******************************************************** DC.Title = PREMIER AMOUR, COMÉDIE. DC.Author = BILHAUD, Paul DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Monologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:07:44. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/BILHAUD_PREMIERAMOUR.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207939j DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** PREMIER AMOUR MONOLOGUE 1881. PAR PAUL BILHAUD. PERSONNAGES L'AMOUREUX. Paru dans "Saynètes et monologues", Troisième série, Paris, Tresse Editeur, 1881. pp. 95-105 PREMIER AMOUR L'AMOUREUX À Coquelin-Cadet. J'étais jeune alors et j'aimais ! J'aimais comme on n'aima jamais ! Ou, pour mieux dire, J'aimais comme on aime à seize ans, Lorsque le coeur, moins que les sens, Fait qu'on soupire. - Elle avait le nez retroussé !... Enfin, ce qui m'avait pincé, Elle était blonde ! Blonde, d'un beau blond vaporeux ; La seule couleur de cheveux Que j'aime au monde ! Je t'adorais ! Oui, mais tout bas. J'enrageais ! Elle n'avait pas L'air de comprendre. J'avais de grands élancements ; Je suivais tous ses mouvements D'un regard tendre !... Rien n'y faisait ! - Enfin, un jour, Presque affolé par mon amour, L'âme égarée, J'allais... lorsque j'appris soudain Que, chez elle, le lendemain, Une soirée Se donnait. - J'étais invité. - « Tant pis ! C'est la fatalité, Dis-je en moi-même. Auguste, allons, n'hésite pas ; Il faut parler. Tu lui diras : Oui, je vous aime ! » « Je ne puis vivre loin de vous, Tenez, je suis à vos genoux... Plus bas encore ! Répondez-moi, dites un mot !...» Je la tutoierai, s'il le faut : « Oui, je t'adore ! » Quelquefois ça ne fait pas mal. J'étais résolu. - Pour le bal, Alors je pense À me faire beau, séducteur, Pour que de moi tout sur son coeur Soit éloquence. Le matin, je me fis raser Tout frais ; puis je me fis friser. Dans la journée, C'était tombé par la chaleur. Je retournai chez le coiffeur. Dans la soirée. J'eus encor le désagrément De me défriser, en passant Dans ma chemise ; Et ma barbe avait repoussé !... Chez le coiffeur je repassai Pour qu'il me frise Et qu'il me rase de nouveau. Enfin, bien pomponné, la peau Un peu brûlante, Mais cent fois moins que mon ardeur, Au logis qu'habitait mon coeur Je me présente. J'avais des souliers neufs, vernis ; Ils étaient bien un peu petits, Mais la nature, M'ayant fait le pied un peu grand, Il fallait corriger vraiment Cette imposture. « Si mon pied lui tape dans l'oeil, J'en pourrai montrer quelque orgueil, Dis-je en moi-même; Car déjà c'est un grand bonheur Que d'avoir un pied dans le coeur De ce qu'on aime » Et voilà pourquoi j'avais mis, Ce soir, des souliers trop petits. J'avais encore Autre chose en entrant au bal. - On doit avoir un arsenal Quand on adore. - C'était un mouchoir séducteur, Imprègne. non, trempé d'odeur ; « Et si ma blonde, Me disais-je, danse avec moi, Je tire mon mouchoir, ma foi, Et je l'inonde » « D'un parfum des plus enivrants; Ayant ainsi troublé ses sens, Coûte que coûte, Comme elle n'entendra plus rien, Alors, tant pis! il faudra bien Qu'elle m'écoute! » J'allai t'inviter à valser. Elle accepta, sans balancer, Et je crois même Qu'en acceptant elle sourit... Seulement elle me promit Pour la quinzième. C'était bien un peu long, cela ! Je ne dansai pas jusque-là ! Vive, animée, Je la suivais des yeux de loin, Le coude appuyé sur un coin De cheminée. Et quand je voyais un danseur Nouveau serrant avec bonheur Sa taille souple, D'un regard je le foudroyais !... Mais, en moi, pourtant, j'enviais Cet heureux couple. - J'en avais déjà foudroyé Environ près de La moitié Tout autour d'elle, Quand je sentis une douleur Tout à coup m'étreindre le coeur : Douleur cruelle Qui me fit frissonner, hélas § Et cependant ce n'était pas La jalousie Qui me faisait trembler ainsi. - Messieurs, j'ai grand besoin ici De poésie. - Vous avez aime tous un jour, Et vous savez ce qu'est l'amour ; On est très bête Lorsque l'on aime, c'est un fait, Et la moindre chose vous fait Perdre la tête. Le moindre rien paraît charmant : Ainsi, par hasard, qu'un amant Tombe par terre, Si sur sa gauche est la douleur, Il s'écrie « Ah ! côté du coeur ! Blessure chère ! » Moi, je ressemble à cet amant Pour mon histoire, seulement... C'est le contraire. Au bal, je m'en souviens encor, Je m'écriai « Coté... du cor ! » Voilà l'affaire. Vous concevez mon embarras ; Comment me tirer de ce pas Sans ridicule ? Je pouvais à peine marcher, je voyais mon tour approcher « Si je recule, » « Si je refuse de danser, Mon Dieu, que va-t-elle penser? Hélas ! sans doute, Se fâcher, et non sans raison ; Et mon amour ! Mes projets ! Non, Coûte que coûte, » « Je surmonterai. » Mais, hélas! Je ne pouvais seulement pas Bouger de place. - Que n'a-t-on pu trouver encor Quelque remède qui du cor Nous débarrasse ! Voilà ce qu'un gouvernement Devrait chercher évidemment Par une somme, Un prix quelconque, à découvrir : C'est un moyen sûr pour guérir Le cor de l'homme ! Je vous ai dit que je souffrais D'aimer ! En vain je soupirais Pour cette femme ! L'amour ignoré, c'est la mort ! Et pourtant je souffrais du cor Plus que de l'âme ! Ce que je fis en cet état, Comme c'est assez délicat, Je m'en vais prendre Une simple comparaison. Vous avez assez de raison Pour me comprendre. Prenons, par exemple, un habit Qui vous soit un peu trop petit Et qui vous serre. Vous cherchez donc quelque moyen Pour que votre habit aille bien. Mais comment faire ? C'est simple. Otez votre gilet. Mettez votre habit tel qu'il est, Et je suppose Qu'il vous ira parfaitement. Le gilet gênait simplement, Voilà la chose. Cet exemple doit vous montrer Comment je pus me délivrer De ma souffrance. Oui, le coeur plein d'émotion, Soudain je sortis du salon, Pâle, en silence, Et, dans un endroit écarté, Quittant ma bottine, j'ôtai. Dois-je le dire ? Pensez au moyen du gilet. Je fis ainsi, j'ôtai l'objet De mon martyre, Ma... non ! Je n'irai pas plus loin.? Je la mis avec un grand soin Dans une poche, Puis, je revins au bal, content, Éprouvant un soulagement Dont rien n'approche. La quinzième valse, ô bonheur ! Préludait. L'amour dans le coeur, La joie aux lèvres, J'allai vers elle, elle sourit, Je l'enlaçai, mon corps frémit De mille fièvres, Mais je ne pouvais pas parler. Je commençais à m'essouffler, Et sur ma joue Je sentais monter la rougeur. Je m'arrêtai, car j'avais peur, Je vous t'avoue, De paraître rouge à ses yeux C'est si laid pour un amoureux ! « L'instant suprême Approche, allons, c'est le destin, Dis-je ; il faut qu'elle sache enfin Combien je l'aime ! » Je me souvins de mon mouchoir Que j'avais, dans le doux espoir D'un tête-à-tête, Imprégné d'un parfum divin Qui devait m'assurer enfin De sa défaite En t'enivrant, « C'est le moment, Me dis-je, allons ! » Et, gravement, Sans rien lui dire, Mais ne la quittant pas des yeux Pour mieux voir l'effet merveilleux, Alors je tire Mon mouchoir. - Mais elle partit D'un grand éclat de rire, et dit : « - Monsieur Auguste! · Amour, voilà bien de tes coups! J'avais retiré, savez-vous Quoi ? Ma... tout juste ! ==================================================