******************************************************** DC.Title = FARCE NOUVELLE TRÈS BONNE ET FORT JOYEUSE DE LA RESURRECTION DE JENIN LANDORE, FARCE DC.Author = [Anonyme] DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Farce DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 31/01/2021 à 20:18:50. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/ANONYME_RESURRECTIONJENINLANDORE.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k276670 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** FARCE NOUVELLE TRÈS BONNE ET FORT JOYEUSE DE LA RESURRECTION DE JENIN LANDORE À quatre personnages, c'est à savoir ACTEURS JENIN. SA FEMME. LE CURÉ. LE CLERC. Tiré de "Ancien théâtre français ou Collection des ouvrages dramatiques les plus remarquables depuis les mystères jusqu'à Corneille" par M. VIOLLET LE DUC, Paris, 1854, Tome II. pp 21-34. LA FEMME, commence. Or est-il mort, hélas ! Hélas !Jenin Landore, mon mari, Mon espoir, mon bien, mon soulas.Or est-il mort, hélas ! hélas !Quand m'en souvient, je perds ébats, Et ai le coeur triste et marri. Or est-il mort, hélas ! Hélas !Jenin Landore, mon mari. LE CURÉ. Quand il était enseveliIl demandait au clerc à boire. LE CLERC. Toutefois (il) est mort. LA FEMME. Hélas ! voire. LE CURÉ. Il mourut de soif. LA FEMME. Se fit mon. LE CURÉ. S[e] était un bon biberonEn son voire ne laissait rien. LE CLERC. De cela vous ressemblait bien (Car) volontiers vins allait tâtant. LA FEMME. Fallait-il, puisque l'aimais tant,Que mort le vint ainsi abattre ? LE CURÉ. Il était assez bon folâtre,[Note : vers 20, on lit biès, pied semble plus adapté.]Et se marchait de bon pied. JENIN LANDORE. Bona dies, bona journus.A déchiffré par le menu,C'est-à-dire en latin Dieu gard.Retirez-vous à part, à part,J'en viens, j'en viens, je y ai été. LA FEMME. Qu'est-ce ici ? Benedicite,[Note : Notre Dame de Réconfort : Il existe une abbaye de ce nom à Saizy dans le Nièvre, massif du Morvan.]Notre-Dame de Réconfort ! JENIN. C'est votre mari. LA FEMME. Il est mort.Jamais ne fus si ébahie. JENIN. Je suis mort et je suis en vie, Tout aussi vrai que je le dis. LA FEMME. D'où venez-vous ? JENIN. De Paradis.Qu'est-ce ici ? C'est trop caquetéMon suaire en ai apporté,Et suis passé par purgatoire. LA FEMME. Vous n'êtes point Jenin Landore ;Ne sais que faire ici venez. JENIN. Si suis-je Jenin par le nez Et Landore par le menton. LE CURÉ. C'est lui sans autre. JENIN. Se suis mon. LA FEMME. Si ne veux-je pas qu'il me touche. JENIN. Si je voulais ouvrir la bouche,Je vous dirais bien des nouvelles. LA FEMME. Et je vous prie, dites-nous quellesIci rien celer ne vous faut. JENIN. J'ai vu faire un terrible assaut. LE CURÉ. [Note : Meschef : vieux mot qui signifiait autrefois un accident, un malheur, un grand crime. [L]]Y a-il eu quelque meschef ? JENIN. J'ai vu Saint Pierre atout sa clefEt Saint Paul atout son épée,Qui avait la tête coupée À Saint Denis, se lui semblait,Et Saint Français les combattait,Frappant sur eux, patic, patac.Alors y arriva Saint Marc,Qui très bien secoua leur plisse. [Note : Saint-Jacques : Saint Jacques de Compostelle en Galice (Espagne).]Puis vint Saint Jacques en Gallice,[Note : Chape : Sorte de manteau long, sans plis et agrafé par devant, que portent l'évêque, le célébrant, les chantres, etc. durant l'office ; se dit aussi de l'habit à capuce fourré d'hermine des cardinaux, et du grand manteau de drap ou de serge des chanoines. Anciennement, chape, le même que cape, sorte d'ample vêtement. [L]]Atout sa chape bien doublée.Quand Dieu vit toute l'assemblée,Ainsi frapper, il est notoireQu'à Saint François donna victoire Mais je m'en vins de pour des coups. LE CURÉ. Jenin Landore, dites-nous,Que faisait alors Saint George ? JENIN. Il n'était point en bonne forge,Car il craignait fort l'intérêt. LE CURÉ. Ainsi, comme il nous apparaît,Il y eut terrible bataille. JENIN. Il faut clorr la murailleDe Paradis soudainement.Autour a été sûrement [Note : Lansquenet : Mot allemand qui signifie un soldat qui sert en Allemagne dans les corps d'infanterie. [F]]Plein de Suisses et Lansquenets,Qui eussent fait, je vous promets,Terrible guerre en Paradis,Tout aussi vrai que je le dis.Dieu leur fit, plutôt que plus tard, À chacun (un) paradis à partCar de longtemps haïent l'un l'autre. LE CLERC. Tout beau, il y a de la fauteC'est donc un paradis nouveauFait et construit nouvellement. JENIN. Or c'est mon, par mon serment.Mais, ainsi qu'on s'entrebattait[Note : Saint Laurent : Maint martyre chrétien, supplicié sur un gril.]Saint Laurent, qui s'ébattait[Note : Souysses : terme non identifié, hypothétiqument suisse.]À rôtir sur son gril Souysses,Tout ainsi qu'on fait les saucisses À une taverne en hiver.Garde n'avais de m'y trouver. LE CURÉ. Raison ? JENIN. Je crains trop coups de piques. LA FEMME. Dites nous, sans plus de répliques,Que c'est de paradis. JENIN. Je vous promets que ce n'est pasAinsi comme le temps passé. LE CLERC. C'est bien dit, massé ?La raison ? JENIN. Il n'y a rien qui change.Sous les pieds de Saint Michel l'ange A une femme en lieu d'un diable. LE CURÉ. Cela n'est pas bien convenable. JENIN. Si est-il ainsi, demi dieux Il y a Saint Benoît le vieux.Qui tient bien la loi ancienne Mais certes Saint Benoît le jeuneDe l'Eglise ne prend plus soin ;[Note : Saint-Benoît est souvent représenté avec un oiseau noir symbolisant le retour au monde.]Il porte l'oiseau sur le poing[Note : Bragard : Vieux mot et hors d'usage, qui signifiait brave, ajusté, mignon. [F]]Et tranche du bragard. LE CURÉ. En somme,Jenin Landore en parle bien. JENIN. J'en puis parler quand j'en viensTout aussi droit qu'une faucille.Se j'eusse été bien habile,Je ne serais pas retourné. LA FEMME. Avez-vous longtemps séjourné En Paradis ? JENIN. Certes, mamie.Je vous promets qu'i n'y ennuye,Non plus que quand on est à table. LE CURÉ. Je crois bien qu'il est véritableEt qu'on n'y endure nul mal. JENIN. Saint Christophe y va à cheval. LE CLERC. Saint Martin, qu'est-ce que de lui ? JENIN. Il va à pied pour le jourd'hui. LA FEMME. Dites, qu'y faisaient les apôtres ? JENIN. [Note : Patenôtre : prière de "Notre père".]Ils disent tous leurs patenôtres. LE CURÉ. En Paradis fait-on excès ? JENIN. [Note : On lit plet dans le texte numérisé, plaid semble plus conforme au contexte.]Il n'y a ne plaid ne procès,Guerre, envie, ne débat ;Car il n'y a qu'un avocat,Par quoi il n'y faut nuls plaideurs. LE CLERC. Combien y a-il de procureurs ?Dites-nous s'il y en a point ? JENIN. Ma foi, je n'en mentirai point.Je le dirai devant chacun,Je n'y en ai vu pas un La vérité vous en l'apporte.Il en vint un jusque(s) à la porte,Mais, quand vint à entrer au lieu,Il rompit tant la tête à Dieu[Note : Léans : Là dedans, opposé à céans qui signifie ici dedans. [L]]Qu'on le chassa hors de léans. LE CLERC. Çà, Jenin, quant est de sergents,Paradis en est bien pourvu ? JENIN. Corbieu, je n'y en ai point vu. LE CURÉ. Tout fait, tout dit et tout comprit,Quelque chose y avez-vous apprit ? JENIN. Say mon dea. LE CURÉ. Or nous l'apprenez. JENIN. J'ai appris, si le retenezMais faites silence. LE CLERC. Quoi ? JENIN. Une science. LA FEMME. Quelle ? Ne la veuillez celer. JENIN. Garder les femmes de parler,Quand je veux. LE CURÉ. C'est une grand chose.Par l'âme qui en moi repose,Je verrais volontiers l'usage. JENIN. Voire. LA FEMME. Et comment, Jenin ? JENIN. Baillez-leur à boire.Car je croi, tandis qu'ils bevront,Que alors point ils ne parleront ;Il est tout vrai, la chose est telle. LE CLERC. Quelle autre science nouvelle Savez-vous Jenin ? JENIN. J'en sais bien une : Je dis bien la bonne aventureDes gens, si tôt que vois leurs mains. LE CLERC. Est-il vrai ? JENIN. Tout ne plus ne moins.Voire, par Saint Pierre l'apôtre, Curate, montrez-moi la vôtreHardiment. LE CURÉ. Tenez, beau sire. JENIN. Je vois ce que je n'ose dire. LE CURÉ. Je vous avoue que l'on proposeTout ce qu'on voudra proposer. JENIN. Pour la vérité exposer,Vous êtes ivre et gourmand,Par quoi vous vivrez longuement.Et si aimez le féminin[Note : Appéter : Terme dogmatique. Désirer. [F]]Et appétez boire bon vin. Ailleurs ne vous voulez ébattre. LE CURÉ. Dieu met en mal an le folâtre. JENIN. [Note : Tibi soli : (latin) Pour toi seul.]Tibi soli. LA FEMME. Et dea, Jenin,Qu'est-ce ci ? Vous parlez latin ?Je ne puis entendre vos dits. JENIN. C'est du latin de paradis,Qui m'avait enflé tout le corps.Se ne l'eusse bouté dehors,Crevé fusse pour tout certain.. LE CLERC. Sa, sa, regardez ma main. JENIN. Que tu es une bonne bête. LE CLERC. Dea, Jenin, vous hochez la teste. JENIN. C'est pour le sang de ma cervelle,Qui dedans ma tête se mêleCar mon engin est trop subtil. LE CLERC. Sus, que suis-je ? JENIN. Poisson d'avril. LE CLERC. Poisson d'avril ? JENIN. Voilà le cas. LE CLERC. Et voire, mais je n'entends Que c'est pas à dire. JENIN. Voici rage Quand on met une pie en cage, Que lui aprend-on de nouveauÀ dire ? Parle. LE CLERC. Maquereau. JENIN. Clerice, tu es tout gentil.Maquereau c'est poisson d'avrilAinsi es-tu, je te le jure La fin de ta bonne aventure,C'est que tu aimes ton repos. LA FEMME. Or ça mon ami, quels proposDirez-vous de moi. JENIN. Par ma foi,Je ne veux rien savoir, ma femme, De peur de trouver quelque blâme.Car, s'en vos mains je regardais,Peut-être que je trouverais,Quelque cas qui me déplairait.Et puis. LA FEMME. (Et puis) quoi ? JENIN. Jenin se tairait. LA FEMME. Et auriez-vous bien le courage ? JENIN. Ma foi, ma femme, un homme sageNe s'enquiert jamais de sa femme,Que le moins qu'il peut. LE CURÉ. [Note : Gamme : Ce mots se dit au figuré, mais il est bas et burlesque. Il signifie science, capacité. Se dit aussi quelquefois pour manière, coutume. [F]]C'est la gamme.Cela évite maints courroux. LA FEMME. Jenin, quel(le) science avez-vousEncores appris en Paradis ? JENIN. Se vous n'êtes tous bien hardis,Belle pour vous ferai tantôt. LE CLERC. Et comment ? JENIN. Or, ne dictes, Et mot, vous verrez chose terribleCar je me ferai invisibleQuand je veux plus n'en faut enquerre. [Note : Rets : filet pour la pêche ou pour la chasse. [L]]Voici les rets de quoi Saint PierreEt Saint André pêchent tous deux. LE CLERC. Je vous en crois bien, par mes dieux ;Vous savez procurer votre cas JENIN. Ma foi, vous ne me voyez pas. LE CLERC. Mais dis-nous, où est-ce que tu vas ? JENIN. Le corps bieu, vous n'en saurez rien. Or sus, vous ne me voyez pas Maintenant, et je vous vois bien. LA FEMME. Dea, Jenin Landore, combienSerez-vous bien en cette mode ? JENIN. Autant que fut le roi Hérode [Note : Décoller : couper le cou à quelqu'un [L].]À décoller les innocents.Ennuis verrez que par mon sens, Aurai bruit entre les hardis. LE CURÉ. Gens qui viennent de paradisSans faute sont tous invisibles. LA FEMME. On ne voit point, sans contredis,Ceux qui viennent de paradis. JENIN. Bonjour, bonsoir, adieu vous dis. LE CLERC. Jenin fait choses impossibles. JENIN. Je ferais des choses terribles Se j'étais un peu reposé.Adieu vous dis. Je prends congé. ==================================================