******************************************************** DC.Title = LA FÊTE DE BELLÉBAT, DIVERTISSEMENT DC.Author = VOLTAIRE DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Divertissement DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 13/07/2023 à 14:12:50. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/VOLTAIRE_FETEDEBELLEBAT.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA FÊTE DE BELLÉBAT À SON ALTESSE SÉRÉNISSIME MADEMOISELLE DE CLERMONT AN IX. 1801 Voltaire À PARIS, de L'IMPRIMERIE ET DE LA FONDERIE STÉRÉOTYPES de PIERRE DIDOT, L'AÎNÉ, ET DE FIRMIN DIDOT. . AVERTISSEMENT. Cette lettre contient la description d'une fête donnée à Bellébat, chez Monsieur_le_Marquis de Livry, en 1724. Tous les vers, à beaucoup près, ne sont pas de Voltaire, et ceux qui lui appartiennent sont faciles à distinguer. PERSONNAGES L'ORATEUR. UN HABITANT DE COURDIMANCHE. LE CHOEUR. LE BEDEAU. LE CURÉ. LES JEUNES FILLES. VOLTAIRE. LA MARQUISE DE PRIE. LE CHOEUR. LE COADJUTEUR. LE CORYPHÉE. [La scène au château de Béllébat.] Transcrit depuis le Tome XII du Théâtre de Voltaire, Paris, Pierre Didot et Firmin Didot, An IX. (1801). pp 117-138 LA FÊTE DE BELLÉBAT. SCÈNE I. Les citoyens de Bellébat ne peuvent vous rendre compte que de leurs divertissements et de leurs fêtes ; ils n'ont ici d'affaires que relies de leurs plaisirs. Bien différents en cela de Monsieur votre frere ainé*, qui ne travaille tous les jours que pour le bonheur des autres. Nous sommes tous devenus ici poètes et musiciens, sans pourtant être devenus bizarres. Nous avons de fondation un grand homme qui excelle en ces deux genres ; c'est le curé de Courdimanche : ce bonhomme a la tête tournée de vers et de musique, et on le prendrait volontiers pour l'aumônier du cocher de Monsieur de Vertamont**. Nous le couronnâmes poète hier en cérémonie dans le château de Bellébat, et nous nous flattons que le bruit de cette fête magnifique excitera partout l'émulation, et ranimera les beaux arts en France. Les citoyens de Bellébat ne peuvent vous rendre compte que de leurs divertissements et de leurs fêtes ; ils n'ont ici d'affaires que relies de leurs plaisirs. Bien différents en cela de Monsieur votre frere ainé*, qui ne travaille tous les jours que pour le bonheur des autres. Nous sommes tous devenus ici poètes et musiciens, sans pourtant être devenus bizarres. Nous avons de fondation un grand homme qui excelle en ces deux genres ; c'est le curé de Courdimanche : ce bonhomme a la tête tournée de vers et de musique, et on le prendrait volontiers pour l'aumônier du cocher de Monsieur de Vertamont**. Nous le couronnâmes poète hier en cérémonie dans le château de Bellébat, et nous nous flattons que le bruit de cette fête magnifique excitera partout l'émulation, et ranimera les beaux arts en France. Les citoyens de Bellébat ne peuvent vous rendre compte que de leurs divertissements et de leurs fêtes ; ils n'ont ici d'affaires que relies de leurs plaisirs. Bien différents en cela de Monsieur votre frere ainé*, qui ne travaille tous les jours que pour le bonheur des autres. Nous sommes tous devenus ici poètes et musiciens, sans pourtant être devenus bizarres. Nous avons de fondation un grand homme qui excelle en ces deux genres ; c'est le curé de Courdimanche : ce bonhomme a la tête tournée de vers et de musique, et on le prendrait volontiers pour l'aumônier du cocher de Monsieur de Vertamont**. Nous le couronnâmes poète hier en cérémonie dans le château de Bellébat, et nous nous flattons que le bruit de cette fête magnifique excitera partout l'émulation, et ranimera les beaux arts en France. L'ORATEUR. Ainsi, dans les plaisirs d'une vie innocente,Nous attendons l'heureux jourOù nous réverrons le séjourDe cette reine aimable et bienfaisante,L'objet de nos respects, l'objet de notre amour : Le plaisir de vivre à sa CourVaut la fête la plus brillante. Le curé de Courdimanche s'étant placé sur le trône qui lui était destiné, tous les habitants de Courdimanche vinrent en cérémonie le haranguer ; Voltaire porta la parole. La harangue finie, la cérémonie commença. UN HABITANT DE COURDIMANCHE chante. [Note : Courdimanche-sur-Essonne : Commune au sud de Paris. Le Château de Bellébat est au bord de la rivière Essonne.]Peuples fortunés de Courdimanche,Devant le curé que tout s'épanche ;À le couronner qu'on se prépare , De pampre, en attendant la tiare. On met une couronne sur la tête du Curé. LE CHOEUR, chante. Sur un air de l'opéra de Thésée.Que l'on doit êtreContent d'avoir un prêtreQui fait de si beaux vers !Qu'on applandisse Sans cesse à ses nouveaux airs,À ses concerts.Qu'à l'église il nous bénisse,Qu'à table il nous réjouisse ;Que d'un triomphe si doux Tous les curés soient jaloux ! Sur l'air des vieillards de Thésée.Mène-t-on dans le monde une vieQui soit plus jolieQu'à Bellébat ?Ce curé nous enchante : Lorsqu'à table il chante ,On croirait être au sabbat.Le démon poétiqueQui rend pâle , étique ,Voltaire le rimeur, Rend la faceBien grasseÀ ce pasteur/ Sur l'air : Au généreux Roland, etc.À ce joyeux curé Bellébat doit sa gloire,Tous les buveurs on lui voit terrasser ; Mais il ne veut, pour prix de sa victoire,[Note : Le marquis de Livry, premier maître-d'hôtel du roi, qui était de la fête.]Que le bon vin que Livry fait verser.On vient, pour l'admirer, des quatre coins du monde ;On quitte une brillante Cour ;Partout à sa santé chacun boit à la ronde ; Mais qui peut voir sa face rubiconde,Voit sans étonnement l'excès de notre amour.Triomphe, grand Courdimanche,Triomphez des plus grands coeurs :Ce n'est qu'aux plus fameux buveurs [Note : Mets que le curé vantait beaucoup.]Qu'il est permis de manger votre éclanche. (i) Une nymphe lui présente un verre de vin. UN HABITANT chante. Versez-lui de ce vin vieux.Sylvie,Versez-lui de ce vin vieux ;Encore un coup, je vous prie, L'Amour vous en rendra deux.Vénus permet qu'en ces beaux lieuxBacchus préside ;Le curé de ce lieu joyeuxEst le druide : Honneur, cent fois honneurÀ ce divin pasteur ;Le plaisir est son guide :Que les curés d'alentourViennent lui faire la cour. Sur l'air : Le pays de Cocagne, d'une comédie de le Grand.Où trouver la grâce du comique,Un style noble et plaisant,Et du grand et sublime tragiqueLe récit tendre et touchant ?Voltaire a-t-il tout cela dans sa manche ? Et lon lon laCe n'est pas làQu'on trouve cela,C'est chez le grand Courdimanche. En fait de cette douce harmonie Qui charme et séduit les coeurs , Des maîtres de France ou d'Italie Qui doit passer pour vainqueurs ? Entre Miguel et Lulli le choix penche ; Et lon lan la Ce n'est pas là Qu'on trouve cela, C'est chez le grand Courdimanche. Salut au curé de Courdimanche , Oh, que c'est un homme divin ! Sa ménagère est fraîche et blanche ; Salut au curé de Courdimanche : Sûr d'une soif que rien n'étanche, Il vuiderait cent brocs de vin ; Salut au curé de Courdimanche. Oh, que c'est un homme divin ! Éclanche : Épaule de mouton séparée du corps de l'animal. [L] Du pain bis, une simple éclanche ; Salut au curé de Courdimanche : Bécassine : Oiseau de passage comme la bécasse, et qui a comme elle le bec fort long, mais qui n'a que la moitié de sa grosseur. [L] Tanche : Poisson d'eau douce du genre de la carpe. [L] Maigre ou gras, bécassine ou tanche, Tout est bon dès qu'il a du vin. Salut au curé de Courdimanche ; Oh, que c'est un homme divin ! Des vers, il en a dans sa manche ; Salut au curé de Courdimanche : Aucun repas ne se retranche ; En s'éveillant il court au vin ; Salut au curé de Courdimanche, Oh, que c'est un homme divin ! La scène change et représente l'agonie du curé de Courdimanche : il paraît étendu sur un lit. LE CHOEUR. Ah ! notre curéS'est bien échaudé, [Note : Il lui était tombé sur les jambes une chaudière d'eau bouillante. On le suppose si incommodé qu'il est à l'extrémité.]Faisant sa lessive,Ah ! notre curéEst presque enterré ,Pour s'être échaudé. UN HABITANT. Et du même chaudron, bis.La pauvre BacarieA brûlé son... LE CHOEUR, l'interrompant. Ah ! Notre curé, etc. UN HABITANT. Quelques gens nous ont ditQue le curé lui-même Avait brûlé son... LE CHOEUR, l'interrompant. Ah ! notre curé , etc. Exhortation faite au curé de Courdimanche en son agonie.Curé de Courdimanche, et prêtre d'Apollon,Que je vois sur ce lit étendu tout du long,Après avoir vingt ans, dans une paix profonde, Enterré, confessé, baptisé votre monde ;Après tant d'oremus chantés si plaisamment,Après cent requiem entonnés si gaiement,Pour nous, je l'avouerai, c'est une peine extrême,Qu'il nous faille aujourd'hui prier Dieu pour vous-même. Mais tout passe et tout meurt ; tel est l'arrêt du sort :[Note : Chaque instant de vie est un pas vers la mort. Vers de Corneille, dans Bérénice.]L'instant où nous naissons est un pas vers la mort.Le petit père André n'est plus qu'un peu de cendre ;Frère i'redon n'est plus ; Diogene, Alexandre,César, le poète Roi, la Fillon, Constantin ; Abraham, Brioché, tous ont même destin ;Ce cocher si fameux à la Cour, à la ville,Amour des beaux esprits, père du vaudeville,Dont vous auriez été le très digne aumônier,[Note : Saint-Eustache est une église de 1633 qui jouxte les Halles de Paris.]Près Saint-Eustache encore est pleuré du quartier. Vous les suivrez bientôt; c'est donc ici, mon frère,Qu'il faut que vous songiez à votre grande affaire.Si vous aviez été toujours homme de bien ,Va bon prêtre, un nigaud, je ne vous dirais rien :Mais qui peut, entre nous, garder son innocence? Quel caré n'a besoin d'un peu de pénitence?Combien en a-t-on vus jusqu'aux pieds des autelsPorter un coeur pétri de penchants criminels ;Dans ce tribunal même, où, par des lois sévères,Des fautes des mortels ils sont dépositaires, Convoiter les beautés qui vers eux s'accusaient,Et commettre la chose, alors qu'ils l'écoutaient !Combien n'en vit-on pas, dans une sacristie,Conduire une dévote avec hypocrisie,Et, sur un banc trop dur, travailler en ce lieu À faire à son prochain des serviteurs de Dieu !Je veux que de la chair le démon redoutableN'ait pu vous enchanter par son pouvoir aimable ;Que, digue imitateur des saints du premier temps,Vous ayez pu dompter la révolte des sens ; Vous viviez en châtré ; c'est un bonheur extrême :Mais ce n'est pas assez, curé, Dieu veut qu'on l'aime.Avez-vous bien connu cette ardente ferveur,Ce goût, ce sentiment, cette ivresse du coeur,La charité, mon fils ? Le chrétien vit par elle : Qui ne sait point aimer n'a qu'un coeur infidèle ;La charité fait tout : vous possédez en vainLes moeurs de nos prélats, l'esprit d'un capucin,D'un cordelier nerveux la timide innocence ,La science d'un carme avec sa continence , [Note : Fils de Loyola : Saint-Ignace de Loyola (1491-1556) est le créateur de l'ordre des jésuites ? reconnue par Paul III en 1540 .]Des fils de Loyola toute l'humilité ;Vous ne serez chrétien que par la charité. Commencez donc, curé, par un effort suprême ; Pour mieux savoir aimer, haïssez-vous vous-même. Avouez humblement, en pénitent soumis, Tous les petits péchés que vous ayez commis ; Vos jeux, vos passe-temps, vos plaisirs, et vos peines, Allusions à des anecdotes particulières de la vie du curé. [NdA] Olivette, Amauri, vos amours, et vos haines ; Combien de muids de vin vous vuidiez dans un an ; Muid : Ancienne mesure de capacité, qui variait suivant les provinces. [L] de 296 à 472 litres. Si Brunelle avec vous a dormi bien souvent. Après que vous aurez aux yeux de l'assemblée Étalé les péchés dont votre âme est troublée, Avant que de partir, il faudra prudemment Dicter vos volontés et faire un testament, Bellébat perd en vous ses plaisirs et sa gloire : Il lui faut un poète et des chansons à boire, Il ne peut s'en passer ; vous devez parmi nous Choisir un successeur qui soit digne de vous. Il sera votre ouvrage, et vous pourrez le faire De votre esprit charmant unique légataire. Tel Elie autrefois, loin des profanes yeux, Dans un char de lumière emporté dans les cieux, Avant que de partir pour ce rare voyage, Consolait Elisé qui lui servait de page ; Et, dans un testament, qu'on n'a point par écrit, Avec un vieux pourpoint lui laissa son esprit. Afin de soulager votre mémoire usée, Nous ferons en chansons une peinture aisée De cent petits péchés que peut faire un pasteur, Et que vous n'auriez pu nous réciter par coeur. Air du Confiteor.[Note : Confiteor : Nom donné à la prière que font les catholiques avant de se confesser, à la messe et dans d'autres circonstances. Dire son Confiteor. ] Vous prenez donc congé de nous ; En vérité, c'est grand dommage : Mon cher curé, disposez-vous A franchir gaiement ce passage. Hé quoi, vous résistez encor ! Dites votre Confiteor. Lorsque vous aimâtes Margot, Diacre : Dans l'Église catholique, celui qui est revêtu du second des ordres sacrés. [L] Vous n'étiez pas encor sous-diacre ; Quasimodo : Terme de liturgie (avec un Q majuscule). Le dimanche qui suit Pâques. [L] Un beau jour de Quasimodo, Avec elle montant en fiacre... Vous en souviendrait-il encor ? Dites votre Confiteor. Nous vous avons vu pour Catin Abandonner souvent l'office ; Vous n'êtes pas, pour le certain, Chu : participe passé du verbe choir. Chu dans le fond du précipice ; Mais, parbleu, vous étiez au bord : Dites votre Confiteor. Vos sens, de Brunelle enchainés, La fêtaient mieux que le dimanche. Sous le linge elle a des beautés, Quoiqu'elle ne soit pas trop blanche, Taie : Linge en forme de sac qui sert d'enveloppe à un oreiller. Une taie d'oreiller. [L] Et qu'elle ait quelque taie encor : Dites votre Confiteor. Vous avez renversé sur eu[x] Plus de vingt tonneaux par année ; Tout Courdimanche est convaincu Que Toinon fut plus renversée. Pour les muids de vin, passe encor : Dites votre Confiteor. N'êtes- vous pas demeuré court Dans vos rendez-vous, comme en chaire ? Vous avez tout l'air d'un Saucourt, De grands traits à la cordelière ; Mais tout ce qui luit n'est pas or : Dites votre Confiteor Élève, et quelquefois rival De Pure, Michel, Abbé (1620-1680) fut aumonier de Louis XIV, e un poète et auteur dramatique. On lui doit la comédie "La Déroute des précieuses" (1658) et un tragédie nommé "Ostorius" (1658). De l'abbé de Pure et d'Horace, Du fond du confessionnal, Quand vous grimpez sur le Parnasse, Thabor : Nom d'une montagne isolée en Galilée, où l'on croit que Jésus-Christ se transfigura en présence de trois de ses disciples. On met un grand T. Par souvenir, piédestal recouvert d'une pièce de tapisserie où l'on pose le saint sacrement. [L] Vous vous croyez sur le Thabor : Dites votre Confiteor. Si les Amauris ont voulu Troubler votre innocente flamme, Et s'ils vous ont un peu battu, C'est pour le saint de votre âme ; C'est pour vous de grâce un trésor : Dites votre Confiteor. Après la confession, le Bedeau chante. Gardez tous un silence extrême,Le curé se dispose à vous parler lui-même, Pour donner plus d'éclat à ses ordres derniers,[Note : Marguillier : celui qui a l'administration temporelle d'une église, d'une paroisse, qui a soin de la fabrique et de l'oeuvre. [F]]Il a fait assembler ici les marguilliers.Écoutez bien comme l'on sonne :Du carillon tout Bellébat résonne ;Il tousse, il crache, écoutez bien ; De ce qu'il dit ne perdez jamais rien. LE CURÉ chante d'un ton entrecoupé. À Courdimanche, avec honneur,J'ai fait mon devoir de pasteur ;J'ai su boire, chanter, et plaire,Toutes mes brebis contenter : Mon successeur sera Voltaire,Pour mieux me faire regretter. LE BEDEAU chante. Que de tous côtés on entendeLe beau nom de Voltaire , et qu'il soit célébré.Est-il pour nous une gloire plus grande ? L'auteur d'Oedipe est devenu curé. LE CHOEUR. Que de tous côtés on entende , etc. LE BEDEAU. Qu'avec plaisir Rellébot reconnaisseDe ce curé le digne successeur ;Il faut toujours dans la paroisse Un grand poète avec un grand buveur. À Voltaire.Que l'on bénisseLe choix propiceQui du pasteur[Note : Coadjuteur : Ecclésiastique nommé pour aider un évêque ou un archevêque dans les fonctions épiscopales et pour lui succéder, le siège venant à vaquer. [L]]Vous fait coadjuteur. LE CHOEUR. Que de tous côtés on entendeLe beau nom de Voltaire, et qu'il soit célébré , etc. Madame la Marquise de Prie présente à Voltaire une couronne de laurier, et l'installe en chantant. LA MARQUISE DE PRIE. Pour prix du bonheur extrêmeQue nous goûtons dans ces lieux,Et qu'on ne doit qu'à toi-même, Reçois ce don précieux ;Je te le donne,En attendant encor mieuxQu'une couronne. LES HABITANTS DE BELLÉBAT, chantent. Dans cet auguste jour, Reçois cette couronne Par les mains de l'amour ; Notre coeur te la donne, Et zon, zon, zon, etc. Tu connais le devoir Où cet honneur t'engage ; Par un double pouvoir Mérite notre hommage, Et zon, zon, zon, etc. On annonce au coadjuteur ses devoirs.Du poste où l'on t'introduit Connais bien toutes les charges ;Il faut des épaules larges,Grand'soif, et bon appétit. On répete.Du poste , etc. On fait le panégyrique du curé, comme s'il était mort. UN CORYPHÉE chante. Hélas ! Notre pauvre saint, Que Dieu veuille avoir son âme !Pain, vin, jambon, fille, ou femme,Tout lui passait par la main. LE CHOEUR. Hélas ! etc. LE CORYPHÉE. Il eût cru taxer les dieux D'une puissance bornée.Si jamais pour l'autre annéeIl eût gardé de vin vieux. LE CHOEUR, répète. Il eût cru , etc. LE CORYPHÉE. Tout Courdimanche en discord Menaçait d'un grand tapage ;Il enivra le village,À l'instant tout fut d'accord. LE CHOEUR. Tout Courdimanche, etc. LE CORYPHÉE. Quand l'orage était bien fort, Pour détourner le tonnerre,Un autre eût dit son bréviaire ;Lui courait au vin d'abord. LE CHOEUR. Quand l'orage, etc. LE CORYPHÉE. Bonhomme, ami du prochain, Ennemi de l'abstinence,S'il prêchait la pénitence,C'était un verre à la main. LE CHOEUR. Bonhomme, etc. DEUX JEUNES FILLES, chantent. Que nos prairies Seront fleuries !Les jeux, l'amour,Suivent Voltaire en ce jour ;Déjà nos mèresSont moins sévères ; On dit qu'on peut faireUn mari cocu.Heureuse terre !C'est à VoltaireQue tout est dû. LE CHOEUR. Que nos prairies, etc. LES JEUNES FILLES. L'amour lui doitLes honneurs qu'il reçoit :Un coeur sauvagePar lui s'adoucit ; Fille trop sagePour lui s'attendrit. LE CHOEUR. Que nos prairies, etc. REMERCIEMENT de Voltaire au curé. Curé, dans qui l'on voit les talents et les traits,La gaieté, la douceur, et la soif éternelle Du curé de Meudon, qu'on nommait Rabelais,Dont la mémoire est immortelleVous avez daigné me donnerVos talents, votre esprit, ces dons d'un dieu propice ;C'est le plus charmant bénéfice Que vous ayez à résigner.Puisse votre carrière être encor longue et belle !Vous formerez en moi votre heureux successeur :Je serai dans ces lieux votre coadjuteur,Partout hors auprès de Brunelle. LE CHOEUR. Honneur et cent fois honneurÀ notre coadjuteur ! À Monseigneur le Comte de Clermont.Viens, parais, jeune prince, et qu'on te reconnaissePour le coq de notre paroisse ;Que ton frère, à son gré, soit le digne pasteur De tous les peuples de la France ;Qu'on chante, si l'on veut, sa vertu, sa prudence :Toi seul dans Bellébat rempliras nos désirs :On peut partout ailleurs célébrer sa justice ;Nous ne voulons ici chanter que nos plaisirs ; Oui pourrait mieux que toi commencer cet office ? À Monsieur de Billy, son gouverneur.Billy, nouveau Mentor bien plus sage qu'austèreDe ce Télémaque nouveau,Si, pour éclairer sa carrière,Ta main de la raison nous montre le flambeau, Le flambeau de l'amour s'allume pour lui plaire :Loin d'éteindre ses feux, ose en brûler encor ;Et que jamais surtout quelque nymphe jolieNe renvoie à la PeyronieLe Télémaque et le Mentor. Au Seigneur de Bellébat.[Note : Duchy, Jean-Baptiste Berthelot de, (1672-1740) Seigneur de Bellébat , de Courtomanche, Directeur et Intendant de l'Hôtel Royal des Invalides , mourut en cette Maison, sans avoir été marié, dans la 68ème année de son âge. [Mercure de France]]Duchy, maitre de la maison,Vous êtes franc, vrai, sans façon,Très peu complimenteur, et je vous en révère.La louange à vos yeux n'eut jamais rien de doux ;Allez, ne craignez rien des transports de ma lyre ; Je vous estimerai , mais sans vous en rien dire :C'est comme il faut vivre avec vous. À Monsieur de Montchesne.Continuez, monsieur : avec l'heureux talentD'être plaisant et froid, sans être froid plaisant,De divertir souvent, et de ne jamais rire, Vous savez railler sans médire,Et vous possédez l'art charmantDe ne jamais fâcher, de toujours contredire. À Madame de Montchesne.Vous, aimable moitié de ce grand disputeur,Vous, qui pensez toujours bien plus que vous et en dites, Vous, de qui l'on estime et l'esprit et le coeur,Lorsque vous ne songez qu'à cacher leurs mérites,Jouissez du plaisir d'avoir toujours donnéLes contradictions dont son esprit abonde ;Car ce n'est que pour vous qu'il a toujours été De l'avis du reste du monde. À Madame la Marquise de Prie.[Note : De Prie (Jeanne-Agnès Berthelot de Pléneuf, marquise) (1698-1727) aristocrate très influente de la Cour de Louis XV qui tenait salon au Château Bellébat.]De Prie, objet aimable, et rare assurément,Que vous passez d'un vol rapideDu grave à l'enjoué, du frivole au solide !Que vous unissez plaisamment L'esprit d'un philosophe et celui d'un enfant !J'accepte les lauriers que votre main me donne :Mais ne peut-on tenir de vous qu'une couronne ?Vous connaissez Alain, ce poète fameux,Qui s'endormit un jour au palais de sa reine : Il en reçut un baiser amoureux ; Mais il dormait, et la faveur fut vaine.Vous me pourriez payer d'un prix beaucoup plus doux ;Et si votre bouche vermeilleDoit quelque chose aux vers que je chante pour vous, N'attendez pas que je sommeille. À Monsieur de Baye, frère de Madame de Prie.Vous êtes, cher de Baye, au printemps de votre âge ;Vous promettez beaucoup, vous tiendrez davantage.Surtout n'ayez jamais d'humeur ;Vous plairez quand vous voudrez plaire : D'ailleurs imitez votre frère :Mais, hélas ! Qui pourrait imiter votre soeur ? À Monsieur le Duc de la Fenillade.Vous avez, jeune la Feuillade,Ce don charmant que jadis eut Saucourt,Ce don qui toujours persuade, Et qui plaît surtout à la Cour.Gardez qu'un jour on ne vous plaigneD'avoir su mal user d'un talent si parfait ;N'allez pas devenir un méchant cabaretPortant une si belle enseigne. À Monsieur de Bonneval.Et vous, cher Bonneval, que vous êtes heureux !Vous écrivez souvent sous l'aimable de Prie,Et vous avez des vers le talent gracieux ;Ainsi diversement vous passez votre vieÀ parler la langue des dieux. Partagez avec moi ce brin de ma couronne ;De Prie, aux yeux de tous, m'a promis encor mieux :Ah ! Si ce mieux venait, je jure par les cieuxDe ne le partager jamais avec personne. À Monsieur le président Hénault.[Note : Hénault d'Armorezan, Charles-Jean-François dit « le président Hénault », (1685-1770) historien et écrivain. Académicien en 1723. Initiateur du club de l'Entresol qui réunit philosophes et lettrés.]Hénault, aimé de tout le monde, Vous enchantez égalementLe philosophe, l'ignorant,Le galant à perruque blonde,Le citoyen, le courtisan :En Apollon vous êtes mon confrère. Grand maître en l'art d'aimer, bien plus en l'art de plaire ;Vif sans emportement, complaisant sans fadeur,Homme d'esprit sans être auteur,Vous présidez à cette fête ;Vous avez tout l'honneur de cet aimable jour. Mes lauriers étaient faits pour ceindre votre tête ;Mais vous n'en recevez que des mains de l'amour. À Messieurs le Marquis et l'abbé de Livry.Plus on connait Livry, plus il est agréable :Il donne des plaisirs, et toujours il en prend ;Il est le dieu du lit et celui de la table. [Note : L'abbé de Livry, ambassadeur en Portugal, en Espagne, et en Pologne. [NdA]]Son frère, en tapinois, en fait bien tout autant ;Et sans perdre de sa prudence, Lorsqu'avec des buveurs il se trouve engagé,Il soutient mieux que le clergéLes libertés de l'Église de France. À Monsieur Delaistre.Doux, sage, ingénieux, agréable Delaistre,Vous avez gagné mon coeur.Dès que j'ai pu vous connaître.Mon estime envers vous à l'instant va paraître ;Je vous fais mon enfant de choeur. LE CHOEUR chante. Chantons tous la chambrièreDe notre coadjuteur ;Elle aura beaucoup à fairePour engraisser son pasteur.Haut le pied, bonne ménagère ; Haut le pied, coadjuteur. LE COADJUTEUR chante. Tu parais dans le bel âge, Vive, aimable, et sans humeur ; Viens gouverner mon ménage, Et ma paroisse, et mon coeur. Haut le cul, belle ménagère ; Haut le cul, coadjuteur. L'évêque le plus austère, S'il visitait mon réduit, Cache-toi, ma ménagère, Car il te prendrait pour lui. Haut le pied, bonne ménagère; Tu peux paraître aujourd'hui. LE CHOEUR chante. Honneur au dieu de Cythère, Et gloire au divin Bacchus ; Honneur et gloire à Voltaire, Héritier de leurs vertus. Haut le pied, bonne ménagère ; Que de biens sont attendus ! Des jeux l'escorte légère, Sous ce digne successeur, De la raison trop austère Délivrera notre coeur. Haut le pied, bonne ménagère ; Célébrez votre bonheur. Raison, dont la voix murmure Contre nos tendres souhaits, Par une triste peinture Des coeurs tu doubles la paix. Ils peignent d'après nature ; Nous aimons mieux leurs portraits. ==================================================