******************************************************** DC.Title = L'AMOUR PRIS AUX CHEVEUX, TRAGÉDIE. DC.Author = GALOPPE d'ONQUAIRE, Jacques de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Pochade DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 22/06/2022 à 06:08:49. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/GALOPPE_AMOURPRISAUXCHEVEUX.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5846081b DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'AMOUR PRIS AUX CHEVEUX POCHADE EN UN ACTE, MÊLÉE DE COUPLETS Représentée pour la première fois, à Paris, sur le THÈÂTRE DU PALAIS-ROYAL, le 6 novembre 1852. 1852. par M. GALOPPE D'ONQUAIRE. Clermont (Oise).? Imprimerie A. DAIX. ACTEUR. LE COIFFEUR, M. LEVASSOR. LE LION, M. LEVASSOR. LE PRÉSIDENT, M. LEVASSOR. LE PERRUQUIER, M. LEVASSOR. UN AVOCAT, M. LEVASSOR. UN AUTRE AVOCAT, M. LEVASSOR. LE CRANE, M. LEVASSOR. UN VALET, M. LUCIEN. La scène se passe quelque part. Un salon de coiffeur. Une toilette à droite, premier plan. Une nuire toilette à gauche, premier plan. Toutes deux ont des perruques sur champignons. Une table à la gauche du fond, avec perruques, idem. ? Un réchaud sous la table. Une robe de chambre noire d'un côté et d'une autre couleur de l'autre. Portes latérales ; porte d'entrée au fond ; une croisée à droite. Chaises, fauteuil. etc. LE COIFFEUR, entrant par le fond. Il est en perruque blonde, fort légère de cheveux ; il a un habit, une redingote et un pardessus. Il est trèsagité et jette son chapeau avec colère. Plus d'espoir !... C'en est fait !... Paméla m'abandonne !Le portier me l'a dit : Il n'est venu personne !...Pas de lettre aujourd'hui !... L'impassible facteurEn passant près de moi, m'a dit : bonjour coiffeur !Ignorant, le bourreau, que son lâché sourire M'infligeait le tourment d'un horrible martyre !...Personne ! Et pas de lettre !... Ah ! Je sens, dans mon coeur,S'amasser des trésors de rage et de fureur !Coiffeur !... Oui, je le suis ! Et je m'en faisais gloire !C'était mon espérance, et, j'avais lieu je croire Que ce titre, après tout, loin de me nuire un jour,Devait venir en aide à mes projets d'amour. Air nouveau. Je suis coiffeur, et je me pique De m'être fait un beau renom ; Dans ce laboratoire unique, Nul n'entre sans courber le front ! Sous les ciseaux, sceptre de ma puissance, Petits et grands s'inclinent chaque jour, Et la vieillesse, aussi bien que l'enfance, Sont les vassaux de ce brillant séjour. Ô toi que j'aime D'amour extrême, Vierge à l'oeil noir, Pourquoi ton âme, Ingrate femme, A-t-elle, hélas ! défrisé mon espoir? Je suis coiffeur, et je nie pique, etc. Le sort en est jeté !... Je ne puis me dédire ; J'ai dit à Paméla : je t'aime, je veux ta main.La cruelle, à ces mots part d'un éclat de rire, Tourne le dos, et dit : nous verrons ça demain !Et c'était hier soir, et le temps qui s'écoule,Comme elle, semble rire en voyant mon ennui !Me serais-je trompé ?... Non ! je n'perds pas la boule ;Le lendemain d'hier, ce doit être aujourd'hui ! / Qui peut la détourner ?... Elle hésite, dit-elle,.À prendre pour époux un artiste coiffeur... .Mais, tu ne sais donc pas, ô fière tourterelle,Tout ce que ce beau titre a de gloire et d'honneur ?Le coiffeur, Paméla, c'est l'être indispensable, Le complément de tout, le moderne pouvoir,Il vous fait, à son gré, spirituelle, aimable,C'est le meuble vivant de tout parfait boudoir ; Sans lui, point de plaisir, sans lui, point, de conquêtes ;Il tient au bout des doigts, votre bel avenir... Et le prestige vain des plus fraîches toilettesS'écroule... si son art ne vient le soutenir.Mais, combien sa parole a de charme et de grâce,Lorsqu'armé de ciseaux légers comme le vent,Il parle, parle encore, et jamais ne vous lasse, Car il sait tout, voit tout... c'est un journal vivant ! AirIl vous dira pourquoi telle DuchesseA conservé l'éclat de ses beaux Yeux ;Pourquoi son front, couronné de jeunesse,A soixante ans garde ses noirs cheveux ; Les médisants prétendent que la belleN'en a pas un qu'elle n'ait emprunté :C'est faux, messieurs, la chose est bien formelle,, Je les lui vends... c'est sa propriété. Regardant sa montre.Cinq heures !... Rien encor !... Le désespoir me gagne !... Ah ! ma tête se perd 1... elle bat la campagne !Quand on peut l'éviter, c'est bête de souffrir...À quoi bon vivre ainsi, lorsque, l'on peut mourir ?Serais-je le premier ?... Non pas !... Je suis artiste !...Je suis homme de tête, et j'augmente la liste De ces héros fameux, qui, battus par le sort,Ont trouvé le repos dans les bras de la mort ![Note : Vatel est un cuisinier célèbre du XVIIème siècle, d'abord attaché au surintendant Fouquet puis au Prince de Condé. Il se suicida pour avoir raté un dîner fait en l'honneur de Louis XIV au château de Chantilly en 1671.]Comme le grand Vatel, comme Caton d'Utique,Je veux sortir de là d'une façon tragique !Si je n'ai pas d'épée, ou même de poison, J'ai... j'ai... Qu'est-ce que j'ai ?... Je brûle la maison!Je veux m'ensevelir sous ce vaste décombre,Et, des morts comme il faut, j'augmente ainsi le nombre ! Air du Dieu des bonnes gens.Ah ! Mais avant de quitter cette vie,Je veux en remonter le cours ; Objets sacrés , enfants de mon génieQue votre aspect me rende mes beaux jours !Apparaissez perruques bien aimées,Et recevez mon éternel adieu !Oui, je le vois, toutes les destinées Roulent sur un cheveu ! bis. Il prend à gauche une perruque de jeune homme.Chef-d'oeuvre merveilleux, dont le propriétaire,Sans que nul s'en doutât, était quadragénaire !Moi, qui ne suis pas beau... tenez... Il la met.Crac ! me voilà ! Il fait le dandy.Un lion, ni plus ni moins !... Il suffit de cela !.., Aussi ce morceau d'art, ce tissu de science,Fut-il nommé partout : la perruque Jouvence ! Il l'ôte.Qu'elle meure avec moi !... Chère perruque, adieu !Tu serviras, du moins, pour allumer le feu ! Il la place à terre. Il ôte son pardessus et prend à gauche une autre perruque à moustaches hérissées.Celle-ci, d'un poltron, fît très longtemps un brave... Il la met.Palsambleu ! ventrebleu ! Corbleu ! L'affaire est grave !Vous m'en rendrez raison !... Au sabre ! Au pistolet !...À l'épée ! Au poignard !... À tout ce qui vous plaît !... Otant sa perruque.Cet homme était l'effroi de tous ses adversaires :À le voir, on eût cru, quand grondaient ses colères, Qu'il les eût avalés... tant il est vrai, messieurs,Que souvent la valeur n'est que dans les cheveux !Sous ce gazon trompeur, bien plus d'un se pavane,Aussi, l'ai-je nommé : le Bouclier du crâne. Il la jette sur l'autre.Qu'il serve à me brûler dans le bûcher commun ; C'est la première fois qu'il détruira quelqu'un. Il va à la perruque du Président.Ô noble magistrat, dont voici la perruque,Toi, dont pendant dix ans, j'accommodai la nuque,Que dirais-tu, grand homme, en voyant ma douleur ? Il prend la perruque à gauche.Quel tissu !... quel crêpé !... quelle noble vigueur... Dans ce fier coup de peigne !... ah !... Il tient la perruque. Au public. Messieurs et mesdamesNon !... pas vous !... car je dois les oublier... les femmes !Messieurs, ce magistrat fut mon seul protecteur...Il m'aima comme un fils, ma parole d'honneur !Président à Mortier... ville de la Corrèze... De plus, homme d'esprit, rempli d'érudition,Savant, très grand savant, messieurs, par parenthèse,Il était, vous voyez, juge d'instruction.Il vous parlait latin, grec et citait l'histoireA propos d'un chignon, ou d'un bandeau de fleurs. Des Romains, disait-il, périrait la mémoire,Sans l'immortel Titus qui vit : grâce aux coiffeurs.Voilà ce qu'il disait ; il me semble l'entendre... Il met la perruque, puis, la robe de chambre du côté qui n'est pas noir. Avec l'organe d'un homme âgé.Sa démarche était grave, et, cette gravitéAvait je ne sais quoi de gracieux, de tendre, Qui semblait un reflet de son aménité.« Mes enfants, disait-il à nos jeunes fillettes,Profitez du printemps, profitez des beaux jours ;Ne repoussez pas trop ceux qui content fleurettes :Fleurette, croyez-moi, ne fleurit pas toujours ! Jadis, ainsi que vous, dans la saison première,L'amour fit des bouquets avec vos grand' mamans,Tout cela s'est fané, regardez en arrière,Les frais bouquets d'alors ont tous des cheveux blancs !Pourtant, les cheveux blancs, respectez-les, fillettes,. Car, c'est un diadème !... » Et, là-dessus, messieurs,Le gracieux vieillard disait la chansonnetteQue je chante souvent, non sans verser des pleurs ! Air nouveau.Les cheveux blancs, c'est la couronneQue Dieu pose au front du vieillard ; C'est l'auréole qui rayonneEt fait incliner tout regard ;C'est la paix après la conquête,La neige après les feux brûlants ;C'est le calme après la tempête... N'a pas qui veut des cheveux blancs !Les cheveux blancs, c'est mon vieux pèreTombé, jadis, au champ d'honneur !C'est le front si pur de ma mère ,Que la mort frappa sur mon coeur. Ces souvenirs que je caresse,Sont le vrai trésor des enfants ITous les cheveux de la jeunesseNe valent pas ces cheveux blancs !C'est ainsi qu'il chantait. Un jour, c'était sa fête, En mangeant du brochet, il mourut étranglé !...Et, par un jeu du sort, ce magistrat zéléQui rendit tant d'arrêts... ne put rendre une arêt e! Il ôte la perruque et la robe de chambre en la retournant.Respect à celui-là !... si je lui dis adieuQue l'amitié, du moins, le préserve du feu ! Replaçant la perruque.Que ne l'ai-je suivi !... pourquoi rester sur terre ?Encor, si le rival que l'ingrate préfèreÉtait un Adonis, je comprendrais cela !Mais, un vil perruquier !... Un merlan !... Paméla !...Que ne le disais-tu ?... J'aurais pris sa tournure, Son port, son ton ton, sa taille et sa sotte figure ! Prenant à droite une autre perruque.[Note : Bobèche : Petite pièce mobile et évasée qu'on adapte aux chandeliers. Nom d'un célèbre joueur de parades du temps de l'Empire et de la Restauration, habile à représenter les niais, et qui, dans le langage populaire, désigne un niais, un sot, un mauvais bouffon. [L]]J'ai là les cheveux roux d'un bobèche en plein vent.Et je puis, sans effort, imiter ton amant. Au public, après avoir mis la perruque.Figurez-vous, Messieurs, un crétin tout difforme,Bossu, borgne, bancal, avec un ventre énorme. Supposez-moi le ventre (il manque en ce moment.)Voici de Paméla le gracieux amant !....Quasimodo second, les bras faisant la meule[Note : Brûle-gueule : Pipe très courte. [L]]Et les jambes la scie !... Ayant le brûle-gueule[Note : Prise : Prise de tabac, pincée de tabac. [L]]Et la chique parfois !... Et la prise toujours ! Tel est, sexe enchanteur, l'objet de tes amours !Bouffi d'ambition, cherchant un nom... quand même,Il voulut s'illustrer par quelque stratagème :Alors, il inventa l'huile de lénitif...C'est de l'huile d'olive avec un peu de suif. Il ôte la perruque.Mais, mon homme échoua !... Dans ce temps-là, moi-même,J'avais trouvé le mot d'un immense problème ;Il s'agissait, messieurs, par des moyens adroits,De semer les cheveux comme on sème les pois...C'était, grâce à l'emploi d'un nouveau cosmétique Où je faisais passer un courant magnétique : Le front le moins garni se meublait tout à coup...J'obtenais des cheveux, je crois, sur un genou ! Il ne me manquait plus que de trouver... la graine...Quand j'allais être, enfin, payé de tant de peine, [Note : Niasse : mot inconnu.]Ce niaffe !... Pardonnez, messieurs l'expresion,Elle rend assez bien mon indignation !Ce gredin !... Si l'on veut... s'empara de l'idée,Et, bientôt, sur les murs, je la vis, placardée.Le fruit de mon génie, un secret merveilleux ! Et qui n'est pas, je crois, tiré par les cheveux !...Fallait-il un toupet !... pour défendre ma cause,Je pris un avocat, dont on connaît la proseEt chez qui la parole est poussée un peu mieux Montrant une perruque chauve qu'il prend à gauche.Que sur son front, jamais, n'ont poussé les cheveux. Il met la perruque.Tenez, voilà son chef, c'est moi qui le cultive...Et, comme c'est nature !... on dirait la chair vive !...Quel crâne !... mais, aussi, quelle langue, grands Dieux !... Prenant à droite une perruque très fournie.Voici son adversaire : il a plus de cheveux,Mais, chez lui, la parole a pris un sens inverse : Il met la robe de chambre du côté noir.Il parle lentement... à la partie adverse,[Note : Digeste : Nom du recueil de décisions des jurisconsultes, composé par l'ordre de l'empereur Justinien, qui lui donna force de loi. [L]]Il cite, à tous propos, le digeste romain,Et, jusques à bonjour, il dit tout en latin. Il l'imite, et prend une chaise qu'il place devant lui en guise de tribune. LE FOURNI, avec un peu de lenteur. Messieurs du tribunal, en prenant la parole,J'ai dessein de combattre un affreux-monopole Qui tend à s'emparer du commerce français, .Et qui fait le sujet de ce honteux procès :De quâ re agitur ?... Quid vult notre adversaire ?Il veut, ipso facto, que l'on le considèreComme le seul auteur... unicus inventor, D'un procédé que nul n'a découvert encor.Contra calvitiam, il prétend qu'il s'exerce ?...Eh bien ! voyez le chef de l'avocat adverse,Et puis, voyez le mien !... et dites qui des deuxA trouvé le secret de semer les cheveux... Ce seul mot doit suffire à prouver l'artifice,Et mon client, dès lors, s'en rapporte à justice :Sicus intrinsecus capilo regitur !...Voilà pourquoi, Messieurs, notre procès est sûr ! Changeant de perruque. LE CHAUVE, avec énergie et volubilité. Messieurs du tribunal, mon éloquent confrère, Profond jurisconsulte, et savant adversaire, ,Est un âne, entre nous, qui, dans chaque procès.Se dédommage, en grec, d'être un sot en français.Ah ! Vous calomniez mon client, cher confrère !Savez-vous bien, Monsieur, quel est votre adversaire ? Savez-vous ce qu'il est, ce qu'il fait, ce qu'il vaut,Et tout ce qu'il contient dans son large cerveau ?Il termine un travail : grande nomenclature,Où les peuples anciens figurent en atlas,Et prouve que les Grecs doivent à leur coiffure, Les victoires de Sparte et de Léonidas !...La critique, après tout, n'a rien qui l'inquiète,Il saura du sujet atteindre la hauteur...Car, enfin, son travail est un travail de tête,Aussi bien que celui du plus savant auteur, Il n'a rien découvert, dites-vous ?... C'est possible !Mais, vous ne nierez point qu'il eût pu découvrir !Votre client prétend que son droit est visible...Le nôtre pourrait l'être, et je vais l'établir. Il retrousse ses manches.Lorsque Vitellius, ce chef plein de vaillance, À la mort de Galba prit le commandement,Rome ne consultant que sa reconnaissance... Tirant sa perruque et s'asseyant. LE PRÉSIDENT, avec une voix cassée. Avocat, permettez... Remettant sa perruque et se levant. LE CHAUVE. Monsieur le Président,J'ai le droit de plaider !... du moins je le suppose ?... Ôtant sa perruque et s'asseyant. LE PRÉSIDENT. Oui, mais en vous bornant aux seuls faits de la cause. Il remet sa perruque et se lève. LE CHAUVE. Je reste dans la cause et dans la question !C'est la cour qui s'oppose à là discussion !Je prends acte, messieurs, que je ne suis plus libre,Et que l'on a détruit, entre nous, l'équilibre !Je proteste, messieurs, déclarant, s'il le faut, Qu'avocat et client, nous faisons tous défaut !Là-dessus, mon farceur, se drapant dans sa robe, Il s'assied.Termine son discours d'une façon commode,S'assied tranquillement, tout fier de son succès,Et gagne cinq cents francs... en perdant mon procès. Il se lève et ôte la perruque et la robe. Air Voilà pourquoi Paméla m'abandonne,Pour un sauteur sans génie et sans coeur !Moi qui pour elle aurais conquis un trône,Et tout osé sans la moindre frayeur !Pour t'adorer, femme que j'idolâtre, J'aurais bravé le destin menaçantPour te servir, je me mettrais en quatre !...Que dis-je ?... Hélas ! Je me mettrais en sang ! Au public.Vous riez de cela ?... Moi, je suis loin d'en rire !...Contre moi, vous voyez, tout, ici bas conspire !... Oui ! Je n'ai qu'à mourir, devant son abandon !Je veux m'asphyxier !... il me faut du charbon ! Il prépare un fourneau.Du charbon... en voici :... Perruques bién aimées,Sur qui j'avais bâti toutes mes renommées.Vous, qui, pendant dix ans, soutîntes mon essor, Perruques, avec vous, je rentre dans la mort ! Il place ses perruques sur le réchaud.Le sort en est jeté !... comme Sardanapale,Je meurs sur ce bûcher d'une façon royale !...Mais, comme lui, je veux que mes femmes, hélas !Une seule !... une seule !... et je ne la vois pas !... Voyons, tout est bien prêt ?... Allant aux portes.Les portes sont fermées. Allant à la fenêtre.Les fenêtres aussi !... Les braises préparées... Prenant une chaise et la plaçant devant le réchaud.Une allumette ! Il la prend à droite et s'assied.Allons !... Se levant.J'ai bien l'honneur... S'asseyant.Adieu ![Note : Chimique : Allumettes chimiques, allumettes au phosphore et s'allumant par frottement. [L]] Allumant une chimique.Une !... Deux !... Trois ! Voilà !... C'est fini !... Joue !.., et feu !... Il va pour mettre le feu au charbon. On frappe.Qu'est-ce ? Que me veut-on ? LE VALET, du dehors. Ouvrez ! LE COIFFEUR. Il est étrange. Qu'on ne puisse mourir, sans que l'on vous dérange !Mais, pourtant, si c'était... quel consolant espoir !Je l'aime donc encore !... Ah ! Tant pis!... Voyons voir ! * Le Chauve, le valet. Il enlève le réchaud, le pose à droite, puis il ouvre. - Le valet entre, portant une tête à perruque coiffée et sur un pied.*Que me demandez-vous ? LE VALET. Monsieur, c'est une tête... LE COIFFEUR. Sa tête !... C'est la sienne !... Un moyen abrégé De me signifier qu'on me donne congé ! Au valet.Eh bien ! Que fais-tu là ? LE VALET, tendant la main. Pour le commissionnaire ? LE COIFFEUR, indigné. Et sa tête à la main, demande son salaire !Ah ! Tiens voilà deux sous, c'est plus que ça ne vaut Message et messager, dix centimes !... C'est trop ! Le valet sort en riant.Et je l'avais parée ainsi qu'une madone,J'avais, de ses cheveux, contourné la couronne,Dans ses tresses de soie, ainsi que dans mon coeur,J'avais crêpé l'espoir sous la forme de fleur !Ah ! Tu fus sans pitié ! Je le serai moi-même ! Il la dépouille.Oui ! Je t'en donnerai des peignes-diadème,[Note : Ruolz : Sorte de plaqué, ainsi dit de Ruolz inventeur. [L]]Des fleurs et des rubans, du Ruolz, des bijoux !...Tiens, cette fois, la paille est rompue entre nous !...Ah ! Je suis enchanté de l'avoir dépouillée !...Tu n'as plus rien à moi ! Ma vue est dessillée !... Et, pour mieux divorcer entre nous, à jamais,Tiens, voilà comme, enfin, je traite tes attraits ! Il la frappe. Soufflets, coups de poing. La tète s'ouvre ; un bouquet sort de la tête, une lettre tombe.Qu'est-ce que c'est que ça... des roses !... une lettre !... Il ouvre la lettre et lit.« Cher ange!... » S'arrêtant.Cher ange, c'est bien moi ! Il lit.« Par le concierge qui a été chercher du charbon, j'apprends, à l'instant, méchant, vos vilaines idées de suicide... Avez-vous pu penser que je préférerais un horrible perruquier à un artiste tel que toi ?... » S'arrêtant.Tel que toi !... Elle me tutoie !... Lisant.« J'ai inventé un nouveau moyen de correspondance secrète, ces quelques lignes sorties de ma tête... » Il regarde la tête.« Sont dictées par mon coeur !... Pardonne cette épreuve à celle qui est prête â se dire pour toujours, par devant monsieur le maire, ta petite femme! »« PAMÉLA CHABOULARD. »Mécanisme d'amour que nul ne peut connaître,Ô fortune !... voici ma gloire de coiffeur ! Et je te nommerai : la perruque facteur !Et toi qui l'inventas, ô toi, femme adorée !Ma noble Paméla !... Ma haine est abjurée!Ton époux, tu l'as dit : je le serai bientôt !...Ah ! je vole !... le temps de mettre un paletot ! Mon bonheur est complet, je vis ! je ressuscite !Charbon ! Je te méprise !... et vous, si je vous quitte,Perruques ! Je reviens !... Dans mon joyeux séjour,Je vous loge avec elle !... Elle et tout son amour !Le bel appartement dans lequel j'emménage, C'est son coeur qui remplit tout le premier étage ; La tenture en est fraîche et... je le crois tout neuf !...Et je signe, ce soir, mon bail de trois, six, neuf ! Air du commencement.Je suis coiffeur, et je me pique ;De m'être fait un beau renom ! Dans ce laboratoire unique,Nul n'entre sans courber le front !Sous les ciseaux, sceptre de ma puissance,Petits et grands s'inclinent tous les jours/.. Au public.Faites comme eux, en cette circonstance, Et revenez me refriser toujours !Ô toi que j'aimeD'amour extrême,Public charmant,Si bienveillant ! Que ta clémence,Pour récompense,Daigne accorder un encouragement !Je suis coiffeur et je me pique, etc... ==================================================