******************************************************** DC.Title = SAMSON, TRAGÉDIE DC.Author = VOLTAIRE DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Opéra DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:08:21. DC.Coverage = Israël DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/VOLTAIRE_SAMSON.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** SAMSON Tragédie en cinq actes et un Prologue. 1732 VOLTAIRE Cette pièce n'a jamais été représentée. PERSONNAGES DU PROLOGUE LA VOLUPTÉ. PLAISIRS ET AMOURS. BACCHUS. HERCULE. LA VERTU. SUIVANTS DE LA VERTU. PERSONNAGES DE LA TRAGEDIE SAMSON. DALILA. LE ROI DES PHILISTINS. LE GRAND-PRÊTRE. LES CHOEURS. PROLOGUE LA VOLUPTÉ, sur son trône, entourée des PLAISIRS et des AMOURS. Le théâtre représente la salle de l'opéra/ LA VOLUPTÉ. Sur les bords fortunés embellis par la SeineJe règne dès longtemps.Je préside aux concerts charmantsQue donne Melpomène.Amours, Plaisirs, Jeux séducteurs, Que le loisir fit naître au sein de la mollesse,Répandez vos douces erreurs ;Versez dans tous les coursVotre charmante ivresse ;Régnez, répandez mes faveurs. CHOEUR à parodier. Répandons, etc. LA VOLUPTÉ. Venez, mortels, accourez à mes yeux :Regardez, imitez les enfants de la gloire :Ils m'ont tous cédé la victoire.Mars les rendit cruels, et je les rends heureux. Entrée de héros armés et tenant dans leurs mains des guirlandes de fleurs. BACCHUS, à Hercule. Nous sommes les enfants du maître du tonnerre :Notre nom jadis redoutéNe périra point sur la terre ;Mais parlons avec la liberté :Parmi tant de lauriers qui ceignent votre tête, Dites-moi quelle est la conquêteDont le grand cour d'Alcide était le plus flatté. HERCULE. Ah ! Ne me parlez plus de mes travaux pénibles,Ni des cieux que j'ai soutenus :En ces lieux je en connais plus Que la charmante Iole et les Plaisirs paisibles.Mais vous, Bacchus, dont la valeurFit du sang des humains rougir la terre et l'onde,Quel plaisir, quel barbare honneurTrouvez-vous à troubler le monde ? BACCHUS. Ariane m'ôte à jamaisLe souvenir de mes brillants forfaits ;Et par mes présents secourablesJe ravis la raison aux mortels misérables,Pour leur faire oublier tous les maux que j'ai faits. ENSEMBLE. Volupté, reçois nos hommages ;Enchante dans ces lieuxLes héros, les dieux, et le sages :Sans tes plaisirs, sans tes doux avantages,Est-il des sages et des dieux ? UN AMOUR. Jupiter n'est point heureuxPar les coups de son tonnerre :Amour, il doit à tes feuxCes moments si précieuxQu'il vient goûter sur la terre. Le dieu qui préside au jour,Et qui ranime le monde?Ferait-il son vaste tourS'il n'allait trouver l'AmourQui l'attend au sein de l'onde ? Ici tous les conquérantsBornent leur grandeur à plaire ;Les sages sont des amants ;Ils cachent leurs cheveux blancsSous les myrtes de Cythère. Mortels, suivez les Amours ;Toute sagesse est folie.Profitez de vos beaux jours :Les dieux aimeront toujours ;Soyez dieux dans votre vie. LA VOLUPTÉ. Ah ! quelle éclatante lumièreFait pâlir les clartés du beau jour qui nous luit ?Quelle est cette nymphe sévèreQue la sagesse conduit ? LE CHOEUR. Fuyons la vertu cruelle ; Les Plaisirs sont bannis par elle. LA VERTU. Mère des Plaisirs et des Jeux,Nécessaire aux mortels, et souvent trop fatale,Non, je ne suis point ta rivale ;Je viens m'unir à toi pour mieux régner sur eux. Sans moi, de tes plaisirs l'erreur est passagère ;Sans toi, l'on ne m'écoute pas :Il faut que mon flambeau t'éclaire ;Mais j'ai besoin de tes appas.Je veux instruire, et je dois plaire. Viens de ta main charmante orner la Vérité.Disparaissez, guerriers consacrés par la fable :[Note : Alcide : nom de naissance d'Hercule car il était le petit-fils d'Alcée.]Un Alcide véritableVa paraître en ce lieu, comme vous enchanté.Chantons sa gloire et sa faiblesse, Et voyons ce héros, par l'amour abattu,Adorer encor la Vertu,Entre les bras de la Mollesse. CHOEUR DES SUIVANTS DE LA VERTU. Chantons, célébrons, en ce jour,Les Dangers cruels de l'amour. ACTE I SCÈNE I. [Coyphée, Le Choeur]. Le théâtre représente une campagne. Les Israélites, couchés sur le bord du fleuve Adonis, déplorent leur captivité. DEUX CORYPHÉES. Tribus captives,Qui sur ces rivesTraînez vos fers ;Tribus captives,De qui les voix plaintives Font retentir les airs,Adorez dans vos maux le Dieu de l'univers. LE CHOEUR. Adorons dans nos maux le Dieu de l'univers. UN CORYPHÉE. Ainsi depuis quarante hiversDes Philistins le pouvoir indomptable Nous accable ;Leur fureur est implacable,Elle insulte aux tourments que nous avons soufferts. LE CHOEUR. Adorons dans nos maux le Dieu de l'univers. UN CORYPHÉE. Race malheureuse et divine, Tristes Hébreux, frémissez tous :Voici le jour affreux qu'un roi puissant destineA placer ses dieux parmi nous.Des prêtres mensongers, pleins de zèle et de rage,Vont nous forcer à plier les genoux Devant les dieux de ce climat sauvage :Enfants du ciel, que ferez-vous ? LE CHOEUR. Nous bravons leur courroux ;Le Seigneur seul a notre hommage. UN CORYPHÉE. Tant de fidélité sera chère à ses yeux. Descendez du trône des cieux,Fille de la Clémence,Douce EspéranceTrésor des malheureux ;Venez tromper nos maux, venez remplir nos voeux. Descendez, douce Espérance. SCÈNE II. SECOND CORYPHÉE. Ah ! Déjà je les vois ces pontifes cruels,Qui d'une idole horrible entourent les autels. Les prêtres des idoles dans l'enfoncement autour d'un autel couvert de leurs dieux.Ne souillons point nos yeux de ces vains sacrifices ;Fuyons ces monstres adorés : De leurs prêtres sanglants ne soyons point complices. LE CHOEUR. Fuyons, éloignons-nous. LE GRAND-PRETRE DES IDOLES. Esclaves, demeurez,Demeurez : votre roi par ma voix vous l'ordonne.D'un pouvoir inconnu lâches adorateurs. Vous rampez dans nos fers, ainsi que vos ancêtres,Mutins toujours vaincus, et toujours insolents :Obéissez, il en est temps,Connaissez les dieux de vos maîtres. LE CHOEUR. Tombe plutôt sur nous la vengeance du ciel ! Plutôt l'enfer nous engloutisse !Périsse, périsseCe temple et cet autel ! LE GRAND-PRETRE DES IDOLES. Rebut des nations, vous déclarez la guerreAux dieux, aux pontifes, aux rois ? LE CHOEUR. Nous méprisons vos dieux, et nous craignons les loisDu maître de la terre. SCÈNE III. Samson entre, couvert d'une peau de lion ; Les Personnages de la scène précédente. SAMSON. Quel spectacle d'horreur !Quoi ! ces fiers enfants de l'erreurOnt porté parmi vous ces monstres qu'ils adorent ? Dieu des combats, regarde en ta fureurLes indigne rivaux que nos tyrans implorent.Soutiens mon zèle, inspire-moi ;Venge ta cause, venge-toi. LE GRAND-PRETRE. Profane, impie, arrête ! SAMSON. Lâches, dérobez votre têteÀ mon juste courroux ;Pleurez vos dieux, craignez pour vous.Tombez, dieux ennemis ! Soyez réduits en poudre.Vous ne méritez pas Que le dieu des combatsArme le ciel vengeur, et lance ici sa foudre ;Il suffit de mon bras.Tombez, dieux ennemis ! Soyez réduits en poudre. Il renverse les autels. LE GRAND-PRETRE. Le ciel ne punit point ce sacrilège effort ? Le ciel se tait, vengeons sa querelle.Servons le ciel en donnant la mortÀ ce peuple rebelle. LE CHOEUR DES PRETRES. Servons le ciel en donnant la mortÀ ce peuple rebelle. SCÈNE IV. Samson, Les Israélites. SAMSON. Vos esprits étonnés sont encore incertains ?Redoutez-vous ces dieux renversés par mes mains ? CHOEUR DES FILLES ISRAELITES. Mais qui nous défendra du courroux effroyableD'un roi, le tyran des Hébreux ? SAMSON. Le Dieu dont la main favorable A conduit ce bras belliqueuxNe craint point de ces rois la grandeur périssable.Faibles tribus, demandez son appui ;Il vous armera du tonnerre ;Vous serez redoutés du reste de la terre, Si vous ne redoutez que lui. LE CHOEUR. Mais nous sommes, hélas ! sans armes, sans défense. SAMSON. Vous m'avez, c'est assez ; tous vos maux vont finir.Dieu m'a prêté sa force, sa puissance :Le fer est inutile au bras qu'il veut choisir ; En domptant les lions, j'appris à vous servir.Leur dépouille sanglante est le noble présageDes coups dont je ferai périrLes tyrans qui sont leur image. Air.Peuple, éveille-toi, romps tes fers, Remonte à ta grandeur première,Comme un jour Dieu du haut des airsRappellera les morts à la lumièreDu sein de la poussière,Et ranimera l'univers. Peuple, éveille-toi, romps tes fers,La liberté t'appelle ;Tu naquis pour elle ;Reprends tes concerts.Peuple, éveille-toi, romps tes fers ! AUTRE AIR.L'hiver détruit les fleurs et la verdure ;Mais du flambeau des jours la féconde clartéRanime ta nature,Et lui rend sa beauté ;L'affreux esclavage Flétrit le courage :Mais la libertéRelève sa grandeur, et nourrit sa fierté.Liberté ! Liberté ! ACTE II SCÈNE I. [Le Roi, Un Philistin, Le Choeur]. Le théâtre représente le péristyle du palais du roi ; on voit à travers les colonnes des forêts et des collines ; dans le fond, dans la perspective le roi est sur son trône, entouré de toute sa cour habillée à l'orientale. LE ROI. Ainsi ce peuple esclave, oubliant son devoir, Contre son roi lève un front indocile.Du sein de la poussière il brave mon pouvoir.Sur quel roseau fragileA-t-il mis son espoir ? UN PHILISTIN. Un imposteur, un vil esclave, Samson, les séduit et vous brave :Sans doute il est armé du secours des enfers. LE ROI. L'insolent vit encore ? Allez, qu'on le saisisse ;Préparez tout pour son supplice :Courez, soldats ; chargez de fers Des coupables Hébreux la troupe vagabonde ;Ils sont les ennemis et le rebut du monde,Et, détestés partout, détestent l'univers. CHOEUR DES PHILISTINS, derrière le théâtre. Fuyons la mort, échappons au carnage ;Les enfers secondent sa rage. LE ROI. J'entends encore les cris de ces peuples mutins :De leur chef odieux va-t-on punit l'audace ? UN PHILISTIN, entrant sur la scène. Il est vainqueur, il nous menace ;Il commande aux destins ;Il ressemble au dieu de la guerre ; La mort est dans ses mains.Vos soldats renversés, ensanglantent la terre ;Le peuple fuit devant ses pas. LE ROI. Que dites-vous ? un seul homme, un barbare,Fait fuir mes indignes soldats ? Quel démon pour lui se déclare ? SCÈNE II. Le Roi, Les Philistins autour de lui ; Samson, suivi des Hébreux, portant dans unemain une massue, et dans l'autre une branche d'olivier. SAMSON. Roi, prêtres ennemis, que mon Dieu fait trembler,Voyez ce signe heureux de la paix bienfaisante,Dans cette main sanglanteQui vous peut immoler. CHOEUR DES PHILISTINS. Quel mortel orgueilleux peut tenir ce language ?Contre un roi si puissant quel bras peut s'élever ? LE ROI. Si vous êtes un dieu, je vous dois mon hommage ;Si vous êtes un homme, osez-vous me braver ? SAMSON. Je ne suis qu'un mortel ; mais le Dieu de la terre, Qui commande aux rois,Qui souffle à son choixEt la mort et la guerre,Qui vous tient sous ses lois,Qui lance le tonnerre, Vous parle par ma voix. LE ROI. Eh bien ! Quel est ce dieu ? Quel est le témoignageQu'il daigne m'annoncer par vous ? SAMSON. Vos soldats mourant sous mes coups,La crainte où je vous vois, mes exploits, mon courage. Au nom de ma patrie, au nom de l'Eternel,Respectez désormais les enfants d'Israël,Et finissez leur esclavage. LE ROI. Moi, qu'au sang philistin je fasse un tel outrage !Moi, mettre en liberté ces peuples odieux ! Votre dieu serait-il plus puissant que mes dieux ? SAMSON. Vous allez l'éprouver ; voyez si sa natureReconnaît ses commandements.Marbres, obéissez ; que l'onde la plus pureSorte de ces rochers, et retombe en torrents. On voit des fontaines jaillir dans l'enfoncement. LE CHOEUR. Ciel ! Ô ciel ! À sa voix, on voit jaillir cette ondeDes marbres amollis !Les éléments lui sont soumis !Est-il le souverain du monde ? LE ROI. N'importe ; quel qu'il soit, je ne puis m'avilir À recevoir des lois de qui doit le servir. SAMSON. Eh bien ! Vous avez vu quelle était sa puissance,Connaissez quelle est sa vengeance.Descendez, feux des cieux, ravagez ces climats :Que la foudre tombe en éclats ; De ces fertiles champs détruisez l'espérance. Tout le théâtre apparaît embrasé.Brûlez, moissons ; séchez, guérets ;Embrasez-vous, vastes forêts. Au roi.Connaissez quelle est sa vengeance. LE CHOEUR. Tout s'embrase, tout se détruit ; Un dieu terrible nous poursuit.Brûlante flamme, affreux tonnerre,Terribles coups !Ciel ! Ô ciel ! Sommes-nousAu jour où doit périr la terre ? LE ROI. Suspends, suspends cette rigueur,Ministre impérieux d'un dieu plein de fureur !Je commence à reconnaîtreLe pouvoir dangereux de ton superbe maître ;Mes dieux longtemps vainqueurs commencent à céder, C'est à leur voix à me résoudre. SAMSON. C'est à la sienne à commander.Il nous avait punis, il m'arme de sa foudre ;A tes dieux infernaux va porter ton effroi ;Pour la dernière fois peut-être tu contemples Et ton trône et leur temple :Tremble pour eux et pour toi ! SCÈNE III. Samson, Choeur d'Israélites. SAMSON. Vous que le ciel console après des maux si grands,Peuples, osez paraître aux palais des tyrans :Sonnez, trompette, organe de la gloire ; Sonnez, annoncez ma victoire. LES HÉBREUX. Chantons tous ce héros, l'arbitre des combats :Il est le seul dont le courageJamais ne partageLa victoire avec les soldats. Il va finir notre esclavage.Pour nous est l'avantage ;La gloire est à son bras ;Il fait trembler sur leur trôneLes rois maîtres de l'univers, Les guerriers au champ de Bellone,Les faux dieux au fond des enfers. LE CHOEUR. Sonnez, trompette, organe de sa gloire ;Sonnez, annoncez sa victoire. LES HÉBREUX. Le défenseur intrépide D'un troupeau faible et timideGarde leurs paisibles joursContre le peuple homicideQui rugit dans les antres sourds :Le berger se repose, et sa flûte soupire Sous ses doigts le tendre délireDe ses innocentes amours. LE CHOEUR. Sonnez, trompettes, organe de sa gloire ;Sonnez, annoncez sa vistoire. ACTE III SCÈNE I. Le Roi, Dalila, Oracle, Prêtresse de Vénus, Choeur. Le théâtre représente un bocage et un autel où sont Mars, Vénus, et les dieux de Syrie. LE ROI. Dieux de Syrie, Dieux immortels,Écoutez, protégez un peuple qui s'écrieAu pied de vos autels.Éveillez-vous, punissez la furieDe vos esclaves criminels. Votre peuple vous prie :Livrez en nos mainsLe plus fier des humains. LE CHOEUR. Livrez en nos mainsLe plus fier des humains. LE GRAND-PRÊTRE. Mars terrible,Mars invincible,Protège nos climats ;PrépareÀ ce barbare Les fers et le trépas. DALILA. Ô Vénus ! Déesse charmante,Ne permets pas que ces beaux joursDestinés aux amoursSoient profanés par la guerre sanglante. LE CHOEUR. Livrez en nos mainsLe plus fier des humains. ORACLE DES DIEUX DE SYRIE. « Samson nous a domptés ; ce glorieux empireTouche à son dernier jour ;Fléchissez ce héros ; qu'il aime, qu'il soupire : Vous n'avez d'espoir qu'en l'Amour. » DALILA. Dieu des plaisirs, daigne ici nous instruireDans l'art charmant de plaire et de séduire ;Prête à nos yeux tes traits toujours vainqueurs.Apprends-nous à semer des fleurs Le piège aimable où tu veux qu'on l'attire. LE CHOEUR. Dieu des plaisirs, daigne ici nous instruireDans l'art charmant de plaire et de séduire. DALILA. D'Adonis c'est aujourd'hui la fête ;Pour ses jeux la jeunesse s'apprête. Amour, voici le temps heureuxPour inspirer et pour sentir tes feux. CHOEUR DES FILLES. Amour, voici le temps, etc.Dieu des plaisirs, etc. DALILA. Il vient plein de colère, et la terreur le suit ; Retirons-nous sous cet épais feuillage. Elle se retire avec les filles de Gaza et les prêtresses.Implorons le dieu qui séduitLe plus ferme courage. SCÈNE II. SAMSON. Le Dieu des combats m'a conduitAu milieu du carnage ; Devant lui tout tremble et tout fuit.Le tonnerre, l'affreux orage,Dans tous les champs font moins de ravageQue son nom seul n'en a produitChez le Philistin plein de rage. Tous ceux qui voulaient arrêterCe fier torrent dans son passageN'ont fait que l'irriter :Ils sont tombés ; la mort est leur partage. On entend une harmonie douce.Ces sons harmonieux, ces murmures des eaux, Semblent amollir mon courage.Asile de la paix, lieux charmants, doux ombrage,Vous m'invitez au repos. Il s'endort sur un lit de gazon. SCÈNE I.I. Dalila, Samson, Choeur des Prêteses de Vénus, revenant sur la scène. CHOEUR DES PRÊTRESSE DE VÉNUS. Plaisirs flatteurs, amollissez son âme,Songes charmants, enchantez son sommeil. FILLES DE GAZA. Tendre Amour, éclaire son réveil.Mets dans nos yeux ton pouvoir et ta flamme. DALILA. Vénus, inspire-nous, préside à ce beau jour.Est-ce là ce cruel, ce vainqueur homicide ?Vénus, il semble né pour embellir ta cour. Armé, c'est le dieu Mars ; désarmé, c'est l'Amour.Mon cour, mon faible coeur devant lui s'intimide.Enchaînons de fleursCe guerrier terrible ;Que ce cour farouche, invincible, Se rende à tes douceurs. LE CHOEUR. Enchaînons de fleursCe héros terrible. SAMSON se réveille, entouré des filles de Gaza. Où suis-je ? en quels climats me vois-je transporté ?Quels doux concerts se font entendre ! Quels ravissants objets viennent de me surprendre !Est-ce ici le séjour de la félicité ? DALILA, à Samson. Du charmant Adonis nous célébrons la fête ;L'Amour en ordonna les jeux ;C'est l'Amour qui les apprête : Puissent-ils mériter un regard de vos yeux ! SAMSON. Quel est cet Adonis dont votre voix aimableFait retentir ce beau séjour ? DALILA. C'était un héros indomptable,Qui fut aimé de la mère de l'Amour. Nous chantons tous les ans cette aimable aventure. SAMSON. Parlez, vous m'allez enchanter :Les vents viennent de s'arrêter ;Ces forêts, ces oiseaux, et toute la nature,Se taisent pour vous écouter. Dalila se met à côté de Samson. Le choeur se range autour d'eux. Dalila chante cette cantatille accompagnée, accompagnée de peu d'instruments qui sont sur le théâtre. DALILA. Vénus dans nos climats souvent daigne se rendre ;C'est dans nos bois qu'on vient apprendreDe son culte charmant tous les secrets divins.Ce fut près de cette onde, en ces riants jardins,Que Vénus enchanta le plus beau des humains. Alors tout fut heureux dans une paix profonde ;Tour l'univers aima dans le sein du loisir.Vénus donnait au mondeL'exemple du plaisir. SAMSON. Que ses traits ont d'appas ! que sa voix m'intéresse ! Que je suis étonné de sentir la tendresse !De quel poison charmant je me sens pénétré ! DALILA. Sans Vénus, sans l'Amour, qu'aurait-il pu prétendre ?Dans nos bois, il est adoré.Quand il fut redoutable, il était ignoré : Il devint dieu dès qu'il fut tendre.Depuis cet heureux jourCes prés, cette onde, cet ombrage,Inspirent le plus tendre amourAu cour le plus sauvage. SAMSON. Ô ciel, ô troubles inconnus !J'étais ce cour sauvage, et je ne le suis plus.Je suis changé ; j'éprouve une flamme naissante. À Dalila.Ah ! s'il était une Vénus,Si des Amours cette reine charmante Aux mortels en effet pouvait se présenter,Je vous prendrais pour elle, et croirais la flatter. DALILA. Je pourrais de Vénus imiter la tendresse.Heureux qui peut brûler des feux qu'elle a sentis !Mais j'eusse aimé peut-être un autre qu'Adonis, Si j'avais été la déesse. SCÈNE IV. Les Précédents, Les Hébreux. LES HÉBREUX. Ne tardez point, venez ; tout un peuple fidèleEst prêt à marcher sous vos lois :Soyez le premier de nos rois ;Combattez et régnez : la gloire vous appelle. SAMSON. Je vous suis, je le dois ; j'accepte vos présents.Ah !... Quel charme puissant m'arrête !Ah ! Différez du moins, différez quelque tempsCes honneurs brillant qu'on m'apprête. CHOEUR DES FILLES DE GAZA. Demeurez, présidez à nos fêtes ; Que nos cours soient ici vos conquêtes. DALILA. Oubliez les combats ;Que la paix vous attire.Vénus vient vous sourire,L'Amour vous tend les bras. LES HÉBREUX. Craignez le plaisir décevantOù votre grand cour s'abandonne ;L'Amour nous dérobe souventLes biens que la gloire nous donne. CHOEUR DES FILLES. Demeurez, présidez à nos fêtes ; Que nos cours soient vos tendres conquêtes. DEUX HÉBREUX. Venez, venez, ne tardez pas :Nos cruels ennemis sont prêts à nous surprendre ;Rien ne peut nous défendreQue votre invincible bras. CHOEUR DES FILLES. Demeurez, présidez à nos fêtes.Que nos cour soient vos tendres conquêtes. SAMSON. Je m'arrache à ces lieux... Allons, je suis vos pas.Prêtresse de Vénus, vous, sa brillante image,Je ne quitte point vos appas Pour le trône des rois, pour ce grand esclavage ;Je les quitte pour les combats. DALILA. Me faudra-t-il longtemps gémir de votre absence ? SAMSON. Fiez-vous à vos yeux de mon impatience.Est-il un plus grand bien que celui de vous voir ? Les Hébreux n'ont que moi pour unique espérance,Et vous êtes mon seul espoir. SCÈNE V. DALILA. Il s'éloigne, il me fuit, il emporte mon âme ;Partout il est vainqueur :Le feu que j'allumais m'enflamme ; J'ai voulu l'enchaîner, il enchaîne mon cour.Ô mère des Plaisirs, le coeur de ta prêtresseDoit être plein de toi, doit toujours s'enflammer !Ô Vénus ! Ma seule déesse,La tendresse est ma loi, mon devoir est d'aimer. Écho, voix errante,Légère habitanteDe ce beau séjour,Écho, monument de l'amour,Parle de ma faiblesse au héros qui m'enchante. Favoris du printemps, de l'amour et des airs,Oiseaux dont j'entends les concerts,Chers confidents de ma tendresse extrême,Doux ramage des oiseaux,Voix fidèle des échos, Répétez à jamais : Je l'aime, je l'aime. ACTE IV SCÈNE I. Le Grand-Prêtre, Dalila. LE GRAND-PRETRE. Oui, le roi vous accorde à ce héros terrible ;Mais vous entendez à quel prix :Découvrez le secret de sa force invincible,Qui commande au monde surpris ; Un tendre hymen, un sort paisible,Dépendront du secret que vous aurez appris. DALILA. Que peut-il me cacher ? il m'aime :L'indifférent seul est discret ;Samson me parlera, j'en juge par moi-même : L'amour n'a point de secret. SCÈNE II. DALILA. Secourez-moi, tendres Amours,Amenez la paix sur la terre ;Cessez, trompettes et tambours,D'annoncer la funeste guerre ; Brillez, jour glorieux, le plus beau de mes jours.Hymen, Amour, que ton flambeau l'éclaire ;Qu'à jamais je puisse plaire,Puisque je sens que j'aimerai toujours !Secondez-moi, tendres Amours, Amenez la paix sur la terre. SCÈNE III. Samson, Dalila. SAMSON. J'ai sauvé les Hébreux par l'effort de mon bras,Et vous sauvez par vos appasVotre peuple et votre roi même :C'est pour vous mériter que j'accorde la paix. Le roi m'offre son diadème,Et je ne veux que vous pour prix de mes bienfaits. DALILA. Tout vous craint en ces lieux ; on s'empresse à vous plaire.Vous régnez sur vos ennemis ;Mais de tous les sujets que vous venez de faire, Mon cour vous est le plus soumis. SAMSON ET DALILA, ensemble. N'écoutons plus le bruit des armes ;Myrtes amoureux, croissez près des lauriers ;L'amour est le prix des guerriers,Et la gloire en a plus de charmes. SAMSON. L'hymen doit nous unir par des noeuds éternels.Que tardez-vous encore ?Venez, qu'un pur amour vous amène aux autelsDu dieu des combats que j'adore. DALILA. Ah ! formons ces doux noeuds au temple de Vénus. SAMSON. Non, son culte est impie, et ma loi le condamne ;Non, je ne puis entrer dans ce temple profane. DALILA. Si vous m'aimez, il ne l'est plus.Arrêtez, regardez cette aimable demeure.C'est le temple de l'univers ; Tous les mortels, à tout âge, à toute heure,Y viennent demander des fers.Arrêtez, regardez cette aimable demeure,C'est le temple de l'univers. SCÈNE IV. Samson, Dalila, Cchoeur des différents peuples, de guerriers, de pasteurs. Le temple de Vénus paraît dans toute sa splendeur. DALILA. Air.Amour, volupté pure, Âme de la nature,Maître des éléments,L'univers n'est formé, ne s'anime, ne dureQue par tes regards bienfaisants.Tendre Vénus, tout l'univers t'implore, Tout n'est riens sans tes feux !On craint les autres dieux, c'est Vénus qu'on adore :Ils règnent sur le monde, et tu règnes sur eux. GUERRIERS. Vénus, notre fier courage,Dans le sang, dans le carnage, Vainement s'endurcit ;Tu nous désarmes ;Nous rendons les armes :L'horreur à ta voix s'adoucit. UNE PRÊTRESSE. Chantez, oiseaux, chantez ; votre ramage tendre Est la voix des plaisirs.Chantez ; Vénus doit vous entendre ;Portez-lui nos soupirs.Les filles de FloreS'empressent d'éclore Dans ce séjour ;La fraîcheur brillanteDe la fleur naissanteSe passe en un jour :Mais une plus belle Naît auprès d'elle,Plaît à son tour ;Sensible imageDes plaisirs du bel âge,Sensible image Du charmant Amour ! SAMSON. Je n'y résiste plus : le charme qui m'obsèdeTyrannise mon cour, enivre tous mes sens :Possédez à jamais ce cour qui vous possède,Et gouvernez tous mes moments. Venez : vous vous troublez.... DALILA. Ciel, que vais-je lui dire ? SAMSON. D'où vient que votre cour soupire ? DALILA. Je crains de vous déplaire, et je dois vous parler. SAMSON. Ah ! devant vous, c'est à moi de trembler. Parlez, que voulez-vous ? DALILA. Cet amour qui m'engageFait ma gloire et mon bonheur ;Mais il m'en faut un nouveau gageQui m'assure de votre cour. SAMSON. Prononcez ; tout sera possibleÀ ce cour amoureux. DALILA. Dites-moi par quel charme heureux,Par quel pouvoir secret cette force invincible ?... SAMSON. Que me demandez-vous ? C'est un secret terrible Entre le ciel et moi. DALILA. Ainsi, vous doutez de ma foi ?Vous doutez, et m'aimez !... SAMSON. Mon cour est trop sensible ;Mais ne m'imposez point cette funeste loi. DALILA. Un cour sans confiance est un coeur sans tendresse. SAMSON. N'abusez point de ma faiblesse. DALILA. Cruel ! quel injuste refus !Notre hymen en dépend ; nos noeuds seraient rompus. SAMSON. Que dites-vous ?... DALILA. Parlez, c'est l'amour qui vous prie. SAMSON. Ah ! cessez d'écouter cette funeste envie. DALILA. Cessez de m'accabler de refus outrageants. SAMSON. Eh bien ! vous le voulez ; l'amour me justifie :Mes cheveux, à mon Dieu consacrés dès longtemps, De ses bontés pour moi sont les sacrés garants :Il voulut attacher ma force et mon courageÀ de si faibles ornements :Ils sont à lui ; ma gloire est son ouvrage. DALILA. Ces cheveux, dites-vous ? SAMSON. Qu'ai-je dit ? Malheureux !Ma raison revient ; je frissonneDe l'abîme où j'entraîne avec moi les Hébreux. TOUS DEUX ensemble. La terre mugit, le ciel tonne,Le temple disparaît, l'astre du jour s'enfuit, L'horreur épaisse de la nuitDe son voile affreux m'environne. SAMSON. J'ai trahi de mon Dieu le secret formidable.Amour ! Fatale volupté !C'est toi qui m'a précipité Dans un piège effroyable ;Et je sens que Dieu m'a quitté. SCÈNE V. Les Philistins, Samson, Dalila. LE GRAND-PRETRE DES PHILISTINS. Venez ; ce bruit affreux, ces cris de la natureCe tonnerre, tout nous assureQue du dieu des combats il est abandonné. DALILA. Que faites-vous, peuple parjure ? SAMSON. Quoi ! De mes ennemis je suis environné ! Il combat.Tombez, tyrans... LES PHILISTINS. Cédez, esclave. Ensemble.Frappons l'ennemi qui nous brave. DALILA. Arrêtez, cruels ! arrêtez ; Tournez sur moi vos cruautés. SAMSON. Tombez, tyrans... LES PHILISTINS, combattant. Cédez, esclave. SAMSON. Ah ! Quelle mortelle langueur !Ma main ne peut porter cette fatale épée,Ah, Dieu ! ma valeur est trompée ; Dieu retire son bras vainqueur. LES PHILISTINS. Frappons l'ennemi qui nous brave ;Il est vaincu ; cédez, esclave. SAMSON, entre leurs mains. Non, lâches ! non, ce bras n'est pas vaincu par vous ;C'est dieu qui me livre à vos coups. On l'emmène. SCÈNE VI. DALILA. Ô désespoir ! Ô tourments ! Ô tendresse !Rois cruels ! Peuples inhumains !Ô vénus, trompeuse déesse !Vous abusiez de ma faiblesse.Vous avez préparé, par mes fatales mains, L'abîme horrible où je l'entraîne ;Vous m'avez fait aimer le plus grand des humainsPour hâter sa mort et la mienne.Trône, tombez ; brûlez, autels,Soyez réduits en poudre. Tyrans affreux, dieux cruels,Puisse un dieu plus puissant écraser de sa foudreVous et vos peuples criminels ! CHOEUR, derrière le théâtre. Qu'il périsse,Qu'il tombe en sacrifice À nos dieux. DALILA. Voix barbares ! Cris odieux !Allons partager son supplice. ACTE V SCÈNE I. Samson, enchaîné ; Gardes. SAMSON. Profonds abîmes de la terre,Enfer, ouvre-toi ! Frappez, tonnerre,Écrasez-moi !Mon bras a refusé de servir mon courage ;Je suis vaincu, je suis dans l'esclavage ;Je ne la verrai plus, flambeau sacré des cieux ; Lumière, tu fuis de mes yeux.Lumière, brillante imageD'un Dieu ton auteur,Premier ouvrageDu créateur ; Douce lumière,Nature entière,Des voiles de la nuit, l'impénétrable horreurTe cache a ma triste paupière.Profonds abîmes, etc. SCÈNE II. Samson, Choeur d'Hébreux. PERSONNAGES DU CHOEUR. Hélas ! Nous t'amenons nos tribus enchaînées,Compagnes infortunéesDe ton horrible douleur. SAMSON. Peuple saint, malheureuse race,Mon bras relevait ta grandeur ; Ma faiblesse a fait ta disgrâce.Quoi ! Dalila me fuit ! Chers amis pardonnezA de si honteuses alarmes. PERSONNAGES DU CHOEUR. Elle a fini ses jours infortunés.Oublions à jamais la cause de nos larmes. SAMSON. Quoi, j'éprouve un malheur nouveau !Ce que j'adore est au tombeau !Profonds abîmes de la terre,Enfer, ouvre-toi !Frappez, tonnerre, Écrasez-moi ! SAMSON ET DEUX CORYPHEES. TRIO.Amour, tyran que je déteste,Tu détruis la vertu, tu traînes sur tes pasL'erreur, le crime, le trépas :Trop heureux qui ne connaît pas Ton pouvoir aimable et funeste ! UN CORYPHÉE. Vos ennemis cruels s'avancent en ces lieux ;Ils viennent insulter au destin qui nous presse ;Ils osent imputer aux pouvoirs de leurs dieux Les maux affreux où dieu nous laisse. SCÈNE III. Le Roi, Choeur de PhIlistins, Samson, Choeur d'Hébreux. LE ROI. Élevez vos accents vers vos dieux favorables ;Vengez leurs autels, vengez-nous. CHOEUR DES PHILISTINS. Élevez nos accents, etc. CHOEUR D'ISRAÉLITES. Terminons nos jours déplorables. SAMSON. Ô Dieu vengeur ! ils ne sont point coupables ; Tourne sur moi tes coups. CHOEUR DE PHILISTINS. Élevons nos accents vers nos dieux favorables ;Vengeons leurs autels, vengeons-nous. SAMSON. Ô Dieu !... pardonne. CHOEUR DE PHILISTINS. Vengeons-nous. LE ROI. Inventons, s'il se peut, un nouveau châtiment : Que le trait de la mort, suspendu sur sa tête,Le menace encore et s'arrête ;Que Samson dans sa rage entende notre fête ;Que nos plaisirs soient son tourment. SCÈNE IV. Samson, Les Israélites, Le Roi, Les Prêtresses de Vénus, Les Prêtres de Mars. UNE PRÊTRESSE. Tous nos dieux étonnés, et cachés dans les cieux, Ne pouvaient sauver notre empire :Vénus avec un sourireNous a rendus victorieux :Mars a volé, guidé par elle :Sur son char tout sanglant, La victoire immortelleTirait son glaive étincelantContre tout un peuple infidèle,Et la nuit éternelleVa dévorer leur chef interdit et tremblant. UNE AUTRE. C'est Vénus qui défend aux tempêtesDe gronder sur nos têtes.Notre ennemi cruelEntend encor nos fêtes,Tremble de nos conquêtes, Et tombe à son autel. LE ROI. Eh bien ! Qu'est devenu ce dieu si redoutable,Qui par tes mains devait nous foudroyer ?Une femme a vaincu ce fantôme effroyable,Et son bras languissant ne peut se déployer. Il l'abandonne, il cède à ma puissance ;Et tandis qu'en ces lieux j'enchaîne les destins,Son tonnerre, étouffé dans ses débiles mains,Se repose dans le silence. SAMSON. Grand Dieu ! J'ai soutenu cet horrible langage, Quand il n'offensait qu'un mortel ;On insulte ton nom, ton culte, ton autel ;Lève-toi, venge ton outrage. CHOEUR DE PHILISTINS. Tes cris, tes cris ne sont point entendus.Malheureux, ton dieu n'est plus. SAMSON. Tu peux encore armer cette main malheureuse ;Accorde-moi du moins une mort glorieuse. LE ROI. Non, tu dois sentir à longs traitsL'amertume de ton supplice.Qu'avec toi ton dieu périsse, Et qu'il soit comme toi méprisé pour jamais. SAMSON. Tu m'inspires enfin ; c'est sur toi que je fondeMes superbes desseins ;Tu m'inspires ; ton bras secondeMes languissantes mains. LE ROI. Vil esclave, qu'oses-tu dire ?Prêt à mourir dans les tourments,Peux-tu bien menacer ce formidable empireA tes derniers moments ?Qu'on l'immole, il est temps ; Frappez ; il faut qu'il expire. SAMSON. Arrêtez ; je dois vous instruireDes secrets de mon peuple, et du Dieu que je sers :Ce moment doit servir d'exemple à l'univers. LE ROI. Parle, apprends-nous tous tes crimes ; Livre-nous toutes nos victimes. SAMSON. Roi, commande que les HébreuxSortent de ta présence et de ce temple affreux. LE ROI. Tu seras satisfait. SAMSON. La cour qui t'environne, Tes prêtres, tes guerriers, sont-ils autour de toi ? LE ROI. Ils y sont tous, explique-toi. SAMSON. Suis-je auprès de cette colonneQui soutient ce séjour si cher aux Philistins ? LE ROI. Oui, tu la touches des mains. SAMSON, ébranlant les colonnes. Temple odieux ! que tes murs se renversent,Que tes débris se dispersentSur moi, sur ce peuple en fureur ! LE CHOEUR. Tout tombe, tout périt. Ô ciel ! ô Dieu vengeur ! SAMSON. J'ai réparé ma honte, et j'expire en vainqueur. ==================================================