******************************************************** DC.Title = CINQ MARS ET RICHLIEU DC.Author = JOLY, Adolphe DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Monologue DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 16/07/2023 à 05:18:25. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/JOLY_CINQMARS.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1417319q?rk=64378;0 DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** CINQ MARS ET RICHELIEU (1642) MONOLOGUE EN UN ACTE ET EN VERS JOUÉ AU THÉÂTRE BEAUMARCHAIS. MUSIQUE D'AUGUSTE BLANGY Adolphe JOLY Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Cirque Olympique, le 16 Septembre 1817. PERSONNAGES. CINQ MARS; M. REYKERS. UN OUVRIER. M. EUGÈNE STEURS. LE BOURREAU, M. X... En cachot du château de Pierre-Scize, à Lyon. ? Meubles Louis XIII. ? Une table sur laquelle est un gros livre. - À droite, une grande glace de Venise. ? Au lever du rideau, Cinq-Mars, assis dans un fauteuil, dort près de la table. ? Tremolo accompagné d'un bruit de marteau. Texte extrait de "Essais et Monologues drmatiques d'Adolphe Joly, jouées sur les principaux théâtres de Paris", Adolphe Joly, Paris : A. Huré, 1873. [cote BnF YF 9642] CINQ-MARS ET RICHELIEU CINQ-MARS. Il s'éveille.[Note : Cinq-Mars : Henri Coëffier de Ruzé d'Effiat, Marquis de, né en 1620 et exécuté le 12 septembre 1642, était un favori du roi Louis XIII.]Je dormais, sur ma foi, lorsque ce maudit hommeEst venu brusquement Interrompre mon somme :[Note : Bélître : Homme de rien, homme sans valeur. [L]]Le bélitre ! Frapper aussi fort que cela !Ça, que rêvais-je donc ?... Il cherche.Ah ! Mordieu ! M'y voilà.J'étais chez la Blondeau, sur la place Royale, Et je jouais avec une ardeur très loyale.J'avais pour adversaire un rival fort heureux,Dont je crois voir encore le visage orgueilleux :Une tête de bronze, à l'oeil fauve et sinistre,Et qui ressemblait fort au Cardinal-Ministre. Les sequins, les doublons, les génovines d'orS'en allaient, en dansant, arrondir son trésor.Si bien, qu'en avisant mon escarcelle vide,Je dis résolUment à cette face avide :« Monsieur, vous plairait?il d'accepter pour enjeu - Car je ne voudrais pas quitter sitôt le jeu -Ma tête ?... Répondez, ma tête en vaut une autre,Je prétends la risquer ici contre la vôtre. -Le plus haut point perdra... » Sans se déconcerter,? Et de l'air d'un joueur qui se laisse tenter. - [Note : Le couleur de la soutane d'une cardinal est rouge.]L'homme rouge répond d'une voix métallique :« J'accepte !... - Songe étrange et vraiment symbolique,On fait cercle à l'entour de notre tapis vert ;On enlève tout l'or dont il était couvert.Je saisis un cornet, et, sans quitter ma place, Je prends deux dés, tout neufs, qui me semblent de glace.Je les lance en tremblant sur le tapis poudreux :On applaudit. Avec joie.Deux points !... j'avais amené deux !...Oui... Mais sans se troubler, l'autre, l'homme de bronze,Muet comme le sphinx et calme comme un bonze, Le sourire à la bouche et le cornet au poing,Fait voltiger les dés et n'amène qu'un point :En de ces dés maudits s'était logé sur l'autre !...J'étais pâle et rêveur comme ce bon apôtreQue j'admirai naguère, et dont le beau dessin Fait honneur au crayon de Nicolas Poussin :« Çà, payez-vous, Monsieur, » lis-je au fantôme rouge,« Payez-vus, car je veux m'esquiver de ce bouge.« - Vous remettrez demain votre enjeu solennelAu sieur Laubardemont, lieutenant criminel. » Demain est arrivé ; cette sombre demeure,C'est déjà le tombeau... Ne faut-il pas qu'on meure ?...Oui, mais à vingt?deux ans, quand le printemps vermeilRamène les oiseaux ; alors que le soleilInonde les vallons de gaité, de lumière ; Alors que les genêts tapisseut la chaumière.C'est quand tout est parfum, joie, espérance, amour,Qu'un glas funèbre, au loin, sonne mon dernier jour.Mourir ! Et quelle mort ! un infâme supplice :L'échafaud !... Dieu puissant, éloignez ce calice! On entend un ouvrier qui chante, en s'accompagnent de son marteau. AIR NOUVEAU : Musique d'Augusrte BLANGY. L'OUVRIER. Ce chant peut être supprimé ; dans ce cas, on coupera les quatre vers dits par Cinq?Murs entre les deux couplets. Cogne, cogne, compagnon, Pour conjurer la froidure ; Cogne, la saison est dure, Le bois manque à la maison. Cogne, cogne Sans vergogne, Cogne, cogne, compagnon, Le bois manque à a maison. PREMIER COUPLET. Foin du carême-prenant De Mayenne, et de la Ligue ; Moi j'aime, malgré la brigue, Ce gaillard de vert?galant. Cogne, cogne, etc. CINQ MARS, prêtant l'oreille. Dame Berthe, autrefois, berçait son nourrissonAvec ce gai refrain ; cette vieille chanson, Comme un philtre puissant, refermait ma paupière :Qu'elle m'endorme encor sur ma couche de pierre. L'OUVRIER. DEUXIÈME COUPLET.L'Espagnol vient, mon féal,Jette au loin la serpillière ;Reprends ton harnais de guerre Et ferre ton vieux cheval. Un temps, puis long trémolo à l'orchestre. CINQ-MARS, écoutant. Ces longs gémissements... ces accents douloureux,C'est la voix de de Thou !... Par pitié !... C'est affreux !...Arrêtez !... Arrêtez !... de Thou n'est pas coupable,Épargnez l'innocent, qu'un sort fatal accable ! La musique cesse.Les plaintes ont cessé, peut-être est-ce une erreur ?...Je ne puis dissiper cette folle terreur.L'arrêt, dont le greffier nous a fait la lecture,Nous condamne tous deux à subir la torture.Que n'ai?je repoussé ma sourde ambition ! De Thou, dont les conseils, la sainte affection,Voulaient guider mes pas loin du fatal abîme.De Thou meurt avec moi : dévouement trop sublime ! On entend sonner minuit à l'horloge de l'hôtel de ville.Minuit !... Cet ouvrier est vraiment matinal...Si j'implorais Louis ou le grand Cardinal ? Avec force.De cet altier ministre invoquer la clémence !...Non, ne commettons pas un acte de démence.D'honneur, je deviens fou dans cet étrange lieu !On ne pardonne pas quand on est Richelieu.[Note : Mirame, tragédie de DEsmarets de Saint-Sorlin sur une idée du Cardinal de Richelieu, privilège du 14 mars 1639 en 1639.]L'auteur présomptueux de la fade Mirame Sait comme on doit bâtir l'épilogue d'un drame.Quand la cloche a groupé cent mille spectateurs,Sa main, teinte de sang, désigne les acteurs :Montmorency, - Grandier, - Marillac, - Bouteville ;Au pied d'un échafaud, près d'un hôtel de ville. Des pénitents, masqués comme un conseil des Dix,Chantent, en faux bourdon, un long De profundis.Pour clore dignement cette sinistre fête,La hache du bourreau fait rouler une tête ! Il change subitement de ton.Je deviens fort morose et nébuleux ici. Tiens ! Je n'avais pas vu le livre que voici : Il prend un gros livre placé sur une table, l'ouvre et lit : « Tel que le naufragé, dont la nacelle vide Est le triste jouet des flots, J'errais au gré des vents, sans boussole, sans guide, Abandonné des matelots. Parfois la vague amère, à ma lèvre glacée. Jetait, et l'absinthe et le fiel. Et, parfois, soulevant ma poitrine oppressée, Un long soupir montait au ciel. La voix de l'Éternel a dissipé l'orage : Je suis sauvé, voici le jour ; J'ai franchi les écueils, j'aborde le rivage : Mon Dieu, protège mon retour ! Ici règnent l'espoir, l'amour, la poésie ; Sous les grands arbres toujours verts, On se prend à rêver, inondé d'harmonie : Chants célestes, divins concerts. » Il trouve un billet dans le livre.Un billet !... Un billet !... d'où me vient ce papier ?...Oh ! Plus bas, imprudent !... On pourrait t'épier. Il ouvre le billet et lit:« HENRY, - Tout espoir n'est pas perdu : le bourreau vient de se briser la jambe... personne ne se présentera pour le remplacer ; - ce délai vous sauve la vie ! Je vais me jeter aux pieds du Cardinal, j'embrasserai ses genoux... Je l'assurerai de votre repentir... Richelieu, malade, épuisé par le travail, par les luttes politiques, ne restera pas insensible aux larmes, aux prières d'une mère au désespoir. Que Dieu nous protége ! » Il baise le billet et le met dans sa poitrine.Merci, merci, ma mère ! Ô noble et sainte femme ! Notre mère, c'est nous : c'est notre coeur, notre âme.Son souffle, de nos fronts, écarte la douleur :Ô mon ange gardien, conjurez le malheur !Je relirai souvent ce billet, ce beau livre ;L'air me semble plus pur,je me reprends à vivre. Il se regarde avec coquetterie dans une glace de Venise.Ce pourpoint de velours est du dernier galant:Vous avez fort bon goût, mon cher monsieur le Grand. Avec légèreté.Bah ! Tout s'arrangera, j'oublierai ma folie,Et, chez la Boisselière, on fera chère-lie :Pour vingt livres tournois on peut très bien souper. Vive, vive Paris !... Je veux me disculper.Le Richelieu se meurt, il ne tardera guèreÀ quitter le terrain : les fatigues, la guerre,Le travail l'ont miné ; - la reine mère, GastonM'aiment fort ; je reprends le sceptre du bon ton, Et mes doutes arrêts transforment le costume :[Note : Toquet : Coiffure, espèce de bonnet de femmes et d'enfants.. [L]]Foin du maigre toquet ; vive le feutre à plume !Je distrairai Louis treize en attaquant Séguier.Je sais des traits plaisants de Porchères-l'AugierEt les propos d'amour de Marion de l'Orme. Quant au père Joseph, il attendra sous l'orme,Dans quelque bon cachot cerclé, bardé de fer.Satanas doit-il pas retourner en enfer? Avec force.Non ! Le pardon à tous, à l'éminence grise,À Séguier, à Satan !... Dans ce vieux Pierre?Scise J'ai trop longtemps souffert, j'y faisais mes adieuxÀ ce monde ; soyons miséricordieux. Il tire de sa poitrine un petit portrait, et le considère avec recueillement.Oh ! Je la reverrai, je n'ose y croire encore, -Belle comme Cypris, comme la blonde Aurore,L'enfant qui m'a juré de m'aimer sans retour : Pauvre coeur que devait meurtrir un chaste amour !Voilà bien ses beaux traits, que la grâce accompagne :Lebrun jalousera Philippe de Champagne.Doux visage encadré de fins et longs cheveux,Je lisais la candeur dans l'azur de tes yeux. Roulement de tambours qui battent aux champs.Au loin le tambour bat, la foule sur la grèveAccourt de toutes parts ; - c'est la fin de mon rêve. ? Il prête l'oreille.La Saône est agitée, on entend les rameurs ;Au murmure de l'eau se mêlent des clameurs.Si j'essayais de voir par cette meurtrière. Il monte dans une anfractuosité de la muraille et regarde par une meurtrière.Quel étrange bateau... pourquoi cette litière ?Le soleil, à propos, vient chasser le brouillard...Sous ce dais de velours, je distingue un vieillard. Avec force.Oh ! Je le reconnais : c'est lui, l'homme de bronze ;Lui, l'unique héritier du niveleur Louis onze ; Sa haine ose affronter la rigueur des frimas...Il amène avec lui le sieur de Laffemas.C'est juste !... Le vieux roi, qu'en tous points il imite,Avait pour conseiller ce bon Tristan l'Ermite. Il redescend.L'angle de ce rocher me déchire la main. Adieu, soleil, adieu !... Te verrai-je demain ? Moment de silence.Comme un frêle radeau, mon dernier espoir sombre ;Pourtant, mes partisans doivent agir dans l'ombre. Clameurs éloignées.)De nouvelles clameurs accueillent mon rival. Il crie.À bas le Richelieu ! Le peuple en dehors.Vive le Cardinal ! Bruit de clefs. - La porte s'ouvre. - Le bourreau parait ce fond. Trémolo jusqu'à la fin.Bien, me voici, messieurs, ma perte est résolue :Celui qui va mourir, ô prélat, te salue ! Au bourreau.Richelieu, prévoyant, t'amène de Ruel ;Tu seras mon second dans ce sinistre duel.Connais-tu ton métier ? Le bourreau s'incline sans répondre.Fais droit à ma requête : On ne doit nous toucher, nous autres, qu'à la tête.Mon trépas, aujourd'hui, te fait l'égal du roi :Cinq-Mars, grand écuyer, se courbe devant toi.Frappe et ne tremble pas, frappe d'une main sûre :Je ne redoute rien qu'une lâche blessure. Il remonte la scène.Accomplis froidement ta grande mission ;Marchons, Messieurs : je vais à l'expiation ! LA TOILE TOMBE. ==================================================