiLe temps de plaider contre lui ? EPICARIE. Oui j'ai toujours le temps de rire ;Mais il ne saura que nous dire,Il le faut laisser reposerSi nous voulons l'ouïr jaser ;Car je crois qu'il aura sans doute Tout oublié pendant sa route. PATRICE. Croyez-moi, si l'on le surprendLe plaisir en sera plus grand,Et nous le verrons se confondreSans savoir par où nous répondre. Mon Dieu ! Qu'il sera tantôt sot ;Tous nos gens ont déjà le mot,Et je vous donne ma paroleQue chacun jouera bien son rôle,Et que professeurs, et sergents Ne paraîtrons pas négligents ;Mais marchons je le vois paraître. SCÈNE II. Ribercour, Roguespine. ROGUESPINE. Parbieu c'est bien avoir mon maître,De plaider la démangeaison,Qu'en poste quitter sa maison Pour venir à Paris, se rendreAvecque dessein d'entreprendreContre des femmes un procès,(Dont j'augure mal du succès)Et cela dites-vous à cause Que leur bouche, n'est jamais clause,Et qu'elles parlent que je croisLe langage des des… ma foiCe mot n'est plus dans ma mémoire,Il n'est plus dessus mon grimoire, Et ce nom, ce diable, de nom,Qu'on dit avoir tant de renom,À retenir fait tant de peine,Que je l'ai laissé dans le Maine ;Mais sans doute qu'il nous viendra Quand vos chapons, l'on enverra ;Car l'on doit dans cette occurrenceVous en envoyer pour la panseDe Monsieur, votre procureur ;Puisqu'enfin il faut qu'un plaideur, S'il craint de son procès la perte,Ait sans cesse la bourse ouverte. RIBERCOUR. Les Nobles du Mans par bontéM'ayant dans Paris, députéPour empêcher dedans la langue, Par une belle et bonne harangue,L'hérésie qui va passer,Et qui commence à se glisserDedans tout le pays du Maine ;Prendront assurément la peine De m'envoyer force présents,Qui seront plus que suffisantsPour me faciliter l'entrée[Note : Astrée : Dans la mythologie grecque, fille de Zeus et de Thémis avec qui elle représente la Justice. C'est aussi un roman fleuve inachevé d'Honoré d'Urfé paru de 1607 à 1633.]Auprès des directeurs d'AstréeEt qui me donneront moyen De mener mon procès à bienEt d'avoir (puisque je m'en pique)Un arrêt célèbre, authentique,Contre ces jaseuses enfinQue je hais plus que le lutin, Et que l'on nomme Précieuses ;Mais non pas pour être amoureuses. ROGUESPINE. Ah ! Voilà justement ce motQui si longtemps a fait le sot,Et qui pour moi, chose nouvelle, M'a fort embrouillé la cervelle ;Mais puisque je le tiens enfinMonsieur, sans attendre à demain,Malgré toute la procédureApprenez-moi, je vous conjure Pour quelle importante raisonL'on les appelle de ce nom,Et pourquoi ? Par toute la terreOn aime à leur faire la guerre ? RIBERCOUR. Ah ! Je vois bien que tu seras Curieux, tant que tu vivras,Et que même en la sépultureTu le seras encor, je jure. ROGUESPINE. Mon Dieu ! Qui ne le serait pasL'on l'est bien pour un moindre cas : Depuis six ans, le monde en cause,Je n'entends rien dire autre chose,Ce mot en Province a grand cours,De lui les Dames, tous les joursEn disent toutes des plus belles, Et dés lors que quelques unes d'ellesS'en vont faire un tour à Paris,Aussitôt, aux plus favoris,De même qu'aux plus favoritesDedans des lettres bien écrites Elles protestent que Paris,Charme tous les plus grands ennuis,Que l'on y rit des Précieuses,Qu'elles n'y sont pas fort heureuses,Que l'on en a pour cent raisons Imprimé de toutes façons ;Enfin dans Paris, dans le Maine ;Dans Lyon, dans Turin, dans Gênes,Et dans seize mille autres lieuxPrécieuses et Précieux Font l'entretien de maintes-belles,Des Suivantes, des Demoiselles,Et le vieux, le jeune, et le sot,Veut là-dessus dire son mot.Ne serait-ce point quelque fable, La chose me paraît croyable,J'ai souvent le goût raffiné ;Et je crois avoir deviné ;Car l'on n'imprime point des femmes. RIBERCOUR. Ce sont les Mots, que font les Dames, [Note : Lourdaud : Personne lourde d'esprit et de corps. [L]]Que l'on imprime aussi, lourdaud. ROGUESPINE. [Note : Rustaud : Terme familier Qui tient du paysan, de la campagne. [L]]Hé bien, quoique je sois rustaud,Dites ? Comment sont-elles faites ?Sont-ce des femmes ? Fort parfaites,Qui n'ont rien des autres en tout ? Sont-elles point à votre goût ?[Note : Haut de chausses : en fait d´habit, on appelle haut-de-chausse la partie de l'habillement de l'homme qui est depuis la ceinture jusqu'aux genoux (...). [F]]Portent-elles, des hauts de chausses ?Sont-ce pièces bonnes, ou fausses ?Quoi Monsieur, vous ne parlez pas,Vous font-elles, de l'embarras ? Sont-elles, point hermaphrodites ?[Note : Juste au corps : Espèce de veste qui va jusqu'aux genoux, qui serre le corps, montre la taille, et qui a des poches tantôt plus hautes et tantôt plus basses, selon que la mode change. [F]]Ont-elles, des juste-au-corps ! Dites ?Ont-elles, le visage beau ?Ont-elles, un vilain museau ?Sont-elles, tant soi peu camuses ? Chantent-elles, comme les muses ?Ont-elles, le nez aquilin ?Ont-elles, l'esprit fort malin ?Sont-ce des beautés, sans secondes ?Sont-elles, brunes, grandes, blondes, Petites, jeunes, vieilles, ouHideuses, comme un loup-garou ?Ne sont-ce point quelques sorcières ?Sont-elles, douces, ou bien fières,Ont-elles, des maris ou non ? N'auraient-elles, point de surnom ?Des galants, en endurent-elles ?Ne feraient-elles, point les belles ?Sont-elles, riches à foison ?Sont-elles, de pauvre maison ? En un mot, dites-moi ? Sans fraude,Monsieur, sont-elles à la mode ? RIBERCOUR. Oui, oui sans doute elles y sont ? ROGUESPINE. [Note : v. 154, dans l'édition originale, on lit dont au lieu de donc.]Elles ont donc des souliers ronds ;Car d'en porter c'est la grande mode. RIBERCOUR. Va, de cela ne t'incommode,Je t'en veux faire voir bientôt.Mes affaires sont comme il faut,Et je n'ai fait dans cette VilleRien qui ne me soit fort utile ; Déjà plein d'animositéJ'ai ma Requête présentéÀ Messieurs, de l'Académie,[Note : Mie : s'employait autrefois pour une particule négative. Il a demandé cette fille en mariage, mais il ne l'aura mie. [F]]Que certes je n'oublierai mie,Tu sais, dont je suis fort content, Qu'on l'a répondue à l'instant. ROGUESPINE. Mais si faisant les Damoiselles,Un Procureur, venait pour ellesMonsieur, je ne les verrais point ;C'est pourquoi, je crois sur ce point Qu'il vaudrait bien mieux, ce me semble,Leur donner à toutes ensembleUn personnel ajournement. RIBERCOUR. Tu raisonnes fort justement. ROGUESPINE. Vous vous croyez donc bien habille, Et s'il en venait plus de mille,Et que dans ce beau jugementIl fallut personnellementAgir avec toutes, je jure,Que dans une telle aventure Je vous trouverais pas ma foiFort embarrassé. RIBERCOUR. Va, tais toi ;Car quoi que tu me puisses dire,Je ne suis point d'humeur à rire,Et je me ressouviens fort bien Que je n'ai fait encore rien,Quoi que je voie ma requêteÀ signifier toute prête,Puisque je ne sais point du toutOu pouvoir d'une voir le bout. ROGUESPINE. Il faut qu'un secret, je vous die,Pour qu'à cela l'on remédie. RIBERCOUR. Que me veux-tu dire de bon ? ROGUESPINE. [Note : Petit-Bourbon : Ancine Hôtel du XIVème siècle, qui devint le lieu où se produisirent les comédiens Italiens et la troupe de Molière. Ce théâtre fut démolie le 11 octobre 1660.]Prenez-les au Petit Bourbon,L'on les dit au pays, plaisantes Et même assez divertissantes RIBERCOUR. Tu ne sais pas ce que tu dis,À Bourbon, va tu t'es méprisCe ne sont que comédiennes. ROGUESPINE. Ah ! Je viens sans beaucoup de peines De trouver un expédient. RIBERCOUR. Dis ! Car je suis impatient. ROGUESPINE. Il faut les faire avecque pompeMonsieur, crier à son de trompe. RIBERCOUR. Voila justement le moyen Pour ne rencontrer jamais rien ;Puisque toutes les Précieuses,De se cacher sont curieuses,Qu'elles ne veulent du tout pasQu'on connaisse rien à leur cas, Et que les plus grandes d'entre-ellesDisent qu'elles ne sont point telles. ROGUESPINE. J'en veux voir quelqu'une pourtant,Et j'ai des moyens tant et tant,Qu'en quelque endroit que ce puisse être Je vous en ferai voir, mon maître ;Par exemple, j'en tiens un bon.J'ai ouï dire avecque raisonQue quand l'on a dans cette ville,Perdu quelque chienne gentille, L'on fait afficher des billetsDe tous les côtez au Palais,Et qui promettent récompenseÀ ceux, qui plains de vigilanceLa rapporteront. Vous pourrez Faire de même, et vous verrezSans doute que quelque suivante,[Note : Paraguante : Présent qu'on fait par honnêteté à celui qui s'entremet pour nous faire faire quelque traité, quelque affaire qui nous procure de l'avantage.]Avide de la paraguanteNe pourra sa langue tenir. RIBERCOUR. Mais quoi ne vois-je pas venir Mon vieil ami, Monsieur Pancrace,Vraiment il faut que je l'embrasse. SCÈNE III. Ribercour, Pancrace, Roguespine. PANCRACE. Cher ami, que je suis joyeuxDe vous rencontrer en ces lieux :Il faut pourtant que je vous fasse Des plaintes, quand je vous embrasseEt que je demande pourquoiVous n'êtes pas venu chez moi,En arrivant en cette ville,Établir votre domicile Sachant avec combien d'ardeurJe suis votre humble serviteur. RIBERCOUR. Un procès, est ce qui m'amèneEt les plaideurs font trop de peine,Le boire, et le manger chez eux Tantôt, faute d'une heure ou deux,Ils n'ont que procès à la bouche,L'on ne sait point quand on s'y coucheEt quand on s'y lève encor moins,Cent chicaneurs font tous leurs soins, Un Clerc, aujourd'hui les visite,Un Procureur arrive en suite,Le lendemain un avocat,[Note : Altercat : Débat, constellation entre deux personnes qui ont ensemble de la familiarité. [F]]Vient dire un nouvel altercat,Après vient un homme d'affaires, Apporter quelques formulaires,Et tous les jours un tas de gensAffamés, comme des Sergents,Viennent, non pas, avec main morte,Heurter, rudement, à leur porte, Pour dire, quatre méchants motsQui sont souvent hors de propos. PANCRACE. Et quel procès donc vous amène ? RIBERCOUR. Pour le public, j'ai cette peineEt je suis authentiquement Député des Nobles du Mans,Comme de la Province entière,Qui s'intéresse en cette affaire,Afin de plaider en ces lieuxContre le parler précieux Et ces pestes de Précieuses,Que je vais rendre malheureuses ;J'ai déjà par précautionPour intenter mon actionFait tantôt un coup de ma tête Et j'ai présenté ma requêteÀ l'Académie, et voiciLa teneur que j'en tiens ici. Il lit.À Messieurs de l'Académie.Humblement Messieurs, vous supplie Le Sieur de Ribercour, du MansGentilhomme qui point ne ment,Et député de la NoblesseD'où l'on voit des pommes la presse.Disant, que depuis quelque temps Il s'épend d'instants en instantsDans leur pays certain langage,Ou plutôt un baragouinage,Qui leur est à tous inconnu,Ne sachant pas s'il est venu [Note : Haridelle : Terme familier. Mauvais cheval maigre. [L]]Par eau, ou sur quelque haridelleEt que précieux l'on appelle :Lequel, comme la nouveautéPlaît avecque facilité,Est reçu dans notre Province, De gens, dont la cervelle est mince,Sujets à prendre en cent façonsMille folles impressions,Et qui je crois Messieurs, sous ombreQue ce langage était fort sombre Et qu'il était né dans Paris,Et s'est fourré jusqu'à leurs huis,Ont crû, qu'ils seraient fort célèbresEt que pour sortir des ténèbres,C'était un cas sûr à chacun Pour les distinguer du commun,S'ils s'attachaient tous à le suivreEt s'ils pouvaient le faire vivre.Néanmoins cela fait grand tortÀ la Province et lui nuit fort ; Tant à cause Messieurs, du troubleQui de temps en temps se redouble,Et qui met le commerce à bas,[Note : Ducat : Monnaie d'or fin dont la valeur varie de dix à douze francs, selon les pays ; il porte ordinairement d'un côté la tête du prince dans les États duquel il a été frappé, et de l'autre côté ses armes. [L]]Que du grand nombre de ducats,Dont tous les jours l'on fait dépense, Non sans grande condoléance,Pour avoir à chaque moments[Note : Truchement : Interprète nécessaire aux personnes qui parlent diverses langues pour se faire entendre les unes aux autres. [F]]Avec soi quelques truchements.Ce considéré, qu'il vous plaise,Pour que ce désordre on apaise, Faire appeler par devant vousPour qu'on lui donne du dessous,Tout ce grand corps des Précieuses,Pour se voir comme factieuses,Condamner d'abord à laisser, Abjurer, quitter, renoncer,Un si pernicieux langage,Et qui peut causer du carnage,Et que défenses à l'instant,Leur soient par vous faites s'entend De ne s'en plus servir à peine[Note : Artèmène : Roman précieux de Madeleine de Scudery publié entre 1649 et 1653.]De ne jamais lire Artamène,Ni même aucun autre roman ;Ou pour un plus dur châtimentQue le lit, desdites femelles, Soit des deux côtés sans ruelles,Et qu'il soit mêmement placéSans être du tout exaucé ;Et vous ferez bonne Justice. PANCRACE. La réponse est-elle propice ? RIBERCOUR. Oui : prêtez donc attentionLa voici : Qu'assignationSoit donnée, à ces Précieuses,Qui sont si fort contentieuses ;Fait justement le vingt et trois De Mai, le plus fleuri des mois.Hé bien ? Mon cher Pancrace,Croyez-vous que je les terrasseEt que j'aie fort avancé ? PANCRACE. Tout à fait ; car enfin je sais Que ces Messieurs, à forte têteEn répondant votre requête,Avecque tant d'agilitéOnt fait un coup en vérité,Qui par sa grande vigilance Doit être à tous en évidence ;Puisqu'un mot souvent leur suffitPour embarrasser leur espritPlus de dix, ou douze semaines ;Mais je vous veux donner mes peines, Et solliciter avec vous :Aussi bien je suis en courrouxContre toutes ces orgueilleuses,Pour dire plus ces Précieuses,Que j'allais perdre, Dieu le sais, Si vous n'aviez pas commencé ;Vous savez bien que dix années,Favorisé des destinées,J'ai suivant ma profession,Enseigné dedans la maison, Avec honneur, et dans la ville,D'une manière fort facile,La langue Italienne, avecL'Espagnole, sans nul échec,Et pareillement la Française ; Cependant je vois qu'on dégoiseAujourd'hui pour me ruinerUn jargon, qu'on doit condamner.Que mes écoliers se dépitent,Qu'il s'en faut peu qu'ils ne me quittent. Et que lorsqu'à quelque étranger,Qui me fait souvent enrager,J'ai bien souvent donné mes peinesL'espace de quelques semaines ;Mais non pas sans bien me fâcher, Afin de lui faire écorcher,Le Français, qu'il tâche d'apprendre,Il me vient dire, pis que pendreEt crier d'un ton outrageantQue je lui vole son argent, Et qu'il s'est vu parmi des femmes,Des illustres, des belles âmes,Qui parlaient un patois, sa foi,Qui ne s'apprenait point chez moi.Que même il avait fait dépense Et qu'il dit être d'importance,Achetant des livres nouveaux,Que tout le monde trouve beaux,Intitulés, les Précieuses,Précieuses, pour lui fâcheuses, Puisqu'il n'y peut connaître rien. RIBERCOUR. Je crois que vous ferez fort bien,Pour exterminer ces femelles,De vous joindre avec moi, contre ellesCar enfin s'il faut qu'une fois Voulant imiter les Français,Qu'en Espagne, et dans l'Italie,Ce diable de nom, se publieEt qu'il vienne à naître en ces lieuxQuelque langage précieux, Vous n'auriez bientôt, que je pense,Qu'à rengainer votre science. ROGUESPINE, à part. Je crois que mon maître aujourd'huiA rencontré plus fou que lui. RIBERCOUR. Mais j'oubliais de vous apprendre, Que je ne sais pas où les prendre,Pour les pouvoir faire assigner. PANCRACE. Ah ! Sans y longtemps ruminer,Je trouve la chose facileTout en est plein dans cette ville Et puis, je sais bien à peu présOù quelqu'une loge ici prés. RIBERCOUR. Allons-y donc, dès tout à l'heure. ROGUESPINE. Ils perdent l'esprit, ou je meure,Mais je pense qu'avec lent soin Ils auraient encor grand besoin,Pour que leurs action éclateDe la lanterne de Socrate,Afin de chercher à leur toutUne Précieuse, en plein jour Comme il faisait jadis un homme ;Pour moi je crois que l'on m'assomme,Disant, que tout en est farci ;Puisque je n'ai pu jusqu'iciPar mon adresse, non commune Jamais en découvrir aucune,Moi qui depuis trois jours entiersFaits résidence en ces quartiers. Ribercour et Pancrace ayant fait trois ou quatre pas, aperçoivent au dessus d'une porte, une affiche et lisent.Les Lecteurs, qui sont curieuxSauront que le Sieur Theocrite, Dedans cette maison habiteEt montre à parler Précieux. PANCRACE. Nous ferons ici notre affaireMonsieur, et nous n'avons que faireD'aller en d'autre lieux courir : Nous le ferons bien discourirSi nous pouvons avec adresseMalgré le courroux, qui nous presseCacher, ce qui nous fait venir. RIBERCOUR. Entrons donc pour l'entretenir. SCÈNE IV. ROGUESPINE, seul. Ah ! Puisque je sais la demeureIl me prend envie : ou je meure,De venir sans en dire motDe peur de passer pour un sot,Pour un campagnard, pour un rustre, Apprendre cette langue illustre,Qui met le monde en grand crédit.Aussi bien en Province, on ditQue dans Paris, toutes les femmes,Et même les plus grandes Dames, Reçoivent jusques aux laquaisQuand ils sont bien vêtus, bien faits,Et qu'enfin ils ont l'avantageDe savoir un peu ce langage. SCÈNE V. Roguespine, Rodogine. ROGUESPINE. Mais où va cette fille-là ? Montrant la porte de Theocrite.Elle va de ce côté là,Oui, ses pas font assez connaîtreQu'elle va tout droit chez ce maître ;Pour nous désennuyer un peuArrêtons-là, dedans ce lieu Madame, ou bien Mademoiselle ;Car il faut que vous soyez telle,Vous ne sauriez que faire là ;Car...… RODOGINE. Le beau début que voila !Que vous avez l'âme grossière, La forme avant, dans la matière ;Ah ! Mon cher que vous este dur,Et qu'il fait dans votre âme obscur. ROGUESPINE, à part. Qu'est-ce que celle-là veut dire ?Je ne sais pas si j'en dois rire, Car n'entendant point ce jargonElle peut m'appeler fripon ; À Rodogine.Songez mieux à ce que vous faitesImpertinente, que vous êtesJe suis valet, de probité Et de Monsieur le Député,Et si vous me chantez injures,Sachez, que ce sont impostures. RODOGINE. Et quel est donc ce député ? ROGUESPINE. Ah ! Vous raillez en vérité, Chacun le doit déjà connaître ;Car qui ne sait pas que mon maître,Est ici député du Mans,Afin d'obtenir promptementContre ces langues venimeuses, Que l'on appelle Précieuses,Un arrêt, qui casse tout netLe langage qu'elles ont fait. RODOGINE. Justes Dieux ! Que je suis surpriseDe cette maudite entreprise ; Mais encore, est-ce tout de bon ? ROGUESPINE. Peste de la commission,J'en avais ma foi, bien affaire,La selle m'en tient au derrière,Et les sauts que tous les chevaux, Qui n'étaient certes, bons ni beaux,M'ont (sans qu'il fut fort nécessaire),En courant la poste, fait faire,Dans un superlatif degré[Note : Écurer : Nettoyer la vaisselle, la batterie de cuisine. [F] Débarrasser de toute ordure. [L]]Le ventre m'ont plus écuré, Que n'auraient, je le dis sans feintes,[Note : Pinte : Vaisseau qui sert à mesurer les liqueurs, et quelquefois des choses sèches. Une pinte de vin, d'eau, d'huile. La pinte contient deux chopines, ou la moitié d'une quarte. La pinte de Paris est environ la sixième partie du congé Romain, et contient le poids de deux livres d'eau commune. [F]]Jamais pu faire quatre pintesDe ce vin bien et mal faisant,Qu'on nomme émétique à présent. RODOGINE. J'ai donc en vain vidé ma bourse, Et mon pauvre argent sans ressourceEst donc pour tout jamais perdu.Ah ! Je voudrais qu'il fut penduCe chien, cet enragé, ce traître,En un mot, ce diable de maître, Qui m'a si souvent assuré,Et qui m'a tant de fois juré,Que ce magnifique langageAurait le puissant avantageDe ne pouvoir mourir jamais. ROGUESPINE. Mais nos gens sortent satisfaits,Et je donnerais ma parole[Note : Drôle : Se dit d'un homme ou d'un enfant qui, ayant quelque chose de décidé, de déluré, ne laisse pas d'exciter quelque inquiétude, et sur lequel d'ailleurs on s'attribue quelque supériorité. [L]]Qu'ils viennent d'attraper le drôle. SCÈNE VI. Ribercour, Pancrace, Theocrite, Roguespine, Rodogine. RIBERCOUR, en sortant de chez Théocrite. Je vous suis obligé Monsieur,D'une si notable faveur, Et si vous passez d'aventurePar le pays, je vous conjureDe venir loger droit chez moi ;Vous y mangerez sur ma foiDes chapons ; mais en abondance Qui seront bons par excellence. PANCRACE. Et moi de mon côté Monsieur,Je vous rends grâces de bon coeur. THEOCRITE. Vos civilités sont plus grandesQue n'ont pas été vos demandes, Et dedans cette occasionIl n'est point d'obligation,Qui pour des gens d'un tel mérite,Ne soit de nature petite. THEOCRITE, pendant que Rodogine parle bas à Roguespine. Enfin notre homme est attrapé, Et c'est un député dupé ;Mais il aurait tort de ses plaindre,Bien d'autre sans les y contraindreDu depuis que pour l'attraper,Ou pour mieux dire le duper, J'ai mis sur ma porte une affiche,[Note : Niche : Malice que l'on fait à quelqu'un. (L]]Sans prétendre leur faire niche,Me sont venus trouver céans,Et par des discours obligeantsM'ont conjuré de leur apprendre, Ce qu'encor j'ai peine d'entendre,Savoir à parler Précieux. Apercevant Rodogine.Mais quoi vous trompez-vous mes yeux ?Non certes, et c'est l'écolièreQui me vient trouver d'ordinaire ; Voyons donc de quelle façonElle a retenu sa leçon. SCÈNE VII. Theocrite, Rodogine. THEOCRITE. Bonjour, entrons dans cette salle. RODOGINE. Vous n'êtes qu'un maître de balle,Qu'un impertinent, qu'un jaseur, Qu'un traître, ni qu'un imposteur,Je ne viendrai pas davantage,L'on va casser votre langage. THEOCRITE. Qui sont donc les perturbateurs ![Note : Ruelle : se dit aussi de l'espace qu'on laisse entre le lit et la muraille. Se dit aussi des alcôves, et en général les lieux parés où les dames reçoivent leurs visites, soit dans leurs lits, soit sur des sièges. [F]]Des ruelles persécuteurs Au beau style, si fort contrairesEt de la raison adversaires,[Note : Emberliquoqué : mot valise composer avec emmberlificoter qui est un terme populaire qui signifie embarraser [L] et emberlucoquer qui est aussi un terme populaire (non précieux) : Se coiffer d'une opinion [F]. ]Dont le sens emberliquoquéVous a dans l'esprit inculqué,Par une injuste jalousie, Cette bizarre fantaisie. RODOGINE. Ce que je dis est assuré,Car enfin l'on me l'a juré,Et sur ce qu'on m'a dit, je gageQu'on cassera votre langage. THEOCRITE. Est-ce ainsi que mes documents,Mes leçons, mes enseignements,Sont en des terres infertilesOù mes peines sont inutilesOu de tout ce qu'on peut planter Rien ne peut jamais profiter.Ah ! C'est donc en vain terre ingrate,Que l'on vous bêche, et qu'on vous gratte,Puisque mes soins n'ont pour tout prixQu'un regret d'en avoir trop pris. Quoi donc s'énoncer de la sorte,Ah ! Cela m'étonne et m'emporte.« Ce que je dis, est assuré,Car enfin l'on me l'a juréEt sur ce qu'on m'a dit, je gage Qu'on cassera votre langage, »Examinez cette oraison,Elle pèche en la diction,L'on n'y voit que de la rudesseLes mots en sont pleins de faiblesse. Et… RODOGINE. J'ai bien un autre souci,Et si vous me voyez ici,Ce n'est que pour vous faire rendreL'argent, que vous voulûtes prendreAlors que je vins en ces lieux Pour apprendre le Précieux :Car enfin puisque ce langageDoit être bientôt hors d'usage,Il est raisonnable qu'enfin[Note : Saint Crépin : on appelle aussi Saint Crépin tous les outils du cordonnier. [F]]Vous me rendiez mon Saint-Crépin. THEOCRITE, sans l'écouter. Certes la langue PrécieuseEst une chose merveilleuse ;Car enfin l'on parle de ceuxQui savent parler Précieux,D'une si nouvelle manière… RODOGINE. Ah ! Ce n'est pas là notre affaire,Tout cela n'est ni beau, ni bon,L'argent, fait notre question ;Mais quoi donc ? Vous branlez la tête,Et vous n'avez pas la main preste [Note : v. 621 Le verbe advindre n'existe pas, il s'agit d'advenir.]À m'en avindre promptement.Ah ! Je m'en vais présentement,Afin de vous être contrairePlaider de la belle manière,Et me joindre dans mon courroux À ces Messieurs, qui de chez vousViennent de sortir tout à l'heure :Car de leur valet, ou je meure,J'ai su qu'un d'eux n'était iciQu'afin de prendre le souci, De faire par toute la TerreUne longue, et mortelle guerreÀ toutes celles, et tous ceuxQu'on prendra parlant Précieux. Elle sort. SCÈNE VIII. THEOCRITE, seul. Ce divertissement est drôle, Et je joue assez bien mon rôle.Ils sont pris pour dupes ma foi. Voyant entrer Ergaste.Mais que désirez-vous de moi ! SCÈNE IX. Ergaste, Théocrite. ERGASTE. Je viens vous prier d'une grâce. THEOCRITE. Il n'est rien pour vous qu'on ne fasse. Mais Monsieur, parlez s'il vous plaît ! ERGASTE. Pour vous dire donc ce que c'est.Je viens ici par ordre expresseD'une incomparable Duchesse,Vous prier que de votre mieux Vous tourniez en vers Précieux,Ce Madrigal là tout à l'heure. THEOCRITE, à part ouvrant le Madrigal. Que l'on voit de fous, où je meure,Il n'importe pour leur argent,Paraissons à tous obligeant ; Mais dans une pareille affaire,Il faut que le DictionnaireQue l'on a fait tout à propos,Me fournisse beaucoup de mots, Il lit. MADRIGAL. L'autre jour, un Mari, tenant divers discours Cours de la Reine : voie arborée qui longe la Seine à l'ouest de la place de la Concorde de Paris. À sa femme, lui dit, au Cours. Je vois que vous cherchez à faire des conquêtes, Elle lui répondit sans y songer du tout, Ah ! Ne paraissez plus si surpris que vous êtes ; Puis qu'enfin d'un mari les baisers sont sans goût. Lui contre elle, d'abord se mettant en colère Comme a de coutume un jaloux, Lui dit, sans hésiter d'un visage sévère, Le Cours ne sera plus pour vous. Après avoir lu, il dit.Dieux ! Que ces vers ont de faiblesse, Qu'on y voit même de rudesse,Que les derniers sont peu pointus,Vous ne les reconnaîtrez plus.Alors qu'en langue PrécieusePar une version heureuse, Je les aurez mis, ERGASTE. Mot à mot. THEOCRITE. Non certes, je serais un sotSi j'avais osé le promettre,Puisque je ne les y puis mettre :À cinq ou six mots près, pourtant Ils seront faits dans un instant. ERGASTE. Mais… THEOCRITE. Mais la Précieuse langue,Sans vous faire une longue harangue,Et pour vous parler en ami,N'est encor faite qu'à demi. ERGASTE. Mais l'on vend un Dictionnaire,Qui la doit contenir entière. THEOCRITE. Il n'est pas mauvais, mais l'auteur,En fait imprimer un meilleur.On y verra des Précieuses, Toutes les guerres périlleuses,Ensemble les descriptionsDe leurs plus grandes actions ;L'on y verra leur poétique,L'on y verra leur politique, Leur cosmographie y sera,Et de plus l'on y trouveraUn grand narré, de leurs histoires,Leurs conquêtes, et leurs victoires,Leurs origines, leurs progrès, Et par un discours fait exprèsL'on verra leur chronologie,Et tout ce que l'astrologie,Pendant leur règne prédit.De plus encore l'on m'a dit, Que les villes les plus fameusesDu Royaume, des Précieuses,Avec leurs coutumes et moeurs,Leurs actions, et leurs humeurs,Y seront amplement décrites ; Et que celle dont les méritesÉclatent jusques sur le front.Leurs éloges y trouveront.Outre cela leurs poésies,Un traité de leurs hérésies, Et leur géographie aussi,S'y rencontreront, dieu merci ;Avecque leur philosophie,De leurs mots l'étymologie,Et cent histoires, que je crois Qui plairont fort en bonne foi.Mais ce qu'il faut que chacun prise,C'est qu'on y verra la deviseDe celles qui par leur espritSont dans le Monde en grand crédit ? De plus, et c'est sans railleries,L'on y verra leurs armoiries,Et ceux qui savent le blason,S'y divertiront tout de bon,Et pourront voir de cette sorte Ce que chacune d'elles porte. ERGASTE. Qu'on aura de contentementÀ lire un livre si charmant. THEOCRITE. Ce livre sera d'importanceEt les Précieuses de France, Aussitôt qu'elles le lirontSans doute s'y reconnaîtront. ERGASTE. Bon Dieu ! Qu'on aura de quoi rire. THEOCRITE. Tellement, que l'on peut bien direQue quand la clef on en aura Beaucoup, on s'y divertira. ERGASTE. Ah ! Je crois que chacun sans doute,Ou par ma foi je n'y vois goutte,Pour sa rate bien dilaterViendra promptement l'acheter. THEOCRITE. Aux gens curieux il doit plaireMais retournons à notre affaireEt voyons notre madrigal. ERGASTE. Ma foi nous ne ferons pas mal. THEOCRITE. Ça prenez donc cette écritoire, J'ai quelques vers en ma mémoire,Qu'en parlant à vous, j'ai trouvésJe crains de les perdre, écrivez.Attendez, que rien ne vous presse,Il faut un titre à cette pièce. Mettez ce titre spécieux.Madrigal en vers Précieux.C'est fait, continuez d'écrire,Naguère un mari, dans l'empire……Ouais, je me suis embarrassé, Que ce vers là, soit effacé.Un mar… non je rêve sans doute,Rien que le premier vers ne coûte,Et dés que je l'aurai trouvéNous aurons bientôt achevé. Je le tiens sans doute, ou je meure,Écrivez donc et tout à l'heure.« L'autre jour un mari, causaitAvec sa femme, et lui disaitDedans l'empire des oeillades. » [Note : Mignard : Qui a une beauté délicate, qui a les traits doux et agréables. [F]]Que ces paroles sont mignardes ?Certes de semblables discoursExpriment tout à fait le Cours.[Note : Camard : Qui a le nez plat et écrasé. [L]]Dans ce lieu soit belle ou camarde,Chacun de son côté regarde. Et l'on voit chacun, accorderQu'on n'y va que pour regarder.Il est donc, quoi qu'on puisse dire,Bien dit des oeillades l'empire. Il poursuit de dicter.« Je vois que vous cherchez à faire assauts d'appas, Elle sans songer dit, ne t'en étonne pas,Car les baisers permis son fades.............................Lui d'abord, tout comme un Argus… »Mes discours seraient superflus Pour pouvoir ici vous d'écrireCe que ce mot d'Argus, veut dire ;Puisqu'il est déjà su de tousQu'Argus, signifie un Jaloux,« Et sans aucune incertitude Lui dit, vous n'y reviendrez plusEt contre elle d'abord poussa le dernier rude. »Ces vers sont faits avec étude.Je puis aisément le prouver,Puisqu'on ne peut jamais trouver De façon de parler plus claire,Pour dire se mettre en colère.Mais c'est fait, lisez. ERGASTE. Je le veux. MADRIGAL EN VERS PRÉCIEUX. L'autre jour un mari causait Avec sa femme, et lui disait Dedans l'empire des oeillades. Je vois que vous cherchez à faire assauts d'appas. Elle, sans songer dit, ne t'en étonne pas, Car les baisers permis sont fades. Lui d'abord tout comme un Argus, Et sans aucune incertitude Lui dit vous n'y reviendrez plus, Et contre elle aussitôt poussa le dernier rude. THEOCRITE. Que ces vers ont de plénitude. ERGASTE. Les derniers ont je ne sais quoi Qui n'est pas dans les miens. THEOCRITE. Je voisCe que par là vous voulez dire,Et je m'en vais vous en instruire.C'est qu'on y voit dessus la finPar un tour délicat et fin, Sans qu'elle y paraisse forcée,Une manière de pensée. ERGASTE. Vous avez raison en effet.Pour moi j'en suis très satisfaitEt la personne qui m'envoie, N'aura tantôt pas peu de joieDe voir ses vers selon ses voeuxSi bien tournés en Précieux. En lui offrant de l'argent.Mais Monsieur, s'il vous plaît de prendre. THEOCRITE. Certes je ne puis m'en défendre Tant vous m'en priez de grand coeur. ERGASTE. Adieu jusqu'au revoir Monsieur. SCÈNE X. THEOCRITE, seul. Bon Dieu ! Sans le DictionnaireQu'on a fait et que l'on doit faire,J'étais ma foi pris comme un sot ? Car je ne sus jamais un motDe cette langue que j'enseigne,Mais il ne faut plus que je craigne,Puis qu'avecque quatre grand motsL'on dupe souvent bien des sots ; Mais allons savoir si nos drôlesOnt joué comme moi leurs rôles,Et si Monsieur, le députéÀ force ducats apporté. SCÈNE XI. Pancrace, Ribercour. RIBERCOUR. Enfin notre affaire s'avance Au moins si j'en crois l'apparence,Et le bonhomme bien et beauA donné dedans le panneau,Nous indiquant une demeureOù l'on trouverait tout à l'heure Des Précieuses de renom,Tenant leur conversation ;C'est pourquoi j'ose me promettreQue sans doute on leur pourra mettreMa requête bientôt en main, Et que devant qu'il soit demainÀ ces superbes Précieuses,Nous verrons faire les pleureuses. PANCRACE. Au moins, je vous puis assurerEt puis mêmement vous jurer, Que votre sergent, ou je meure,Vous expédiera tout à l'heure ;Car je connais cet homme-làEt je l'ai choisi pour cela,Et maintenant je vous annonce Que vous aurez bientôt réponse,Et qu'il aura fait son devoir. RIBERCOUR. Ah ! Je m'attends bien de savoirJusqu'à la moindre circonstanceDe cette affaire d'importance ; Car depuis l'un à l'autre boutRoguespine, me dira tout.C'est le plus curieux peut-êtreQue le Ciel ait jamais vu naîtreEt qui soit, point je ne vous mens, Depuis Paris jusques au Mans.Il doit suivre jusqu'à la porteLe Sergent qui mon exploit porte ;Mais je gagerais tout de bonQu'il entrera dans la maison, Qu'il aura même l'assuranceD'y faire quelque connaissance,Et que de tout ce qu'il verraAussitôt il s'enquerra. PANCRACE. C'est sans doute bien le connaître Que de… RIBERCOUR. Mais je le vois paraître. SCÈNE XII. Ribercour, Roguespine, Pancrace. RIBERCOUR. Eh bien qu'as-tu vu ? Qu'as-tu fait ?Dis nous donc es-tu satisfait ? ROGUESPINE. Ce que j'ai vu, que vous importeUne maison, où sur la porte L'on avait mis un écriteau. RIBERCOUR. Si je me jette sur ta peauJe te ferai bien rendre compte… ROGUESPINE. Oh, oh ! Vous avez l'âme prompte ? RIBERCOUR. Ah ! Coquin je t'estropierai. ROGUESPINE. Nouferay Monsieur, nouferay,Vous ne sauriez jamais pis faire. RIBERCOUR, le battant. Je veux pour t'apprendre à te taire… ROGUESPINE. Pourquoi diable tant s'emporter. PANCRACE, retenant Ribercour. Arrêtez il va tout conter. ROGUESPINE. Ouida, cela pourrait bien être,Apprenez donc Monsieur, mon maître,Que je parlais avec raison ;Puisque dedans cette maisonL'on ne voit plus de Précieuses, Et que ces races, et ces gueuses,Par un endiablé de hasardLogent maintenant autre-part. RIBERCOUR. Sans doute, quelqu'un tout à l'heureT'auras pu dire leur demeure. ROGUESPINE. Il n'est point de gens de métierQui la sachent dans ce quartier,D'autant que par un trait habille[Note : Gille : personnage du théâtre de la foire, le niais. Jouer les rôles de Gille, ou, elliptiquement, jouer les Gilles. Faire gille, loc. populaire qui signifie se retirer, s'enfuir (gille ne prend point de majuscule en ce sens). [L]]Avant terme elles ont fait gille.Mais je pense que l'on m'a dit, Oui c'était un homme d'esprit,Et ses discours sont fort croyables[Note : Marais : Le théâtre du Marais est un des lieux de représentations à Paris crée en 1634 par l'acteur Mondory. Il se situait rue Vieille du Temple dans l'actuel 3ème arrondissement.]Que du Marais, aux IncurablesElles n'avaient rien fait qu'un saut. RIBERCOUR. Hélas ! Je suis pris comme il faut, Et toujours le sort m'est contraireQuand je veux faire quelque affaire.Peste… ROGUESPINE. Cessez de tant pester,Et de plus vous inquiéter,Ce que je dis, n'est que pour rire Et je m'en vais tout vous redire, RIBERCOUR. Quoi maraud… ROGUESPINE. Cessez vos clameurs,Puis qu'enfin les vieux serviteursOnt toujours quelque privilège. RIBERCOUR. Tu m'as fait donner dans le piège. Mais… ROGUESPINE. Mais écoutez à loisir,Puisque selon votre désirJ'ai réussi dans votre affaire. PANCRACE. Écoutons, sans plus le distraire. ROGUESPINE. Avecque Monsieur le Sergent Homme, tout à fait diligent,Quand je vous quitté, nous allâmesTout droit au Marais, et trouvâmesLa rue assez facilementDans laquelle est le logement Des babillardes Précieuses,Qui sans doute ne sont pas gueuses.Un vénérable savetier,Qui loge en ce noble quartier,D'une façon toute civile Nous indiqua leur domicile,Quoi qu'enfin, par un heureux cas,Nous n'en fussions qu'à quatre pas.À la porte, là nous heurtâmesEt le heurtoir que nous trouvâmes Était de linge emmailloté.La chose est rare en vérité,Et de même qu'en ma mémoire,Mérite une place en l'histoire,Elle est faite avecque raison, Car c'est une précautionDont bien souvent elles se serventEt qu'entre-elles, elles observent,Pour que, leur conversationN'ait jamais d'interruption. Il vint à la susdite porte,Une cale, ou laquais, n'importeQui nous ouvrît civilement.Nous sans un long raisonnementA l'instant même nous entrâmes Et puis après nous le priâmes,Que sa maîtresse, put savoirQue nous désirions fort la voir.Droit à la porte de sa chambre,Où l'on sentait le musc et l'ambre Le susdit laquais nous mena,Puis après il s'en retournaNous quérir certaine suivante,Que je trouvai fort obligeante,Laquelle, je ne sais pourquoi, [Note : Commune en précieux veut dire suivante. [NdA]]Commune, il nomma devant moi ;Cette fille, je la crois telle,Vêtue, en jeune Damoiselle,Après deux mille questionsSans les interrogations, Allait avec grande vitesseDans la chambre de sa maîtresse,Afin de la faire venirPour pouvoir nous entretenir :Lorsque de cette Précieuse, L'impatience merveilleuseFut cause qu'on nous fit entrer.Notre sergent sans différerVoyant cette femme savanteD'abord, votre exploit lui présente. Pendant le temps qu'elle le lut,Et qui certes un longtemps fut,Sans y trembler en aucun membre,Je considérai fort la chambreDans laquelle à loisir je vis Des Précieuses de Paris,Une longue et nombreuse bande. RIBERCOUR. Et ta joie alors fut bien grandeD'être entré si heureusement ;Mais faits nous le dénombrement De ce que dedans cette chambre,Qui sentait tant le musc et l'ambre,Tu vis de beau, de surprenant. ROGUESPINE. Vous l'allez savoir, maintenant.Car je commence et sans encombre. Cette chambre était assez sombre,Le grand jour, n'y pouvant entrerA cause qu'elles font tirerPour l'empêcher de trop paraîtreDes rideaux, devant la fenestre Sachant, que la grande clartéEfface un peu de la beauté.J'y remarqué de plus, en suiteQuoi que la chambre, fut petite,Que depuis la porte on voyait Un paravent qui s'étendaitJusqu'au près de la cheminée.Pour répondre à ma destinée,Qui m'avait fait heureusementEntrer dans cet appartement ; De ladite chambre le resteSincèrement je le proteste,Je n'examine nullementPour ne pas perdre le momentQue j'avais de lorgner ces belles, Dedans l'une de leurs ruelles.Seize environ elles étaient,De plus toutes elles avaientAu moins, ne s'en fallait-il guère,Assis sur leurs manteaux par terre Paraissant fort humiliés,Un homme, chacun à leurs pieds,Sans ceux qui très fort à leur aiseÉtaient assis dans une chaise,Et faisaient peu les courtisans. Elles avaient tant de rubans,Que je dis, sans dire sornettes,Que comme mulets de sonnettesElles étaient, et croyez moi,Toutes chargées, par ma foi. La plupart encore d'entre-ellesSoit des laides, ou soit des belles,Tenaient avec un air badin,Chacune une canne à la main,La faisant brandiller sans cesse, Et sans mentir je vous confesseQue je n'osais ouvrir le bec[Note : Illec : Vieux mot qui signifiait autrefois En ce lieu-là. Il est hors d'usage [au XVIIème]. [F]]Et que j'allais mourir illec,Tant de peur j'avais l'âme émue,Si je n'eus point jeté la vue Dessus le sergent, qui d'abordParût me rassurer bien fort.Mais sans vous parler davantageDu sergent, ni de mon courage,De peur de paraître poltron, Reprenons la description.Beaucoup sans attendre aux Dimanches,Avaient mis des coiffures blanchesQui toutes en pointe étaient.Beaucoup d'autres, encore avaient Des coiffures, à la paysanne,Et non pas à la courtisane ;Si depuis un temps à la CourLa mode n'a joué son tour.Celles qui restaient… Ah ! Sans rire, Je ne sais si je le puis dire,Avaient tout au tour du museauDe toile jaune, un grand morceauSi gras, que sans être prophète,On l'eut pris pour une omelette. Si je ne me trompe voilaComme ces Précieuses-là,Qui ma foi, sont assez joliesÉtaient par la tête bâties.Or voyons tout présentement Comme était leur habillement.Les unes, sans que je vous mente,Avaient une très longue fenteÀ leurs habits, cela s'entend,Et qui se rejoignait pourtant [Note : Galand : Anciennement. Ruban noué, noeud de rubans. [L]]Par des galants, que devant elles,Avaient fait attacher ces belles.Je puis dire que ces habits[Note : Tabis : Étoffe de soie unie et ondée, passée à la calandre sous un cylindre qui imprime sur l'étoffe les inégalités onduleuses gravées sur le cylindre même. [L]]Étaient faits de fort beaux tabis,Et d'autres étoffes très rares : [Note : Simarre : Habillement long et traînant dont les femmes se servaient autrefois. Ce mot se dit encore présentement [XVIIème] d'une espèce de robe de chambre que les prélats, et les magistrats mettent quelquefois par dessus la soutane. [F]]Ces habits sont nommés simarres,D'autres avaient des juste-au-corpsEt d'autres avaient par le corps,[Note : Des manteaux dont se servent les femmes grosses. [NdA]]Des robes tout au tour plissées,Parce qu'elles sont plus aisées. Ceux qui s'y fort humiliésÉtaient abaissés à leurs pieds[Note : Flambe : Vieux mot, qui signifiait autrefois la flemme du feu. Il est hors du bel usage [au XVIIème]. [F]]Et montraient un coeur plein de flambes,N'avaient point presque tous de jambes,Du moins, ne les voyait-on pas Tant le rond, et grand embarras[Note : Canon : Est aussi une ornement de toile rond fort large, et souvent rné de dentelle qu'on attache au dessous du genou, qui pend jusqu'à la moitié de la jambe pour le couvrir : ce qui était il y a quelque temps fort à la mode ; c'est dont Molière se raille. [F]]De leurs canons à tous étagesÀ leurs jambes faisait d'ombrages.Leur estomac assurément,Et leurs épaules mêmement Étaient j'en ose jurer certes,De grands cheveux toutes couvertesEt pour avoir plus de beautéLeur visage était moucheté.Ils avaient selon leurs coutumes Des chapeaux, tous chargés de plumes,[Note : Rabat : Pièce de toile que les hommes mettent autour du collet de leur pourpoint, tant pour l'ornement que pour le propreté. [F]]Et des rabats tout à fait beauxQui jusqu'à l'épine du dosDescendaient à tous par derrière ;Et j'appris de la chambrière, Qui dans la chambre, en ce momentSe trouva fortuitement,[Note : Anabaptiste : Sectaire ; C'est un nom formé de leurs erreurs touchant au Baptême. Ils tiennent qu'il fait rebaptiser les enfants quand ils sont en âge de raison. Cette secte a fait beaucoup de bruit et de ravages en Allemagne dans le derniers siècle (1500) surtout en Westphalie. [F]]Qu'ils étaient, non Anabaptistes,[Note : Alcoviste : Nom donné chez les précieuses à celui qui remplissait l'office de chevalier servant, et qui les aidait à faire les honneurs de leur maison et à diriger la conversation ; ainsi dit de l'alcôve contenant la ruelle où les précieuses recevaient. [L]]Mais bien des galants AlcovistesOu bien pour vous l'expliquer mieux, Des galants, nommés Précieux.Je fus encor instruit d'icelle,Je la crois pourtant Damoiselle ;Mais cela vous importe peu,Pourquoi ceux qui dedans ce lieu Comme j'ai dit, très à leur aiseÉtaient chacun dans une chaise,Avaient tous les yeux fort battus,De plus étaient de noir vêtus,[Note : Rechigné : Qui a l'air maussade. [L]]Avaient la mine rechignée, Avaient la tête mal peignée,Avaient de si petits rabats,Qu'on ne les voyait presque pas,Et dont la toile telle quelle,N'avait point du tout de dentelle. Auteurs, elle les appelaEt me dit, que comme celaD'une sérieuse manièreIls s'habillaient tous d'ordinaire,Pour pouvoir avec équité Mieux soutenir la gravité,La beauté, le crédit, le lustre,De leur profession illustre.Je sus d'elle encore de plusEn discours, non pas ambigus, Que quand pour chercher un bon termeIls étudiaient de pied fermeEt que leurs têtes ils grattaientLeurs cheveux souvent se mêlaient,Et c'est pour cela que les poètes, Qui bien souvent sont les Prophètes,Et que sans droit vous dédaignez,Paraissent souvent mal peignés.Voila le récit très fidèleDe tout ce que m'apprit la belle. RIBERCOUR. Je trouve qu'en voila beaucoup. PANCRACE. C'est très bien pour le premier coup. RIBERCOUR. Et tant que j'ai peine à le croire. ROGUESPINE. Mais attendez, si ma mémoirePouvait un peu me revenir, Je pourrais vous entretenirEncor de quelque circonstanceQu'elle m'a dit et que je penseAvoir oubliée, ah ! VraimyJe m'en ressouviens à demi. Oui c'est sans tarder davantageQu'elle divisa par étageTous les auteurs, illec présents,Si mornes et si suffisants.Les uns font en vers héroïques Des poèmes qu'on appelle épiquesEt de ces livres si charmantsQue nous appelons des romans.Les autres, sans être des Comtes,Se mettent de faire des Contes Pour rire, je l'entends ainsi,Et d'y bien réussir aussi.Un seul d'entre-eux ai-je ouï dire,Se pique d'y bien faire rire,Et je crois que c'est un abbé, [Note : L'Abbé B. est difficile à identifier : Bensérade, Boileau, Boirosbert, Boursault (...) qui ne sont pas tous abbés ?]Dont le nom commence par B.Les derniers font des comédies,Des madrigaux, des élégiesDes chansons, sonnets, et portraitsDessus de différents sujets. J'en aurais appris davantage ;Mais le sergent, de quoi j'enrage,Sortit dans ce même momentEt je le suivis promptement. RIBERCOUR. Ce discours a de quoi nous plaire. Mais ce n'est pas là notre affaireDis nous ! Si d'un air fier ou non,Elle a vu l'assignation. ROGUESPINE. Dés aussitôt qu'elle l'a vue,Elle l'a prise et puis l'a lue, Et dit fort sérieusementQu'elle s'y rendrait promptement. RIBERCOUR. Elle y montrera sa faiblesse. PANCRACE. Allons vite, l'heure nous presse. RIBERCOUR. Allons Monsieur, j'en suis d'accord, Voir ce qu'ordonnera le sort. SCÈNE XIII. ROGUESPINE, seul. Dieux ! Qu'ils ont le jugement mince ;J'ai su dedans notre provinceLa moitié de ce que je dis ;Que je les ai bien étourdis : [Note : Harangue : Discours qu'un orateur fait en public. Se dit aussi ne mauvaise part, des discours trop longs, fréquents et ennuyeux, ou de ceux qui contiennent quelque réprimande, quelque reproche. [F]]Mais allons ouïr leurs harangues,Allons voir remuer leurs langues ;Car j'en jurerais bien ma foi,Ce doit être un plaisir de Roi. On lève une toile, les Juges paraissent avec un greffier. SCÈNE XIV. Patrice, Anaxarite, Aristime. Un Greffier. PATRICE. Enfin nous voici tantôt Juges. ARISTIME. Nous pourrons servir de refugesÀ ceux qui n'ont besoin de rien. ANAXARITE. Mais encore savez-vous bienSi notre homme ici se doit rendreEt s'il ne fera point attendre. PATRICE. Il viendra, car je lui dis hierAussitôt qu'il me vint prierDe lui répondre sa requête ;Que l'Académie était prêteDe lui servir en tout d'appui, Et que de son corps aujourd'huiElle en choisirait trois ou quatreQui viendraient l'entendre combattreÀ force de raisonnementSa partie, et qu'assurément Il aurait l'honneur, et la gloireD'emporter une ample victoire. ARISTIME. Attendons-le donc à loisir,Puisque nous aurons un plaisirQui certes, n'est pas ordinaire. Mais quelqu'un vient, il nous faut taire. ANAXARITE. C'est déjà notre Député. PATRICE. Tenons donc notre gravité. SCÈNE XV. Patrice, Anaxarite, Aristime, Un Greffier, Ribercour, Pancrace, Roguespine. RIBERCOUR. Messieurs, j'en veux aux Précieuses,À ces femmes pernicieuses, Qui troublent le repos public,Qui causent dedans le traficPar des mots, inintelligibles,Des révolutions terribles,Et je demande là-dessus Que leur langage ne soit plusAux mêmes fins de ma Requête.Quoi ! Personne ne me tient tête.Ah ! Messieurs n'étant point iciJugez s'il vous plaît. PATRICE. Les voici. SCÈNE XVI. Patrice, Anaxarite, Aristime, Un Greffier, Ribercour, Pancrace, Epicarie, Roguespine, Une Suivante. RIBERCOUR. Approchez-vous belle jaseuse,Vraiment pour une Précieuse,Vous ne vous pressez pas trop fort. EPICARIE. C'est signe que je n'ai pas tort. RIBERCOUR. Ah ! Sans chercher tant de finesses C'est que vous faisiez voir vos piècesSans doute, à quelque homme savant. EPICARIE. Peut-être ! RIBERCOUR. Et bien dorénavantDu procès verra-t-on l'issue ? EPICARIE. Pour le finir je suis venue. RIBERCOUR. Dans votre consultationFaite dessus mon action,Aviez-vous vos pièces en ordre ! EPICARIE. Assez pour sûr vous pouvoir mordre ? RIBERCOUR. Avez-vous ? Consulté souvent….. EPICARIE. Vous voulez être trop savant.Mais pour mieux pousser sa partie,Pour la rendre sans répartieTout du moins je crois qu'il faudrait… RIBERCOUR. Quoi ! Vous montrer que j'ai bon droit. EPICARIE. Ne l'ayant pas pu voir encore,Vous voulez bien que je l'ignore. RIBERCOUR. Bien, bien, nous vous le montrerons,Puis après cela nous verronsLequel des deux perdra sa cause. EPICARIE. Je crains, mais c'est pour autre chose. ARISTIME. Cessez ce débat entre vous,Il faut du respect devant nous.Pensez bien à ce que vous faitesEt songez aux lieux où vous êtes. PATRICE. Cessez donc la vexation,Nous faisant exhibitionChacun à part de votre cause. RIBERCOUR. Messieurs, je vous dirai, si j'oseQue j'ai droit de la chicaner, Que vous la devez condamner ;Puisque mes pièces qu'on a vuesOnt paru tout à fait congrues,Mon procès fort bien intenté,Et que c'est une vérité Que le droit que quoi je me fondePasse pour le meilleur du monde.C'est ce qui fait qu'enfin je croisQue ma partie en désarroiConsidérant toutes ces choses, Plus vraies que Métamorphoses,Sans attendre à l'extrémitéSe rangera de mon côté ;Puis qu'enfin toutes ses défensesÉtant de nulles conséquences J'aurais de vous assurémentUn favorable jugementEt celui que je solliciteContre cette langue maudite,Ou Messieurs, pour m'expliquer mieux Contre le parler Précieux,Qui s'y bientôt, l'on n'y met ordreVa faire un terrible désordre. EPICARIE. Messieurs, je m'en vais en deux motsMettre son esprit en repos, Faites qu'on me donne audience. PATRICE. Non, l'affaire est trop d'importance,Il faut l'entendre tout du long. EPICARIE. Mais au moins Messieurs, songez doncQue bon droit vous me devez faire. PATRICE. Nous examinerons l'affaire.Mais parlez, nous vous écoutons. RIBERCOUR. Pour vous déduire mes raisonsSans vous faire une longue harangueJe dis Messieurs, que notre langue Se trouve en un piteux étatDepuis le surprenant éclatQu'a fait celle des Précieuses.Dans les Cités les plus fameuses,Pour s'entendre présentement Il faut avoir un truchement,Ou le nouveau Dictionnaire,Que ces femmes viennent de faire.Quelle conclusion pour nous,Ah ! Messieurs, à quoi songez-vous ; Les femmes, oui Messieurs les femmes,Nous couvrent aujourd'hui de blâmesEt viennent de faire en effetCe que jamais vous n'avez faitAu moins, si ce n'est en idée ; Pour notre bien par trop gardée,Mais pour leur réputationPar un beau désir de renom,Elles ont un DictionnaireTout fraîchement mis en lumière, Auquel chacun court comme au feu,Et nous en promettent dans peuDe leur façon encore un autre :Cependant hélas ! Que le vôtreDepuis si longtemps commencé, N'en est pourtant encor qu'au C.Ah ! Je vois bien que c'est l'ouvrageDe Penelopes, et je gageQue dans ce livre l'Omega,Jamais place ne trouvera. De plus j'ose vous dire encoreQue si ce parler que j'abhorreEt que l'on nomme Précieux,S'enracine dans tous les lieuxOù l'on sait qu'il a pris naissance Vous devez Messieurs, que je pense,Et vous agirez comme il faut,À l'Alpha remettre bientôtVotre fameux DictionnaireQue vous commençâtes de faire [Note : v. 1336-1345, sans soute allusion à la lenteurs de l'élaboration du dictionnaire de l'Académie française.]En l'an deux cent cinquante-deuxEt qui devait selon nos voeux,Et selon notre juste attente,Dedans l'an mil six cens quaranteÊtre dans sa perfection. Songez donc Messieurs, tout de bonÀ me faire bonne justiceMe donnant un arrêt propice ;Mais j'ai tort de vous y pousser[Note : v. 1350, dans l'édition originale, le point d'interrogation est entre PAS et EMBRASSER.]Ne devez-vous pas embrasser ? Ô Sénat mille fois auguste,Un intérêt si grand, si juste,Et qui par mon heureux destinN'est autre que le vôtre enfin.Cependant si ces factieuses, Ces hérétiques Précieuses,Parlent encore ce jargon,La Tour de Babel tout de bon,Dans ce siècle va renaîtreEt dans la France, va paraître, Malheur plus à craindre cent foisPour les nobles, pour les bourgeois,(Mais non pas pour les éminences)Que les maudites influencesDu Capricorne. Néanmoins Si vous n'y mettez tous vos soins,Le désordre s'en va paraîtreQue la susdite Tour fit naîtreAlors que l'on la bâtissait.Cependant hélas ! Ce n'était Que la quantité des langagesQui causa de si grands ravages,Qui fit diviser les mortels,Qui fit piller jusqu'aux autels,Bref qui parmi toute la Terre, Fît naître pour jamais la guerre.Je vous adresse donc mes voeuxMessieurs, pour que le Précieux,[Note : Conjoincture : barbarisme pour conjecture. ]Afin qu'en cette conjoinctureJ'empêche pareille aventure, Soit cassé, brisé, mis à mortDans les lieux de votre ressortComme étant fatal au commerce,Que partout il trouble et renverse,Et qu'expresse inhibition Soit faite par provisionÀ tout le corps des Précieuses,Des inventrices périlleusesDes mots, qui par leur nouveautéTroublent notre félicité, De ne s'en plus servir, à peineDe ne jamais lire Artamene,Ni même aucun autre roman ;Ou pour un plus dur châtimentQue le lit, desdites femelles, Soit des deux côtés sans ruellesEt qu'il soit mêmement placéSans être du tout exaucé. ROGUESPINE, à part. Peste il a retenu sans peineTout ce qu'un avocat du Maine, Lui dit, avant que de partir. PATRICE, à Epicarie. Avez-vous de quoi repartir ? EPICARIE. Oui je suis prête de répondreEt mêmement de le confondre,Et sans parler hors de propos Je m'en vais Messieurs, en deux mots,Afin de défendre ma causeDonner dans le vrai de la chose. RIBERCOUR. Ah ! Quelle perturbationVoyez son obstination, Voyez avec quelle assurance,Avec quel front, quelle insolence,Elle ose jusques dans ces lieuxParler devant vous Précieux. ANAXARITE. N'interrompez point sa harangue, Et que devant nous votre langueSe tienne un peu plus en repos. EPICARIE. Je dis donc, Messieurs, en deux motsQu'il n'a rien dit de pathétiqueQu'on ne voit rien de plus inique Rien même, qui selon mon sens,Soit plus contre le droit des gensQue de vouloir ôter aux femmes,La langue, puisqu'enfin sans âmesElles vivraient assurément Plutôt que sans langue un moment.L'on sait de science certaineQue c'est là leur vrai patrimoine,Que pour en amoindrir les droitsL'on n'a point encor fait de lois Dedans villages, bourgs, ni villes,Puisqu'elles seraient inutiles.Cette seule raison pourraitProuver suffisamment mon droit ;Mais je ne puis encor me taire Et je poursuis. Sa cause entièreS'étend sur les troubles passésDont il nous croit fort menacés,Par la confusion des langues. ROGUESPINE, à part. Elle fait fort bien des harangues. EPICARIE, poursuit. Comme si Paris maintenantCraignait quelque mal surprenant,Parce qu'a présent l'on y parleComme on fait au Maine, et dans Arles,Et qu'on y parle aussi Gascon, Normand, Bas-Breton, Bourguignon,Hollandais, et de plus encore,Italien, Grec, Latin, More,Espagnol, Polonais, Flamand,Persan, Turc, Hébreux, Allemand, Picard, Chaldéen ; pour le resteJ'en dis et cetera. ROGUESPINE, à part. La peste,Elle en a bien dit à la fois,Quoi qu'elle ait oublié l'Anglais. EPICARIE, continue. Je crois Messieurs, par cet exemple Aussi puissant comme il est ample,Avoir prouvé suffisammentEt même intelligiblement,Que la quantité de langagesNe saurait causer de dommages À Paris, ni dans d'autres lieux :Reste à voir si le Précieux,Qui maintenant est en usageEst un bon, ou mauvais langage.Or si nous prétendons le voir Il faut auparavant savoir,De quels gens il a pris naissance. RIBERCOUR, à part. Juste Dieux qu'entends-je, je penseQu'ici je ne gagnerai rienTant cette femme jase bien. EPICARIE, continue. Il naquit l'an six cens cinquante,Et de chacun trompa l'attente ;Car j'ai de notables témoinsQue l'on ne songeait à rien moins.Des femmes, enfin l'enfantèrent Et trente-neuf ans, le portèrent ;Mais voyez quelles elles sont,Quel est le renom qu'elles ont.Elles ressemblent aux abeillesHormis que c'est par les oreilles Qu'elles ont pendant tout le tempsDes sus-notés trente-neuf ans,Succès tous les discours des poètes,Des cervelles les plus parfaites,De tous ceux qui par leur esprits Sont dans le Monde en grand crédit,Des plus galants portes soutanes,Des courtisans, des courtisanes,Des gens d'épée, et de barreau. ROGUESPINE, à part. Elle n'a rien dit du bourreau. EPICARIE, continue. Des Messieurs de l'Académie,De qui la gloire est infinie,Et dont vous êtes aujourd'huiAfin de me servir d'appui ;Jugez donc Messieurs, si ces femmes ; Si ces belles et grandes âmes,Après avoir le suc tiréEt tout le jus bien pressuréDe maint illustre personnageNe pouvaient pas faire un langage Et si loin de les condamnerVous ne devez pas ordonnerQue Ribercour, quoi qu'il demande,Quoique contre nous il prétende,Soit et sans prorogation Débouté de son action,Comme étant frivole et inepte. Les Juges opinent. ROGUESPINE. [Note : Soubrette : Terme de théâtre. Suivante de comédie. [L]]Écoute un peu jeune soubrette. LA SUIVANTE. Qu'est-ce ? ROGUESPINE. Ma foi, plaidons nous deux,Car je me trouve assez joyeux Et même en état de te fairePour ne point traîner notre affaireDéjà communicationDe… LA SUIVANTE. Moi, pour changer l'actionJ'insinuerais bien sur ta joue [Note : Soufflet : est aussi un coup donné à plat ou du revers de la main sur la joue. [F]]Un soufflet. ROGUESPINE. Va c'est que je joue,Mais pourtant si nous nous plaidionsSi tous deux nous nous chamaillionsIl vaudrait ma foi mieux je pense[Note : Obvier : Prévenir un mal, un inconvénient. [L]]Pour obvier à la dépense [Note : Grossoyer : Faire la grosse d'un acte. [L]][Note : Grosse : Se dit également de certaines écritures dont les unes sont des copies et les autres des originaux. Pour les procès-verbaux, la grosse est la copie ; pour les requêtes, elle est l'original. [L]]Grossoyer ensemble à loisirNos pièces, peste quel plaisir. PATRICE, prononce. Ouï le différend des parties,Leurs défenses et répartiesNous ordonnons selon vos voeux Que le langage Précieux,Par arrêt célèbre, authentiqueEt de plus encor juridique,Soit cassé, brisé, mis à mortDans les lieux de notre ressort : Faisons même en cette séanceAux Précieuses de la France,Très expresse inhibition,De ne plus parler ce jargon,Ni de s'en plus servir à peine De ne jamais lire Artamène,Ni même aucun autre roman,Ou pour un plus dur châtimentQue le lit, desdites femellesSoit des deux côtés sans ruelles, Et qu'il soit mêmement placéSans être du tout exaucé. Le Siège se lève. RIBERCOUR. Enfin je suis couvert de gloire,Car j'ai remporté la victoire. PANCRACE. Vous devez être fort joyeux D'avoir détruit le Précieux,Et d'avoir pu dessus tant d'âmesSur tant d'opiniâtres femmesRemporté le dessus. EPICARIE. Donnant une lettre à Ribercour.Tout douxPeut-être aurez vous le dessous, Et ceci me fera justiceEn dépit de Monsieur Patrice, Elle sort avec sa suivante.Qui sans trop bien savoir pourquoiVient de prononcer contre moi. RIBERCOUR. Prend la lettre et lit.Cher ami,Je te conseille de laisser là ton procès, et de revenir dans notre Province, car j'ai appris depuis que tu en es parti que c'est un tour que l'on t'a joué, et que ceux de ce pays qui t'ont envoyé s'entendent avec trois ou quatre personnes de Paris, qui doivent contrefaire les Juges, et les Précieuses, pour se divertir de toi, je te donne cet avis ; et suis,Ton Serviteur, Fontenay. Ribercour continue.Quoi l'on m'a joué de la sorte Cher ami, le courroux m'emporte,Par la mort, je m'en vengerai. ROGUESPINE. Et moi, par ma foi, j'en rirai. RIBERCOUR. Mais celui qui ceci m'avanceN'est-il point de l'intelligence. PANCRACE. Peut-être, mais je vois enfinQue vous n'êtes pas le plus fin,Que ce n'est que vous qu'on ballotte[Note : Marotte : Ce que les fous portent à la main pour les faire reconnaître. C'est un bâton duquel il y a une petite figure ridicule en forme de marionnette coiffée d'un bonnet de différentes couleurs. [F]]Et qu'on fait servir de marotte. RIBERCOUR. Cependant à des gens d'honneur Cet affront doit tenir à coeur ;Mais je saurai je vous le jure,Tirer raison de cette injure,Et vais… ROGUESPINE. En poste vitementRegagner le pays du Mans, Car je crois qu'on vous y prépareUne entrée tout à fait rare,Et qui doit répondre au succèsD'un si favorable procès. ==================================================