******************************************************** DC.Title = LA DISGRÂCE DES DOMESTIQUES, COMÉDIE DC.Author = CHEVALIER, Jean Simonin dit DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 13/07/2023 à 14:12:46. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/CHEVALIER_DISGRACEDESDOMESTIQUES.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LA DISGRÂCE DES DOMESTIQUES COMÉDIE REPRÉSENTÉE sur le Théâtre Royal du Marais. M. DC. LXIII. Par le Sieur CHEVALIER. BELLE IRIS C. D. B. Je sais bien que vous me blâmerez de ce que je vous ai dédié ma petite Comédie de la Disgrâce des Domestiques, et que peut-être je me mets au hasard d'être disgracié d'auprès de vous pour toute ma vie en vous la dédiant, parce que vous l'offrir c'est faire un présent Burlesque à la personne du monde la plus sérieuse, toutefois si vous daignez vous souvenir qu'elle ne vous a pas déplu dans sa représentation : et que même elle a eu assez de bonheur pour vous faire dissiper un peu de chagrin, je m'imagine que vous pardonnerez facilement à la témérité qui m'a poussé à vous la donner, et que malgré ses défauts, vous aurez encor assez de bonté pour la regarder avec quelque sorte d'indulgence, pour peu que vous vouliez considérer que ce n'est que la grandeur de mon zèle qui m'a obligé à vous la présenter, joint que vous êtes trop aimable pour haïr le procédé de celui qui ne cherche autre chose, qu'à vous témoigner par toutes les actions de sa vie qu'il désire être éternellement ; BELLE IRIS, Votre très humble, et très obéissant serviteur, CHEVALIER. À IRIS. Divin charme de l'univers Je vous avais promis des vers, Mais comment tenir ma promesse, Vous êtes toute de beauté Ma muse est toute de faiblesse, Que faire en cette extrémité. Si j'entreprends de vous louer Vous allez m'en désavouer, Parce que j'en suis incapable Joint que les termes les plus doux N'ont rien d'assez considérable, Alors qu'il faut parler de vous. Pourtant objet rare et charmant Ce que l'on peut humainement, Je m'en vais tâcher de le faire Et si je n'y réussis pas Ne me croyez point téméraire, N'en accusez que vos appas. Quand on vaut ce que vous valez Qu'on parle comme vous parlez, Qu'on est belle comme vous l'êtes Qu'on a l'air comme vous l'avez Qu'on fait tout bien comme vous faites, Ce sont chefs-d'oeuvre achevés. Ainsi votre divin aspect Imprime partout le respect, Voyant cent miracles ensemble Vos merveilleuses qualités Font que notre liberté tremble, Au moindre éclat de vos beautés. Pardonnez-moi dans mes ardeurs Si de tous vos adorateurs, J'ose ici me mettre du nombre Mes feux sont pour vous si puissants Que l'amour même n'est que l'ombre De celui que pour vous je sens. J'aurais bien voulu le cacher Mais quoi, je n'ai pu m'empêcher, Aimable Iris de vous le dire Quand j'aurais paru plus discret Je souffrais un si grand martyre, Qu'on aurait connu mon secret. Permettez donc que dans ce jour, Je vous déclare mon amour, Par mes petits vers pleins de zèle Et pour vous le bien exprimer Je suis homme, et vous êtes belle, Jugez si je vous dois aimer. Oui, je vous aime belle Iris Et je veux que dans mes écrits, On voie éclater votre gloire Afin cher objet mon vainqueur Que votre adorable mémoire, Soit partout comme dans mon coeur. LES ACTEURS. POLICARPE, Père d'Angélique. FABRICE, Commis de Policarpe, et amoureux d'Angélique. GUILLOT, Valet de Policarpe. ANGÉLIQUE, Fille de Policarpe, Amante de Fabrice. MAROTTE, servante d'Angélique. La Scène est dans la maison de Policarpe. LA DISGRÂCE DES DOMESTIQUES SCÈNE I. Clidamant, Guillot. GUILLOT, seul tenant un pot en sa main dans lequel il vient de tirer du vin. Cependant que le Sieur Fabrice [Note : Jocrisse : Valet niais et maladroit. [L]]Fait l'amoureux et le jocrisse, Auprès d'Angélique aux yeux doux, Je vais boire cinq ou six coups, Mais qui diable vois-je paraître [Note : Marsouin : Grand poisson de mer fort gras, qu'on appelle aussi pourceau de mer. On appelle aussi ironiquement un homme gros et bien chargé de graisse, un marsouin, comme on l'appelle aussi un pourceau. [F]]C'est notre vieux marsouin de maître, Mettons notre pot dans ce coin Nous le reprendrons au besoin, Car me trouvant vidant la pinte [Note : Atteinte : Action par laquelle on atteint, on frappe et on blesse. [T]]Il me donnerait quelque atteinte. Il se cache. SCÈNE II. Policarpe, Fabrice. POLICARPE. [Note : Faquin : Portefaix. Fig. Un homme de néant, mélange de ridicule et de bassesse. ]Vite sortez d'ici faquin [Note : Bouquin : Vieux bouc. On appelle par injure, Vieux Bouquin, Un vieux débauché, qui est adonné aux femmes. [Acad. 1762]]Comment vous faites le bouquin, [Note : Godelureau : Jeune fanfaron, glorieux, pimpant et coquet qui se pique de galanterie, de bonne fortune auprès des femmes. [F]]Le godelureau, l'agréable Le doucereux, le beau, l'affable, [Note : Dolent : Triste, affligé, plaintif. [Acad. 1762]]Le dolent, l'amoureux transi Encor un coup sortez d'ici[Note : Muguetter : Faire le galant, le cajolleur, tâcher de se rendre agréable à une Dame. [L]]Et sans plus mugueter mes filles [Note : Sac : On dit aussi, qu'on a donné à quelqu'un son sac et ses quilles, pour dire, qu'on lui a donné son congé, qu'on l'a chassé.[F]]Prenez votre sac et vos quilles, Mais dépêchez de détaler Sinon je vais vous étrangler. FABRICE. Monsieur quelle faute ai-je faite ? POLICARPE. Délogez vite et sans trompette, Autrement vous verrez sur vous Tomber une grêle de coups, [Note : Gaule : Grande perche. C'est avec une gaule qu'on abat les noix. Bâton. [L]]Vous savez que les coups de gaules [Note : Antipode : Contraire, opposé. [R]]Sont antipodes des épaules, Songez donc à vous évader[Note : Antipoder : Antipoder quelqu'un Fig. Faire quelque chose qui est contraire à quelqu'un, qui lui est désagréable. [R]]Ou je vais vous antipoder. FABRICE. Mais pourquoi faut-il que je sorte ? POLICARPE. Sans plus jaser gagne la porte, Promptement vous dis-je, sinon Je vous vais à coups de bâton D'une fureur épouvantable Envoyer la cervelle au Diable. SCÈNE III. FABRICE, seul. Hélas ! Quel destin est le mien ? Faut-il abandonner mon bien, Faut-il par un malheur extrême Quitter Angélique que j'aime, Mais s'il est ordonné du sort Perdant ce bien cherchons la mort, Oui, oui, mourons... SCÈNE IV. Guillot, Fabrice. GUILLOT. Fabrice arrête Il ne faut pas être si bête, Mais à propos ne craignons rien Ce sont tours de Comédien, Loin de mourir sur ma parole Il boira tantôt comme un drôle, La peste qu'il n'est pas si sot. FABRICE. Est-ce toi cher ami Guillot, Sais-tu le malheur qui m'accable Dit... GUILLOT, s'étonnant. Non, ou je me donne au Diable, Si tu ne me le fais savoir. FABRICE. Guillot je suis au désespoir Mon Maître m'a mis à la porte. GUILLOT, s'étonnant toujours. Notre maître veut que tu sortes, [Note : Charger ; Charger quelqu'un de coups, d'injures, de malédictions, l'en accabler. [L]]Au moins ne t'a-t-il pas chargé. FABRICE. Non, mais il m'a donné congé, Juge par là de ma disgrâce. GUILLOT, s'étonnant toujours. Quoi donc notre Maître te chasse. FABRICE. Oui. GUILLOT, s'étonnant toujours. Tu n'es plus dans la maison, Et l'on ne te veut plus voir. FABRICE. Non, Et je n'ai plus nulle espérance. GUILLOT, s'étonnant toujours, et faisant semblant d'en être fâché. Il t'a banni de sa présence. FABRICE. Oui, vois quel malheur est le mien. GUILLOT, témoignant beaucoup de joie. Il a fait en homme de bien, Et si m'en avait voulu croire Il t'aurait brisé la mâchoire, Il eut bien eu le diable au corps, S'il ne t'avait pas mis dehors, Va va bien loin qu'il m'en déplaise, Je jure que j'en suis fort aise, [Note : Train : Habitude, manière d'être. [L]]Étant chez nous il prit le train De me faire enrager de faim, Le traître employa son ménage [Note : Rogner : Diminuer le tour, ou la longueur, ou la largeur de quelque chose. [F]]Jusques à rogner mon potage, Et mon écuelle au bout d'un mois Fut plus petite de trois doigts, [Note : Troupe : Troupe pour multitude, ne se dit que des personnes. Ce n'est que dans les Provinces méridionales que l'on dit : j'ai une troupe d'affaires ; il y a une troupe de nouvelles ; elle a une troupe de robes. [FC]]L'on ne voyait jamais en troupe Rien qu'une misérable soupe, Étendue tout de son long Dans un malencontreux bouillon, Encor pour avoir cette soupe [Note : Avoir le vent en poupe : Fig. être favorisé par les circonstances [L]]Il me fallait le vent en poupe, Et pour l'attraper au plutôt [Note : Pataud : Il se dit proprement d'un jeune chien qui a de grosses pattes. On dit, À nage pataud, à un barbet qu'on jette à l'eau, qu'on fait aller à l'eau. On dit proverbialement et figurément d'Un homme qui est dans l'abondance. [Acad. 1762]]Me jeter en nage pataud, Jugez si ce bel économe [Note : Quartaine : Usité seulement dans cette locution : fièvre quartaine, fièvre quarte. [L]]Que la fièvre quartaine assomme, Que ce lutin puisse manger Sur ce point me fit enrager, Mais je suis sûr que si j'enrage Qu'il enrage encor davantage, Et qu'étant hors de la maison [Note : Oison : On dit par injure à un homme, que c'est un oison, qu'il se laisse mener comme un oison, pour dire, que c'est un sot, qui ne sait pas se conduire, qu'il n'agit que par l'organe d'autrui. [F] ]Le voilà plus sot qu'un oison. FABRICE. Ah ! Guillot sois plus raisonnable N'insulte point un misérable, Je suis tellement abattu. GUILLOT. Tu n'es rien qu'un gueux revêtu, Et je veux que chacun t'appelle Grandissime rogneur d'écuelle, Car tu mérites bien ce nom Pour une si sotte action, Mon Maître devait je te jure Battre sur ton dos la mesure, Pour son bien et pour mon repos Jusques à te briser les os, [Note : Chère entière : Grand repas suivi de plusieurs divertissements. [L]]Et pour te faire chère entière Te jeter dedans la rivière, Ma foi j'en eusse été ravi. FABRICE. Mais quoi n'ai-je pas bien servi, Monsieur Policarpe mon maître Et n'ai-je pas bien fait paraître, Le zèle d'un bon serviteur. GUILLOT. [Note : Affronteur : Celui qui affronte, celui qui trompe. [L]]Non, tu n'es qu'un affronteur, [Note : Gamme : Fig. et familièrement. Chanter sa gamme à quelqu'un, le réprimander et lui dire des vérités dures. [L]]Et quand je te chantai ta gamme Il enthousiasma mon âme, [Note : Réformer : Rectifier, c'est-à-dire rétablir dans l'ancienne forme ou dans une forme meilleure. [L]]Mon potage étant réformé Je voudrais qu'il t'eût assommé, Alors qu'il était nécessaire D'aller pour mon Maître en affaire,Le drôle passait tout le jour [Note : Fricasser : Prendre autant de soin avec l'amour qu'on le fait avec un mets que l'on fricasse, pour en améliorer le goût. ]À fricasser chez nous l'amour, Et ne pouvait quitter nos filles Tant elles lui semblaient gentilles, Parfois faisant semblant de rien J'écoutais tout leur entretien, Il disait poussant des fleurettes Ah ! Que vous me semblez bien faites, Et comment voir des yeux si doux Sans se rendre aussitôt à vous, Il leur composait une phrase Qui les ravissait en extase, Enfin Monsieur le cajoleur Leur donnait tout de son meilleur, Sa maudite et chienne de patte Rajustait toujours leur cravate, L'épingle de votre mouchoir Malheureusement vient de choir, Disait-il, si cela vous fâche Souffrez que je vous la rattache, Tout cela c'était des façons Pour leur manier les tétons, Si bien que tu n'es qu'une bête Et par les pieds et par la tête, Et pour avoir fait tout ce mal Je te condamne à l'Hôpital. FABRICE. Quoi me traiter de ces manières. GUILLOT. [Note : Etrivière : Courroie de cuir, par laquelle les étriers sont suspendus. Donner les étrivières, c'est châtier des valets de livrée, les fouetter avec les étrivières. [F]]Tu mérites les étrivières, [Note : Gaillard : Enjoué, gai, qui ne demande qu'à rire, ou à faire rire. [T]]Mais tiens-toi gaillard sur ce point Tu les auras n'en fut-il point, Bonsoir. Guillot fait semblant de s'en aller. FABRICE, le retenant. Écoute deux paroles Guillot tu me dois six pistoles, Que tu sais que je te prêtai Lorsque dans le logis j'entrai, L'argent prêté qu'il faut qu'on rende Enfin jamais ne se demande. GUILLOT. Pourquoi donc le demandes-tu Tu pourrais bien être battu, Cela ne se devant pas faire D'où vient que tu fais le contraire. Je te trouve bien insolent. FABRICE. Je prétends avoir mon argent. GUILLOT. Sais-tu ce que tu peux prendre, C'est qu'un jour tu te feras pendre, Lorsqu'on veut avoir de l'argent Ce n'est pas là comme on s'y prend, Sache qu'il faut qu'on s'humilie Pour approcher ma Seigneurie, Et pour avoir tes dix Louis Qu'il me faut traiter de Marquis, De Vicomte de duc d'Altesse. FABRICE. Quoi faut-il donc que je m'abaisse, [Note : Maraud : Terme injurieux qui se dit des gueux, des coquins qui n'ont ni bien ni honneur, qui sont capables de faire toutes sortes de lâchetés. [F] ]Jusques à souffrir qu'un maraud. GUILLOT. Diable que tu le portes haut, Quand on souhaite quelque grâce On ne montre point tant d'audace, Prends donc un style différent Traite-moi d'Illustre, de grand, Si de ces titres tu me traites [Note : Parbiou : Parbiou, ParBieu, Parbleu sont trois mots équivalents : Par Dieu. Sorte de serment burlesque. [T]]Va parbiou ta fortune est faite. FABRICE, à part. Bien faisons donc ce qu'il voudra Monseigneur quand il vous plaira, Par votre premier gentilhomme De me faire donner ma somme, Pour m'en aller en mon pays Monseigneur, mon Duc, mon Marquis, Mon Comte. GUILLOT. Comte, conte conte, **** Parbleu l'humilité me dompte, Ce faquin me gagne le coeur En me traitant de grand Seigneur, Et par ma foi ma Seigneurie Même en généalogie, N'avait jamais eu le bonheur De recevoir si grand honneur, Ce fat me touche jusqu'à l'âme Et son discours d'aise me pâme, Ce n'est pas avoir peu de sens Que savoir l'art de plaire aux grands. FABRICE. S'il plaît à votre courtoisie. GUILLOT. Dieu me damne tu m'extasies, J'aime les hommes de vertu Et bien que me demandes-tu. FABRICE. Je prie humblement votre Altesse Qu'elle me tienne sa promesse, En me donnant les six Louis Que tantôt elle m'a promis. GUILLOT. Enfin doncques tu me demandes. FABRICE. Une somme qui n'est pas grande, Dont pourtant je serai ravi. GUILLOT. Va Dieu t'assiste mon ami. SCÈNE V. FABRICE, seul. Vit-on jamais telle disgrâce Un Maître d'avec lui me chasse, Un coquin se moque de moi Je suis sans argent sans emploi, Mais quoi ma plainte est inutile Il faut mieux chercher dans la ville, Quelqu'un qui puisse me donner De quoi m'en pouvoir retourner, Oui c'est là ma dernière épreuve. Fabrice sort. SCÈNE VI. Policarpe, Angélique, Marotte. POLICARPE. Promptement faisons Maison neuve, Cependant que je suis en train Je prétends faire un nouveau train, J'ai déjà mis dehors Fabrice. ANGÉLIQUE. Mais mon père quelle injustice, De chasser de votre maison Cet incomparable garçon, Que vous deviez avoir sans cesse Pour votre bâton de vieillesse, Ah ! Mon petit Papa mignon [Note : Fabrisson : Mot fabriqué par Angélique pour désigner son Amoureux Fabrice. ]Retenez votre fabrisson. POLICARPE. [Note : Friquet : se dit aussi d'un jeune galant fort mince qui n'a que du caquet et de l'affeterie, et rien de solide. [F]]Taisez-vous petite Friquette Ne faites plus tant la coquette, Quand vous m'en priez, sur ma foi C'est bien plus pour vous que pour moi, Mais cessez sur cette matière De me faire aucune prière, Je vous promets qu'il s'en ira. ANGÉLIQUE. Moi je dis qu'il demeurera. POLICARPE. Ah ! Qu'il faut ici de mystère Dites-moi voulez-vous vous taire, [Note : Caquet : Abondance de paroles inutiles qui n'ont point de solidité. ]Car à la fin votre caquet [Note : Daguenet : Diminutif de dague. [SP] Dans le contexte non compréhensible.]Ferait mettre au vent daguenet, Ne soyez donc plus mal apprise [Note : Dagueniser : Donner des coups de dague. [SP] ]Autrement je vous daguenise. ANGÉLIQUE. Diantre soit du dagueniseur Du renfrogné du vieux rêveur, Dont la rigueur me désespère. POLICARPE. Est-ce ainsi qu'on parle à son père, Mais j'aperçois venir Guillot [Note : Falot : Impertinent, ridicule, plaisant, drôle. [FC] ]D'où viens-tu donc plaisant falot. SCÈNE VII. Guillot, Policarpe, Marotte. GUILLOT. Je viens de parler à Fabrice Qui se plaint de votre caprice, Disant que vous l'avez cassé. POLICARPE. Il est vrai que je l'ai chassé, Et ne pouvais jamais mieux faire Pour mon honneur et pour me plaire, Que bannir cet esprit coquet. GUILLOT. Monsieur que vous avez bien fait, Vous allez être dans l'Histoire Pour cette action de mémoire, Ce faquin faisait l'entendu Il croyait que tout lui fut dû, Il tranchait chez vous du capable Il faisait le beau, l'agréable, Votre fille avait des appas Qui ne lui désagréaient pas Il lui voulait faire comprendre [Note : Carte du Tendre : Carte illustrant le parcours galant. Il y a le lac d'infifférence et les villes comme probité et générosité.]Ce qu'était la Carte du Tendre, Mais ce n'est rien qu'un sot tout pur Avecque son tendre et son dur. POLICARPE. Est-il parti ton camarade. GUILLOT. Jusques à demain il retarde, Ne le pouvant pas aujourd'hui. POLICARPE. Tu n'as qu'à partir avec lui, Et mon âme sera ravie Si tu n'en reviens de ta vie, Pars donc vite et sans raisonner [Note : Gourdiner : Donner des coups de gourdin. [L]]Ou je te vais bien gourdiner. GUILLOT. Vous vous moquez de votre esclave Donnez-moi la clef de la cave, Donnez que j'aille visiter Votre vin qui se va gâter. POLICARPE. Tu le bois avec tant de hâte Que malaisément il se gâte, Mais je veux être au rang des morts S'il en entre plus dans ton corps, [Note : Gargamelle : Terme populaire. Gorge, gosier. [L]]Ce traître avec sa gargamelle [Note : Gravelle : Maladie des reins et de la vessie causée par quelque gravier qui s'y forme, ou qui s'y arrête. [F]]Donne à mes tonneaux la gravelle, Et les va si bien caresser Qu'il les empêcher de pisser, Je ne veux plus de ton service Prends donc le chemin de Fabrice, Car après m'avoir outré Sais-tu bien que je te tuerai. GUILLOT. Ah ! Monsieur c'est une imprudence Que me tuer en ma présence, Vous m'allez voir mourir d'effroi Si vous me tuez devant moi, Quand nous ne serons plus ensemble Vous me tuerez s'il bon vous semble. MAROTTE. Quoi vous chassez aussi Guillot Ce pauvre enfant qui ne dit mot, Qu'il va devenir maigre échiné S'il s'en va de votre cuisine, Ah ! Monsieur ne le chassez point Pour conserver son embonpoint. POLICARPE. Rentrez au logis idiote Vous aussi Madame la sotte, Qui ne faites que contester [Note : Frotter : Battre, maltraiter, rosser. [L]]Sinon vous vous ferez frotter. SCÈNE VIII. GUILLOT, seul. Ah ! Vieux rabbin de synagogue [Note : Gogue : Vieux terme de cuisine qui se disait d'un ragoût ou farce d'herbes, de lard, d'oeufs, fromage, épices et sang frais de mouton, cuit dans la panse du mouton. [F] Ce mot est féminin.]Dont la tête est comme un gogue, Dont l'esprit est tout de travers La cervelle tout à l'envers, [Note : Rechigné : Qui gronde et qui est de mauvaise humeur. [R]]La mine toute rechignée L'âme éternellement damnée, Puisses-tu trouver vieux démon Chez toi mille coups de bâton, Et qu'après ce misérable homme Qui souvent les brigands assomme, Te mène durant quinze jours Visiter tous les carrefours, Et qu'ensuite ton sort s'achève [Note : Grève : Terrain uni et sablonneux le long de la mer ou d'une grande rivière. La Grève, place de Paris sur le bord de la Seine, à côté de l'hôtel de ville, où se faisaient les exécutions juridiques. [L]]Dans le beau milieu de la Grève, Voilà la bienheureuse fin Que je souhaite à ton destin, [Note : Confondre : Faire échouer, réduire à l'impuissance. {L]]Va que la foudre te confonde. SCÈNE IX. Fabrice, Guillot. FABRICE. Je suis le plus content du monde, Mon bonheur n'eût jamais d'égal Un ami me prête un cheval Et pour m'obliger davantage Cent pistoles pour mon voyage ; Je pars d'ici fort satisfait. GUILLOT, regardant vers la porte de son Maître. Va, tu n'as jamais si mal fait, Qu'alors que tu chassas Fabrice, Ce garçon parfait et sans vice, L'économe de la Maison Qui n'a rien en soi que de bon, Mais pour cette malice étrange Que bientôt quelque loup te mange, Et qu'avant de t'avaler Il te puisse bien étrangler, Que la rage te batte au ventre Que la terre t'ouvre son centre, Afin que tu tombes en Enfer Entre les bras de Lucifer, Et que si fort il t'y retienne Qu'au grand jamais tu n'en reviennes, Tu seras bien là sur ma foi. FABRICE. Qu'as-tu donc. GUILLOT. Je parlais pour toi, À notre vieux serpent de Maître De ce qu'il t'a paru si traître, En te mettant dehors ainsi. FABRICE, dit ces six vers. Guillot n'en soit point en souci, Pour bannir ma mélancolie Je m'en vais jusqu'en Italie, De là je passe en Portugal J'ai cent Louis un bon cheval, Et je m'en vais mener bonne vie. GUILLOT. Je te veux tenir compagnie, Pour me divertir avec toi. FABRICE. Mais Guillot auras-tu de quoi, Car il en faut pour te conduire. GUILLOT. Tes cent Louis pourront suffire, Ne suffisant pas, bien et beau Nous irons vendre mon manteau, [Note : Haridelle : Mauvais cheval maigre. [L]]Fais donc seller ta haridelle Puis je mettrai le cul sur selle, Et par pitié quand je voudrai La croupe je te prêterai, J'oblige de belle manière. FABRICE. C'est me faire la grâce entière, Mais parlons avecque raison N'es-tu point hors de la Maison, Je pense connaître à ta mine Qu'on t'a banni de la cuisine, Et je jurerais sur ma foi Qu'on t'en a fait autant qu'à moi. GUILLOT. Non pas, mais mon Maître, Fabrice, M'a bien dit que je te suivisse, [Note : Etriller : On dit fig. et fam. Étriller quelqu'un, pour dire, Le battre. [Acad 1762]]Et qu'il m'étrillerait enfin Si je ne prenais ton chemin, C'est le discours du galant homme. FABRICE. Sais-tu comment cela se nomme, Justement valet à louer Et je te veux bien avouer, Que je sens une joie extrême De ce qu'il t'a traité de même, Tantôt tu te moquais de moi Maintenant je me ris de toi, Ah ! Monsieur de la Guillotière Ton humeur était par trop fière, Tu voulais des titres exquis Que l'on te traitât de Marquis, D'Altesse, de Duc, de Vicomte Et tout cela rien qu'à ta honte, Car te voilà changé soudain D'un grand Seigneur en un gredin, Ah ! Que si j'aimais la vengeance. GUILLOT. Voilà comme tourne la chance, Hier j'étais tout à fait heureux [Note : Gueux : Indigent, qui est réduit à mendier. [FC]]Aujourd'hui je ne suis qu'un gueux, [Note : Gueuserie : Condition de gueux, de personne sans bien, sans avoir. [L]]Et la plus grande gueuserie [Note : Friperie : On le dit aussi proverbialement et figurément, pour dire, Se moquer de quelqu'un, en dire du mal. [Acad. 1762]]S'est mise sur ma friperie, Ah ! Que mon destin est cruel [Note : Capon : Terme populaire et pris des Écoliers. Joueur rusé, fin, et un peu fripon. [FC]]Me voilà capon éternel, Quiconque verra ma figure Il verra la pauvreté pure, [Note : Cancan : Bruit, scandale fait mal à propos. [L]]Tantôt je faisais du cancan [Note : Croquant : Gueux, misérable qui n'a aucuns biens, qui en temps de guerre n'a pour toutes armes qu'un croc. [F]]Et je ne suis plus qu'un croquant, Mais qui faire c'est la fortune Qui m'en a voulu bailler d'une, Et quand même je m'en tuerai Elle n'en fera qu'à son gré, J'aime donc mieux la laisser faire. FABRICE. Mais conte-moi, tout le mystère, Notre maître t'a-t-il chassé. GUILLOT. Oui, Fabrice et fort menacé, Et si bien fait le Diable à quatre Que je croyais qu'il m'allait battre, Et me mettre au rang des occis. FABRICE. Quoi tu n'es plus dans le logis, Il t'aurait fait cette incartade. GUILLOT. Je m'en suis sevré mon camarade, Il m'a mis dehors comme un chien. FABRICE. Il a fait en homme de bien, Et devait faire tintamarre Sur ton dos à grand coup de barre, Et te donnant du pied au cul Te mettre à la porte tout nu, C'eût été te rendre Justice. GUILLOT. Cesse de me railler Fabrice, Et songeons plutôt à partir. FABRICE. Guillot je n'y puis consentir, Et plus à partir je m'applique Moins je puis quitter Angélique, Comment abandonner ces lieux Après avoir vu ces beaux yeux. GUILLOT. Fabrice quand je m'imagine Qu'il faut quitter cette cuisine, Où je buvais comme un bacchus [Note : Gaudeamus : Chant de réjouissance. [L]]Où je chantais gaudeamus, Où je me délectais sans cesse. FABRICE. Ah ! Quand je songe à ma Maîtresse À son mérite à sa beauté. GUILLOT. Ah ! Quand je songe à ce pâté, De quoi je coupais une tranche. FABRICE. Ah ! Quand je pense à sa main blanche, De quoi si délicatement Elle touchait un instrument, Qu'elle me ravissait l'oreille. GUILLOT. Quand je pense à cette bouteille, Dont le ventre a six pieds de tour Que je vidais trois fois par jour. FABRICE. Que j'aime à contempler sa grâce. GUILLOT. Que j'aime une bonne bécasse. FABRICE. Et que je chéris ses appas. GUILLOT. Que je chéris un grand repas. FABRICE. Quel plaisir de voir ce bel Ange. GUILLOT. Quel plaisir quand on boit et mange. FABRICE. Qu'on aime un ouvrage si beau. GUILLOT. Que j'aime une longe de veau. FABRICE. Ah ! Que je ne vois son visage. GUILLOT. Ah ! Que ne vois-je un grand potage. FABRICE. Auprès duquel tout autre est laid. GUILLOT. Que n'ai-je un gros cochon de lait, Ah ! Que je ferais bien ripaille. FABRICE. Quand je pense à sa belle taille, À son port, son esprit divin. GUILLOT. Quand je pense à ce broc de vin, Qui me dégoutait dans le ventre Ah ! Que j'étais bien dans mon centre. FABRICE. Faut-il quitter ces yeux si beaux. GUILLOT. Faut-il quitter ces Aloyaux, Ces Dindons, ces bonnes viandes Si délicates, si friandes, Chapons et Gigots de Mouton Dont je m'engraissais le menton, Et faisais ma plus grande gloire De m'en donner par la mâchoire. FABRICE. Mais, mes regrets sont superflus Puisque je ne la verrai plus, Guillot je suis inconsolable. GUILLOT. Que je regrette cette table. FABRICE. Tu ne songes qu'à manger. GUILLOT. Toi rien qu'à me faire enrager, Laisse là cette amour avide Et comme moi songe au solide. FABRICE. Je ne songe qu'à mon chagrin. GUILLOT. Moi qu'à rassasier ma faim, Et si j'avais bien de quoi frire Je verrais finir mon martyre. FABRICE. Mais sans faire tant de regrets Recherchons plutôt les secrets, De nous mettre bien en grâce Auprès du Maître qui nous chasse, Regarde donc par quel moyen Nous pourrons nous y mettre bien, Cherche en ta tête. GUILLOT. Ah ! Quelle bête : Oui, je m'irai casser la tête, Pour te trouver l'invention De rentrer dedans la Maison. FABRICE. Guillot il n'est pas temps de rire Comprends mieux ce que je veux dire, Il faut nous employer tous deux S'il se peut pour nous rendre heureux, Et nous ne saurions tous deux l'être Qu'en rentrant avec notre Maître, Sa fille dont je suis aimé Et son bon vin qui t'a charmé, Méritent bien tous deux qu'on fasse Quelque effort pour rentrer en grâce, Songes-y donc mon cher Guillot. GUILLOT. N'a-t-on point escroqué mon pot, Je veux dans son jus délectable Trouver un moyen admirable, Cherchons j'ai retrouvé mon vin Tu n'as qu'à bannir ton chagrin, Comme le vin fait des miracles Nous rentrerons sans nuls obstacles, Prends donc que cette pinte soit Notre vieux Maître qui paraît, Je vais avec ma rhétorique M'étendre sur le pathétique, Et son coeur fût-il de rocher De ma harangue le toucher, Çà commençons donc la harangue Mais las, je sens sécher ma langue, Il faut avant que babiller Et l'humecter, et la mouiller ; Il boit.Or çà maintenant je commence Exprimons notre doléance, Notre Maître si vous vouliez Nous voyant tous deux à vos pieds, Montrer en nous votre clémence, Il boit.[Note : Sapience : Terme vieilli qui est synonyme de sagesse. [L]]Un peu de jus de sapience, Il commence de s'adoucir Que nous allons bien réussir, Recommençons donc à reprendre Le délicat, le doux, le tendre, Accordons-nous sur le plaintif, Il boit.Que le temps est alternatif, Ma harangue a beaucoup de charme Et notre Maître se désarme, De toute sa mauvaise humeur Ne connais-tu point un tailleur, Il nous serait bien nécessaire. FABRICE. Pourquoi Guillot qu'en veux-tu faire. GUILLOT. Pour faire un habit à ce pot Qui montre le cul comme un sot. FABRICE. Ah ! Que ta sottise me gêne. GUILLOT. Sortons ne te mets point en peine, J'imagine une invention Qui nous mettra dans la Maison, Ils rentrent. SCÈNE X. Policarpe, Angélique, Marotte. POLICARPE. Enfin je suis fort à mon aise Je n'ai plus rien qui me déplaise, Je suis défait de mes valets Plus d'ivrogne plus de muguets. ANGÉLIQUE. Mon Père que vous êtes rude Si vous étiez en servitude, Prendriez-vous fort grand plaisir Que l'on vous fit ainsi souffrir. POLICARPE. Quand je fais ce que je désire Est-ce à vous à me contredire, Diable voilà bien des façons Pour avoir chassé deux fripons ANGÉLIQUE. Ah ! Vous deviez garder Fabrice. POLICARPE. Gardez que je ne vous meurtrisse, [Note : Tricot : Bâton gros et court. [L]]De quelque bon coup de tricot. MAROTTE. Ah ! Vous deviez garder Guillot. POLICARPE. Ah ! Que d'inutiles paroles Pour moi je crois qu'elles sont folles, Et qu'elles veulent sottement Me perturber le jugement, Mais quoi je vois encor Fabrice. SCÈNE XI. Fabrice, Policarpe, Angélique. FABRICE. Oui qui vous offre son service, Et croirait manquer son devoir. S'il n'avait l'honneur de vous voir, Ainsi Monsieur je m'en acquitte Par cette dernière visite, En vous suppliant en ce lieu De daigner souffrir mon adieu, Je sais qu'ayant su vous déplaire Me montrant je suis téméraire, Et qu'assurément mon aspect M'ayant banni vous est suspect, Mais las, qu'elle eût été ma peine De partir avec votre haine, Daignez donc n'en avoir jamais Et vous quittant je vous promets, Que je n'aurai plus d'autre étude Qu'à vivre dans la solitude, Qu'à regretter avec mes pleurs Au fond d'un bois tous mes malheurs, Car je ne dois jamais paraître Ayant perdu un si bon Maître. POLICARPE. Ce garçon me touche le coeur Et j'ai pitié de sa douleur, Mais encor quelle est votre envie. FABRICE. De ne plus servir de ma vie, Et du monde me retirer. POLICARPE. Je vous ferais redemeurer, Si vous bannissiez ces fleurettes Ces douceurs et ces amourettes, Mais alors qu'on a de l'amour On ne le perd pas en un jour. FABRICE. Moi Monsieur, ni fille ni femme N'ont jamais régné sur mon âme, Et loin d'être ma passion Ce sexe est mon aversion. POLICARPE. C'était donc une médisance. FABRICE. Toute pure et sans apparence, Et si chez vous je demeurais, Monsieur je vous conjurerais, Avecque toute ma puissance De ne voir plus en ma présence, Ce sexe qui me fait horreur. POLICARPE. Voyez quelle était mon erreur, Sans sujet de chasser Fabrice Allez rentrez en mon service, Je vous commande absolument D'y rester éternellement. ANGÉLIQUE. Mon père chassez cet infâme Qui n'aime ni fille ni femme, [Note : Cagot : Faux dévot, et hypocrite, qui affecte de montrer des apparences de dévotion pour tromper, et pour parvenir à ses fins. [F]]Que ferons-nous de ce cagot. POLICARPE. Taisez-vous, mais je vois Guillot, [Note : Pécore : Bête, stupide qui a du mal à concevoir quelque chose. [F]]Te voilà donc bonne pécore Comment je te revois encore. SCÈNE XII. Guillot, Policarpe, Angélique, Fabrice. GUILLOT. Monsieur je n'osais détaler Ni partir avant m'en aller, Vous quittant j'ai le coeur si tendre Qu'il se va par la moitié fendre, Et suis tellement éperdu Que je le crois déjà fendu, Mais qu'il se fende, ou qu'il se fonde Que l'on m'envoie en l'autre monde, Me chassant comme un animal Tout cela me doit être égal, Ah ! Monsieur c'est être barbare Que de souffrir qu'on nous sépare, Et notre séparation Est une cruelle action, Par exemple daignez m'entendre Et je vous vais faire comprendre, Ce qu'est le Maître, et le valet C'est un assemblage complet, Le Maître représente une âme Exempte de vice et de blâme, Et dont le valet est le corps Tous deux joints par de doux accords, Or ces deux choses assorties Par d'admirables sympathies, Alors qu'il les faut séparer Il faut étrangement tirer, De sorte qu'à force qu'on tire Bien souvent le tout se déchire, Après quand on a tout cassé On... Pourquoi m'avez-vous chassé. POLICARPE. Que diable est ce qu'il me veut dire Il me ferait crever de rire, Avecque ces comparaisons Et bien quelles sont tes raisons. GUILLOT. M'ayant chassé comme une bête Cela me tient fort à la tête, Et ne me fâche pas pour peu Mais vous quittant je fais un voeu, Que j'accomplirai je vous jure À la barbe de la nature. POLICARPE. Quel voeu, que veux-tu dire enfin. GUILLOT. De ne boire jamais de vin, Et de m'en sevrer pour ma vie. POLICARPE. Tu me ravis par cette envie, Va redemeure avecque moi Rentre en ton ordinaire emploi. Pourtant comme l'on dit en France Que l'objet émeut la puissance, Je crains qu'en voyant mes tonneaux Tu ne reprennes tes défauts. GUILLOT. Monsieur n'ayez point cette crainte [Note : Banqueroute : Cessation de payement de la part d'un négociant devenu insolvable. [L]]Je fais banqueroute à la pinte, Et la bannis de mes yeux Ainsi qu'un objet odieux. ANGÉLIQUE. Vous pouvez bien chasser Fabrice. POLICARPE. Ah ! Que vous avez de caprice. Parlant à Fabrice et à Guillot.Restez tenez tout proprement Je reviendrai dans un moment, Je vais jusqu'à ma Métairie. FABRICE, à Angélique. Ne vous fâchez point je vous prie, J'ai pour vous même passion. GUILLOT. Et moi j'aime toujours le bon. POLICARPE, revenant sur ses pas à Fabrice. Vous n'aimiez tantôt plus les femmes Infâme de tous les infâmes, Je vous ai bien ouï faquin Et vous vous n'aimiez plus le vin. À Guillot.Vous faisiez voeu de n'en plus boire Faisons une tragique Histoire, [Note : Zest : Familièrement. être entre le zist et le zest, être fort incertain sur le parti qu'on doit prendre. [L] ]Ziste et zeste vous en aurez, Depuis la tête, jusqu'aux pieds, Sur le ventre et sur les épaules Allons dehors à coups de gaules, Vous pendardes rentrez chez nous Pour avoir aussi mille coups. ==================================================