******************************************************** DC.Title = PRADON, SIFFLÉ, BATTU ET CONTENT, COMÉDIE ANECDOTE, EN UN ACTE ET EN VAUDEVILLES. DC.Author = JACQUELIN et PHILIDOR DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 13:08:08. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/JACQUELINPHILIDOR_PRADON.xml DC.Source = http://contentdm.warwick.ac.uk/cdm/compoundobject/collection/Revolution/id/19793 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** PRADON, SIFFLÉ, BATTU ET CONTENT COMÉDIE ANECDOTE, EN UN ACTE ET EN VAUDEVILLES AN VIII. PAR J. A. JACQUELIN ET PHILIDOR R** Représentée pour la 41ème fois, à Paris, sur le Théâtre des Jeunes Artistes, le 16 Thermidor an VIII. COUPLET D'ANNONCE. Air : De la pipe de Tabac. AUTEUR de mainte Tragédie, Autrefois PRADON fut sifflé ; Depuis qu'il a perdu la vie, Plus d'un siècle s'est écoulé : Mais sa douleur serait profonde Si, rappelé de son tombeau, Il revenait dans ce bas monde, Pour être sifflé de nouveau. PERSONNAGES PRADON, Auteur du siècle de Louis XIV. ANGELINE, sa fille. VALCOUR, jeune Officier, amant d'Angéline. DUTREMBLET, vieux Militaire, ami de la maison. CHAPELAIN, vieux Auteur, avare. Caricature. Le Théâtre représente la chambre dite de Molière. VAUDEVILLE EN UN ACTE. SCÈNE PREMIÈRE. Angéline, Detremblet. DUTREMBLET. Tranquillisez-vous, Angéline, votre père va rentrer, et je ne doute pas que mes sollicitations ne fassent sur lui ce que n'ont pu faire les vôtres. ANGÉLINE. Puis-je espérer qu'il m'unira à Valcour, à ce jeune officier que j'aime depuis si longtemps, lorsque son engouement pour Chapelain, se fortifie de jour en jour. DUTREMBLET. Air : De la Monaco.Belle Angéline,Rassurez-vous ;En vain Chapelain vous chagrine,Je vous destineDes noeuds plus doux, Valcour seul sera votre époux. ANGÉLINE. Ah ! Mon ami, dois-je vous croire ? DUTREMBLET. Oui, je veux que son front, un jour, Unisse aux lauriers de la gloire,Les myrrhes heureux de l'amour.Belle Angéline, etc. Eh ! Quoi ? Je souffrirais qu'un rimeur l'emportât sur un militaire, que j'ai guidé dans le sentier de l'honneur, non vraiment. Ami de Pradon depuis longtemps, j'ai des droits à sa confiance ; je prétends les faire valoir aujourd'hui, pour assurer votre bonheur. ANGÉLINE. Mais, comment décider mon père en faveur de Valcour, qu'il ne connAît pas, et qu'il n'a jamais vu ? DUTREMBLET. Je le lui aurais déjà présenté, sans son entêtement à vous unir à Chapelain, son confrère ; mais j'attends Valcour en ces lieux, mieux que personne, il saura plaider sa cause auprès de votre père. ANGÉLINE. Ah ! Que d'obstacles j'entrevois encore à notre union. DUTREMBLET. Le réussite n'en sera que plus agréable pour tous les deux. Air : Ah ! oui, l'amant le plus parfait, de Scarron.Au bonheur de jeunes amants,Un père apporte des obstacles,On pleure, on gémit quelque temps,Mais l'amour lève les obstacles ;Avant l'hymen c'est un malheur De toujours trouver des obstacles....Le jour d'hymen il est flatteurDe rencontrer quelques obstacles. ANGÉLINE. J'entends la voix de Chapelain, je me retire pour éviter sa présence. Elle sort. SCÈNE II. Dutremblet, Pradon, Chapelain, entrant, l'un par le côté et l'autre par la porte du fond. PRADON. Ah ! Mon cher Chapelain, je tremble, c'est aujourd'hui le grand jour; c'est aujourd'hui qu'Electre venge la mort de son père. DUTREMBLET, à Pradon. Quel pas mal assuré ; le jour d'une première représentation ; cela présage une chute. CHAPELAIN. Pradon ; une chute, je suis loin de croire que cela lui arrive... Cependant, mon cher Pradon, le public m'effraye pour toi. Air : Du vaudeville de Jokei.Je puis te parler en ami,Sois plus soigneux qu'a l'ordinaire, Et dans ta pièce d'aujourd'huiNe fais pas quelque erreur grossière,On sait que bien souvent tu metsDes villes d'Afrique en Asie. PRADON. [Note : Cette confusion entre géographie et chronologie est un anecdote qui circulait du vivant de Pradon. On peut la lire dans Le Dictionnaire portatif historique et littéraire des théâtre de Leris (1763).]Que veux-tu, mon ami, jamais Je n'appris la Chronologie. Bis. DUTREMBET. Tu le prouves bien. PRADON. [Note : Electre (Pradon, Nicolas) : Est une tragédie en cinq actes de Pradon représentée pour le première fois le 17 décembre 1677 à l'Hôtel Guénégaud.]Je veux prouver aussi que je suis fécond, et si mon Electre succombe, j'ai un autre tragédie toute prête à relever ma gloire. Air : Le plaisir qu'on goûte en famille.Par quelques ouvrages connus,Si j'ai su plaire à Melpomène,[Note : Régulus (Pradon, Nicolas) : Est une tragédie en cinq actes de Pradon représentée pour le première fois le 4 janvier 1678 à l'Hôtel Guénégaud.]Je prétends que mon Régulus,M'immortalise sur la scène. DUTREMBLET. Régulus ! Quel titre as-tu pris,Il n'est pas d'un heureux présage ;[Note : Régulus : Général romain, consul en 267 et 256 avec J.-C. Dans son deuxième consulat, il battit les Carthaginois près d'Ecnome en Sicile avec son collègue Manlius Vulso. ]Crains que Régulus, à Paris,N'ait le sort qu'il eut à Carthage. PRADON. C'est bon, c'est bon, monsieur le plaisant. CHAPELAIN. Les craintes de monsieur Dutremblet sont fondées, Pradon a des ennemis. DUTREMBLET. La prévention du moins est contre lui; je crains qu'on siffle, non pas parce que la tragédie sera mauvaise, mais parce qu'elle sera de Pradon. PRADON. Que d'Auteurs ne sont pas comme moi, et dont le nom seul soutient l'ouvrage. Mais, j'ai quelques corrections à faire à ma tragédie de Régulus, je passe dans mon cabinet ; excusez si je vous laisse... Je me sens en verve.... Il faut saisir l'instant du génie. DUTREMBLET. Je suis désespéré de ne pouvoir tenir compagnie à monsieur Chapelain, quelques soins m'appellent au dehors. CHAPELAIN, à Pradon. Tu me permets d'attendre ici le moment où je pourrai présenter mes hommages à ton aimable fille ? PRADON. Au point où nous en sommes, tu badines ? Sans adieu. Pradon sort d'un côté et Dutremblet de l'autre. SCÈNE III. CHAPELAIN, seul. Je vais donc épouser la charmante Angéline, c'est un trésor, mais il épuisera le mien ; une femme est une chose très chère... Quand il n'y aurait que la noce... Rien n'est ruineux comme une noce. Air : Lubin a la préférence.Grands dieux ! Que ce mariage, En objets superflusVa me coûter d'écus!Rien que d'y penser, j'enrage,[Note : Crésus : dernier roi de Lydie, de la race des Mermandes, célèbre par ses richesses, monta sur le trône en l'an 559 avant JC, et partagea son règne entre les plaisirs, la guerre et les arts. [B]]Il faudrait être un Crésus.On ne peut conter sans doute Tout ce qu'une femme coûte,Ce sont mille objets,Des colifichets,Mantelets,Bracelets ; Bonnets ;Pour la parer a-t-on souvent,Fait maint présent,Femme à l'instantBienfaisante, et reconnaissante, En ce pays-ci,Veut parer aussiVeut parer aussiLe front de son mari.Mais je prendrai mes mesures, et je dirai à ma femme : m'amour. Air : De la Baronne.De ta coiffure, Si je supporte tout les frais,C'est sans intérêt, je t'assure,Ainsi ne te charge jamaisDe ma coiffure.Mais Angéline ne vient point, allons la surprendre. SCÈNE IV. Chapelain, Valcour. VALCOUR. Pardon, monsieur, je croyais trouver ici monsieur Dutremblet ; mais ne seriez-vous pas monsieur Pradon ? CHAPELAIN, à part. Que veut cet officier ? Haut.Non, monsieur. VALCOUR. Ne pourrais-je point parler à mademoiselle sa fille ? CHAPELAIN. À mademoiselle sa fille, monsieur !... Eh ! Que lui voulez-vous ? VALCOUR. Votre demande est au moins indiscrète. CHAPELAIN. Non monsieur, elle ne l'est pas, car je dois m'assurer de celle qui dans peu sera mon épouse. VALCOUR, le toisant. Votre épouse ?... Vous voulez plaisanter, je pense. CHAPELAIN. [Note : Chapelain, Jean [1595-1674] : Poète français, né à Paris en 1595, mort en 1674, était fils de d'un notaire. Il voulut mettre la sceau à sa gloire par un poème épique et composa La Pucelle, à laquelle, il travailla, trente ans ; cette oeuvre parut enfin en 1656 ; elle eut d'abord un assez grand débit, mais elle fut bientôt jugée ; toute le réputation du poète s'évanouit, et il ne fut plus qu'un type de ridicule.Académicien, Chapelain était d'une avarice extrême. [B]]Non, monsieur, je ne plaisante point, connaissez mieux Chapelain, l'Auteur de la Pucelle. VALCOUR. Air : Non, je ne ferai point ce qu'on veut que je fasse,Je ne m'attendais pas à vous rendre visite, Permettez donc, monsieur, que je vous félicite:"La Pucelle est sans-doute un ouvrage charmant,Mais je ne sais pourquoi je baille en la lisant." CHAPELAIN. Air : Du vaudeville des bruits de paix.Allez-vous répéter ici,De Boileau les sottises ? VALCOUR. Monsieur, il n'en est point ainsiDe toutes vos sottises;Mais comme Boileau les écrit,Écrivez des sottises,Et vous verrez les gens d'esprit Répéter vos sottises. CHAPELAIN. Qui êtes vous donc monsieur, pour me railler ainsi ? VALCOUR. Votre rival. CHAPELAIN. Je suis préféré. VALCOUR. Par qui? CHAPELAIN. Par le père. VALCOUR. Et moi, par la fille. CHAPELAIN. Puissant avantage sur moi ! VALCOUR. J'ai le coeur. CHAPELAIN. J'aurai la main. VALCOUR. Il faudrait en être digne. CHAPELAIN. Monsieur, seriez-vous venu ici, tout exprès, pour me dire des injures. VALCOUR. Non, monsieur, j'avoue que vous n'êtes point l'objet de ma visite. Si j'avais crû ne trouver ici que monsieur Chapelain, j'aurais fort bien pu ne pas me déplacer. CHAPELAIN, d'un ton de voix élevé. Ah ! Ç'en est trop. Je vous laisse le champ libre, mais nous verrons bientôt, monsieur le Militaire, qui de vous ou de moi aura le droit d'être ici ; entendez-vous monsieur. Il sort. SCÈNE V. Valcour, Angéline, accourant au bruit. ANGÉLINE. Quoi ! Valcour, c'est vous ? VALCOUR. Permettez-moi, belle Angéline... ANGÉLINE. Avec qui donc disputiez-vous ainsi ? VALCOUR. Avec l'illustre Chapelain. ANGÉLINE. Quelle imprudence, mon père pouvait vous entendre et ne vous connaissant pas, qu'eût-il pensé de ces débats. VALCOUR. Excusez-moi, mademoiselle ; mais, pouvais-je voir de sang-froid un rival me disputer votre coeur. ANGÉLINE. Pourquoi vous offenser de ses ridicules prétentions, puis-je seulement établir une comparaison entre vous et lui ?... VALCOUR. Vous me rassurez. ANGÉLINE. Je puis refuser la main de Chapelain, et résister aux ordres de mon père à ce sujet, mais je ne puis le forcer à vous accepter pour gendre ; ce qui me fait craindre le plus, c'est votre peu de fortune... Mon père n'entendra pas raison la-dessus. Air : Si Dorilas contre les femmes.Il sait trop bien que la richesseN'est point l'idole des guerriers ;La gloire, voilà leur déesse,Leurs trésors, ce sont leurs lauriers. Leurs trésors, ce sont leurs lauriers. VALCOUR. Oui, je conviens ma tendre amie,Que pour moi Plutus n'a rien fait.Tout mon capital est la vie,Le Plaisir en est l'intérêt. Le Plaisir en est l'intérêt.Voilà pourquoi je suis si pressé de voir unir mon sort au vôtre, et je venais me présenter à votre père pour lui faire la demande de votre main. ANGÉLINE. Ah ! Mon cher Valcour, vous n'avez pas choisi un moment favorable ; je crains que mon père, préoccupé de sa pièce, que l'on va jouer ce soir, ne refuse de vous entendre. VALCOUR. Quoi ! La pièce nouvelle est de Monsieur Pradon. ANGÉLINE. Oui, mon cher Valcour, mon père est auteur d'Electre. VALCOUR. La pièce réussira sans doute. ANGÉLINE. Il a des envieux, des ennemis. VALCOUR. Pradon, n'en est pas moins homme de mérite, et n'a d'autre tort que d'être contemporain de Racine, mais celui qui a balancé la réputation de ce grand homme, ne l'eût-il fait que vingt-quatre heures, aura toujours des droits à l'immortalité. ANGÉLINE. J'aime à vous voir une pareille opinion, elle ne fait qu'accroître ma tendresse pour vous. VALCOUR. Vous m'enchantez, belle Angéline, puisse votre père souscrire à notre union, mais souffrez que je vous quitte, je cours au spectacle applaudir la pièce de votre père, j'ai intérêt à ce qu'elle réussisse ; car, dans l'ivresse de sa joie, Pradon sera plus disposé à couronner notre amour... Il croira faire encore un dénouement. ANGÉLINE. Je le désire autant que vous. VALCOUR, lui baisant la main. Sans adieu, mon adorable Angéline. Il sort. SCÈNE VI. ANGÉLINE, seule. Et c'est à Valcour, ce jeune et aimable militaire, que je préférerais Chapelain, ce vieux poète ? Non, non ! Air : Enfant chéri des dames.Valcour est militaire,Je l'aime avec raison,Mars aux belles sait plairePlus souvent qu'Apollon. Plus souvent qu'Apollon.Plus souvent qu'Apollon.Plus je vois Valcour, plus je l'aime,Lui seul rend mon bonheur parfait,Pour Chapelain, il n'en est pas de même, Mon coeur gémit quand il parAît,Et malgré son amour extrêmeSes petits soins sont sans effet.L'un est dans la vieillesse,L'autre est dans la jeunesse. Plus que l'hiver le doux printemps nous plaît,Valcour est militaire,Je l'aime avec raison;Mars aux belles sait plairePlus souvent qu'Apollon. C'est Valcour que j'adore,Mon coeur brûlant d'amour,Craint de ne pas encoreAimer assez Valcour.Mais, ô ! Sort, tu t'opposes A c'est noeuds assortis,Hélas! au lieu de rosesJ'aperçois des soucis.Oui, sans Valcour, je ne vois que soucis,Ce jeune militaire, Me charme avec raison,Mars aux belles sait plairePlus souvent qu'Apollon. SCÈNE VII. Angéline, Dutremblet. ANGÉLINE. Ah ! Monsieur Dutremblet, quel dommage que vous vous soyez absenté. DUTREMBLET. Quoi ! Valcour serait-il déjà venu ? Ce n'est pas l'heure que je lui ai donnée pour le présenter à votre père. ANGÉLINE. Les amants ne sont jamais en retard. DUTREMBLET. C'est bien assez de l'être lorsqu'ils sont époux ; mais pourquoi donc Valcour est-il parti ? ANGÉLINE. Nous avons craint, que tout entier à sa tragédie, mon père ne lui fit pas un accueil favorable, et il est allé au spectacle soutenir la pièce. DUTREMBLET. C'est très bien. ANGÉLINE. Ce n'est pas tout, Valcour a manqué d'avoir une affaire terrible avec Chapelain ; cependant, il n'y a point eu d'effusion de sang, d'un côté ni de l'autre, et je crois qu'il n'y en aura pas. DUTREMBLET. Et quel est le sujet de cette grande querelle ? ANGÉLINE. L'amour de Chapelain pour moi ; il a la prétention de se croire aimé. Air : Oui mon cher Favart, à tes yeux.Favori du, sacré vallon,Il se croit le mien et s'abuse: Qu'il s'en tienne à son Apollon,Je ne veux pas être sa muse. DUTREMBLET. Persistez dans votre refus,À ses voeux montrez-vous rebelle ;Ce vieux Chapelain de Vénus, Peut-il desservir la Chapelle ?Peut-il desservir la Chapelle ?J'aperçois Pradon qui s'avance, je vais commencer auprès de lui les préliminaires en votre faveur. SCÈNE VIII. Les Précédents, Pradon, l'air préoccupé. DUTREMBLET. Ah ! Çà, mon cher Pradon, serez-vous toujours inexorable ?... Votre fille. PRADON. Ma pièce.... réussira-t-elle ? DUTREMBLET. Votre fille aime un jeune militaire, galant, plein de goût. PRADON. Vous avez raison, ma pièce est pleine de goût.... Elle ne respire que celui de la saine littérature. DUTREMBLET. Je ne vous parle pas de votre pièce, mais d'un de vos ouvrages beaucoup plus beau. PRADON. De mon Régulus, n'est-ce pas. DUTREMBLET, impatienté, avec vitesse. Je vous parle de votre fille, qui aime un jeune officier plein d'esprit, et qui pour preuve est allé au parterre cabaler. PRADON, l'interrompant. [Note : Cabaler : mener une cabale [qui] signifie figurément, une société de personnes qui sont dans le même confidence et dans les mêmes intérêts ; mais il se prend ordinairement en mauvaise part. [F]]Comment ! Cabaler ? DUTREMBLET. Oui, cabaler en faveur de votre tragédie. PRADON. À la bonne heure, mais cela ne m'étonne pas; les favoris de Mars le sont parfois des muses, et se montrent toujours leurs défenseurs, et d'ailleurs mon Electre mérite d'être défendue. DUTREMBLET. Il ne sortira pas de sa pièce. Ton Angéline, que voilà, aime, te dis-je, un jeune militaire... PRADON. Mais, mon cher Dutremblet, tu sais que j'ai promis à Chapelain. DUTREMBLET. Chapelain ! Ne m'en parle pas, l'avarice même ! Air : Du vaudeville d'Arlequin cruello.S'il fallait, pour ne pas mourir,Dépenser une livre,Il dirait avec un soupir : Qu'il en coûte pour vivre !À la jeune et tendre beauté,Ce vieil avare, en vérité,Pourrait-il jamais plaire ?Ce Chapelain lésinerait, À sa femme refuserait,Refuserait, même le nécessaire.Et Valcour, j'en répondrais, serait plutôt prodigue. PRADON. Tu dis qu'il sera prodigue d'applaudissements, tant mieux, morbleu ! DUTREMBLET, à demi-voix à Angéline. Le moment n'est pas favorable. PRADON. Malgré tout ce que tu me dis pour me rassurer, je redoute une cabale. DUTREMBLET. As-tu bien su conserver l'anonyme envers tout le monde. PRADON. Oui, certes; les Comédiens seuls savent que je suis l'Auteur d'Electre, je leur ai recommandé le plus grand secret ; mais je crains bien que ces messieurs n'en aient fait le secret de la Comédie, et cependant, si l'on sait que la pièce est de moi, je suis perdu. DUTREMBLET. Air : Du petit Matelot.Ton nom peut nuire à ton Ouvrage,Mon cher Pradon, je le crains bien ;Mais, pour t'éviter cet outrage, Je veux te donner un moyen ; Bis.Pour ta pièce, un amour extrêmeTe causerait quelque malheur ;Pradon, va la siffler toi-même,On ne t'en croira pas l'Auteur. On ne t'en croira pas l'Auteur. ANGÉLINE. Oui, mon père, suivez le conseil que vous donne votre ami Dutremblet. DUTREMBLET. Crois-moi, tu t'en trouveras bien. PRADON. Air : Sur son sofa dans son boudoir.Il est peut-être salutaire,Mais tu le donnes vainement,Ami, je sens que je suis père,Ami, je sens que je suis père, Je ne puis tuer mon enfant. DUTREMBLET. Air : Nous sommes précepteurs d'amour.Pradon, il faut subir ton sort,Il faut siffler ta tragédie,Car, c'est en lui donnant la mort,Que tu vas lui donner la vie. PRADON. Air : De Malborough.Allons, je m'y décide,Mais qu'il m'en coûte ! DUTREMBLET. Ah ! Quel coeur timide !Marche d'un pas rapide,Et siffle fortement ; Un succès éclatantAprès cela t'attend. PRADON. J'obéis à mon guide ;Bientôt, hélas ! Ma bouche perfide,Va d'un souffle homicide, Immoler mon enfant. Il sort. SCÈNE IX. Les Précédents, Angéline. ANGÉLINE. Je vous admire, monsieur Dutremblet ; quelle victoire vous venez de remporter sur mon père ! Je m'étonne que l'ayant décidé à aller siffler sa pièce, vous ne puissiez le décider à mon hymen avec Valcour ; cette affaire me paraît plus facile à traiter que l'autre. DUTREMBLET. Soyez tranquille, je la terminerai de même ; mais, dans ce moment-ci, votre père est tout entier dans sa pièce ; voilà bien le faible des pères pour leurs derniers enfants, Pradon ne songe qu'à celui de sa muse. SCÈNE X. Les Précédents, Chapelain, avec inquiétude. CHAPELAIN, à part. Bon ! Notre officier n'y est plus. DUTREMBLET. Eh ! Monsieur Chapelain, savez-vous que vous êtes un homme terrible, vous allez l'emporter par votre bravoure sur tout vos rivaux, même sur le jeune Valcour. CHAPELAIN. [Note : Morbleu : Sorte de jurement en usage même parmi les gens de bon ton. [L]]Qu'il revienne, ce monsieur Valcour ; je me connais, je suis violent, moi, voilà pourquoi je me suis retiré ; et puis j'ai respecté la maison où j'étais, sans cela, morbleu !... À Angéline.Mais, mademoiselle, d'après le tendre intérêt que vous m'avez toujours témoigné, vous avez sans doute conçu de vives alarmes à mon sujet ; j'aperçois, sur votre belle figure, les traces de la tristesse où vous a plongée mon affaire avec ce freluquet de Valcour : eh bien ! Pour vous égayer, je vais vous faire le récit le plus plaisant.... Oh ! C'est que l'aventure est unique ; je viens de l'apprendre il n'y a qu'un instant, et j'en ai ri tout le long du chemin : vous allez en rire aussi... Elle est courte, mais excellente; vous allez voir... Non, c'est qu'elle est d'un drôle à mourir de rire. DUTREMBLET. Mais, cela peut devenir dangereux. ANGÉLINE. Je brûle de l'entendre. CHAPELAIN, après s'être préparé. Air : Monseigneur d'Orléans.Je vais, en peu de mots,[Note : Boileau (Nicolas dit Despréaux) [1636-1711] : Auteur. Il débuta par des Satires qui lui valurent un immense succès. Ami de Jean Racine, il le défendit et le conseilla. Il publia aussi un Art poétique et Le Lutrin. Il fut académicien et historiographe du Roi avec Jean Racine.]Parler de Despréaux,À qui l'autre jourOn fit un beau tour. Boileau, dans plus d'un vers malin,Avait mal parlé de Cotin,Ce célèbre prédicateur,Qui chaque jour, avec ardeur,Prêche pour la gloire du Seigneur, Dans l'église Saint-Sauveur.En vers alexandrins,Qui vraiment sont divins :[Note : Cotin (L'Abbé) : poète et prédicateur, né à Paris en 1604 et mort en 1681, fut aumônier du Roi, conseiller, et se fit de son temps une assez grande réputation par ses sermons, ses poésies et son érudition, et fut admis en 1655 à l'Académie française. Il n'est guère connu aujourd'hui que par les railleries de Boileau et de Molière (personnage de Trisottin). [B]]Cotin compose un écritPlein d'esprit, Contre Boileau, bien mordant....On l'imprime à l'instant;Alors Cotin court aussitôtTrouver le pâtissier Mignot.Il lui dit: mon cher pâtissier, Voici deux rames de papier,Pour me faire un grand plaisir,Il faudra vous en servir,En enveloppant les pâtés,Qui chez vous seront achetés. Ainsi les acheteurs divers,En les mangeant, liront mes vers,Et leur chaleur saura mainte foisRéchauffer vos pâtés froids. Il témoigne sa satisfaction et rit tout seul. ANGÉLINE. Air : Le petit mot pour rire.Vous racontez brièvement, Et votre esprit, assurément,Mérite qu'on l'admire;Votre récit est amusant,Vif, original et plaisant;Mais dites-nous, Bis.monsieur, où faut-il rire ? CHAPELAIN. [Note : Epigramme : c'est une espèce de poésie courte, qui finit par quelque pointe ou pensée sublime. [F] Elle exprime souvent une pensée mordante envers une personne ou une oeuvre.]Des épigrammes, méchante ? Je n'en suis pas moins le plus passionné de vos adorateurs, et pour preuve : Tirant de sa poche un petit morceau de papier.Voici un petit triolet de ma façon, que vous m'avez inspiré. ANGÉLINE. Ah ! Monsieur Chapelain, chantez-le moi ; il aura plus de prix dans votre bouche. DUTREMBLET. Un Auteur sait si bien se faire valoir ! CHAPELAIN. J'obéis à ma muse ; écoutez-bien. Air : Eh quoi ! Déjà je vois le jour.Deux beaux bras ronds, un rire heureux,Attendriraient un coeur de roche ;Qui verrait, sans être amoureux,Deux beaux bras ronds, un rire heureux ?Cher et rare objet de mes feux, Je dis, redis, à votre approcheDeux beaux bras ronds, un rire heureux,Attendriraient un coeur de roche. DUTREMBLET. Ils ne sont pas du tout rocailleux, ces vers-là, monsieur Chapelain. ANGÉLINE. C'est de l'harmonie toute pure. DUTREMBLET. Mais, dites-moi, en quelle langue sont-ils écrits ? CHAPELAIN. Comment ! En quelle langue? DUTREMBLET. Est-ce de l'Allemand, ou du Bas-Breton ? CHAPELAIN. Vous vous êtes donné le mot pour me plaisanter. DUTREMBLET, à Angéline. Il commence à s'en apercevoir. CHAPELAIN. Ne faut-il pas, dans la poésie, de la force et de l'expression? DUTREMBLET. Certainement ; il faut même écorcher les oreilles et c'est ce dont vous vous acquittez à ravir. ANGÉLINE. Témoin, la Pucelle. D'un ton déclamateur.« À ton illustre aspect, mon coeur se sollicite, "Et grimpant contre mont, la dure terre cuite. » Chant XIIe. page 2440. CHAPELAIN. Encore une méchanceté, je m'en vengerai. ANGÉLINE. Ah ! Monsieur Chapelain, je vous en prie, que ce ne soit pas en me forçant à relire la PucelLe. DUTREMBLET. [Note : "La Pucelle ou La France délivrée, poème héroïque" a été publié pour le première fois en 1656 Chez A. Courbé. [Cote BnF Res Ye-71]]Allons, mademoiselle, je ne suis pas de votre avis ; je ne trouve qu'un seul défaut dans la Pucelle. CHAPELAIN. Vous trouvez un défaut à ma Pucelle ? DUTREMBLET. Oui, monsieur Chapelain, c'est d'être trop courte ; quatorze mille vers ! Ce n'est rien. CHAPELAIN. Eh bien ! j'ai rencontré un véritable connaisseur. Air : La Boulangère a des écus.Ô ! Ma Pucelle, que n'as-tuEncore un autre tome ! À Angéline.Mais, je suis sûr que la vertuChez-vous jamais ne chôme,Aussi, je compte fermementDe Jeanne-d'Arc, en vous épousant,Avoir le second tome. Il lui fait des cajoleries. DUTREMBLET. Air : Du pas redoublé de l'infanterie.Un second tome aussi parfait,Sans être de sa plume,Dans le monde l'emporteraitSur le premier volume,On laisserait là pour le voir, Aristote et Sénèque,Chaque savant voudrait l'avoirDans sa bibliothèque.Mais vous, monsieur Chapelain, qui cherchez tout les moyens de plaire aux dames, me permettrez-vous une légère observation sur votre compte ? CHAPELAIN. Vous m'obligerez. DUTREMBLET. Je vous le dis, cela vous fait le plus grand tort dans le monde. CHAPELAIN. Qu'est-ce donc ? DUTREMBLET. Avec la taille la mieux prise, le physique le plus avantageux, vous ne prenez pas assez de soins de votre toilette, par exemple : Air : Ainsi jadis un grand Prophète.Dans la saison de la verdure,Pourquoi porter ce lourd manteau ? CHAPELAIN. C'est pour ma santé, je vous jure,Je ne le trouve pas trop chaud,[Note : Chapelain était d'une avarice extrême : il gagna la maladie dont il mourut pour s'être mouillé les jambes un jour d'orage plutôt que de payer une modique rétribution afin de traverser sur une planche un large ruisseau. [B]]Attaqué d'une pleurésiePendant trois mois je fus au lit... ANGÉLINE. Et maintenant la maladie Ne regarde que votre habit. CHAPELAIN, à part. Cette petite personne là paraît bien acharnée après moi, dois-je en faire ma femme ? ANGÉLINE. J'aperçois mon père. SCÈNE XI. Les Précédents, Pradon, balafré et un sifflet à la main. TOUS. Air : Des Trembleurs.Il est blessé ! ANGÉLINE. Quelle peine ! DUTREMBLET, à Pradon. As-tu par un phénomène,Quitté les bords d'HippocrènePour courir aux champs de Mars ? ANGÉLINE ET DUTREMBLET. Notre crainte est-elle vaine ? CHAPELAIN. Contre les Auteurs sans veine,Peut-être que MelpomèneA dirigé ses poignards. PRADON. Taisez-vous, Chapelain, j'ai déjà assez à me plaindre de vous, vous auriez mieux fait d'aller soutenir ma tragédie, que de rester ici les bras croisés, sans doute à ennuyer ma fille, car je me suis aperçu qu'elle ne vous aimait pas prodigieusement. ANGÉLINE, d'un ton caressant. Mais, mon père, je crains que votre blessure ne soit dangereuse. DUTREMBLET. Faut-il mon cher Pradon, aller chercher un chirurgien ? J'y cours à l'instant. PRADON. Rassurez-vous, mes amis, ce n'est rien. À Dutremblet.J'ai suivi ton conseil, en voici le résultat. Il montre sa figure. DUTREMBLET. Comment donc cela ? PRADON. Air : De la contredanse la Hullin.Armé de ce fatal sifflet, Dans le parterre je m'avance,La toile à peine se levait,Déjà la cabale éclatait;Je me mets en évidence.Mais jugez de l'accident, Quand je siffle à toute outranceOn m'accompagne à l'instant.Un jeune officier près de moi,Avec une ardeur sans égaleCriait: vous sifflez, eh ! pourquoi, L'ouvrage est divin, sur ma foi!Chacun sifflait dans la salle,Seul il applaudissait fort,Mais en vain de la cabaleIl veut arrêter l'effort. Ah! dis-je, mon ouvrage est mort,Je doute bien qu'il se relève;Mais mon sifflet me reste encor,Alors je siffle un peu plus fort.Le jeune officier se lève; Je veux, dit-il, insolent,Que cette Pièce s'achève;Cessez, cessez à l'instant.L'Auteur, lui dis-je, est sans talent,Je dois siffler sa tragédie. Mon militaire s'avançant,Me pousse sans ménagement: Mais jugez, je vous en prie,De mon ingrate fureur,Aussitôt je gratifie D'un soufflet, mon bienfaiteur.L'épée à la main, je le vois,Une et deux.... Sa rage est complète,Et sur ma figure, je crois,Saintement il fait une croix; Sa vengeance étant parfaite,On nous sépare tous deux;Mais j'eus l'âme satisfaite,En y réfléchissant mieux.Seul, ce connaisseur étonnant A trouvé ma Pièce bien faite,Grâce à lui, voyez à présentPradon, sifflé, battu, content. DUTREMBLET. Je m'aperçois, mon ami, mais trop tard, que le moyen que je t'ai proposé, n'était pas bon. PRADON. Au moins, ai-je été apprécié par un véritable amateur et connaisseur ; il ne me reste qu'un regret, c'est celui de ne pas le connaître ; je l'ai perdu de vue, quand on nous a séparés. CHAPELAIN. En effet, tu lui dois beaucoup de reconnaissance, de t'avoir arrangé de la sorte; passe encore s'il eût empêché ta pièce d'être sifflée. ANGÉLINE. C'est le sort des grands hommes de succomber sous les traits de l'envie. CHAPELAIN. Et celui des mauvais auteurs, de succomber sous les coups de sifflets. DUTREMBLET. Monsieur Chapelain, vous devriez avoir plus d'égards pour votre ami dans le malheur. PRADON. Lui, mon ami ! Il n'a jamais aimé que lui-même ; il ne me prêterait pas un sou si j'en avais besoin. CHAPELAIN. Si je ne suis pas votre ami, je dois dire que vous êtes le mien, car vous ne m'avez jamais rien emprunté. PRADON. Vous l'entendez, le vieux ladre; je le prédis, il mourra quelque jour d'avarice. SCENE XII. Les Précédents, Valcour. VALCOUR, à part. Voici l'heure qui m'a été indiquée par mon ami Dutremblet, pour me présenter à monsieur Pradon. PRADON, apercevant Valcour, et lui sautant au cou. C'est lui ! ANGÉLINE. Ciel ! DUTREMBLET. Je n'en reviens pas. PRADON. Voici le meilleur juge du siècle. CHAPELAIN. Et le plus insolent des militaires. PRADON, à Chapelain. Gardez-vous bien d'insulter devant moi, le plus heureux des hommes. À Angéline et à Dutremblet.C'est lui qui m'a arrangé comme vous voyez. VALCOUR. Ah monsieur ! Après mon emportement envers vous, devais-je m'attendre à un accueil aussi favorable de votre part ? PRADON. Que dites-vous-là, venez que je vous presse encore dans mes bras ! Se mettant à genoux.Permettez que je baise cette épée.... CHAPELAIN, à part, montrant Pradon. Il a perdu l'esprit. VALCOUR. Je suis confus.... PRADON. Il n'y a rien que Pradon ne fasse, pour vous témoigner sa reconnaissance. DUTREMBLET. Puisque je te vois dans de si heureuses dispositions, je dois t'avouer qu'il est un moyen bien simple de t'acquitter envers mon jeune ami. PRADON. Comment ! Tu le connais ? DUTREMBLET. Depuis très longtemps, et je dois te dire qu'il aime ta fille. PRADON. Quoi ! Ce jeune officier dont tu m'entretenais encore aujourd'hui ?... DUTREMBLET. Est l'amant de ton Angéline, qui le paie du plus tendre retour. PRADON. Est-ce vrai, ma fille ?... ANGÉLINE. Mon père.... Je n'aurais pas osé vous le dire ; mais, puisque vous le savez... Votre ami Dutremblet vous a dit la vérité. PRADON. Combien je m'en veux d'avoir résisté si longtemps aux instances de ce bon Dutremblet ! Vivement à Valcour.Monsieur, soyez mon gendre ; celui qui trouve mes pièces bonnes, doit rendre ma fille heureuse. VALCOUR. Ce sera le désir de toute ma vie. CHAPELAIN, à Pradon. Mais, monsieur Pradon, oubliez-vous la promesse que vous m'avez faite ? PRADON. Quand il y aurait ici vingt-cinq Chapelain, je donnerais sur eux la préférence à mon bienfaiteur. CHAPELAIN. Je pourrai publier partout que vous êtes un homme sans probité, sans foi, sans... ANGÉLINE. Ah ! Monsieur Chapelain, pourquoi vous emporter ainsi, vous qui avez tant de moyens de consolations dans votre esprit. PRADON. Il aime tant sa Pucelle, que ne l'épouse-t-il ?... CHAPELAIN. Oui, oui, je me consolerai sans peine. Air : A travers ce flacon brillant.Homère, Virgile et Lucain,Près de vos poèmes épiques, En dépit des sottes critiques,Apollon a placé le mien :[Note : Leris (1763) rapporte une des épitaphes qu'on écrivit sur Pradon : Ci gît le poète Pradon, Qui durant quarante ans, d'une ardeur sans pareille, Fit à la barbe d'Apollon, Le même métier de Corneille.]Mais toi, d'une ardeur sans pareille,Ose-tu bien, pauvre Pradon,Faire à la barbe d'Apollon, Le même métier que Corneille ? Bis. Il sort avec humeur. SCÈNE XIII ET DERNIÈRE. Les Précédents. PRADON. Laissons-le exhaler sa vengeance, et ne pensons qu'au bonheur qui nous attend. Oui, mes enfants, j'oublie avec vous la chute d'aujourd'hui, et je veux me préparer sous peu à de nouveaux combats. DUTREMBLET. Ma foi ! Pradon tu m'enchantes doublement aujourd'hui tu as fait le bonheur de ta fille, et une action digne de passer à la prospérité. PRADON. Il est vrai mon cher Dutremblet. VAUDEVILLE. PRADON. Air : Du jaloux malgré lui.Un héros prodigue sa vie,Pour être utile à son pays,L'amant la perd pour son amieEt quelques-uns pour leurs amis, Mais à mon dévouement extrêmeNul dévouement n'a ressemblé,Car, ce n'est jamais par lui-même.Car, ce n'est jamais par lui-même.Que l'on voit un auteur sifflé. VALCOUR. Au théâtre comme à la guerreOn peut moissonner le laurier,L'Auteur cherche à plaire au parterre,À Mars, veut plaire le Guerrier;Doit-on quand on aime la gloire Par un revers être abattu ?Souvent nous attend la victoire.Souvent nous attend la victoire.Après avoir été battu. ANGÉLINE, au Public. De battre, avez-vous quelque envie, Que ce soit des mains seulement,Car, il est rare chez Thalie,D'être sifflé, battu, content ;Dans ces mots quelle différence !Nos deux jeunes Auteurs tremblants, Aujourd'hui, grâce à l'indulgence.Aujourd'hui, grâce à l'indulgence.Espèrent n'être que contents. ==================================================