******************************************************** DC.Title = FRAGMENT D'UNE COMÉDIE INTITULÉE CHAPELAIN DÉCOIFFÉ, D'une autre façon. DC.Author = [Anonyme] DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Parodie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 13:08:04. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/ANONYME_CHAPELAINDECOIFFE_2.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5438762s DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** FRAGMENT D'UNE COMÉDIE INTITULÉE CHAPELAIN DÉCOIFFÉ [2] 1666 À LA HAYE, chez PIERRE DU BOIS, au Palais. PERSONNAGES LA SERRE CHAPELAIN. La Scène est dans la rue Plastriene au retour de l'Académie. PARODIE SCENE I. LA SERRE, CHAPELAIN. LA SERRE. Enfin vous l'emportez, et la faveur du RoiVous accable de dons, qui n'étaient dus qu'à moiOn voit rouler chez vous tout l'or de la Castille. CHAPELAIN. Les trois fois mille francs, qu'il met dans ma famille,Témoignent mon mérite, et font connaître assez. Qu'on ne hait pas mes vers pour être un peu forcés. LA SERRE. Vous présumez toujours, dans le temps ou nous sommes :On se trompe en auteurs ainsi qu'en d'autres hommes :[Note : "La Pucelle, ou la France délivrée" est un poème héroïque de 1656 écrit par Jean Chapelain.]Mais la Pucelle montre à tous les bons esprits,Qu'un ouvrage ennuyeux le met à trop haut prix. CHAPELAIN. Ne parlons point d'un vers dont votre esprit s'irrite,En galimatias vous avez du mérite,Parmi les Ignorants vous avez fait du bruitEt ce bruit sert parfois, quand il est bien conduit.À l'honneur qu'on m'a fait ajoutez en un autre, [Note : Cabale : Fig. Les menées secrètes de gens qui s'entendent pour un même dessein. [L]]Unissons pour jamais ma Cabale à la vôtreJ'ai mes prôneurs aussi, quoi qu'un peu moins fréquents,Depuis que mes sonnets ont détrompé les gens.Si vous me célébrez, je dirai que La SerreVolume fur volume incessamment desserre, [Note : Colbert, Jean-Baptiste (1619-1683) : Contrôleur général des Finances de 1665 à sa mort.]Je parlerai de vous avec Monsieur Colbert,Et vous éprouverez, si mon amitié sert :Ma Nièce même en vous peut me donner un gendre. LA SERRE. À de meilleurs partis ta nièce doit prétendre,Et le nouvel éclat de ces trois cents Louis De cent jeunes auteurs a les yeux éblouis.Efforce toi rimeur, et vantant le MonarqueDe ton rare savoir donne nous quelque marque,En chante comme moi mille peuples diversPar de méchante prose, et de plus méchants vers, Ajoute à ces vertus celles d'un parasite,Dîne comme je fais sans obole ni pite.Va jusques sous le Nord assassiner un grandDe Maroquin doré, qui pipe l'Allemand.S'il est avare et dur, en dépit du libraire Rechange hardiment l'épître liminaire.[Note : Galimatias : Discours embrouillé, confus, obscur. [L]]Mon galimatias a trouvé des rébus.Mais j'en ai distillé pour trente mille écus.[Note : Haze : probablement Hase femelle du lièvre, Populairement et fig. Vieille femme qui a fait beaucoup d'enfants. Donc ici, dans le sens auteur prolifique. ]Tu crois servir d'exemple, et penses tu pauvre hazeQue mon effronterie en doive à ton emphase. CHAPELAIN. Exemple des auteurs en dépit de l'envieÀ jamais ils liront l'histoire de ma vie. Là dans un long tissu de métiers différentsOn verra comme il faut attraper l'or des grands,Duper d'un grave ton gens de robe et d'armée Et sur l'erreur des sots bâtir la renommée.Vous en trouvez aussi, mais vous êtes moins finOn se défend de vous comme d'un assassin,Vous allez débiter vos ouvrages vous même,[Note : Berne : Tour que l'on joue à quelqu'un en le faisant sauter en l'air sur une couverture. [L]]Et la berne souvent vous rendit le teint blême. Mol par mêmes détours j'arrive à même but,Je cache un fier orgueil sous un humble salut,Parleur devant les lots, discret devant les sages,À toute heure, en tous lieux j'ai pris mes avantages,[Note : Altitonant : bruyant. (de l'espagnol)]Ma phrase altitonante, et mon vers éclatant Ne te sont découverts, qu'en se manifestant.Je cache donc mes vers ; mais je ne vante guère[Note : Vincent Voiture (1597-1648), Paul Scarron (1610-1660), Pierre Corneille (1606-1684), Molière (1622-1673).]Voiture ni Scarron, Corneille ni MolièreCes esprits naturels, m'ont toujours fait horreur,Et souvent leur renom excita ma fureur. Jusques au firmament j'élève mes novices,J'attire leur encens par de petits services: Mais si quelqu'un d'entre eux devient trop renommé,Je rabaisse, ou je dis, c'est moi qui l'ai formé.Ces pauvres éblouis entassent pour ma gloire Lauriers dessus lauriers, victoire sur victoire.D'un Poème caché qu'ils vantaient à l'enviUn malheureux fragment plus d'un m'en a ravi,[Note : Ostentateur : Celui, celle qui fait parade de...[L]]Habile ostentateur par ma sourde pratique [Note : République : Il s'agit de la "République des Lettres".]Je me vois le tyran de notre République. LA SERRE. Vous me parlez en vain de ce que je connais, Je t'ai vu rimailler et traduire sous moi, Tu débutas d'abord pat Gusman d'Alfarache,Oeuvre dont aujourd'hui la mémoire te fâche :Tu n'étais pas alors un grand clerc en Latin, Et tu ne l'entends guère encor quand il est fin.Ton Gusman fut vendu vingt écus au Libraire ;Depuis tu te formas, et tu sais la Grammaire.Enfin, pour épargner ces discours superflus,D'Archer tu te rendis un rimeur, et rien plus. CHAPELAIN. Tout beau, j'étais archer la chose n'est pas feinte,Mais j'étais un archer à la casaque peinte.Mon juste-au-corps de pourpre, et mon bonnet fourréSont encor les atours, dont je me suis paré ?[Note : Hoqueton : Casaque brodée que portaient les archers du grand prévôt, du chancelier, etc. et aussi les gardes de la manche. [L]]Hocqueton diapré de mon maître La Trousse, Je le suivais à pied, quand il allait en housse. LA SERRE. [Note : Recors : En général, agent armé qui exécute les ordres de la justice. [L]]Recors impitoyable et recors éternelTu traînais aux cachots le pâle criminel. CHAPELAIN. Vous voyez cependant, que dans cette occurrenceLe mérite entre nous met de la différence. LA SERRE. Tu m'usurpes mon bien avec trop de fierté. CHAPELAIN. Qui l'a gagné sur vous l'avait mieux mérité. LA SERRE. Qui peut mieux composer en est bien le plus digne. CHAPELAIN. En être refusé n'en est pas un bon signe. LA SERRE. Vous l'avez eu par brigue étant vieux courtisan. CHAPELAIN. L'éclat de mes hauts vers fut mon seul partisan. LA SERRE. Parlons mieux, peu de gens ont lu vos longs ouvrages. CHAPELAIN. Tant mieux, il me suffit qu'on en compte les pages. LA SERRE. Et par là tu n'as fait que marcher sur mes pas. CHAPELAIN. Qui n'obtient point les dons ne les mérite pas. LA SERRE. Ne les mérite pas, moi ? CHAPELAIN. Vous. LA SERRE. Il lui arrache sa perruque.Ton arroganceTéméraire rimeur aura sa récompense. CHAPELAIN. Arrache aussi ma tête après un tel affront ;[Note : Pelade : Maladie qui fait tomber le poil et les cheveux. [L]]Le seul dont ma pelade ait fait blêmir mon front. LA SERRE. Et que penses tu faire ! CHAPELAIN. Ô dieux ! Ma carabine Manque bien au besoin à ma fureur divine. LA SERRE. Ta perruque est à moi, mais tu serais trop vain, Si ce sale trophée avait souillé ma main.Adieu, nos beaux esprits en dépit de l'enviePour s'instruire liront l'histoire de ta vie. CHAPELAIN. [Note : Voir le vers 231 du Cid de Pierre Corneille, édition 1637. Acte I scène 4, Don Diègue. Ici, le vers 111 est incomplet.]Épargne tu mon sang ? LA SERRE. Ma victoire est complète, Si j'en vais triompher. SCÈNE II. Cette pièce a été faite peu après les présents faits aux auteurs par le Roi, desquels La Serre n'eut point sa part. 1664. CHAPELAIN, seul. [Note : Parodie du début de la scène 5 de l'Acte I du Cid de Pierre Corneille.]Ô rage! Ô désespoir ! Ô ma chère perruque !Qui couvrant seulement le sommet de ma nuque, Après avoir traîné chez divers perruquiers Sur ma tête fumeuse usas mille Lauriers.Perruque, dont la France admirait la durée,Faut-il, que de mon chef un fat t'ait séparée,Et l'emphatique voix dont je louais le Roi,Ait trahi ma querelle ; et m'ait manque d'effroi ? Après que sans peigner vingt ans je t'ai portéeFaut-il t'abandonner, ou te mettre crottée ?Ô cruel souvenir de tes honneurs passés !Services de vingt ans en un jour effacés !Faut-il de mon toupet voir triompher La Serre ! Et que ce flagorneur sur notre Parnasse erre ! ==================================================