******************************************************** DC.Title = LE LUXURIEUX, COMÉDIE DC.Author = GRANDVAL, Charles-François Racot de DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/02/2021 à 07:00:08. DC.Coverage = Pays fantaisiste DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/GRANDVAL_LUXURIEUX.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE LUXURIEUX COMÉDIE AN ... POUR L'ANNÉE PROCHAINE ACTEURS VALÈRE, Luxurieux. ISABELLE, soeur de Valère. AGNÈS, jeune innocente. BIBI, cousine d'Agnès. BRANLARD, avocat, amant d'Isabelle. PAILLARDET, domestique de Valère. POUSSE, domestique de Valère. COURTAUT, Ami de Valère. LA BABINE, Ami de Valère. La scène est partout. LE LUXURIEUX. SCÈNE PREMIÈRE. Valère, Isabelle. ISABELLE. Vous verrai-je toujours plongé dans la luxure ? VALÈRE. Que voulez-vous ma soeur, je cède à la nature :Vous le savez, chacun a divers appétits,Vous êtes pour les grands, et moi pour les petits.J'entends les grands repas. ISABELLE. Que voulez-vous entendre ? Mon frère, en vérité je ne puis vous comprendre. VALÈRE. Vous ne sauriez comprendre. Eh ! vous avez de quoi.J'entends un grand esprit. ISABELLE. Vous vous moquez de moi. VALÈRE. Si vous ne comprenez. ISABELLE. Quels discours sont les vôtres ? VALÈRE. Vous pourriez bien du moins faire comprendre à d'autres. ISABELLE. Contre les voluptés j'ai toujours combattu,Et si quelques désirs attaquent ma vertu,C'est en dormant, jamais je n'y suis consentante. VALÈRE. En vous l'intention est toujours innocente ;Je vous entends. ISABELLE. Mais vous, toujours luxurieux, On vous voit nuit et jour hanter les mauvais lieux :Les femmes de ce temps épuisent bien les bourses. VALÈRE. Dans les miennes, ma soeur, j'ai de grandes ressources?Sans m'épuiser, j'en puis tirer ce que je veux. ISABELLE. Mon frere, en vérité, vous êtes bien heureux, Celles que vous payez sont encore plus heureuses. VALÈRE. Certes, je sais les rendre aussi bien amoureuses. ISABELLE. Mais c'est de votre argent. VALÈRE. Ah ! Ne le croyez pas ;Elles trouvent en moi, ma soeur, d'autres appas. ISABELLE. Quoi ! Vous me soutiendrez que cette charcutière N'est pas intéressé ! VALÈRE. Ha ! Ma soeur, au contraire,Elle a le coeur si bon, qu'en mille occasions,Pour avoir une andouille, elle offre deux jambons. ISABELLE. Je devine à peu près ce que vous voulez dire,Et la similitude a de quoi faire rire. VALÈRE. Où donc est le plaisant, à ce que l'on vous dit. ISABELLE. Vous enveloppez tout, avec que tant d'esprit :Deux jambons, une andouille, allons, passons, mon frère,Cette explication n'est pas fort nécessaire,Et malgré ma pudeur.... Mais voici Paillardet. SCÈNE II. Valère, Isabelle, Paillardet. VALÈRE. Eh bien, as-tu rendu ce matin mon billet ? PALLARDET. Oui, Monsieur, cette nuit vous pourrez voir JulieMadame Pommelée en vos mains la confie. VALÈRE. As-tu vu la Sitton, me fera-t-elle voir,Cette beauté charmante. PALLARDET. Oui, vous l'aurez ce soir, Et j'ai vu tout d'un temps, Madame Motteverte,Qui m'a dit avoir fait certaine découverte,D'un tendron de quinze ans ; ce sera pour midi Voilà, grâces au Ciel, ce jour bien accompli. VALÈRE. Songe donc à demain. ISABELLE. En vérité, mon frère, Vous allez vous tuer, je vous le réitère,Si j'en faisais autant, je serais sur les dents. VALÈRE. Vous le croyez, ma soeur ; allez, ces passe-tempsConservent la santé : regardez vos voisines,Madame Gobbedou, madame Greppeline, La comtesse ValbreuX, la Marquise Cognard :Ce jeu que vous blâmez les rend grasses à lard. ISABELLE. Je ne le blâme point ; mais je suis assez sagePour ne le point goûter, que dans le mariage. VALÈRE. Eh bien mariez-vous, j'en demeure d'accord : De vous en empêcher, vraiment j'aurais grand tort.Quel mari prenez-vous ? Est-ce le Capitaine ? ISABELLE. Non, nous sommes brouillés depuis une semaine. VALÈRE. Comment donc ? ISABELLE. Il m'a fait le plus infâme tourQu'on puisse jamais faire : il passait l'autre jour C'était le jour de l'an : Dès qu'il me voit paraître,Avec sa compagnie au bas de ma fenêtre,Il présente sa pique, il en fait mille tours,Me saluant au son des fifres et du tambour,De cette honnêteté j'étais assez contente, Mais à peine fut-il à la porte d'Orante,(Qu'il aime depuis peu) qu'avec un grand fracasIl fit tout à la fois tirer tous ses soldats.Ah ! J'en suis enragée. VALÈRE. Eh ! quoi ! cela vous pique ! ISABELLE. Comment donc devant moi venir branler la pique, Pour aller décharger ailleurs. VALÈRE. Le trait est noir. ISABELLE. Non mon frère, jamais je ne le veux revoir,Ce sont-là des affronts que jamais l'on n'efface. VALÈRE. Si bien que vous prendrez l'avocat en sa place,Mais c'est un ignorant. ISABELLE. Pas autant qu'on le croit. Il s'offre nuit et jour à me montrer le Droit ;Il débute par là. VALÈRE. Pourvu qu'il continue,Vous serez avec lui passablement pourvue,Vous concevrez bientôt. ISABELLE. Oui, j'ai l'esprit ouvert,Et de ce que j'y mets jamais rien ne se perd. VALÈRE. Allez donc, au plutôt finissez cette affaire :Adieu, ma chère soeur. ISABELLE. Jusqu'au revoir, mon frère. SCÈNE III. Valère, Paillardet. VALÈRE. Enfin nous sommes seuls, il faut te découvrir,Un dessein que j'ai, pour me bien réjouir,J'aime depuis huit jours, une jeune innocente Que tu ne connais point, elle est toute charmanteUn air, des yeux, un port, en elle tout enchante.Mais je n'en puis venir à bout sans l'épouser.Et en voilà assez pour me fair enragerJ'ai dit que mon tuteur était homme intraitable. Qu'il ne souffrirait pas une union semblable,Mais que pour le tromper, j'aurais un aumônier,Qui tous deux en secret, pourrait nous marier :Elle en est consentante, il faut je t'en conjure,Que de cet aumônier tu prennes la figure, Et tu nous marieras. PALLARDET. Oui dà, je le veux bien,Ce tour sera bouffon. VALÈRE. Pour qu'il n'y manque rienIl faudra deux témoins, ce que je m'imagine. PALLARDET. Eh bien prenez Courtaut, avecque la Babine,Ils sont de nos amis, et leur plus grand désir, Est dans l'occasion de nous faire plaisir. VALÈRE. Mais il nous faut quelqu'un pour faire le notaire. PALLARDET. Oh ! Quant à celui-là, Monsieur j'ai votre affaireMon camarade Pousse était clerc ci-devant,Pour dresser un contrat, il est assez savant, Mais, quand vous serez fou de tout ce badinage. VALÈRE. Tu prendras cette fille, après en mariage. PALLARDET. Moi monsieur ? VALÈRE. Pourquoi non, va tu seras content. PALLARDET. Mais, dites-moi, Monsieur, a-t-elle du comptant ? VALÈRE. Je crois son fonds petit. PALLARDET. Moi, j'ai fort peu d'avance / Je ne veux pas monsieur, vivre dans l'indigence. VALÈRE. Elle a cinq cents francs. PALLARDET. Je n'en ai guère plus,Voyez quand nous aurions ensemble mille écus,Que diable ferons-nous. VALÈRE. Ne te mets point en peine,Laisse-moi seulement, prendre mon droit d'aubaine Tu seras satisfait, mais vas chez un fripier,Louer tout au plus tôt un habit d'aumônier.Moi je prends le moment que ma soeur est absente,Pour aller là-dedans sonder notre servante,Elle est farouche un peu, mais je crois après tout, Avec quelques effets, j'en viendrai bien à boutSi non, j'irai chercher, quelque dondon jolie,Pour peloter toujours, en attendant partie. SCÈNE IV. PAILLARDET, seul. Ha ? J'irai peloter je devine bien où. Ha ? Qu'il fait bien la paume, il tire droit au trou. Quelquefois au derrière, il sait prendre la bisque,Saisir la balle au bond sans courir aucun risque.Il force rudement, il a de si grands coups,Que qui joue avec lui, a toujours le dessous.Mais que vois-je, qu'elle est cette beauté charmante, Que je ne la connais point, serait-ce l'innocente. SCÈNE V. Agnès, Bibi, Paillardet. AGNÈS. Monsieur Valère est... PALLARDET. Il sort dans ce moment,Je ne me trompe pas, c'est elle assurément. AGNÈS. Reviendra-t-il bientôt. PALLARDET. Il ne tardera guère,Avez-vous avec lui quelque importante affaire. AGNÈS. Je suis venue ici pour me faire épouser. PALLARDET. Et bien si c'est cela, daignes vous reposer.Je m'en vais le chercher. SCÈNE VI. Agnès, Bibi. AGNÈS. Ha : ma chère cousine. BIBI. Eh comment donc toujours je te verrai chagrine Pourquoi tant soupirer. AGNÈS. Mon mal n'est pas petit,Ha ? Que si tu savais tout ce qui m'est préditTu serais effrayée autant que moi je gage. BIBI. À raconter ses maux, souvent on se soulage. AGNÈS. Mon songe est bien étrange, et je ne pense pas, M'être jamais trouvée, en un tel embarras :Je l'ai vu cette nuit, cet amoureux Valère,Un poignard à la main, et tout prêt à me faireQuelque sanglant outrage : il n'était point vêtuDe ses habits dorés, il m'a paru tout nu. [Note : Imitation du vers 273 de Phèdre de Jean Racine : "Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue."]J'ai pâli, j'ai rougi de honte, à cette vueJe me suis écriée, hélas ? Je suis... perdue :Mais lui sans s'émouvoir, il faut passer le pasM'a-t-il dit. Ah ! Aimez-vous les combatsAi-je dit c'est ailleurs, que vous devez combattre, Car tout du premier coup, vous me pourriez abattre :Enfin poussant sa pointe, et suivant son transport,Il m'a prise à la gorge, et du premier effort,Il m'a mise par terre, et m'ayant renversée,Du poignard qu'il avait, m'a coup sûr coup percée. Tout ce que je sentais, m'empêchait de parler,À peine mes soupirs, se pouvait exhaler,Pourtant à mon secours, j'ai réclamé mon père :Hélas ? Dans ce moment, il poignardait ma mère,Il ne m'écoutait pas, poursuis donc inhumain, Puisqu'on te laisse faire, achève ton dessein,Ai-je dit au cruel, égorge la victime,Enfin jusques au bout, ayant poussé son crime,Sans vie il m'a laissée, après ce long combat,Et je me suis trouvée, en un piteux état. Je me suis éveillée, accusant la nature,De m'avoir abusée, avec cette imposture,Je ne sais ni comment, ni quand j'ai fait cela,Mais je sais que j'étais tout en eau et voilà.Quel est mon songe, explique?le, cousine. BIBI. Hé moi pour le poignard aisément je devineC'est victoire, d'abord ; homme nu c'est désir,Et la fille percée, on dit que c'est plaisir.Voilà ce que j'en sais. AGNÈS. Eh dis-moi, je t'en prie,As-tu fait quelque songe aussi pendant ta vie ? BIBI. Si la mémoire peut me les rendre présents,Je vais t'en raconter des plus extravagants.Il n'est chose d'abord, dans toute la nature,Dont tour à tour je n'aie en dormant la figure.Je me vois chaque nuit dans un pays nouveau, Je me trouve serpent, arbre, poisson, oiseau.Si je me vois jument, un maquignon me dompte,Un palfrenier me sangle, un cavalier me monte,Si je me vois perdrix, un bon tireur m'abatÀ moins que son fusil ne vienne prendre un rat. Je suis porte, ou maison, montée ou cheminéeL'on me couvre, l'on m'ouvre, où je suis ramonée,L'on va, l'on vient et tout au long du jourChacun à son plaisir peut me faire le Cour :Aiguille, l'on m'enfile ; et son, l'on me ressasse ; Noix muscade, on me rape ; et poivre on me concasse.Compote, l'on me sucre ; et prune, on me confit ;Frontière, on m'avitaille ; et brèche, on m'élargit.Déchirure, on me coud ; tonneau, l'on me bondonne ;Beurre frais, on m'étend ; et barbe, on me savonne. Air de cour, air à boire, air de Pont-Neuf, flon-flon. Je m'accorde toujours au son du violon.Gaillarde, franguenard, loure, branle, chacone.Celui-ci me solfie, et cet autre, m'entonne.Enfin air Italien, ou sonate, ou motet, M'ayant bien fredonnée on tourne le feuillet. AGNÈS. Que tu souffres alors, je te plains, ma cousine. BIBI. Oui je souffre au-dessus, de ce qu'on s'imagine. AGNÈS. Mais que dis-tu, cousine, aux auteurs de tes maux,Ne les traites-tu pas, d'inhumains, de bourreaux, Comment les nommes-tu, souffrant un tel martyre ? BIBI. Ha ! Mille fois j'en souffre, et souffre sans rien dire.Mais quelqu'un vient ici ; cousine, taisons-nous. AGNÈS. C'est Valère lui-même. SCÈNE VII. Valère, Agnès, Bibi, Paillardet, déguisé en Aumônier ; Pousse, en Notaire ; Courtaut et La Babine, Témoins. VALÈRE. Ha ? Ma belle c'est vous :Je conduis avec moi, l'Aumônier, le Notaire, Et les témoins qu'il faut pour finir cette affaire. POUSSE, en Notaire. De vos conventions, suffisamment instruit,J 'ai rédigé le tout dans la forme qui suit :Voici votre contrat, que j'ai fait en deux lignes. Il lit le contrat.Fut présent devant nous, Messire Jean des Vignes, Chevalier de Valière et Seigneur de Conneaux,Des Blondins, des Grisons, Roussillons, Moricaux,Noble et puissant Seigneur ; Baron, Seigneur de la Ménotre,Comte de Saint-Vitaux et pays de la Motte,Marquis de Braquemart, Grand-Prieur de Nonnains, Grand Vidame D'Enconne et lieux circonvoisins.Et Demoiselle Agnès, Gripbiche Coniboingre,Lesquels charnellement désirant de se joindre,Par le présent contrat, renonçant, approuvant,Sont demeurés d'accord, des articles suivans. Primo. Ladite Agnès apporte en mariage,Un champ clos dont la terre est propre au labourage,Un pré prêt à faucher, et deux petits moulins,L'un à l'eau, l'autre à vent, et tous deux fort voisins,Séparés par un pont, de structure bizarre, Où fort souvent le voyageur s'égare ;Un bâtiment moderne, et percé comme il faut,Bien conditionné, de bas jusques en haut.Pour meubles un chambranle, et des plus beaux qu'on fasse.Item un tour de lit, avec la bonne grâce, Travaillé à l'aiguille, entouré d'un mollet.Item plusieurs habits, un tout neuf, un qu'on fait.Le tout entretenu dans l'état qu'il doit être,Et que ledit Valère a déclaré connaître,Pour avoir plusieurs fois visité le terrain, Et touché le susdit contenu de sa main :Reconnaissant qu'il est tel qu'on le lui détaille,Voulant qu'avec vigueur le présent contrat vaille,Assisté du bon droit, ainsi que de raison,Passé pardevant Pousse et Drac son compagnon ! Il s'agit de signer, maintenant. VALÈRE, signe. Je commence. AGNÈS, prenant la plume. Je vous dois suivre mais ? Je tremble par avance :Où mettrai-je mon nom. POUSSE. Cela dépend de vousMais la femme toujours, doit se mettre dessous,Et les témoins au bas, Courtau,t et la Babine, Signez-vous, s'il vous plaît, place pour la cuisine.Voilà le contrat fait, la célébration,Doit suivre et tout d'un coup, la confirmation :Ça, monsieur l'Aumônier, conjoignez les parties. PALLARDET. Je ne chercherai pas, tant de cérémonies, Ce sont formalités que l'on observe après ;Valère, voulez-vous pour votre épouse Agnès ? VALÈRE. Oui Monsieur. PALLARDET. Vous Agnès pour votre époux Valère ? AGNÈS. Oui, monsieur. PALLARDET. C'est assez, voilà tout le mystèreTouchez-vous dans la main, mettez au doigt l'anneau, Allez, couchez ensemble... Ego vos conjungo. AGNÈS. Jusqu'au revoir, cousine. BIBI. Adieu, ma chère amie,Porte-toi bien, le Ciel te donne longue vie ! VALÈRE. Je vois ma soeur, passons dans mon grand cabinet.Elle est un peu fâchée, et j'en sais le sujet Mais je l'apaiserai. SCÈNE VIII. Isabelle, Barbe. ISABELLE, en colère. Sans tarder davantageAllons, Barbe, sortez, retournez au village,Comment sur mon sopha, de velours cramoisi Tantôt avec mon frère... BARBE. Hélas ? Il l'a choisi,Car je m'étais d'abord mise sur une chaise, Barbe, ce m'a-t-il dit, foutons-nous à notre aise,Ha ! Monsieur, ai-je dit, non, je n'en ferai rien :Je suis fort bien ici ; n'est?on pas toujours bien,Partout où l'on se trouve, après bien de prières,Et bien de compliments de toutes les manières, Et Barbe par ici, et puis Barbe parle là,Il m'a tout droit poussée au milieu du sopha,Il a fallu s'y foutre. ISABELLE. Ha ! Que de verbiage,Je vous donne congé sans tarder davantage.Que tout dans cet instant d'ici soit délogé. BARBE. Après tant de service, ah ! bon Dieu quel congé ! SCÈNE IX. Isabelle, Branlard. BRANLARD. Qu'est-ce donc quoi, qu'avez-vous mon aimable ? ISABELLE. Je ne veux plus de Barbe, elle est insupportable. BRANLARD. Plus de Barbe, comment pouvoir vous en passer ? ISABELLE. Elle me chauffe plus qu'on ne saurait penser, Il faut toujours qu'on crie et qu'on sue avec elle. BRANLARD. Quoi ! L'auriez-vous surprise à n'être pas fidèle ? ISABELLE. Puisqu'il faut m'expliquer, mon frère est son amant,Et je les ai surpris ensemble en ce moment. BRANLARD. Quoi ! C'est là le sujet qui vous met en colère, C'est une bagatelle, allez, laissez-les faire. ISABELLE. Mon frère a peu d'honneur. BRANLARD. Ho ! Bien c'est pour celaQu'il en cherche partout. ISABELLE. Fort bien, il est bon là. BRANLARD. Allons, pour cette fois il faut lui faire grâce. ISABELLE. Mais vous qui me parlez, mettez-vous en ma place, Que diriez-vous trouvant une fille chez vous,Sur un sopha pâmée, un homme à ses genoux,Promenant ses regards dessus sa gorge nue ? BRANLARD. Entre nous, je dirais, que la fille est.... perdue. ISABELLE. Oui, mais que feriez-vous en les voyant tous deux ? BRANLARD. Ma foi je banderais... tout aussitôt les yeux. ISABELLE. Mais vous déchargeriez... du moins votre colère,Sur la fille.... BRANLARD. Ha ! C'est ce que je voudrais bien faire.Deux ou trois coups de verges, afin de lui montrer. ISABELLE. C'est bine dit, sur ce pied, elle pourra rentrer, Mais parlons d'autres choses : à quand notre hyménée ? BRANLARD. Ha ? Madame, il en faut reculer la journée ;Je suis un malheureux qui ne mérite pasDe posséder sitôt d'aussi charmants appas.Je suis dans un état. ISABELLE. Achevez je vous prie, Auriez-vous attrapé quelque galanterie ? BRANLARD. Hélas ! Vous l'avez dit, j'en suis au désespoir,Me croyant pour jamais privé de vous revoir.Un capitaine ayant le bonheur de vous plaire,J'ai voulu me guérir d'un amour téméraire, Ha ! Quelle guérison, je m'en sens en ce jour,Tourmenté par un mal plus cuisant que l'amour. ISABELLE. Et qui vous a guéri de cette étrange sorte ? BRANLARD. Une jeune beauté, que le diable l'emporte,Que la peste la crève , hélas ! la caressant, Innocence pudeur, esprit doux, complaisant,Je trouvais tout en elle. Ah ! la double traîtresse,Dans le plus doux transport d'une vive tendresse.Quand elle me disait, souvenez-vous de moi,Elle avait bien raison, il m'en souvient, ma foi. ISABELLE. Allez, mon cher Branlard, c'est une bagatelle,Il n'en faut plus qu'autant. BRANLARD. Que vous êtes cruelle,De me railler encore. ISABELLE. J'ai grand tort en effet. BRANLARD. Prenez-vous en à vous de tout ce que j'ai fait. ISABELLE. Ce n'est pas tout j'en veux régaler mon frère, Il vient fort à propos. BRANLARD. Comment, qu'allez-vous faire ? ISABELLE. Vous ne sauriez avoir trop de confusion,Et de votre pardon c'est la condition. SCÈNE X. Valère, Isabelle, Branlard. VALÈRE. Ha ! Ma soeur prenez part à ma bonne fortune,Vous allez avouer qu'elle n'est pas commune, Vous l'allez voir. Ah ! Et c'est vous Monsieur Branlard,Je veux de cette vue aussi vous faire part. ISABELLE. Ma foi, Monsieur Branlard n'a pas sujet de rire :Il pleurerait plutôt. VALÈRE. Que me voulez-vous dire ? ISABELLE. Il a d'une beauté reçu certain présent : En un mot, il en tient. VALÈRE. Le tour est fort plaisant.Eh voilà ce que c'est de courir les Donzelles,Faites tout comme moi, dénichez les pucelles :Il s'y trouve, il est vrai, de la difficulté,Il faut pour triompher un peu de fermeté. Quand la vertu s'écarte et que le vice glisse,Les combats sont sanglants avec une novice,Mais on en a l'honneur, je viens de l'éprouver,Avec celle qu'ici vous voyez arriver. SCÈNE XI. Valère, Isabelle, Agnès, Branlard. BRANLARD. Que vois-je ? Est-ce là la conquête nouvelle ! Ho ! Parbleu pour le coup, vous en avez dans l'aile,C'est elle justement qui m'a si mal traité. VALÈRE. Que me dites-vous là ? BRANLARD. Je dis la vérité. VALÈRE. Agnès, connaissez-vous ce monsieur ? AGNÈS, à part. Ha ! Je tremble. VALÈRE. Parlez, avec-vous eu quelque commerce ensemble ? AGNÈS. Je ne le sais pas bien. VALÈRE. Il faut s'expliquer net,Connaissez-vous Monsieur ? AGNÈS. Hé ! Non pas tout à fait. Bas à Branlard.Monsieur ne dites pas au moins, je vous en prie,Tout ce qui s'est passé. BRANLARD, en colère. La prière est jolie :Cela serait fort bon, s'il ne m'en coûtait pas. Mais l'état où je suis. AGNÈS. Ha ! Parlez donc plus bas. BRANLARD. Que je parle plus bas, parbleu je vous admire :Il n'est pas nécessaire, et je viens de tout dire.Et j'en sens encor plus, que tout ce que j'ai ditÀ te voir qui n'eut cru trouver le pie au nid. AGNÈS. Monsieur, excusez-moi, ce fut par innocence. VALÈRE. Sortez d'ici, perfide, ou craignez ma vengeance. SCÈNE XII ET DERNIÈRE. Valère, Isabelle, Branlard. ISABELLE. Mon frère, en vérité, vous méritez cela,Mais je plains cependant l'état où vous voilà. VALÈRE, en fureur. Enfin je suis donc pris, qui l'eût pu jamais croire, Je viens de remporter une belle victoire,Je puis bien m'en vanter, ha ! Triste souvenir,Quel transport me saisit ! Je perce en l'avenir,Je vois déjà, je vois cette Déesse immonde,Que l'enfer enfanta, pour tourmenter le monde. La pâleur l'accompagne, et ses avant-coureursViennent me préparer, à toutes ses fureurs.Déjà je vois couler le poison qu'elle apprête,Les yeux de ses serpents m'environnent la tête,Ses deux jeunes coursiers, s'élancent contre moi, Bouffis, gonflés de rage, ils me glacent d'effroi :En ce cruel état, ô ciel ! que dois-je faire ?Ha ! Barbare autrefois, tu fis mourir mon père.Mais je la tiens. ISABELLE. Ho ! Dieu quels étranges transports !Ha ! Pour le secourir employons nos efforts. VALÈRE. Fils de Jupiter, redoutable Mercure,J'implore ton secours, dans ma triste aventure.Mille et mille bon vis affligés comme moiDans leur malheureux sort n'ont eu recours qui toi,En ce puissant danger je réclame ton aide ; Mais avant d'en venir à ce cruel remède,Vengeons-nous, cher Branlard , au milieu de nos maux ;Allons nous signaler par des exploits nouveaux ;Ne perdons point de temps, courons de belle en bellePromener le présent d'une beauté cruelle, Nous pouvons désormais, sans courir le hasard,De ce fatal présent en tous lieux faire part,Puisqu'un sexe perfide, aujourd'hui nous le donne,Il ne faut pas du moins rien devoir à personne,Rendons avec usure, il faut que dans ce jour, Puisqu'il vient de la flûte, il retourne au tambour. BRANLARD. Oui, c'est bien dit ; allons, que rien ne nous arrête,Reprenons du courage, et du poil de la bête. Ils s'en vont. ISABELLE, au parterre. Messieurs, le Ciel vous offre, un bel exemple aux yeux ;Après cela malheur à tout LUXURIEUX. ==================================================