******************************************************** DC.Title = LA MORT C'EST LA VIE ! DIALOGUE DC.Author = CHALMETON, Louis DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Dialogue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 09/07/2023 à 13:28:24. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CHALMETON_MORTCESTLAVIE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5775128k DC.Source.cote = BnF LLA 8-YTH-27334 DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA MORT C'EST LA VIE ! DIALOGUE EN VERS, lu à l'Académie de Clermont, le 6 janvier 1876. 1876 de LOUIS CHALMETON, DE L'ACADÉMIE DE CLERMONT, DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES. CLERMONT, Typ. FERD. THIBAUD. Lu à l'Académie de Clermont le 6 janvier µ1876. AVANT-PROPOS La mort est, à coup sûr, le plus intéressant phénomène physiologique soumis aux méditations de l'homme ! Qu'est-elle, en effet ? Une disparition absolue ou relative, définitive ou momentanée ; Dans les deux hypothèses, que deviennent réciproquement l'esprit et la matière, unis durant ce qu'on appelle la Vie, disjoints après ce qu'on appelle la Mort ? De nombreuses théories ont été, à cet égard, formulées. Je vais avoir l'honneur d'exprimer la mienne.... en vers, ma forme préférée. Scientifiquement, je ne suis ni un métaphysicien, ni un théologien, ni un philosophe, mais seulement un rêveur ! tâchant d'approfondir les choses librement et par lui-même, sans rien emprunter pour cela aux opinions d'autrui. La Mort c'est la Vie ! c'est-à-dire, au point de vue divin, tel que je. le comprends : l'Immortalité ! L'une de mes lectures de 1874 : Panthéos, dédiée à mon excellent ami Laurent Pichat, présente avec celle-ci quelques points de contact. Dans le premier travail, j'ai mis en regard le Divin et l'Humain. Dans le second, je! juxtapose la Vie et la Mort, et mes deux conclusions sont identiques. Elles pourraient se résumer par un grand mot : Excelsior ! Qui de nous, en effet, n'entend pas une voix intérieure et permanente, lui dire : Plus haut, plus haut encore ! Ce dialogue a été offert à M. Jules Simon qui, par la lettre suivante, a bien voulu en accepter la dédicace. « Cher Monsieur, » Je vous remercie de m'avoir dédié vos beaux vers et je vous remercie, aussi, du souvenir affectueux que vous me gardez depuis si longtemps. Vous avez raison, mourir c'est vivre ; mais j'ajoute : avoir des amitiés fidèles c'est vivre aussi. Tout à vous. Jules SIMON. » Le sujet n'en est pas gai ; mais entre la gaieté et la tristesse une place ne pourrait-elle pas être réservée à la mélancolie, impression nullement répulsive, selon moi, et qui, mêlant quelques rayons à ses ombres, laisse pénétrer jusqu'à nous les consolations de l'espérance. L. C. PERSONNAGES. L'HOMME. LA MORT. LA MORT C'EST LA VIE ! Un cimetière éclairé par la lune. - L'homme est accoudé sur une tombe. DIALOGUE EN VERS. L'Homme, La Mort. La mort paraît. - Robe traînante et long voile noir. L'HOMME, apercevant la Mort. Ô sombre Mort ! Qu'es-tu ? À la Tombe.Mystérieuse tombe,Quel est ton dernier mot ? L'homme, quand il y tombe,Trouve-t-il, dans ta nuit, les rayons d'un soleil?Son immobilité froide a-t-elle un réveil?Ou bien, d'ombre vêtu, couché dans une bière, Son corps doit-il rester à tout jamais poussière ?Au ver livré, n'avoir pour but que le néant,Et mourir tout entier? LA MORT. Non... ! Un mot effrayantMais que tu comprends mal ! - Un nuage qui passeEt ne fait qu'obscurcir ! - Une main qui n'efface Les choses du présent que pour les remplacer,Un moteur éternel que rien ne peut lasser,Un mouvement constant !... Telle suis-je ; la VieEst l'un des grands côtés de ton âme ravie ;Mais sans l'autre, sans moi, tout serait arrêté, Et c'est la Mort qui fait vivre l'humanité !L'enfant naît ! l'aïeul meurt !... Balance inévitable,Pondération dont la nature est comptable ;Quand l'un vient, l'autre va, pour aller à son tour,Et qu'est la Mort ? Sinon cet incessant retour, De ce qui disparaît pour reparaître encore ?Le soleil du matin est imprégné d'aurore !Ses rayons empourprés s'obscurcissent le soir ;En existent-ils moins quand l'horizon est noir ?Non !... Ainsi de la Vie, et qu'est-elle ? Un mélange Harmonieux de tons, un clair obscur étrange,Mais elle est !... Et malgré les tombeaux apparents,Nuls en réalité ; je rends ce que je prends!Car rien n'existe pas ! Car il en est de l'hommeComme du feu, de l'eau, des éléments ; en somme, Où tout est pondéré, dont rien impunémentNe pourrait être en moins, sans que fatalementL'équilibre rompu des effets et des causes,Ne le fît s'effondrer, l'édifice des choses !Donc, l'homme est immortel ! Ce qu'il possède en lui Ne s'anéantit pas ; un constant aujourd'huiDomine ses hier et ses demain ; son âme,Rayon pris au foyer de l'éternelle flamme,Ne s'éteint pas ; elle a Dieu pour la maintenir !Dieu, c'est-à-dire, tout ! Le présent, l'avenir, Le passé, Dieu la loi, Dieu la force des choses !Dieu, le rayon du ciel, Dieu, le parfum des roses !... L'HOMME, l'interrompant. Mais la matière meurt ! LA MORT. Non, non, grâce à l'espritCe condiment divin, d'elle rien ne périt !Le corps paraît tomber, mais l'esprit le relève. L'HOMME, indiquant la tombe. Une pierre le couvre ! LA MORT. Une main la soulèveEt mêlée aux lueurs vivantes d'un flambeau,Une céleste voix réveille le tombeau !... L'HOMME, rêveur. Une voix ?... LA MORT, tendrement. Tes douleurs sont par elle apaisées ! L'HOMME. Oui !... Quelquefois, souvent, je livre à mes pensées L'infini, l'inconnu, l'invisible !... Une voixBienfaisante, alors, vient me révéler les loisD'un monde surhumain ?... LA MORT. Et cette voix, qu'est elle ? L'HOMME. Je l'ignore !.. Pourtant, je l'entends qui m'appelleEt je l'écoute avec un doux ravissement.' En dépit de mes sens, j'apprends d'elle comment,Quoique le relatif seul soit ce que voit l'homme,Il doit à l'absolu toujours aspirer, commeLe ruisseau, la rivière et le fleuve, en suivantLeur cours, vont à la mer !... Mon âme en s'élevant De plus en plus, perçoit l'immensité des choses,Leurs transformations et leurs métamorphoses !Je ne définis pas ces énormes pourquoiDont ma raison ne peut analyser la loi ;Je ne les comprends pas ; mais, que sais-je ?... Peut-être ?... Et la voix continue !... Elle me dit que naîtreC'est commencer le bien pour aboutir au mieux,Que dans nos doux berceaux, agents mystérieux !Nous trouvons un espoir triomphant pour nos tombes !Que de ces lieux d'épreuve, obscures catacombes, Où s'épure la vie, un jour nous sortironsPour gravir des sommets rayonnants ; que nos frontsY recevront le sceau d'une autre destinée !... S'interrompant avec terreur.... Mais, la matière, hélas ! Au néant enchaînée !...Ne me trompes-tu pas, brillante vision ? Avec désespoir.Triste erreur !... Oui le corps, en dissolution,Reste à la terre, au ver, dont il est la pâture !... Rien de plus !... LA MORT. Quoi ! Déjà la plainte, le murmure ?Homme oublieux !... Ainsi la révélationQui te charmait hier, ... n'est qu'une illusion Et le sombre néant reprend, dans ta pensée,Son droit au désespoir et sa place insensée ! L'HOMME, avec emportement. Le néant ? Le néant ?... Cruelle..., mais en toiQue pourrais-je donc voir qui ne soit pas sa loi ?La mort n'est-elle pas la nuit et le silence ? LA MORT. Non !... Jette donc les yeux sur l'univers immense ;Vois?... La vie est partout!... En dépit de mon nom ?Interroge, et toujours on te répondra : Non !Non, la mort n'est qu'un mot et tu la calomnies!A-t-elle donc perdu ses douces euphonies, La terre? (alma mater) ! « Le silence et la nuitSont ce qui fait la mort ! » Homme ingrat, m'as-tu dit !Écoute, écoute donc les voix de la nature :Là le souffle du vent, et plus loin, le murmureDu ruisseau, du zéphire ; ici les flots amers S'entrechoquent!... Ailleurs, la forêt d'arbres vertsS'agite et reproduit les bruits de la tempête !Tout rayonne, s'émeut, et la vie est complète :L'oiseau chante, la fleur émaille le gazon,L'automne, le printemps, l'été ; chaque saison À sa beauté !... L'hiver, sous son manteau de givre,De glace et de frimas, paraissant ne pas vivre,Malgré le froid linceul qui le couvre aujourd'hui,Sent bondir les ardeurs qui bouillonnent en lui !Car il vit, cet hiver auquel on me compare, Il vit... avec amour !... Son flanc rêveur prépareTout un monde de fleurs pour le printemps vermeil,Les moissons, qu'en été mûrira le soleil,Pour l'automne les fruits !... Dans ton âme saisieNe la répand-il pas, sa grande poésie ? Les arbres dépouillés de feuilles, n'ont-ils pas,Après les arbres verts, leurs austères appas ;La neige, ce tapis argenté qui remplaceLes fleurs et les moissons ; le lac, plaine de glaceImmobile, où naguère ondoyaient les flots verts, Manquent-ils d'idéal ? Et par ses doux concertsD'oiseaux, le gai printemps a-t-il plus d'éloquenceQue notre hiver, dans son majestueux silence ?... Avec ironie.Non !... Et tu le sais bien, que la vie est partout,Que partout, un volcan à l'état latent, bout ; Que rien ne meurt, pas plus l'esprit que la matière !.... Victorieusement.Et c'est moi qui, pour toi, viens jeter la lumièreSur ces grands horizons de l'homme ?... L'HOMME, avec effusion. Oh, je te crois !Tu me parles, ainsi que me parlait la voix !Oui !... Mais l'esprit, qu'est-il ? La matière qu'est-elle ? LA MORT. La matière et l'esprit ?... Question éternelle !Problème qu'à jamais l'homme se poseraSans pouvoir le résoudre ; et qui toujours seraL'inconnu, l'incompris pour son intelligence !Tu veux pourtant savoir de lui ce que je pense ; Tu consultes la nuit à propos du rayon !Écoute!... L'univers, c'est l'intime unionDe tout ! matière, esprit, sont mêlés dans l'espace,Mais un ordre parfait y tient tout à sa place;Car la logique en est la règle !... Tout y vit, Rien n'y meurt !.... Le néant, je te l'ai déjà dit,Est, du vaste univers, l'antithèse constante !Un souffle permanent que l'on te représentéComme étant Dieu! [Dieu donc) ! anime tour-à-tourL'homme et les animaux! Il met en eux l'amour, C'est-à-dire la loi qui conserve et propage!(Cette loi, c'est la vie incessante) ! - Au nuageElle donne le vent ! - La sève au végétal,Un équilibre exact à l'astre, au minéral,Et l'onde trouve, en elle, une pente assurée Pour couler ! - Des hauteurs de l'immense Empyrée,Le soleil immobile, autour de lui répandLa clarté, la chaleur, principe fécondant,Foyer conservateur des corps, de la matièreQui, sans lui, périraient et deviendraient poussière ! L'homme, de cet ensemble est le faîte ; il a seulLa liberté d'agir en dehors du linceulQue la nature impose à tout ce qu'elle enfante :L'animal n'en a pas l'allure triomphante ;Un cercle étroit l'entoure et limite ses pas; Le végétal, au sol rivé ne se meut pas;Seul l'homme veut et peut!... de là la différenceEntre ce qui végète et vit, et ce qui pense ;De là l'âme ou l'instinct ; mais en somme l'esprit,Ce grand condensateur, grâces auquel tout vit, Car sa source immortelle est l'union des chosesAutrement dit : Dieu ? L'HOMME. Mais de ces métamorphosesDe l'univers, dont l'homme est le brillant sommetDe la loi par laquelle il naît, meurt et renaît,De cette liberté, son apanage auguste, Pourra-t-il résulter le bonheur pour le juste ?Le méchant sera-t-il logiquement puni?Les distinguera-t-on mêlés à l'infini?De leur identité quelle sera la preuve?La voix me le disait ! « Les tombes, lieux d'épreuve ! » Quand nous en sortirons, quel sera notre sort?Par l'orage battus, atteindrons-nous le port?Dieu séparera-t-il le bon grain de l'ivraie ? LA MORT, avec foi. De ce problème obscur, pour que rien ne t'effraie,Espère et crois !... D'ailleurs, sans te préoccuper Des systèmes divers qui pourraient te tromper !Aime !... Du mot amour, naît la vérité même!Et quand aura pour toi sonné l'heure suprême,Quand je t'apparaîtrai, sans crainte, réponds-moi :« Le beau fut mon principe et le grand fut ma foi ! » Vers le juste et le bon, je n'ai cessé de tendre !» En moi, la voix du bien s'est toujours fait entendre,» Et j'ai haï le mal, j'ai trouvé dans l'honneur» Mes aspirations de joie et de bonheur !» J'ai vécu sans avoir jamais noirci ma vie » D'ombres et de remords ; des tourments de l'envie» Je n'ai jamais souffert, et j'ai beaucoup aimé ! »Tu n'en mourra pas moins, alors ; mais, animéPar un souffle nouveau, tu sentiras ton âmeRenaître et rayonner d'une nouvelle flamme ! Tu grandiras !... Le Ciel découvrira pour toiDe nouvelles splendeurs ! l'inévitable loiDe mieux après le bien, du jour après l'auroreSera ta loi ! Grandi, tu grandiras encore !Et distançant tout ceux qui, moins heureux que toi, N'ont pas eu ton amour, ton espoir et ta foi,Tu les précéderas dans le voie infinieQu'ils prendront tous enfin ; car le Mort c'est la vie ! La mort s'éloigne. - L'homme tend les bras vers elle. 18 septembre 1873 ==================================================