LE GRENOUILLE À QUEUE.

1881. Tous droits réservés.

par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux.

PARIS, CHEVALIER-MARESCQ ÉDITEUR, 20 rue SOUFFLOT, 20.

8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881


Texte établi par Paul FIÈVRE, décembre 2021

Publié par Paul FIEVRE, janvier 2022

© Théâtre classique - Version du texte du 30/11/2022 à 23:07:16.


PERSONNAGES.

LE NARRATEUR.

LE PRÉSIDENT.

PAGEON.

MADAME MIRAIL, plaignante.

LA PRÉVENUE, concierge.

Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 293-297


LA GRANOUILLE À QUEUE.

LE NARRATEUR.

Il faut qu'un animal ait une queue ou qu'il n'en ait pas ; ainsi l'a décidé dans sa sagesse le Créateur de toutes choses, à part, bien entendu, la maxime que la sagesse de Monsieur de la Palisse ou de Monsieur Prudhomme eût suffi à proclamer.

Madame veuve Mirail, qui, comme toutes les veuves âgées, comble sur ses vieux jours le vide laissé par le défunt avec la société d'animaux domestiques, ne peut pas venir à bout d'avoir des animaux avec ou sans queue. Ses explications vont faire comprendre ce qu'on ne comprendrait pas sans cela.

Elle a cité sa concierge en police correctionnelle pour mutilation d'animaux domestiques.

LE PLAIGNANTE.

Figurez-vous, messieurs, dit-elle, que c'est une horreur des abominations que cette femme-là ; voyez-vous, faut que ça n'ait pas plus de sensibilité qu'un rhinocéros sauvage.

LA PRÉVENUE.

On me laisse traiter comme la plus vile des turpitudes et que ça n'est pas vrai, messieurs, ce que dit cette dame.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Vous vous expliquerez tout à l'heure.

LA PRÉVENUE.

C'est tout expliqué ; c'est pas moi.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Voulez-vous vous taire ?

LA PLAIGNANTE.

Messieurs, j'avais un chien joli, que c'était l'admiration de tout le. monde, qu'il y a même un Anglais... ou un Espagnol... je ne sais pas au juste, seulement je sais qu'il a comme un accent gascon, eh bien, messieurs, il m'en a offert cent-vingt francs. Une queue ! Ah ! Si vous aviez vu, un panache !

Rires.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Arrivez au fait.

LA PLAIGNANTE.

Eh bien ! Messieurs, la pauvre bête, qui avait l'habitude de descendre dans la cour, revient... Ah ! Messieurs, plus de queue ! coupée net, rasibus....et il saignait, la pauvre bête.... Ça m'a fait tant de peine que, ne pouvant plus le voir en face, je m'en suis défaite. Alors,voilà qu'on me donne un angora... Ah ! Un manchon, un bonnet à poil... et une queue !...

Rires bruyants.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Voyons, abrégeons ; on a encore coupé la queue à votre chat ?

Nouveaux rires.

LA PLAIGNANTE.

Comme à mon chien, au ras ; on ne lui a pas laissé ce qui me tiendrait dans l'oeil.

LA PRÉVENUE.

Mais est-ce que ça me regarde, tout ça ; est-ce que c'est moi ?

MONSIEUR LE PRÉSIDENT, à la plaignante.

C'est tout ?

LA PLAIGNANTE.

Pour les queues coupées, oui, mais vous allez voir plus fort ; je me dis : puisque je ne peux pas conserver des animaux avec leur queue, je vais m'en procurer un sans queue, je serai sûre qu'on ne la lui coupera pas.

Rires bruyants.

Ne pouvant, plus voir mon chat en face sans sa queue, je lui donne la volée.

Nouveaux rires.

Et j'achète une grosse grenouille verte dans un bocal. Je me dis : Celle-là, on ne lui coupera pas la queue. Un jour, en rentrant, j'ouvre ma fenêtre, je vais voir ma grenouille, pour savoir le temps qu'il fera le lendemain, vu que chacun sait que quand la grenouille monte, c'est que....

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Bien, bien, terminez.

LA PLAIGNANTE.

Eh bien, Monsieur, je la vois sur le dos, dans le fond de l'eau, qui battait ses petits flancs. Je regarde ce qu'elle pouvait avoir, et qu'est-ce que je vois ? Une grande queue en plume qu'on lui avait plantée, si bien que ça lui avait perforé le tempérament...

Hilarité bruyante et prolongée.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Enfin, vous imputez toutes ces méchancetés à votre concierge ?

LA PLAIGNANTE.

Monsieur, elle s'en est vantée.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

À qui ?... Où sont les témoins ?

LA PRÉVENUE.

Oui, ou sont-ils les témoins ?

LA PLAIGNANTE.

Vous les avez dépravés en leur payant du café et des cerises à l eau-de-vie quand vous ayez su que je voulais vous traîner sur les bancs de la magistrature ; alors, ils disent qu'ils ne savent rien, mais je lève la main qu'ils me l'ont dit, même que pour la grenouille, ils ont raconté, comme je demeure au premier sur le derrière, que vous aviez monté jusqu'à ma fenêtre avec une échelle, pour la martyriser la pauvre bête, en y mettant une queue dont elle est morte.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Enfin, madame, vous n'avez pas de témoins, votre concierge nie le fait...

LA PLAIGNANTE.

Une vengeance, monsieur, parce que madame a l'habitude que les locataires aillent lui souhaiter sa fête et lui porter des lichonneries, et moi pas qui garde mon quant à soi.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT.

Tout cela est bien possible ; mais, encore une fois, nous ne pouvons pas condamner sans preuves.

Dans ces circonstances, la concierge a été renvoyée des fins de la plainte.

 



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