CONVERSATION
III
XCVIII.
AVEC PRIVILÈGE DU ROI.
PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.
À PARIS, Chez CHARLES DE SERCY, au Palais, dans le Salle Dauphine, à la Bonne-Foi couronnée.
Texte établi par Paul FIÈVRE, octobre 2023
Publié par Paul FIEVRE, novembre 2023
© Théâtre classique - Version du texte du 31/12/2023 à 14:47:42.
ACTEUR.
FLAVIE.
SOLYMENE.
Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes, divisées en cent dialogues, dédiées au Roi.", René Bary, Paris : de C. de Sercy, 1662. pp 91-94.
DE LA PUDEUR.
Flavie galantise une Demoiselle, sur ce qu'elle rougit aisément.
FLAVIE.
C'est le fort des Vierges que d'être pudiques : Que s'il était permis de couronner en Terre ce que le Ciel couronnera, vous porteriez sur votre tête les marques de votre candeur et de votre intégrité.
SOLYMENE.
Quelque soin que je prenne de régler mes actions, je commets cent indécences, et l'on ne me rendrait pas un petit office, si l'on négligeait de me regarder.
FLAVIE.
Vous vous êtes figuré la perfection si difficile, qu'encore que vous la possédiez, vous croyez que vous ne la possédiez pas ; et comme cette créance vous rend suspecte à vous-même, il arrive de là que les curiosités vous blessent, que les observations vous offensent ; que vous prenez pour des marques de haine, ce que vous devriez recevoir pour des effets d'admiration.
SOLYMENE.
Quoi qu'en punition de mes petits péchez, je dusse souffrir sans chagrin la confusion de mon visage, je voudrais bien en être exempte.
FLAVIE.
Ne souhaitez point d'être défaite de ce qu'on appelle la fleur de la Beauté, et l'attrait de l'Amour, la couleur de la vertu, et le fard de l'innocence ; votre rouge anime votre blanc, vos roses rehaussent vos lys ; et l'on voit dans leur mélange l'assortiment des grâces.
SOLYMENE.
Encore que la rougeur soit l'ornement des pâles, je ne puis prendre son parti.
FLAVIE.
Quel mal fait-elle ?
SOLYMENE.
Elle révèle les secrets, elle découvre les coupables, elle arme les juges, elle trouble les familles,
FLAVIE.
Il est vrai que comme l'émotion dont nous parlons est quelquefois l'effet d'une mauvaise cause, elle a quelquefois de fâcheuses suites : mais la rougeur de votre visage n'a jamais été chez vous l'effet d'un mauvais principe. Vous avez appris à vivre dès que vous avez appris à marcher ; et si la rougeur s'empare souvent de vos joues, c'est que vous avez tant d'horreur du vice, que vous rougissez même en la place de ceux qui devraient rougir.
SOLYMENE.
Si vous étiez aussi véritable que vous êtes éloquente, le tableau que vous feriez de ma personne serait plus considérable du côté de son auteur, que du côté de son objet : mais vous épargnez les Dames ; et comme vous ne prenez pas plaisir à dire ce qu'on ne prend pas plaisir écouter, vous ne faites point difficulté de perdre de belles paroles pour de maigres sujets.
PRIVILÈGE DU ROI.
Louis par le Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À nos âmés et Féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, requêtes de notre Hôtel et du Palais, Baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants, et tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, Salut. Notre cher et bine aimé le Sieur RENÉ BARY, nous a fait exposé qu'il a fait un livre intitulé, L'ESprit de Cour, ou les belles conversations, lequel il désirerait faire imprimer, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres sur ce nécessaires. À CES CAUSES, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer, vendre et débiter en tous les lieux de notre Royaume, le susdit livre en tout ou en partie, en tels volumes, marges et caractères que bon lui semble, pendant sept années, à commencer du jours que chaque volume sera achevé d'imprimer pour le première fois, et à condition qu'il en sera mis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un ne celle de notre château du Louvre, vulgairement appelé le Cabinet des Livres, et un en celle de notre très cher et féal le Sieur Séguier Chancelier de France, avant de les exposer en vente ; et à faute de rapporter ès mains de notre âmé et féal Conseiller en nos conseils, Grand Audiencier de France, en quartier, un récépissé de notre Bibliothèque, et du Sieur Cramoisy, commis par nous du chargement de la délivrance actuelle desdits exemplaires, Nous avons dès à présent déclaré ladite permission d'imprimer nulle, et avons enjoint au Syndic de faire saisir tous les exemplaires qui auront été imprimés sans avoir satisfait les clauses portées par ces présentes. Défendons très expressément à toutes personnes, de quelque condition et qualité qu'elles soient, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter le susdit livre en aucun lieu de notre désobéissance durant ledit temps, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l'exposant, à peine de confiscation de ces exemplaires, de quinze cent livres d'amende, et de touts dépends, dommages et intérêts. Voulons qu'aux copies des présentes collationnées par l'un de nos âmés et féaux conseillers et secrétaires du Roi, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; Car tel est notre bon plaisir ; nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Clameur de Haro, Charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le quinzième jour de décembre, l'an de grâce mille six cent soixante et un, et de Notre règne le dix-neuvième. Signé, par le Roi en son conseil, MOUSTIER, et scellé du grand sceau de cire jaune.
Registré sur le livre de la Communauté le 10 , mars 1662, suivant l'arrêt de la Cour de Parlement du 8 avril 1653. Signé DEBRAY, Syndic.
Ledit Sieur BARY a cédé et transporté son droit de privilège à Charles de Sercy Marchand Libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.
Achevé d'imprimer pour la première foi le 24 jour de mars 1662. Les exemplaires ont été fournis
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