******************************************************** DC.Title = CANDIDE MARIÉ, OU IL FAUT CULTIVER SON JARDIN. DC.Author = BARRÉ, RADET DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Vaudeville DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 25/05/2023 à 05:48:17. DC.Coverage = Turquie DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/BARRERADET_CANDIDE.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5772371b DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** CANDIDE MARIÉ OU IL FAUT CULTIVER SON JARDIN. COMÉDIE en deux Actes, en Prose et Vaudevilles M. DCC. LXXXVIII. Par MM. RADET et BARRÉ À PARIS, Chez BRUNET, Libraire, rue de Marivaux, Place de la Comédie Italienne. Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens Ordinaires du Roi, le Vendredi 20 Juin 1788. PERSONNAGES, ACTEURS. CANDIDE, M. d'Orsonville. MADAME CANDIDE, Mde Desforges. JUSTIN, leur fils, Mlle Carline. PANGLOSS, M. Rosiere. MARTIN, M. Favart. CACAMBO, M. Raymond. CALEB, M. Courcelle. ZULMIS, fille de Caleb, Mlle Desbrosses. ZÉLIE, autre fille de Caleb, Mlle Buret. OSMIN, mari de Zulmis, M. Solier. La scène est en Turquie, près de Constantinople. ACTE I SCÈNE PREMIÈRE. Le Théâtre représente l'intérieur d'une chambre rustique. Elle doit, par sa décoration, annoncer que la scène est en Turquie. L'action commence un peu avant le jour. CACAMBO, seul. Air : Fanfare de Saint-Cloud. Nos Philosophes sommeillent, Exempts de maux et de soins ; Moi, les chants des coqs m'éveillent Pour songer à leurs besoins. De même que la science Doit instruire l'ignorant; De même c'est l'ignorance Qui doit nourrir le savant. Ce que c'est pourtant que la destinée, et comme le hasard se plaît à disposer de nous ! Qui croirait que sur les bords de la Propontide, à quelques milles de Constantinople, cette petite métairie renferme le Seigneur Candide, élevé jadis en Westphalie, dans le château de Monsieur le Baron de Tundertentronck ; la fille de ce même Baron, devenue femme de ce même Candide ; le docteur Pangloss, leur ancien précepteur ; le savant Martin, qui travailla jadis pour les libraires d'Amsterdam ; et enfin, moi, Cacambo, né en Espagne, qui, après avoir fait tous les métiers dans tous les pays, suis aujourd'hui réduit à servir ces gens-là ? Ah ! Que voilà un beau sujet de réflexion, et comme on voit que... les effets et les causes... sont produits par un certain rapport... qui fait que... les événements de la vie... Eh bien, ne voilà-t-il pas que je raisonne, et que par conséquent je ne sais ce que je dis ! Je suis si accoutumé à entendre nos philosophes, que leur manie me gagne. Songeons bien plutôt à porter vendre à la ville le produit de notre petit jardin... Allons, Cacambo, du courage, mon garçon, de la gaieté. Pendant les couplets suivants, il arrange des fruits et des fleurs dans un panier. Air : Mes enfants, travaillons gaiement. Toujours dispos, toujours joyeux, Bravons le sort, s'il est contraire ; Aimons la paix, fuyons la guerre, Sans projets, sans former de voeux. Un homme sage doit connaître, Qu'en ce monde, pour être heureux, Il ne faut pas chercher à l'être. Il ne faut pas chercher à l'être.Le travail est notre soutien ; Heureux l'homme qui sans relâche, Sait tous les jours remplir sa tâche, Sans jamais murmurer de rien : Il trouve au bout de la semaine Qu'il est moins de mal que de bien, Et plus de plaisir que de peine.Et plus de plaisir que de peine.Si la fortune aveuglément Place les biens qu'elle dispense, Jouissons-en avec prudence, Comme du bonheur d'un moment. Bien sot est celui qui s'y fie. Manquant de tout, souffrir gaiement, C'est la bonne philosophie.C'est la bonne philosophie.Voilà, je pense, tout ce qu'il me faut. Eh ! J'oubliais bien l'essentiel, ma foi ; les manuscrits des docteurs Pangloss et Martin, que je dois vendre à Constantinople. Le produit de ces chef d'oeuvres suffira, disent-ils, pour faire notre fortune à tous : je le souhaite, mais j'en doute. J'entends du bruit dans le jardin... C'est sans doute l'aimable Justin, mon jeune maître, que les ennuyeuses leçons de ses deux précepteurs ont fait déserter la maison paternelle, et qui vient tous les matins, avant le jour, placer en secret des fleurs dans le bosquet chéri de sa mère. SCÈNE II. Cacambo, Justin. JUSTIN entr'ouvrant doucement la porte. Air : Toujours seule, disait Nina. Es-tu seul, ami Cacambo ? CACAMBO. Oui : vraiment, c'est lui-même. Nous apportez-vous du nouveau ? JUSTIN. D'une mère que j'aime Je viens embellir le séjour, Et par-là, j'espère qu'un jour Elle verra, Elle saura Qu'en tous temps son fils l'aura Montrant son coeur.Là. CACAMBO. Le bon coeur ! Ah ! Monsieur, les fleurs que vous donnez à Madame votre mère lui font grand plaisir ; elle est bien éloignée de deviner qui les lui apporte. JUSTIN. Donne-moi promptement des nouvelles de mes chers parents : comment se portent-ils ? CACAMBO. À merveille. Madame votre mère grondant, selon sa coutume, du matin au soir ; Monsieur votre père l'endurant avec peine, et vous regrette tant sans cesse. JUSTIN. Mon bon père ! Pangloss et Martin se disputent toujours ? CACAMBO. Comme vous dites. Air : Il est toujours le même. Dans ce logis toujours tout est de même : Chaque savant S'en va souvent Rêvant, Ou bien désapprouvant De l'autre le système. Candide, comme avant, Près d'eux tourne à tout vent, Et n'oserait penser d'après lui-même. JUSTIN. Air : La fête des bonnes gens. Combien est préférable La sage et simple raison Du vieillard respectable Qui m'admet dans sa maison ! Près de lui tout est tranquille ; Point de bruit, point de savant. Le bonheur n'a pour asile Que le toit des bonnes gens.Le bonheur n'a pour asile Que le toit des bonnes gens. CACAMBO. Eh, dites-moi, Monsieur, je vous prie, ce vieillard respectable a-t-il des enfants ? JUSTIN. Deux filles. CACAMBO. Je m'en doutais... Grandes ? JUSTIN. L'aînée est mariée. CACAMBO. Et la cadette, en âge de l'être ? JUSTIN. Je le crois. CACAMBO. Fort bien. Air : Vous autres jeunes fillettes. Tenez, Monsieur, je devine Que l'Amour, ce Dieu malin, Vous conduit à la sourdine ; Convenez-en..... JUSTIN. Eh mais... CACAMBO. Hein ? JUSTIN. Eh mais... CACAMBO. Quoi ? mais, c'est oui ? Mon doute est évanoui. JUSTIN. Air : De Joconde. Eh bien, s'il faut te l'avouer, Oui, j'adore Zélie. CACAMBO. Monsieur, je ne saurais louer Une telle folie ; Outre qu'il est à craindre ici Plus d'une catastrophe, Croyez-vous qu'on devienne ainsi Un docte Philosophe ? JUSTIN. Air : Regard vif et joli maintien.Je respecte fort les leçons De la grave philosophie ; Mais je préfère les chansons De la douce et tendre Zélie. Un Philosophe en sait beaucoup ; Oh ! sa science est infinie ; Il raisonne fort bien de tout ; Un Philosophe en sait beaucoup. Qui sait plus encor ?... Douce amie. J'ai lu, dans un livre nouveau, Une histoire que je révère : Un jeune homme bien fait et beau Faisait le malheur de son père ; Aucun maître ne pouvait rien Sur son ignorance infinie ; Il était gauche en son maintien ; Il ne pouvait apprendre rien. Que lui manquait-il ?... Douce amie. Dans un vieux et triste château Végétait le pauvre Sargine ; Mais par bonheur dans ce château, Était une aimable cousine. Il devint un homme nouveau Par les leçons de sa Sophie ; Il devint grand et généreux ; Il devint brave et valeureux. Qui sut le former ?... Douce amie. CACAMBO. Eh, voilà donc le précepteur que vous choisissez ? JUSTIN. Air : Rien ne me plaît, s'il ne vient de Lisette. Pourquoi faut-il qu'à des maîtres sévères, Presqu'en naissant, nous soyons asservis ? Discours plus doux, préceptes moins austères, SerAient bien mieux écoutés et suivis. Les leçons que sitôt on oublie Se graveraient en traits puissants ; Sous les dehors de la folie La raison charmerait nos sens : C'est en sortant d'une bouche jolie Qu'elle a des droits sur un coeur de quinze ans. CACAMBO. Air : De tous les Capucins du monde. De tous les jeunes gens du monde, Ainsi la conduite se fonde Sur des principes condamnés. Ils quittent, dans leur folle ivresse, Les maîtres qu'on leur a donnés, Pour se donner une maîtresse. JUSTIN. Le jour va bientôt paraître... Je crains qu'on ne m'aperçoive, et je m'enfuis. Adieu, continue à me garder le secret. CACAMBO. Soyez tranquille, allez... Mais, j'entends quelqu'un. Oh ! Oh ! Déjà le Seigneur Candide ! SCÈNE III. Cacambo, Candide. CANDIDE. Air : Que ne suis-je la fougère ? D'une triste destinée, Quand le malheur nous poursuit, Les peines de la journée Se retracent dans la nuit. Pour le tourment de mon âme Deux grands maux sont réunis ; La présence de ma femme, Et l'absence de mon fils. CACAMBO. Il est grand jour. Ce n'est pas tout de se désoler, il faut encore aller à la ville et rapporter de quoi dîner. N'est-il pas vrai, Monsieur ? CANDIDE. Je n'avais que mon fils pour me consoler, et il m'a quitté sans que je sache ce qu'il est devenu ! Ah ! Mon cher Cacambo, je suis bien à plaindre !... CACAMBO. Vous aimez à vous chagriner aussi... Par exemple, à l'égard de votre femme, vous êtes, je crois, trop regardant... Tenez, mon cher maître... Air : Tu croyais en aimant Colette. Moi, je tiens, pour règle première, Qu'un bon mari, peu curieux, Doit, pour dormir la nuit entière, Pendant le jour fermer les yeux. CANDIDE. Cela m'empêcherait-il d'être en bute à sa mauvaise humeur, à son caractère intraitable ? CACAMBO. Ah ! Monsieur, il y a des moyens de remédier à tout cela. Air : Du pas redoublé. Si j'avais malheureusement Une méchante femme ; Au lieu d'être complaisamment Aux ordres de Madame ; Savez-vous ce que je ferais Dans cette circonstance ? Avec fermeté je prendrais... Je prendrais... patience. Il sort. SCÈNE IV. CANDIDE, seul. Air : Du pauvre monde. J'ai voyagé, J'ai tout vu, tout jugé ; Partout les hommes sont les mêmes ; Faux et trompeurs, De mensonges, d'erreurs, Appuyant d'absurdes systèmes. Ils m'ont persécuté, Rebuté, Rejeté ; Moi, j'obligeais, suivant mon habitude ; Eh bien, on m'a trompé, Dupé, Et, sans égard, volé, Pillé ; Je n'ai rencontré qu'ingratitude. De tout mon bien, Il ne me reste rien, Que ma petite métairie : Là, sans projets, Sans désirs, sans regrets, Je croyais terminer ma vie, Espérant qu'en ces lieux Tout serait pour le mieux. De cet espoir enfin je me défie. Quel est mon embarras ! Hélas ! Quoi ! Ne trouver jamais La paix Dans la paisible Philosophie. SCÈNE V. Candide, Pangloss, Martin. PANGLOSS et MARTIN. Air : Monsieur Charlot. Grâce au Traité Que je viens de produire, Mon siècle va s'instruire, Et la postérité. Bien imprimé, Bien estimé, L'ouvrage, avec délire [Note : Famé : Vieux terme de Palais qui signifie réputation. il est d'usage en cete phrase : il a été rétabli en sa bonne fame et renommée. Et de là est venu l'adj. Famé, qui ne se dit qu'avec l'adverbe bien ou mal. [F]]Doit être famé. Les envieux, Bien furieux, Contre lui vont médire ; Il n'en ira que mieux. CANDIDE. Air : On compterait les diamants. Eh ! De quoi vous occupez-vous ! PANGLOSS. Le projet n'est point illusoire, Puisqu'il fera venir chez nous De l'argent avec de la gloire ; Et dans ce monde, en vérité, Il est bien doux, ne vous déplaise, Allant à l'immortalité, De passer sa vie à son aise... De passer sa vie à son aise... CANDIDE. Vous avez raison. Mais, en attendant.... Air : De mes moutons le nombre augmente. De mes chagrins, le nombre augmente. L'Hymen a trompé mon attente : D'un lien formé par l'amour, Le plaisir a fui sans retour. C'en est fait ; j'ai vu disparaître, Et pour jamais, le bonheur de ces lieux. Ah ! Dis-moi donc, dis-moi, mon maître, Bis.Pourquoi ma femme est changée à mes yeux. PANGLOSS. Air : Tout roule aujourd'hui dans le monde. De pareilles métamorphoses Ne m'étonnent pas, Dieu merci ; Car, pour le bon ordre des choses, Cela doit arriver aussi. MARTIN, à Candide. Mon cher, votre erreur est extrême, Il faut l'avouer entre nous : La Baronne est toujours la même Mais vous, vous êtes son époux. CANDIDE. Je la préviens en tout. PANGLOSS. En tout absolument ? CANDIDE. Que voulez-vous dire ? PANGLOSS. Tenez, mon cher élève, vous êtes un bon humain, le meilleur enfant du monde : mais cela ne suffit pas toujours. Air : J'ignorais comme on fait l'amour. La femme boude pour un rien ; On l'apaise aussi par un rien ; Mais pour faire valoir ce rien, Il est une manière. Oui, mon cher, essayez, vous pourrez plaire Avec ce moyen ; C'est un rien, Mais ce rien, Encore faut-il bien Le faire. CANDIDE. Vous croyez ? MARTIN. Eh oui, conseillez-lui la douceur, il en fera de belles. Air : Je n'aimais pas le tabac beaucoup. Quand une femme a dans son esprit Quelque dessein que l'on contredit, Quoi qu'on puisse représenter, Elle veut l'emporter, Et fait, en disputant, Tant, Qu'on la craint à jamais ; Mais, Pour lui donner d'abord Tort, Il faut crier plus fort. PANGLOSS. Air : Valet chez une fermière. Eh ! non, non, soyez docile, Évitez tout ce tracas ; Cédez toujours. MARTIN. Ne cédez pas. Quoi donc, époux imbécile, Pour se rendre honteusement, Faut-il se vaincre à tout moment ? PANGLOSS. Oui, Monsieur. MARTIN. Quelle chimère ! PANGLOSS. Un homme prudent, confrère, Ne doit combattre jamais, Quand, pour les frais de la guerre, Il peut acheter la paix. CANDIDE. Eh quoi, Messieurs, toujours d'opinion contraire dans les conseils que vous me donnez ! PANGLOSS. C'est mon avis qu'il faut suivre. MARTIN. C'est le mien. PANGLOSS. Air : Pierrot sur le bord d'un ruisseau. Allez, reposez-vous sur moi ; Je saurai bien vaincre sa résistance ; Votre femme sera, ma foi, Soumise en tout à votre loi : Croyez-en mon expérience ; Retirez-vous un instant, la voilà ; À votre gré, croyez que tout ira. CANDIDE. Ah ! Ah ! Je n'espère pas ça. MARTIN. Ah ! Ah ! Je voudrais bien voir ça. Candide et Martin sortent. SCÈNE VI. Pangloss, Madame de Candide, ensuite Martin paroissant au fond du théâtre. MADAME DE CANDIDE. Air : Jupiter un jour en fureur. Avec Candide je vous vois, Et chacun de vous deux, je gage, De tout son coeur ici l'engage À s'irriter contre moi. PANGLOSS. Mais non, c'est lui qui vous accuse.... MADAME DE CANDIDE. Monsieur, quand un mari déclame Contre une épouse injustement, On plaint son aveuglement, En consolant sa femme.On plaint son aveuglement,En consolant sa femme. PANGLOSS. Mais votre mauvaise humeur.... MADAME DE CANDIDE. Eh qui n'en aurait pas ! Loin de mon pays, sans parents, sans État, sans fortune, habiter tristement une misérable chaumière, et pour surcroît de peine, un mari... Ah !... PANGLOSS. Il est donc bien changé ? MADAME DE CANDIDE. Air : Pour qu'sa prétention soit bannie. Jadis il se faisait connaître Par les soins les plus assidus ; Mais on aura pour moi peut-être Les attentions qu'il n'a plus. Qu'un mari néglige sa femme, Bientôt d'autres à genoux S'empressent d'offrir à Madame Ce que refuse l'époux. PANGLOSS. Eh bien, c'est peut-être ce qui pourrait arriver de plus heureux. MARTIN, au fond de la scène. Écoutons un peu comment Maître Pangloss s'y prend pour faire entendre raison à Madame. MADAME DE CANDIDE. Vous savez que dans notre jardin.... Air : Nous avons une terrasse. Il est un certain bocage, Un réduit secret, Dont le séjour me plaît ; C'est sous ce charmant ombrage Qu'en paix Souvent je me distrais. La fraîcheur d'un sombre feuillage, De divers oiseaux le ramage Y répand un calme enchanteur, Qui passe jusque dans mon coeur : J'éprouve une douce langueur, Un sentiment dont la douceur Me fait oublier mon malheur. Or, ce bosquet est depuis quelque temps Tous les matins orné de fleurs nouvelles ; J'y vois briller les trésors du printemps, Le lys, l'oeillet, les roses les plus belles. Cacambo de soins si fidèles Connaît seul l'auteur en ces lieux. MARTIN, à part. Le valet est le confident ; c'est dans l'ordre. MADAME DE CANDIDE. Quelqu'un qui vous aime D'une ardeur extrême, Dit-il, à vos yeux Craint de s'offrir lui-même ; Sensible et timide, Le respecte, le guide ; Mais il est heureux S'il a rempli vos voeux. MARTIN, à part. Fort bien. PANGLOSS. Peut-être est-ce Candide lui-même, qui voulant vous surprendre... MADAME DE CANDIDE. Air : Pour la Baronne.Pour son épouse, Un mari se met-il en frais ! Grondant chez lui, d'humeur jalouse, S'il est galant, ce n'est jamais Pour son épouse. PANGLOSS. En ce cas-là... Air : Le premier du mois de Janvier. C'est quelque Turc de ce canton, Et ces amoureux-là, dit-on, Sont bien plus polis que les nôtres ; Près de l'objet de leurs amours, Chaque petit soin est toujours Accompagné de plusieurs autres. MADAME DE CANDIDE. On le dit. PANGLOSS. Je vous conseille de suivre cette affaire-là. MARTIN, à part. À merveille, Maître Pangloss. Allons chercher Candide. Il sort. MADAME DE CANDIDE. Mais, Docteur, songez donc que l'honneur de ma maison.... PANGLOSS. Tout cela ne sera qu'en apparence et pour éveiller la jalousie de votre mari. MADAME DE CANDIDE. Après tout, vous avez raison. Air : Est-il de plus douces odeurs. À feindre de prendre un amant, Eh bien, je me décide ; Je ferai naître en l'écoutant Les soupçons de Candide. PANGLOSS. Mais du moins avec votre époux Soyez donc plus affable : Un homme n'est jamais jaloux Que d'une femme aimable. MADAME DE CANDIDE. Je vous promets que dorénavant... Le voici, vous allez voir... SCÈNE VII. Les Mêmes, Candide, Martin. MARTIN, à Candide. Venez, venez, vous allez apprendre du nouveau. MADAME DE CANDIDE. Air : La bonne aventure. Vous voilà, mon cher mari ! MARTIN, à part, avec ironie. Son cher mari ! CANDIDE, à Pangloss. C'est de bon augure. MADAME DE CANDIDE. Ah ! Loin d'un objet chéri, Comme le temps dure ! CANDIDE. Quel changement inouï ! Que mon coeur est réjoui ! La bonne aventure. TOUS. Oh oui ! La bonne aventure. MADAME DE CANDIDE. Air : Je suis Carmélite, moi. Mon bon ami, d'être toujours la même, Je vous donne ma foi. MARTIN, à Pangloss. Docteur fameux et d'une adresse extrême, Honneur à votre emploi. PANGLOSS. Qu'importe ici qu'un pédant m'apostrophe : Je suis philosophe, moi, Je suis philosophe. MARTIN. Air : Quelques-uns prirent le cochon. Quelques-uns nomment autrement Cette philosophie. CANDIDE, à Pangloss. Ah, mon cher maître, assurément, Vous me rendez la vie. MARTIN. Bravo ! Remerciez-le bien : De vaincre Madame il connaît le moyen, Et vous verrez, si ses avis Sont suivis, Que Monsieur n'est pas à demi Votre ami. PANGLOSS. Eh pourquoi pas, Monsieur ! CANDIDE. Comment, est-ce que je serais ?.... MARTIN. Apparemment, et vous auriez dû deviner à l'air dont Madame vous a reçu tout à l'heure.... CANDIDE. Mais qu'est-ce que cela signifie ? MARTIN. Que Madame vous caresse aujourd'hui, parce qu'elle vous trompe ; qu'elle a un amant ; que cet amant lui fait des cadeaux.... M'entendez-vous ? CANDIDE. Est-il possible ? MARTIN. Oh que non ; cela ne s'est jamais vu. MADAME DE CANDIDE. Je vous jure, mon ami.... PANGLOSS. Mais n'écoutez donc pas Monsieur Martin ; il rêve, selon sa coutume. Bas à Madame de Candide.Vous voyez ? Le moyen réussit. MADAME de CANDIDE, à part. Il est jaloux ! Bon. SCÈNE VIII. Les Mêmes, Cacambo. PANGLOSS. Eh ! Voici l'ami Cacambo ! MARTIN. Déjà de retour ! PANGLOSS. As-tu bien vendu mon ouvrage ? MARTIN. M'apportes-tu beaucoup d'or ? CACAMBO. Air : Il a voulu. Messieurs, tout doux ; Préparez-vous À ce que je vais dire. J'ai vendu les fleurs et les fruits, Mais quant à vos deux manuscrits, On a voulu, On n'a pas pu Achever de les lire. Et les voici. PANGLOSS. Air : Ton humeur est, Catherine. Ô Ciel, quelle est ma surprise ! Mon ouvrage est rejeté. MARTIN. Dans ce siècle de sottise Tout n'est que frivolité. Pour qui ne veut rien d'utile, Un livre a bien peu d'attraits. CACAMBO. Eh pourtant il s'en vend mille Qui ne se lisent jamais. PANGLOSS. Qu'est-ce que cela fait ? On les prône, on en dit du bien ou du mal, on les achète, on les paye, et tout est pour le mieux. MARTIN. Que les temps sont changés ! PANGLOSS. C'est ma faute aussi, j'aurais dû aller proposer mon ouvrage moi-même. CACAMBO. Écoutez, Messieurs, tout n'est pas encore désespéré. On m'a assuré que si vous pouviez avoir l'approbation d'un fameux Derviche, qui passe pour le meilleur philosophe de la Turquie, vos manuscrits se vendraient aisément : informez-vous du lieu de sa demeure, qui n'est pas loin d'ici, et allez le trouver. MARTIN. Soit. Si ce Derviche est vraiment un Sage, il pensera comme moi. PANGLOSS. S'il est grand philosophe, je pourrai raisonner avec lui des effets et des causes, du meilleur des mondes possibles, de l'harmonie préétablie et de la raison suffisante.... Qu'en dites-vous, mon cher élève ? Écoutez donc, vous êtes-là à rêver... CANDIDE. Air : Sans le savoir. Eh, sais-je ce que je dois faire ! PANGLOSS. Allons, tâchez de vous distraire. CANDIDE. Mon sort ne peut se concevoir ; Ce Martin m'a déchiré l'âme. Ah ! C'est un cruel désespoir Que d'être trompé par sa femme, Et le savoir. MARTIN. Il y a quelqu'un ici qui peut encore mieux vous instruire. Le prudent Cacambo est dans la confidence. CANDIDE. Lui ? CACAMBO. Quoi ! Quelle confidence ? MARTIN. Tu fais l'ignorant.... et ce galant qui fournit à Madame de si belles fleurs.... là.... dans le petit bosquet du jardin ? CACAMBO. Air : Guillot a des yeux complaisants. Quoi ! L'on ose accuser ainsi L'innocence elle-même ! À Candide.Apprenez donc, Monsieur, qu'ici Votre erreur est extrême. Pauvres femmes ! Voilà comment, Dans maintes circonstances, On vous condamne injustement Sur la simple apparence. MARTIN. Sur la simple apparence ! Il est bon-là. CACAMBO. Sachez, Monsieur, que ce prétendu galant, qui vous cause tant d'ombrage, n'est autre que votre fils. CANDIDE. Est-il possible ? MADAME DE CANDIDE et PANGLOSS. Ô Ciel ! MARTIN. Cela ne se peut pas. PANGLOSS, à Martin. Eh bien, Monsieur le visionnaire.... CACAMBO. C'est cet aimable enfant, qui vient tous les matins apporter à sa mère les fleurs qu'il fait qu'elle aime, et qu'il prend plaisir à cultiver pour elle. MADAME DE CANDIDE, à part. Voilà mon projet manqué. CANDIDE, à Cacambo. Tu sais donc où il est ? CACAMBO. Non pas précisément, mais je sais que vous ne tarderez pas à le voir. CANDIDE. Je reverrai mon fils, et ma femme est fidèle ! Ah ! Pardonne, chère épouse... MADAME DE CANDIDE. Laissez-moi, laissez-moi. Air : Du matin au soir dans ce château. Dieux ! Que mon destin est affligeant ! Suis-je faite Ainsi pour la retraite ? Chaque jour notre état indigent Nous présente un besoin plus urgent. Ah ! Si du moins sa tendresse Était la même toujours, Ici, malgré ma détresse, J'aurais encor de beaux jours ; Mais, hélas ! De son coeur La froideur Augmente L'ennui qui me tourmente ; Et comment n'être pas en courroux, De n'avoir que l'ombre d'un époux ? Elle sort. CANDIDE. Eh bien, la voilà plus furieuse que jamais. PANGLOSS. Air : Non, je n'aimerai jamais que vous.Mon ami, ce n'est rien que cela ; Tout ce grand courroux n'est qu'un léger nuage. Mon ami, ce n'est rien que cela, Et j'apaiserai cette bourrasque là. MARTIN. C'est fort bien dit, employez son message, Monsieur Pangloss est un homme inventif ; Morbleu, jamais n'aurez-vous de courage Pour commander à cet esprit rétif ! CANDIDE. Tous ces froids discours sont superflus, Vos raisonnements ne sont que verbiages. Tous ces froids discours sont superflus ; Laissez-moi, messieurs, je ne vous croirai plus. Mon seul espoir Est d'aller voir Ce Derviche si grand, si sage. PANGLOSS. Eh bien, allons, Nous le verrons, Et tous nous le consulterons. CANDIDE, à Cacambo. S'il est, comme on dit, docteur fameux, Il rétablira la paix dans mon ménage. S'il est, comme on dit, docteur fameux ; Il me donnera le moyen d'être heureux. PANGLOSS, à Martin. S'il est, comme on dit, docteur fameux, Il approuvera sans doute mon ouvrage. S'il est, comme on dit, docteur fameux. Moi, je vais paraître un grand homme à ses yeux. ACTE II Le théâtre représente un verger, et de chaque côte de la scène, sur le devant, un petit carré de jardin. On voit la maison de Caleb sur la droite, et un berceau d'orangers à la porte : le verger est enclos d'une espèce de haie qui a une porte au milieu ; par-delà est une chaîne de montagnes : tous les arbres doivent être abondamment garnis de fruits. SCÈNE PREMIÈRE. Justin, Osmin, Zulmis, Zélie. Ils sont occupés à différents travaux du jardinage. OSMIN. Air : Des riches dons de la nature Comme ce verger s'embellit ! À nos soins, à notre culture Tout répond et sourit. JUSTIN. De l'automne les doux présents Se joignent aux fleurs du Printemps, Et dans ces lieux Délicieux, Tout charme le coeur et les yeux. ZULMIS. Si l'apparence De l'abondance Brille sur ces riants coteaux, C'est l'assistance, C'est l'influence Du Ciel qui bénit nos travaux. ZÉLIE. Sa bienfaisance, Sur l'innocence, Avec bonté s'étend toujours ; Nos coeurs sensibles, Doux et paisibles, Ont droit à ses tendres secours. OSMIN, JUSITN. Oui, tout fleurit, Tout mûrit Et promet le bonheur. ZULMIS, ZÉLIE. Dieux ! protégez, Ménagez Cet espoir enchanteur. TOUS. Des riches dons de la nature, etc. ZULMIS. Que ces fleurs sont belles ! Qu'elles sont fraîches ! Ah ! C'est que leur culture est l'ouvrage de mon époux. OSMIN. Ô ! Ma Zulmis ; cet espace de terrain est destiné à ton amusement ; travailler à l'embellir est le plus grand, le plus cher de mes plaisirs. ZÉLIE. Je me flatte, ma soeur, que mon jardin est tout aussi beau que le vôtre, malgré que je sois seule à le cultiver. JUSTIN. Il ne tiendrait qu'à vous, belle Zélie, de trouver un aide. ENSEMBLE. OSMIN. Air : Vraiment oui, c'est demain (de Richard.)Ici, chaque matin,Tu viens parer ton sein ; Le bouton qu'on y laisseS'ouvrira demain. Ainsi, de ton Osmin,L'amour sera sans fin Tel il est ce matin.Tel il sera demain. ZULMIS. Ici, chaque matin, Je viens parer mon sein : Le bouton que je laisse, S'ouvrira demain.Ainsi, de mon Osmin,L'amour sera sans fin Tel il est ce matin.Tel il sera demain. JUSTIN, à Zélie. Air : Vivre sans amour. Mais pourquoi, Dis-moi, T'opposes-tu sans cesse Aux soins que Justin Voudrait prendre de ton jardin ? ZÉLIE. En refusant à ta tendresse De partager ici mon loisir, De ces fleurs je suis la maîtresse ; À t'en offrir J'ai plus de plaisir. OSMIN, ZULMIS, à Justin. Air : Vraiment oui, c'est demain. Sois sage, aime-la bien, Et le plus doux lien Couronnant ta tendresse, Son bien Sera le tien ; Oui, Justin, Sois certain, En méritant sa main, Que tous les droits d'Osmin Seront à toi demain. ZÉLIE. Voilà mon père. SCÈNE II. Les Mêmes, Caleb, apportant des arbustes. OSMIN, allant au-devant de lui et le débarrassant. Air : Vaudeville des deux Jumeaux. Prendre tant de peine à ton âge ! Ah ! Permets-nous de te gronder : Mon père, ici tout ton ouvrage Doit être de nous commander. ZULMIS. Te voir tranquille est notre envie, Ne sais-tu pas que les travaux Sont les plaisirs de notre vie, S'ils te procurent le repos ? Sont les plaisirs de notre vie, S'ils te procurent le repos ? CALEB. Je le sais, mes enfants, je le sais. Air : Nous sommes précepteurs d'amour. Mais je voudrais, de ce côté, Augmenter s'il se peut, l'ombrage ; Il faut, des chaleurs de l'été, Garantir l'hiver de mon âge. OSMIN, JUSTIN. Air : Fournissez un canal au ruisseau. Pour trouver ces arbustes choisis, Souffre, papa, que je m'empresse. CALEB. Eh bien, soit, allez donc, mes amis, Suppléez tous deux à ma faiblesse. Ils sortent. Ainsi l'homme, malgré les ans, Malgré sa démarche peu sûre, Grâce à la loi de la nature, Est jeune encor dans ses enfants.Grâce à la loi de la nature, Est jeune encor dans ses enfants. SCÈNE III. Zulmis, Zélie, Caleb, Candide, Madame Candide, Pangloss, Martin, Cacambo. Ces derniers arrivent sur le penchant d'une colline, au fond du théâtre. Candide et Cacambo se détachent de la troupe et entrent dans le verger : les autres restent assis sur la montagne. CACAMBO. Air : Or nous dites, Marie. Enseignez-nous, de grâce, Un Derviche savant,Qui dans le pays passe Pour un homme étonnant. CANDIDE. S'il coule ici sa vie, S'il y fixe ses pas, Que je vous porte envie ! CALEB. Je ne le connais pas. CACAMBO. On nous a cependant bien indiqué... CANDIDE. Comment pouvez-vous méconnaître ce grand homme ? CACAMBO. Vous n'êtes donc pas Philosophe ? CALEB. Non, Monsieur. CACAMBO. Vous n'êtes pas Philosophe ! À votre âge ! Vous ne raisonnez pas ! Vous ne disputez pas sans cesse sur les moyens de vivre en bonne intelligence ? ZÉLIE. Air : Êtes-vous de Chantilly ? Celui que l'on cherche ici, N'est-ce pas un vieillard ? CACAMBO. Oui. ZÉLIE. Dont la figure est austère, Qui parle d'un ton sévère ? CACAMBO. Chacun le désigne ainsi. ZÉLIE. Air : Il était une fille. Souvent, dans la campagne, Quand nous nous promenons, Nous le voyons, Mais nous fuyons. Par-delà la montagne, On dit qu'en ce vallon Demeure le barbon. CACAMBO. Bon. Avant que j'en approche... Ma belle enfant, pardon. Monsieur Pangloss, écoutez donc. Montez sur cette roche, Vers ce coteau qui fuit, Voyez-vous son réduit ? PANGLOSS, du haut de la montagne. Oui, j'aperçois une chaumière isolée, qui m'a tout l'air de la demeure d'un derviche. CACAMBO. C'est sûrement cela. Air : C'est la petite Thérèse. Adieu donc, mesdemoiselles. CANDIDE. Puissiez-vous être à jamais Autant heureuses que belles. ZÉLIE. Grand merci de vos souhaits. CACAMBO, à Caleb. Vous trouvez des avantages À rester en paix chez vous ; Mais nous, pour devenir sages, Nous courons comme des fous. Cacambo et Candide rejoignent les autres, et tous s'en vont. SCÈNE IV. Caleb, Zulmis, Zélie, Osmin, Justin. OSMIN, JUSTIN, occupés à placer autour du berceau d'oranger des arbustes qu'ils rapportent : pendant le Couplet suivant les autres parlent bas. Air : Une jeune fillette. Notre ouvrage prospère, Et l'on pourra bientôt, Dans ce bosquet, j'espère, Se garantir du chaud. JUSTIN. En servant ce bon père, C'est satisfaire À tous Nos goûts. Le travail est pour nous Bien doux. OSMIN. Et puis, dans cette affaire, Ici Nous gagnerons aussi ; Car d'un feuillage Épais, L'ombrage Frais, En modérant les feux du jour, Double ceux de l'amour. ENSEMBLE. Oui d'un feuillage Épais, L'ombrage Frais, En modérant les feux du jour, Double ceux de l'amour. OSMIN, à Zulmis, qui a les yeux fixés sur son jardin. Que regardes-tu donc là ? ZULMIS. Air : D'l'instant qu'on nous mit en ménage. De ces fleurs que ta main rassemble Afin d'embellir mon jardin, Depuis quelque temps, il me semble Qu'il en manque chaque matin. Cher Osmin ! Bis.Cette inquiétude Me tourmente, et c'est malgré moi ; Mais je fais mon unique étude De garder ce qui vient de toi. OSMIN. Ma bonne amie, ce secret.... ZULMIS. Un secret pour ta femme ! OSMIN. Air : Sous le nom de l'Amitié. C'est celui de l'amitié ; Je n'en suis pas le maître. JUSTIN. Moi, je le fais connaître Ce secret de l'amitié. Le chagrin doit-il naître Au coeur de ta moitié, Sous le nom de l'amitié ? C'est à moi qu'Osmin a donné ces fleurs. ZÉLIE. À vous !... Mais mon père veut savoir ce que vous en avez fait. CALEB. Moi ? Point du tout. N'est-il pas maître de disposer à son gré de ce que son ami lui donne. Je le crois trop raisonnable pour en faire un mauvais usage. JUSTIN. Ah ! Bien au contraire. CALEB. Mais, s'il veut garder le silence sur l'emploi de ces fleurs, ai-je le droit de le faire parler ? Je ne suis pas son père. JUSTIN. Air : Résiste-moi, belle Aspasie. Tout à vous m'engage et me lie ; Tout dit que je suis votre fils. Bis.Vos bontés, dont je sens le prix, Et ma tendresse pour Zélie. Vous approuvâtes mon amour : Et, depuis ce moment prospère, Dans ses yeux je lis chaque jour Que vous devez être mon père. CALEB. J'en aurai toujours les sentiments, et j'espère que tu n'en seras jamais indigne. JUSTIN. Oh ! Non, jamais. OSMIN, à Zulmis. Tu n'as plus d'inquiétude ? ZULMIS. Ô ! Mon ami, ce sentiment était trop pénible. Air : L'amour est un enfant trompeur. (de M. Martini.) Le secret le plus innocent, La moindre bagatelle Nous peut, hélas ! causer souvent Une peine cruelle : Nous formons de fâcheux soupçons ; Injustement nous offensons Le coeur le plus fidèle.Le coeur le plus fidèle. OSMIN. Zulmis, ô toi, que je connais Sensible autant que belle, Garde-toi bien d'avoir jamais Cette peine cruelle. Ton Osmin t'a donné sa foi ; Osmin sera toujours pour toi L'époux le plus fidèle. L'époux le plus fidèle. ENSEMBLE. ZULMIS. Eh bien, d'un soupçon importun, Mon coeur veut se défaire ; Mais, pour notre bonheur commun, Ami, plus de mystère. Au titre de fidèle époux, Joins encore un titre bien doux, Celui d'époux sincère.Celui d'époux sincère. OSMIN. Oh ! Oui, d'un soupçon importun, Ton coeur peut se défaire ; Mais, pour notre bonheur commun, N'ayons plus de mystère. Au titre de fidèle époux, Je veux joindre un titre bien doux, Celui d'époux sincère. Celui d'époux sincère. CALEB. Osmin, viens avec moi parcourir le verger et voir quels sont les fruits qu'on peut cueillir aujourd'hui. OSMIN. Allons. Toi, ma femme, prépare des corbeilles pour les mettre. ZULMIS. J'y vais. Elle entre dans la maison. Caleb sort avec Osmin. SCÈNE V. Justin, Zélie. JUSTIN. Vous me boudez, Zélie ? ZÉLIE. Non, Monsieur, mais j'admire votre discrétion. JUSTIN. Air : N'en demande pas davantage. Pourquoi ce soupçon offensant ? À mon amour c'est faire outrage. Du secret le plus innocent, Vous ne devez point prendre ombrage : J'en fais le ferment ; Mais, pour le moment, N'en demandez pas davantage. Bis. ZÉLIE. À bien garder un tel secret, Moi-même aussi je vous engage : Monsieur, j'y prends peu d'intérêt ; Oui, j'entends fort bien ce langage, Et sens qu'en effet, Mon coeur satisfait N'en demande pas davantage. Bis. JUSTIN. Ma chère Zélie.... ZÉLIE. Et vous me faites un mystère.... JUSTIN. Soyez sûre que celle qui en est l'objet... ZÉLIE. Celle qui en est l'objet ! C'est une femme ? JUSTIN. Ah oui ; mais croyez.... ZÉLIE. Comme vous en parlez avec feu ! JUSTIN. Air : Non, non, Doris ne pense pas. Ah ! sans faire couler vos pleurs, Je puis vous peindre mon ivresse ; Celle à qui j'ai donné ces fleurs A tant de droits à ma tendresse ! Dans mon coeur elle règne aussi ; Autant que vous elle m'est chère ; Et je dois m'exprimer ainsi, Puisque je parle de ma mère. ZÉLIE. De votre mère ! JUSTIN. Eh ! Oui. ZÉLIE. Ah ! Je respire. Même Air. Pourquoi le taire si longtemps ? Mon ami, que pouvais-tu craindre ? Du plus tendre des sentiments, Aurais-je donc voulu me plaindre Combien pour ta mère en ce jour, J'estime ton amitié pure ! Ah ! Ce n'est pas voler l'amour, Que rendre hommage à la nature. Bis.Puisque ces fleurs étaient pour votre mère, il fallait donc les prendre dans mon jardin. JUSTIN. Les ayant reçues de vous, j'aurais peut-être eu peine à les donner. ZÉLIE. Mais, vous avez dit à mon père que vous étiez orphelin. JUSTIN. Il est vrai : je craignais qu'il ne refusât de me recevoir chez lui, s'il apprenait que mon père et ma mère ne sont pas loin d'ici, et que je les ai quittés sans qu'ils sachent ce que je suis devenu ; mais, belle Zélie, si Caleb se détermine à nous marier ensemble, j'irai sur-le-champ me jeter aux pieds de mes parents, et les prier de consentir à notre union. ZÉLIE. Eh ! Pourquoi ne m'avoir pas dit cela d'abord ? JUSTIN. Air : Une Abeille toujours chérie. Ah ! pardonne-moi, chère amie, D'avoir eu ce secret pour toi. ZÉLIE. Va, de tout mon coeur je l'oublie, Puisque tu m'as gardé ta foi. Si soupçonner ce que l'on aime Est le plus grand tourment du coeur, Mon ami, le bonheur suprême N'est-il pas de sortir d'erreur ? SCÈNE VI. Les Mêmes, Caleb, Osmin, Zulmis, sortant de la maison. CALEB. Oh ça, mes enfants, vous allez vous mettre à cueillir les fruits ; et moi, pendant ce temps-là, je vais ici près visiter nos champs. JUSTIN. Nous aurons bientôt fait, papa. Caleb sort du verger par le fond du théâtre. SCÈNE VII. Les Mêmes, excepté Caleb. ZULMIS. Allons, allons à l'ouvrage. OSMIN, montrant un arbre qui est sur le bord de la scène. Il est isolé et a un banc de gazon au pied. Commençons ici. JUSTIN. Moi, je vais monter sur l'arbre. Air : Toujours va qui danse. Mais afin de nous mettre en train, Et doubler notre zèle, Il faut chanter quelque refrain, Quelque chanson nouvelle. Quand on s'occupe tristement La main est nonchalante ; On travaille bien mieux gaîment ; Car toujours va qui chante. OSMIN. Il a raison. Place-toi là, Zélie ; toi, là, ma femme, et moi ici. C'est bien. Justin est dans l'arbre ; Zélie est montée sur le banc de gazon ; elle reçoit les fruits de Justin, les donne à Osmin, qui les passe à sa femme, et celle-ci les arrange dans un panier. OSMIN. Air Béarnais. Oui, ce n'est que dans nos asiles, Nos bois et nos champs, Qu'on a des jours purs et tranquilles, Et des biens constants. Voyez les riches et les grands ; Voyez les habitants des villes : Ils ont quelques plaisirs aussi ; Mais le bonheur n'est qu'ici. ZULMIS. Air : Ô ma chère Musette. Dès que le jour éclaire Nos paisibles coteaux, Nous embrassons mon père, Et courons aux travaux ; Chacun a son ouvrage, Dont il presse la fin, Pour avoir l'avantage D'aider à son voisin. OSMIN. Air Béarnais. À midi, nous quittons la plaine Pour un bois épais, Où Zéphir, de sa douce haleine, Vient souffler Sur un gazon bien vert, bien frais Le repas s'apprête sans peine ; Fruits et laitage sont les mets Dont l'appétit fait les frais. ZÉLIE. Air : Ô ma chère Musette. Pendant l'ardeur brûlante Des rayons du soleil, Chacun, l'âme contente, Donne une heure au sommeil. JUSTIN, à Zélie. Pour nous, ce temps se passe À quelques jeux nouveaux ; Et ce qui nous délasse, Ce n'est pas le repos. OSMIN. MÊME AIR Béarnais. On s'éveille, on reprend bien vite Le travail gaiement ; Et, sans être las, on le quitte Au soleil couchant. Nous revenons chantant, Dansant ; L'amour, qui nous attend au gîte, Tout bas sourit, Se réjouit À l'approche de la nuit. SCÈNE VIII ET DERNIÈRE. Les Mêmes, Caleb, Candide, Madame Candide, Pangloss, Martin, Cacambo. CALEB, invitant Candide et sa suite à entrer dans le verger. Air : Laissez paître vos bêtes. Cédez à ma prière, Reposez-vous dans ce séjour ; Et près de ma chaumière, Bravez les feux du jour. À sa famille.Çà, mes enfants, Venez céans Présenter à ces étrangers Les plus beaux fruits de nos vergers. Cédez à ma prière, Reposez-vous dans ce séjour ; Et près de ma chaumière, Bravez les feux du jour. CANDIDE et sa Suite. Cédons à sa prière, Reposons-nous dans ce séjour ; Et près de sa chaumière, Bravons les feux du jour. JUSTIN, à Zélie, qui lui fait signe de descendre de l'arbre. Ô ciel ! Mon père et ma mère ! Il se blottit dans l'arbre. ZÉLIE, à part. Est-il possible ! PANGLOSS, à Caleb. [Note : Mufti : religieux de la religion musulmane.]Mais, vous n'avez pas répondu à ma question sur l'aventure arrivée à ce Muphti. CALEB. Je n'ai jamais su le nom d'aucun Muphti, ni d'aucun Vizir. J'ignore absolument l'aventure dont vous me parlez ; je ne m'informe point de ce que l'on fait à Constantinople ; je me contente d'y envoyer vendre les fruits du jardin que je cultive.[Note : Cette phrase est copiée mot à mot dans le Roman de Voltaire, ainsi que quelques autres de la même scène.] Osmin, Zulmis et Zélie, apportent des corbeilles garnies de fruits et de fleurs, et en offrent à Candide et aux autres. ZULMIS, OSMIN. Air : Ainsi donc loin d'acquiescer. On pourrait vous offrir ailleurs Des mets de toute espèce : Ici, des fruits ornés de fleurs, Voilà notre richesse. ZÉLIE, à Candide, lui montrant les fruits. Nous les avons cueillis exprès D'une main diligente ; Trouveriez-vous rien de plus frais ? CANDIDE. Celle qui les présente. Candide et sa femme s'assoient au pied de l'arbre sur lequel est monté Justin. PANGLOSS, à Caleb. [Note : Atrabilaire : Mélancolique, qui est d'un tempérament où la bile noire domine. [F]]Vous ne connaissez donc pas votre voisin, ce Derviche atrabilaire, qui vient de nous recevoir si mal ? CALEB. Non : je vis tranquillement ici avec ma famille, et je ne vois personne. MARTIN. Ah ! Que vous avez bien raison ! Les hommes sont méchants, les femmes sont perfides, et je vais vous prouver... CALEB. Non, je vous remercie : si c'est une vérité, elle est bien affligeante. PANGLOSS. N'écoutez pas Monsieur Martin, c'est un radoteur. Moi, je veux vous prouver que tout est au mieux, dans le meilleur des mondes. CALEB. Monsieur, cela se peut bien. À part.Quelle espèce de gens ! CACAMBO, à part, apercevant Justin dans l'arbre. Eh mais... Je ne me trompe pas... Non, vraiment, c'est Justin ! JUSTIN, lui faisant signe de se taire. Chut. ZÉLIE, à Cacambo. Paix donc. CACAMBO. Et voilà sans doute la charmante Zélie. CANDIDE, à Caleb. Vous devez avoir une grande et magnifique terre ? CALEB. [Note : Arpent : certaine mesure de la surface des terres, qui est différente selon les provinces, et qui est ordinairement de cent perches carrées. L'arpent de Paris a cent perches, et la perche a vingt deux pieds. [F]]Je n'ai que vingt arpents ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux, l'ennui, le vice et le besoin. MADAME DE CANDIDE, à part. Que je me plais parmi ces bonnes gens ! CANDIDE. Votre famille est-elle nombreuse ? CALEB. Le Ciel ne m'a donné que deux filles ; l'aînée a épousé cet honnête garçon que vous voyez près d'elle. MADAME DE CANDIDE. Ils paraissent, quoique mariés ensemble, s'aimer bien tendrement. OSMIN. Air : Andante d'un symphonie d'Haydn.Chez nous sans effort on s'aime, On s'aime de bonne foi ; De s'aimer toujours de même On se fait la douce loi : D'une constance pareille Chacun a l'espoir certain, Et plus encor que la veille, On s'aime le lendemain. ZULMIS, ZÉLIE. Mineur.Le chant des oiseaux, Le bruit des ruisseaux, Les arbres naissants, Les vents frais et caressants, Les brillantes fleurs, Leurs douces odeurs, Tout dans ce séjour Invite à l'amour. ZULMIS, ZÉLIE, OSMIN, CALEB. Aussi nous sans effort on s'aime, On s'aime de bonne foi ; De s'aimer toujours de même On se fait la douce loi : D'une constance pareille Chacun a l'espoir certain, Et plus encor que la veille, On s'aime le lendemain. CALEB. Je compte bientôt unir la cadette à un jeune orphelin que j'ai adopté. CANDIDE. Que je vous porte envie ! Vous augmentez votre famille, et moi, je n'avais qu'un fils, je l'ai perdu. MADAME DE CANDIDE, à Caleb. Vous êtes donc bien heureux ? CALEB. J'ignore si l'on peut l'être davantage, mais je n'ai jamais désiré de changer mon sort contre celui d'un autre homme. MADAME DE CANDIDE. Que j'aime à entendre ce bon vieillard ! CANDIDE. Voilà cette félicité parfaite, que j'ai vainement cherchée jusqu'à ce jour. MADAME DE CANDIDE. Eh bien, mon ami, ne pourrions-nous donc la trouver encore ? Ah ! L'exemple de ce respectable vieillard m'éclaire et m'apprend mon devoir. Air : Ô toi qui suis partout mes pas. Richesse, éclat, vaine grandeur, Ah ! pour jamais je vous oublie. CANDIDE. D'une fausse philosophie Je ne poursuivrai plus l'erreur ; Cette sagesse simple et pure, Qui seule fait le vrai bonheur, Elle est en nous, dans notre coeur, C'est un présent de la nature. MADAME DE CANDIDE. Ô mon ami, daigneras-tu oublier... CANDIDE. Ne pensons plus qu'à l'avenir. MADAME DE CANDIDE. Hélas ! Une chose encore va troubler notre félicité. CANDIDE. Ah oui, l'absence d'un fils. MADAME DE CANDIDE. N'est-ce pas que s'il était avec nous... CANDIDE. Je n'aurais plus rien à désirer. MADAME DE CANDIDE. Ni moi. JUSTIN. Que je suis ému ! MADAME DE CANDIDE. Ce sont les leçons ennuyeuses de ces maudits raisonneurs qui ont causé sa fuite. PANGLOSS et MARTIN, se montrant l'un l'autre. C'est Monsieur. CANDIDE ainsi que sa femme, toujours assis au pied de l'arbre où est caché Justin. Air : Sous un ormeau. Ah ! mon cher fils ! Sur ton départ quand je gémis, Loin de nous aussi, As-tu le même souci ! JUSTIN, toujours caché. Oui... MADAME DE CANDIDE. C'est toi seul désormais Qui cause mes regrets. JUSTIN. Si j'osais... MADAME DE CANDIDE. Près d'un fils, d'un époux, Que mon sort serait doux ! JUSTIN, descendant. Montrons-nous. MADAME DE CANDIDE, CANDIDE. Aimable enfant, Mon coeur t'appelle en ce moment, Vois ma peine, hélas ! Viens dans mes bras. JUSTIN, les embrassant. M'y voilà. MADAME de CANDIDE, CANDIDE. Ah ! Mon fils ! CALEB, MARTIN, PANGLOSS. Son fils ! JUSTIN, à son père et à sa mère. Pardonnez-moi le chagrin que vous a causé mon absence. CANDIDE. Il est oublié, puisque je te revois. MADAME DE CANDIDE. Nous ne songeons plus qu'au plaisir que nous fait ton retour. CALEB, à Justin. Vous m'avez donc trompé en vous donnant pour orphelin ? JUSTIN. Pardon, mon cher Caleb. PANGLOSS, à Justin. J'espère que vous n'avez pas oublié mes principes de philosophie ? MARTIN. Je crois qu'il ne se souvient plus guère des miens. JUSTIN. Vous l'avez dit. MADAME DE CANDIDE. Eh, Messieurs, laissez-le tranquille. CALEB. Aux discours de ces Messieurs, je conçois facilement le motif de ton départ, et je te pardonne ton petit mensonge. À Candide.Puisque je l'avais choisi pour gendre, le croyant orphelin, je ne retirerai point ma promesse au moment où il retrouve ses parents ; si vous y consentez, rien ne sera changé. ZÉLIE, à Candide et à sa femme. Voudrez-vous bien de moi pour votre fille ? MADAME DE CANDIDE. De tout mon coeur. CANDIDE. Nos deux métairies sont peu distantes l'une de l'autre ; nous ne ferons qu'une même famille. MADAME DE CANDIDE. Oui, sûrement : et Messieurs Pangloss et Martin peuvent maintenant chercher fortune ailleurs. CALEB. Pourquoi donc ? Ces Messieurs se portent bien, ils sont forts, ils travailleront : les cultivateurs ne sont jamais à charge. CANDIDE. Mais surtout plus de philosophie. PANGLOSS. À la bonne heure, moi, je travaillerai. CACAMBO, à Martin. Et vous, papa ? MARTIN. Il le faut bien. PANGLOSS, à Martin. Ne vous inquiétez pas, nous trouverons encore de temps en temps des occasions de nous disputer. CACAMBO. Oh que oui, aux heures de récréations. CANDIDE. Je vais donc enfin être heureux ! PANGLOSS. Mais certainement, je vous l'ai toujours dit. VAUDEVILLE. PANGLOSS. Air : Par sa légèreté. Tout est bien. MARTIN. Tout est mal : Je le soutiens encore. PANGLOSS. D'un fils qui vous adore Le retour... . MARTIN. Est fatal. PANGLOSS, MARTIN. Par mon système Vous voyez enfin, CANDIDE. Je vois qu'il faut soi-même Cultiver son jardin. CALEB. Des intérêts des grands L'homme obscur s'inquiète ; Il détruit, il projette Cent rêves différents : Quelqu'aventure L'éveille à la fin, Quand faute de culture, A péri son jardin. CACAMBO. Travaillant lentement, Soupirant sans relâche, Bien des gens de leur tâche Se plaignent constamment ; Moi, je m'empresse, Content du destin, Et je chante sans cesse, Cultivant mon jardin. MADAME DE CANDIDE. Quand la femme en tout temps Soigne bien son ménage, Et chérit sans partage Son époux, ses enfants, Le mari sage Doit soir et matin, Toujours avec courage, Cultiver son jardin. JUSTIN. Sans peine dans nos champs, Pour m'aider à l'ouvrage, Je trouverais, je gage, Bien des gens Obligeants ; Mais je possède Un petit terrain, Et j'espère, sans aide, Cultiver mon jardin. EN CHOEUR, au Public. Aujourd'hui, tout tremblant, Un Auteur, pour vous plaire, Dans le parc de Voltaire, Entre furtivement, Vole en cachette ; Mais l'heureux larcin ! S'il a, d'une fleurette, Orné notre jardin. Ah ! Qu'il répète Cet heureux larcin, S'il a, d'une fleurette, Orné notre jardin. ==================================================