******************************************************** DC.Title = L'APRÈS-DINÉE, COMÉDIE DC.Author = CARMONTELLE, Louis de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Proverbe DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/11/2021 à 14:50:20. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CARMONTELLE_APRESDINEE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'APRÈS-DINÉE SIXIÈME PROVERBE. M. DCC. LXVIII. Avec Approbation et Privilège du Roi. de CARMONTELLE. À Paris, chez MERLIN, Au bas de la Rue de Harpe, vis à vis de la rue Poupée. PERSONNAGES MONSIEUR DE VERNANT, Receveur-Général des Finances. MADAME DE VERNANT. MONSIEUR L'ABBÉ DE LA BRUYÈRE. MONSIEUR LE CHEVALIER DES GLANDS, Officier. ROSALIE, Femme de Chambre de Madame de Vernant. UN LAQUAIS. La Scène est dans la chambre de Madame de Vernant. Dans PROVERBES DRAMATIQUES, Tome premier, Première partie, 1768. L'APRÈS-DINÉE SCÈNE PREMIÈRE. Madame de Vernant, Rosalie. MADAME DE VERNANT. Hé bien, Mademoiselle, on ne peut donc pas vous avoir ? ROSALIE. Madame, j'étais là-dedans. MADAME DE VERNANT. Allons, donnez-moi... Je ne sais plus ce que je voulais dire. Ah, un autre collet monté, celui-là va à faire horreur. ROSALIE. Mais, Madame n'a qu'à le rendre si elle n'en veut pas ; cependant, il est bien fait ; c'est qu'il y a là un pli... Attendez. Elle le raccommode. MADAME DE VERNANT. Oui un pli ; voyons. Elle se mire.Hé bien, voilà ce que je veux dire. Il va à merveilles comme cela. Ayez soin que Mademoiselle Dufour m'en fasse un autre, tout pareil ; mais je dis tout de même, Mademoiselle. ROSALIE. Oui, Madame. Et quand Madame le veut-elle ? MADAME DE VERNANT. Quand ? Mais demain matin, il n'y a qu'à y envoyer Saint-Pierre, tout à l'heure ; j'en suis très pressée. ROSALIE. Mais il n'y a pas assez de temps. MADAME DE VERNANT. Oh, vous voilà comme tous les ouvriers qui vous persécutent pour avoir votre pratique, et puis dont on ne peut rien tirer. ROSALIE. Je dis seulement à Madame, que le temps est bien court. MADAME DE VERNANT. Hé bien, cela ne fait rien, Mademoiselle, je veux l'avoir. Vous trouvez toujours ce que je de lire impossible, et puis vous viendrez me dites que vous m'êtes bien attachée. ROSALIE. Mais je ne dis pas cela : Madame me gronde toujours. MADAME DE VERNANT. Vous verrez que j'ai de l'humeur ; parce que je veux avoir quelque chose dont j'ai besoin. Faites-moi venir Henriette, que je sache... Bon, voilà mon mari. Donnez-moi ce petit tabouret sous mes pieds, et allez vous-en. Il a des façons avec vous qui ne me plaisent point du tout, songez-y. Emportez un peu tout cela. SCENE II. Madame de Vernant, Monsieur de Vernant. MADAME DE VERNANT. Ah, Monsieur, vous faites toujours un bruit épouvantable quand vous entrez chez moi ; je n'ai pas dormi de la nuit, j'ai une migraine affreuse, et vous venez là... MONSIEUR DE VERNANT. Moi, Madame, je ne sais pas cela ; on ne peut jamais vous voir le matin. MADAME DE VERNANT. N'allez-vous pas me quereller ? MONSIEUR DE VERNANT. Allons ; c'est fort bien : c'est moi qui ai tort. Voilà comme sont toujours les femmes. Il se regarde dans la glace de la cheminée. Comment trouvez vous cette perruque-là ? MADAME DE VERNANT. Hideuse ! MONSIEUR DE VERNANT. Comment, hideuse ? Je vous réponds qu'elle me va très bien, tout le monde m'en a fait compliment aujourd'hui à dîner. MADAME DE VERNANT. Des gens sans goût, apparemment. MONSIEUR DE VERNANT. Parbleu, non ; car c'est votre Président, que vous admirez tant. MADAME DE VERNANT. Il se moque de vous. À propos, Monsieur, voilà le printemps, il me faut quatre robes, et je n'ai pas le sol. MONSIEUR DE VERNANT. Ma foi, Madame, ce n'est pas mon affaire ; que n'avez-vous plus d'arrangement. Il regarde une brochure qui est sur la cheminée. Qu'est-ce que c'est que ce livre là ? Je ne connais pas cela. MADAME DE VERNANT. C'est l'Abbé de Grand-Pré, qui me l'a apporté ; il est charmant : je vous voulez, je vous le prêterai. MONSIEUR DE VERNANT, feuilletant le livre. Qu'est-ce que c'est une traduction ? MADAME DE VERNANT. Je crois que oui. Monsieur, dites donc à Monsieur Duplessis, de me donner cinquante Louis. MONSIEUR DE VERNANT. L'original est Anglais ? MADAME DE VERNANT. Oui : répondez-moi donc, Monsieur ? MONSIEUR DE VERNANT. Je vous dis, Madame, que cela est inutile. Depuis quand cela paraît-il ? MADAME DE VERNANT. Il y a deux jours. Je ne pourrai me montrer nulle part, je n'ai que des vieilleries, et en vérité, Monsieur, il est inconcevable... MONSIEUR DE VERNANT. Des vieilleries, des vieilleries ! Je ne vous ai pas donné, il y a deux mois, deux toiles superbes ? MADAME DE VERNANT. Bon, des toiles ! Cela ne tient lieu de rien. Je dirai donc à Monsieur Duplessis.... MONSIEUR DE VERNANT. Il n'a rien du tout, je vous assure. SCÈNE III. Madame de Vernant, Monsieur de Vernant, L'Abbé, Un Laquais. LE LAQUAIS. Monsieur l'Abbé de la Bruyère. MONSIEUR DE VERNANT. Ah, bon ; il est assommant, je m'enfuis. MADAME DE VERNANT. Mais, Monsieur, écoutez donc un instant. MONSIEUR DE VERNANT. Hé, non parbleu, je manquerais la pièce nouvelle, il est tout à l'heure la demie. MADAME DE VERNANT. Mais il faut que je vous parle absolument. Souperez-vous ici ? MONSIEUR DE VERNANT. Je n'en sais rien ; Monsieur l'Abbé, je vous donne bien le bonjour. L'ABBÉ. Vous êtes bien pressé ! SCÈNE IV. Madame de Vernant, L'Abbé. L'ABBÉ. Qu'est-ce que vous avez donc aujourd'hui, Madame ? MADAME DE VERNANT. C'est mon mari ; vous savez bien comme sont ces messieurs-là. L'ABBÉ. Oui, oui, je les connais un peu. En vérité, je n'imagine pas comment les femmes peuvent se déterminer à se marier. MADAME DE VERNANT. Vous n'imaginez pas ? C'est bientôt dit : hé, sait-on ce qu'on fait ? Cela vous est bien aisé à dire. L'ABBÉ. Il est vrai que... MADAME DE VERNANT. Ce n'est pas nous qui nous marions ; aussi si je peux jamais devenir veuve, croyez que... L'ABBÉ. Oh, pour cela, vous avez bien raison ; voilà l'état que j'aurais ambitionné si j'avais été femme. MADAME DE VERNANT. Mais c'est qu'il n'y a que celui-là. Vous apportez un bien considérable à votre mari, et vous n'en jouissez pas ; ce n'est pas la peine. L'ABBÉ. Voilà ce que j'ai pensé cent fois. MADAME DE VERNANT. Et encore, ils vous refusent tout, pour donner à des créatures qui font mal au coeur. L'ABBÉ. Il est vrai que je ne conçois pas le goût des hommes d'à présent. À propos de cela, votre beau-frère, à ce qu'on m'a dit, vient de prendre la petite Réminy. MADAME DE VERNANT. Hé bien, oui, et l'on trouvera mauvais... L'ABBÉ. Elle est très jolie. MADAME DE VERNANT. Oui, c'est une petite horreur, qui ne sait pas danser, et l'on trouve cela charmant. L'ABBÉ. Elle a de jolis yeux. MADAME DE VERNANT. Vous trouvez cela, vous ? L'ABBÉ. Quand je dis c'est joli pour une fille. MADAME DE VERNANT. Allons, l'Abbé, vous ne vous y connaissez point du tout. L'ABBÉ. Cela peut être, vous savez bien que je ne vois pas de loin ; mais c'est Madame de Rouvière qui est charmante ! MADAME DE VERNANT. Madame de Rouvière ! L'ABBÉ. Oui, elle est revenue de Bretagne, j'ai diné aujourd'hui avec elle ; d'honneur, elle est éblouissante ! MADAME DE VERNANT. Mais, ne dites donc pas de ces choses-là, l'Abbé ; nous avons été ensemble au couvent, elle est noire à faire peur, mal faite... L'ABBÉ. Pour la taille, je ne sais pas ; cependant il me semble que... MADAME DE VERNANT. Allons, vous êtes comme le Président à qui un chat coiffé tourne la tête. L'ABBÉ. Il se peut bien que... MADAME DE VERNANT. C'est Madame de Mirevault, qui est charmante, voilà ce qu'on appelle une femme, cela ! L'ABBÉ. Oui, mais elle a quarante ans. MADAME DE VERNANT. Hé bien, qu'est-ce que cela fait ? Voilà comme sont les hommes ; que fait l'âge, quand une femme est aimable ? L'ABBÉ. Vous avez raison. MADAME DE VERNANT. Souperez-vous ici ce soir, l'Abbé ? L'ABBÉ. Non, j'en suis désespéré. MADAME DE VERNANT. Vous venez pour vous excuser apparemment ; car vous m'aviez promis hier. L'ABBÉ. Je ne crois pas, parce que je suis engagé il y a plus de quinze jours. MADAME DE VERNANT. Cela n'est pas vrai ; voyons, où ? L'ABBÉ. Chez la Comtesse. MADAME DE VERNANT. C'est encore une jolie personne, que votre Comtesse ! Une petite sotte, qui ne reconnaît personne, qui est plus ridicule ! Elle a des dents qui ne finissent pas ; mais vous ne voyez rien de tout cela, vous autres hommes, voilà comme vous êtes. L'ABBÉ. Je vous assure que vous seriez très contente d'elle, si vous la connaissiez. MADAME DE VERNANT. Je ne crois pas que cela m'arrive. SCENE V. Madame de Vernant, L'Abbé, Le Chevalier, Un Laquais. LE LAQUAIS. Monsieur le Chevalier des Glands. L'ABBÉ. Je m'en vais. MADAME DE VERNANT. Où allez-vous donc, l'Abbé ? Est-ce le chevalier qui vous chasse ? L'ABBÉ. Non ; mais vous savez bien... LE CHEVALIER. Hé bien, Monsieur l'Abbé, je romps un tête à tête ? Cela vous fâche ; il est dangereux, l'Abbé, Madame. MADAME DE VERNANT. Je vous dis, l'Abbé, que je veux que vous restiez. L'ABBÉ. Mais, j'ai affaire, en honneur. LE CHEVALIER. [Note : Cavagnole : Jeu de hasard, à tableaux et à boules. Le cavagnole ne diffère du biribi qu'en ce que chacun a son tableau particulier. Le cavagnole ne se joue plus. [L]]Sans doute, il a quelque veuve à consoler ; c'est le consolateur des veuves, Madame ; grand joueur de cavagnole : j'ai découvert cela moi, tel que vous me voyez. MADAME DE VERNANT. Ah, voilà pourquoi il ne veut pas souper ici. LE CHEVALIER. Oui, et quand la partie est finie, il reste le dernier pour faire les comptes. L'ABBÉ. Monsieur le Chevalier, je n'aime point ces plaisanteries-là, je vous prie. LE CHEVALIER. [Note : Rue Cassette : Rue de Paris dans le 6ème arrondissement entre la rue de Renne et la rue de Vaugirard.]Je ne plaisante point ; il fait le modeste, l'Abbé ; fi donc ! C'est le plus mauvais ton du monde... Attendez, comment est-ce qu'elle se nomme ? Madame de... de... c'est dans le marais toujours ; mais non, je crois que je me trompe ; la rue Cassette ; c'est au Faubourg... Hé bien, il s'en va réellement. MADAME DE VERNANT. Adieu donc, l'Abbé. SCÈNE VI. Madame de Vernant, Le Chevalier. MADAME DE VERNANT. Vous le tourmentez horriblement, ce pauvre Abbé. LE CHEVALIER. Bon ! MADAME DE VERNANT. Pourquoi donc en uniforme aujourd'hui ? LE CHEVALIER. [Note : Guêtre : Chaussure qui sert à couvrir la jambe et le dessus du soulier, et qui se ferme sur le côté avec des boucles ou des boutons. [L]]Est-ce que nous n'avons pas eu la revue du Commissaire, je n'ai eu que le temps de faire ôter mes guêtres. MADAME DE VERNANT. Vous devez être fatigué. LE CHEVALIER. Je vous le demande ? Et je dois aller souper à la Campagne encore. MADAME DE VERNANT. Cela ne va-t-il pas finir ? LE CHEVALIER. Je l'espère ; la revue du Roi est le vingt-un. Il faisait aujourd'hui une poussière abominable. MADAME DE VERNANT. Vous n'avez donc pas dîné ? LE CHEVALIER. J'ai mangé un morceau avec nos Messieurs. À propos, Madame de Mirecourt est venue nous voir à cheval. MADAME DE VERNANT. À cheval ? Je crois qu'elle y est bien mal ! LE CHEVALIER. Non, pas trop ; elle est assez hardie à cheval. MADAME DE VERNANT. Pour ce qui est d'être hardie, ce n'est pas là ce qui lui manque, elle a l'air un peu fille. LE CHEVALIER. Ah, ne dites donc pas cela ; il est vrai que je ne crois pas qu'on languisse longtemps avec elle, et j'ose me flatter que si j'avais voulu... mais dans ce temps-là... vous savez bien... MADAME DE VERNANT. Aviez-vous déjà Madame de Mirevault ? LE CHEVALIER. Madame de Mirevault ! Fi donc ! SCÈNE VII. Madame de Vernant, Le Chevalier, Un Laquais. LE LAQUAIS. C'est un billet de la part de Madame de Rouvière. MADAME DE VERNANT. Madame de Rouvière ! De quoi s'avise-t'elle ? Elle lit. Non. Dites à son Laquais, que je ne peux pas, que je vais sortir dans le moment, et revenez. Au Chevalier.Elle me demande a souper, elle dit qu'elle va me venir prendre pour aller au Rempart, je ne la puis souffrir. Sonnez un peu, Chevalier. Je m'en vais aller à l'Opéra ; il m'ennuie à mourir, cela ne fait rien. Venez-y, Chevalier, nous causerons. Au Laquais qui entre.Mes chevaux. LE LAQUAIS. Madame, ils sont mis. LE CHEVALIER. Est-ce aujourd'hui votre loge ? MADAME DE VERNANT. Oui, laissez-là votre campagne, et venez souper chez ma mère ; Madame de Perfin y sera. LE CHEVALIER. Vous le croyez ? MADAME DE VERNANT. J'en fuis sûre. Cela vous détermine, n'est-ce pas ? C'est honnête. Au Laquais. Dites que je ne souperai pas ici. Ils s'en vont. ==================================================