******************************************************** DC.Title = OH ! VOILÀ BIEN LE DIABLE ! COMÉDIE DC.Author = [Anonyme] DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:07:43. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/ANONYME_VOILABIENLEDIABLE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** OH ! VOILÀ BIEN LE DIABLE ! PETITE PIÈCE EN UN ACTE ET EN PROSE MELÉE D'AIRS. M. DCC. LXXII. À PARIS, Chez DELALAIN, Libraire, rue de la Comédie Française. ÉPITRE A MADAME LA COMTESSE DE B***** D*****. VOUS m'avez permis, MADAME, d'offrir, à une des plus aimables personnes, l'hommage aui méritait le moins cette grace. Une Préface est très - souvent consacrée par l'Auteur à s'entretenir de lui-même avec complaisance. Dans ces Vers, qui en tiennent lieu, je n'ai rien annoncé de mon très petit Ouvrage sur ce ton-là, parce qu'il n'y avait rien de bon à en dire. Dans l'Épître dédicatoire, où naturellement votre éloge doit se opposée à celle qui m'a empêché de parler de mes talents. J'use de la faveur à mes voeux accordée ; Cent bijoux furent rejetés ; Mais vous louer ! Je ne suis pas si sot : Tout le monde dirait, choqué de cette idée, Ce sont les Dieux peints par Calot. J'ai l'honneur d'être, avec le plus sincère et le plus respectueux attachement, MADAME, Votre très humble, et très obéissant serviteur, LE MARQUIS DE F*** AU PUBLIC. Mes moeurs d'un vrai sauvage unissent tous les traits. Un séjour solitaire, au fond de la Champagne, Est à mes yeux rempli d'attraits ; Pour mon Théâtre seul, Théâtre de campagne, J'ai produit ces faibles essais. Soigneusement ailleurs je les cachais. Sans vouloir jamais en démordre, J'ai suivi, quelque tems, cette prudente loi. Jusques-là tout était dans l'ordre ; Mais peut-on répondre de soi ? Un certain jour n'ai-je pas eu l'idée De courir chez les Imprimeurs ! Puis la voilà contrariée Par la plus juste des frayeurs. De vous plaire, Messieurs, la flatteuse espérance S'éloignait de mon coeur à la crainte livré ; Deux minutes plus tard l'Ouvrage était serré. Lors j'ai pensé que l'ignorance Facilement se gendarme et s'offense, Et que d'un esprit éclairé Le caractère est l'indulgence : Cette réflexion m'a bientôt rassuré ; Je n'ai plus craint votre présence, Et me voilà donc imprimé. Si cet hommage est agréé, Je pourrai vous en offrir d'autres. Plus d'un Écrivain glorieux Croit, en s'applaudissant, faire tout pour le mieux. Quant à moi, les faveurs que j'aime sont les vôtres ; Et de tous les Auteurs dont vous comblez les voeux, En accordant un accueil gracieux Aux nouveautés qu'ils font paraître, Si je trouve grâce à vos yeux, Je jure qu'il n'en peut pas être Un plus sensible, un plus heureux. PERSONNAGES. MONSIEUR POT-DE-VIN, Bourgeois de Paris. MADAME POT-DE-VIN, sa Femme. MADAME LA COMTESSE DE LA BICOQUETTE. MONSIEUR LE MARQUIS DE CINQ-ARPENS. MADEMOISELLE ADÉLAÏDE. MONSIEUR DE PODOLIE. MONSIEUR L'ABBÉ PATELIN, neveu de la maison. BABET, servante. La Scène est chez Madame Pot-de-vin, dans un village, près Sèvres. Cette pièce est issue du recueil : TRÈS-PETITES PIÈCES, QUI ne peuvent être jouées que sur un très petit Théâtre, que j'aurai certainement faites pour mon plaisir, si elles contribuent à celui de mes Lecteurs. VOILÀ BIEN LE DIABLE SCÈNE PREMIÈRE. Monsieur Pot-de-vin, Babet. MONSIEUR POT-DE-VIN entre seul et appelle. Babet ! Babet répond, en entrant de l'autre côté. Monsieur. MONSIEUR POT-DE-VIN. Mais... Ayez donc l'air occupé de ce que je vais vous dire. Ce n'est point ici une soirée comme les autres. Il soupire. [Note : Croix de Saint-Louis : décoration]Ah ! Babet ! Il faut convenir que, s'il est flatteur pour nous autres bourgeois, de recevoir des Croix de Saint-Louis, et des Dames de condition, on paie cet honneur bien cher par toutes les attentions qu'il exige : aujourd'hui cependant, loin de les regretter, je n'en saurais avoir autant que la circonstance le mérite. Air : Babet que t'es gentille !Écoutez-moi, Babet ;Dans une heure préciseQue le souper soit prêt,Et la nappe bien mise.Sur tout le vin frais ; Tous les verres nets ;Chaque serviette blanche ;Une bougie en deux moitiés,Dans mes deux flambeaux argentés.Je ne puis te le dire assez, Rôtis mieux ton éclanche,Que celle de Dimanche... BABET. Oh ! S'il plaît à Dieu, Monsieur, vous serez content ; mais vous avez, ma foi, bien envie de l'être ; je ne vous ai jamais vu vous trémousser comme cela. Même Air que le précédent.En bonne vérité...Jamais la bouche close !Vous m'avez répété Cent fois la même chose.Allez, je le sais,Même vous n'aurezQu'assiettes bien choisies ;Et comme vous en avez peu Le chaudron reste sur le feu,Et j'aurai soin (pour ôter lieuÀ toutes railleries)Qu'elles soient refroidies. MONSIEUR POT-DE-VIN. C'est fort bien, mon enfant : je suis tout réjoui de te voir répondre à mes vues avec autant d'intelligence. Même Air que les deux Couplets précédents.Lorsque je n'ai céans Que le cercle ordinaire, Madame Petitjeans,Et Lebrun, mon compère;Le soin que je prends,Pour ces bonnes gens N'est pas fort nécessaire:Mais j'aurai, Babet, en ce jourLes deux plus beaux yeux de la Cour.Est-ce l'instant de rester court,Et pouvons-nous trop faire Pour tâcher de leur plaire? BABET. Cela est à merveille ; mais si Madame arrivait ; ne serait-elle pas fâchée de voir tout ce tracas chez elle sans en avoir été prévenue ? Air : Philis, vous voulez un portrait.Dans le plus beau jour de l'été,Tout-à-coup un orage,Troublant les jeux et la gaieté,Fait un affreux tapage; Chacun fuit précipitamment,La frayeur est extrême :Madame ici nous surprenant,Il en serait de même. MONSIEUR POT-DE-VIN. Même air que le couplet précédent.Prenons un air de dignité ; Ne suis-je pas le Maître ?Le pouvoir est de mon côté ;Je le ferai paraître. BABET, à part. Suite du Couplet.Oui-dà, pour le croire, il faudrait Ne vous guère connaître. MONSIEUR POT-DE-VIN. Même couplet.[Note : Marmotter : mot bas qui signifie parler entre les dents, remuer les lèvres sans se faire entendre. [F]]Que marmottez-vous là, Babet ? BABET. Fin du couplet.Je dis que ça doit être.Monsieur n'a plus rien à me dire. Je vais à ma cuisine... À part en s'en allant. Rire tout à mon aise de l'air d'assurance qu'il a, tandis qu'il tremble comme un voleur. SCÈNE II. MONSIEUR POT-DE-VIN, seul. Il est, parbleu, bien difficile d'être d'accord, quand on est deux à partager l'autorité ; et ne vaut-il pas mieux la céder, que d'entretenir des querelles éternelles ? Heureusement, me voilà seul aujourd'hui chez moi: c'est-là où je brille. C'est alors que je suis le souverain le plus absolu... Mais quelle heure est-il ?... La Galiote ne pourrait-elle pas encore ?... Air : Chers amis, etc que ce jus nous inonde.Je suis comme un enfantÀ qui, le soir, sa bonneParle de revenant.S'il s'éveille, il frissonne; Il croit voir un EspritVers son lit s'approcher ;Sa frayeur le grandit.D'abord jusqu'au plancher.Le petit malheureux crie, Se tourmente, se croit mort :Arrive la sotte Mie :Elle seule a tout le tort ;Mais la faiblesse est punieSuivant la loi du plus fort. Second Couplet.Ah ! Quel mal tu me fais !Babet, ce noir présage.Des plaisirs de la paixDétruit la douce image...Hélas ! N'entends-je pas Le bruit de mon Lutin,De sa voix, les éclats ?...Eh, non, non, ce n'est rien ;Non, rien... Ma crainte est frivole. bis.Cessons de nous y livrer ; Sur le propos d'une folleDois-je à ce point m'effrayer ?Oh ! Non. Ma femme m'aurait écrit si elle avait dû revenir. Jouissons en repos du pouvoir sans concurrence... Voici ce que j'en aime le plus. Il tire et montre une grosse clé. Air : La bonne aventure, ô gué.Un sceptre d'or est un bienFort mêlé de peine ;Plus facilement le mien Au bonheur nous mène.La gaité suit le bon vin :Contre les traits du chagrin,Il est le remèdeCertain, Il est le remède. Second Couplet.Souvent un Maître puissantDans les pleurs se baigne :Moi toujours paisiblementAvec toi je règne ; Si, sans efforts, sous ma loi,J'ai Malaga, Beaune, Arbois,Je tiens ma puissanceDe toi,Je tiens ma puissance. Troisième Couplet.Tu reproduis l'âge d'orEn tous lieux chérie:Sous ta garde est le trésorDes biens de la vie.Mes plaisirs seraient complets, Si du destin j'obtenaisDe ne te plus perdreJamais,De ne te plus perdre.Enfin, chère amie, te voilà dans ma poche au moins jusqu'à demain. C'est toi qui joueras ce soir le personnage intéressant, et ta gloire sera la mienne. Va, charmante clé, tu ne peux appartenir à personne qui sente mieux que moi ce que tu vaux. SCÈNE III. Monsieur Pot-De-Vin, Babet. Elle ne paraît que pour annoncer. BABET. Madame la Comtesse de la Bicoquette, Mademoiselle Adélaîde, Monsieur le Marquis de Cinq-Arpens et Monsieur de Podolie. SCÈNE IV. Monsieur Pot-De-Vin, Les Quatre Personnages annoncés. MONSIEUR POT-DE-VIN, s'avançant vers Madame_la_Comtesse. Air: Nous passons doucement la vie. À part.Mon coeur... Haut.Je suis troublé... Mon âme Ne peut exprimer sa gaité ;Sa dose, voyez-vous ! Madame,Est celle de votre beauté. Second Couplet.Si la volupté la plus pureEst de pouvoir faire un heureux, Le Ciel ici vous la procure ;Car, vous y comblez tous mes voeux. MADAME LA COMTESSE. En vérité, Monsieur Pot-de-vin, vous êtes trop honnête : on ne s'attend pas à être reçu avec autant de grâce. MONSIEUR POT-DE-VIN. Oh ! Assurément, Madame plaisante : je ne suis point gracieux ; mais j'ai du goût et de la franchise. Cela suffit pour vous trouver charmante et pour vous le dire. Il ne manque à mon bonheur que d'avoir un Palais à offrir à Madame la Comtesse. LE MARQUIS. Bon ! Un Palais ! Il n'y a rien de si triste, Monsieur Pot-de-vin : une maison petite et commode est cent fois plus agréable. Air: Dans ces lieux tout rit sans cesse.L'artiste le plus habileÉtale en vain les beautés :Si le coeur n'est point tranquille, Quels biens, par lui, pourront être goûtés ? Second Couplet.Sous ces arcades dorées,Dans ces Palais, que voit-on ?Des victimes immoléesPar l'intérêt, ou par l'ambition. Troisième Couplet.S'il existe quelque sage,C'est dans un réduit pareil ;On peut y braver l'orage,Et s'endormir sans craindre le réveil. LA COMTESSE. Il est certain que vous auriez tort, mais le plus grand tort, Monsieur Pot-de-vin, de vous plaindre de la manière dont vous êtes logé ; c'est une retraite délicieuse. Air : Nous passons doucement la vie.Votre Maison est fort jolie ; Mais, d'honneur, jolie à ravir :Je l'aimerais à la folie ;Tout annonce ici le plaisir. MONSIEUR POT-DE-VIN. Même Air. Madame, il est à votre suite ;Ses pas sont ceux que vous tracez : Mon logis a, pour tout mérite,Les moments que vous y passez.La bonne santé de Mademoiselle Adélaïde ajoute encore à ma satisfaction ; je craignais de n'avoir pas l'honneur de la voir: elle devrait se dissiper, s'égayer ; oui, en peu de temps, vous seriez tout-à-fait bien. Air : Dans ma cabane obscure.Préceptes ridicules,Que ceux des médecins :Laissez-là les pilules, L'Ether, et tous ces riens.D'une aimable figurePrenez vîte un époux ;La recette est plus sûre,L'usage en est plus doux. MADEMOISELLE ADÉLAÏDE. Vous me faites une querelle d'Allemand, Monsieur Pot-de-vin ; je ne suis point triste, et je n'ai jamais eu moins envie de l'être. Air : L'autre jour étant assis.Un tel projet serait vain,En eussé-je eu la pensée ;Chez vous, Monsieur Pot-de-vin,Je l'aurais abandonnée. MONSIEUR POT-DE-VIN, achevant le Couplet. Un grand remerciement, Madame la Comtesse ;Ce joli complimentÀ vous seule s'adresse.Ces Messieurs ne voudraient-ils pas boire un doigt de vin, en attendant le souper ? Ils en seront bien les maîtres; car, pour le coup, j'ai la clé de la cave. LE MARQUIS. Pour moi, je vous rends mille grâces... Monsieur de Podolie ne vous refusera peut-être point. MONSIEUR DE PODOLIE. Je vous demande pardon, Monsieur le Marquis ; je ne bois jamais entre mes repas. MONSIEUR POT-DE-VIN. Monsieur de Podolie regarde tout ceci en pitié, lui dont les yeux sont accoutumés au faste des Seigneurs Polonais. MONSIEUR DE PODOLIE. [Note : Héducs : ou Authunois, membre d'une tribu gauloise qui était installée non loin de Nevers.]Je vous jure, Monsieur Pot-de-vin, qu'à mon gré vous êtes plus heureux que le Grand Maréchal de la Couronne. Je pense comme Monsieur le Marquis. De riches tapis, des appartements vastes, des esclaves infortunés peuvent-ils contribuer à notre bonheur ? C'est la société qui fait le prix du lieu que l'on habite, et parmi nous autres gourmands, la bonne chère, inconnue en Pologne, est aussi comptée pour quelque chose. On ne mange ni les Héducs, ni les Gardes du Maître de la maison. Air: Vous qui du Vulgaire stupide.À quoi me sert tout l'étalageDe celui qui donne à dîner, Si chaque mets, jusqu'au potage,Est d'espèce à m'empoisonner ?Les traits de cet orgueil extrêmeN'ont rien dont je puisse jouir ;À table, un bon ragoût que j'aime, Est le véritable plaisir. MONSIEUR POT-DE-VIN. Monsieur de Podolie a raison. La porte s'ouvre avec bruit.Mais, eh! mais...Eh! bon Dieu! SCÈNE V. Les mêmes Personnages, Madame Pot-de-Vin, Monsieur L'Abbé Patelin. MADAME POT-DE-VIN. Air : De la Turque.Je suis toute en eau...Jusqu'aux genoux j'ai de la crotte ;Le tour est fort beau,Et le procédé tout nouveau. Benêt, tu savaisQue j'arrivaisPar la Galiotte:Au lieu d'être là,Ce gentil Galant que voilà Causait,Jouait,Chantait,Riait,Lorgnait. Oh ! vous l'entendez.On me prend donc pour une sotte !...Allons, dépêchez ;Rendez vîte toutes mes clés. Madame Pot-de-vin s'essuie, et fait des gestes menaçants à son mari. MONSIEUR POT-DE-VIN. Madame, je vais les chercher dans toutes mes poches. Air : Ciel! l'Univers va-t-il donc se dissoudre ? À part.Me voilà pris!... Hélas ! Comment donc faire ! Que dira-t-on ? Si je répondais....Mais !Loin d'arranger mon affaire,J'y gagnerais des soufflets. MADEMOISELLE ADÉLAIDE, bas à Monsieur de Podolie. Suite du Couplet.D'une MégèreElle a les traits. L'effroiÉteint ma voix. Quelle furie !Je suis saisie:Je vous en prie!Ah! Monsieur cachez-moi. Monsieur de Podolie se place devant Mademoiselle Adélaide. MADAME POT-DE-VIN, à son mari. Finirons-nous ? MONSIEUR POT-DE-VIN, tirant différentes clés. Voici la clé de l'office, et puis celle du garde-meuble, et puis celle du fruitier... MADAME POT-DE-VIN. Et la clé de la cave ? Il fallait commencer par elle..... MONSIEUR POT-DE-VIN, à part. Oh ! Voilà bien le Diable! Air : Dieu des âmes.Je succombe :Quand il tombe,Le tonnerre est moins affreux.Ah ! Te rendre !Puis-je entendre Un arrêt plus rigoureux? Haut.Permettez, je vous en prie, ma chère femme. MADAME POT-DE-VIN. Comment, Monsieur ! Vous vous le faites dire deux fois ! J'ai de la patience, cela est vrai : mais il est des circonstances où elle échappe... Tenez, Monsieur Pot-de-vin, n'achevez pas de me pousser à bout. MONSIEUR POT-DE-VIN. Eh ! Mon Dieu ! Madame, prenez ; et, sur toutes choses, la paix: écoutez ma justification. Air : Des fraises.L'Albâtre paraît noir,Quand la colère enflamme ;Eh! quoi, pouvais-je prévoirQue vous reveniez ce soir, Madame,Ma Femme,Madame ? MADAME POT-DE-VIN. Qu'appellez-vous de la colère ? Ah ! Si j'en avais, je ne me posséderais pas comme je fais, et votre perruque, Monsieur Pot-de-vin, ne serait plus sur votre tête. Air : C'est ce qui vous enrhume.Ma douceur, partout, a fait tant de bruit...Il n'est point de femme, a-t-on toujours dit, D'une aussi bonne pâte.D'avoir été douce, hélas ! Il m'en cuit ;Car c'est ce qui vous gâte.[Note : Séves : il existe une petite commune dans le Cotentin au sud-ouest de Carentan nommée Séves.]Je me corrigerai, je me corrigerai à l'avenir ; si je vous eusse traité avec un peu moins de complaisance, vous ne manqueriez pas à un devoir aussi essentiel... Vous seriez venu trente fois pour une à Séves, savoir si j'y étais. LA COMTESSE, au Marquis, à part. La surprise m'a pétrifiée au point de pouvoir à peine ouvrir la bouche. Air : Des fraises.Marquis qu'en dites-vous ?La petite personne A le ton modeste et doux :Cette scène devant nousEst bonne ;Mais bonne,Très-bonne. LE MARQUIS, à la Comtesse. C'est de l'excellent comique. Oh ! En honneur ! Ce ne peut pas être là Madame Pot-de-vin ; ce sont bien ses traits ; mais vous verrez que ce sera quelqu'homme travesti, et caché sous un masque qui rend à merveille toute sa laideur. Même air que le Couplet précédent.De ce Sexe charmantJusques dans ces caprices,Elle n'est pas, sûrement.....Elle a tout l'air d'un SergentDes Suisses, Des Suisses,Des Suisses. LA COMTESSE, à part, à sa Société. Je n'y tiens pas, cela est excédent.... Cette bourgeoise nous connaît et se conduit ainsi ! Elle se moque de nous, sortons. LE MARQUIS. Je suis à vos ordres. MADEMOISELLE ADÉLAÏDE. Il y a longtemps que je voudrais être dehors. MONSIEUR DE PODOLIE. Ah ! Mesdames, par grâce demeurez ; ce malheureux homme serait au désespoir... LA COMTESSE, finissant cet A parte. Voyons donc ce que cela deviendra. MADAME POT-DE-VIN. Qui pendant ce dialogue doit souffler, s'éventer, menacer son mari.Demandez à mon neveu ce que j'ai souffert : il me donnait le bras ; j'aurais pris aussi le vôtre, imbécile, et j'eusse été bien moins fatiguée... Je fais mes excuses à ces Dames et à ces Messieurs ; l'agitation dans laquelle vous m'avez mise, m'a empêchée de les saluer plutôt. LA COMTESSE. Nous ne nous en sommes aperçus, Madame, que par l'intérêt que nous avons pris à l'aventure désagréable qui vous est arrivée. MONSIEUR L'ABBÉ PATELIN. Désagréable au possible, Madame. Air: Cela m'en bien dur.Comme j'ai plaint ma chère Tante !...J'en avais les larmes aux yeux :C'est la chaleur qui la tourmente ; Puis, ce sont des chemins affreux !Ah ! Mon Oncle !... Vous avez tort.Je penseQue ce trait l'offense,Et bien fort ; Mais son coeur est bon :Demandez pardon.Vous l'obtiendrez, j'en suis sûr, mon cher oncle. MONSIEUR POT-DE-VIN. [Note : Butor : Gros oiseau, espèce de héron fainéant et poltron. On dit figurément d'un homme stupide et maladroit que c'est un butor. [F]]Peste soit du butor ! Mais il faut filer doux. Haut.Qu'à cela ne tienne, pourvu que je ne sois plus grondé; que nous soupions bien, et que la compagnie soit contente. Air : Quoi ! vous partez, etc.Et que, surtout, ma femme me promette,Que cette nuit on approche du mien Son lit jumeau ; qu'en un mot on les metteTous deux unis comme mon coeur au sien. LE MARQUIS. Peut-on sans indiscrétion vous demander, Madame, l'histoire des lits jumeaux ; elle doit être intéressante. MADAME POT-DE-VIN. Cela est tout simple. Nous avons chacun notre lit dans la même chambre, et ils sont jumeaux... Vous savez mieux que personne, Monsieur le Marquis, que les femmes et les maris d'une certaine façon ne couchent plus ensemble... Il a fallu s'assujettir à l'usage ; mais on y déroge quelquefois et ce souvenir-là est une petite gaillardise de Monsieur Pot-de-vin, qu'il aurait dû réserver pour un autre temps. LE MARQUIS. Votre morale est trop sévère, Madame Pot-de-vin, c'est une misère exactement, dont personne ne peut se formaliser. Air : Ne v'là-t-t-il pas que j'aime ?Votre sexe l'excusera,En faveur de l'idée :Et chacun de nous y verra Ses voeux et sa pensée. MADAME POT-DE-VIN. Vous êtes trop aimable, Monsieur le Marquis ; Vous ne perdez jamais l'occasion de dire une chose honnête. Même Air que le précédent.Ce que Maman m'a souvent dit,Vous le prouvez sans cesse :Combien la naissance et l'espritDonnent de politesse ! Le Marquis fait la révérence. MADEMOISELLE ADÉLAÏDE, à part à la Comtesse. La Maman de Madame Pot-de-vin ; c'est un trait de mémoire unique : car il y a quarante ans que la bonne femme doit être morte. MONSIEUR DE PODOLIE, à part, à Madame_la_Comtesse et à Mademoiselle Adélaïde. J'espère, Mesdames, que vous ne serez point fâchées d'être restées. L'arrangement des lits, les douceurs de Monsieur le Marquis ; voilà pour Madame Pot-de-vin de l'utile et de l'agréable ; son front est déjà plus serein. SCÈNE DERNIÈRE. Les Personnages Précédents, Babet. BABET. Madame est servie. MADAME POT-DE-VIN. Monsieur Pot-de-vin, suppliez Madame la Comtesse d'accepter votre main, Mademoiselle Adélaïde prendra celle de Monsieur de Podolie. Monsieur Pot-de-vin donne le bras à la Comtesse ; Monsieur de Podolie à Mademoiselle Adélaïde, et ils sortent. LE MARQUIS, offrant sa main à Madame Pot-de-vin. Et moi, Madame, je vous demanderai la même grâce. MADAME POT-DE-VIN, l'acceptant. Monsieur le Marquis, c'est bien de l'honneur que vous me faites. Et à son neveu, en s'en allant.L'Abbé, fermez la porte... L'ABBÉ. Oui, ma chère Tante. Et il la ferme. Qui a Compagnon, a Maître. ==================================================