******************************************************** DC.Title = POLICHINELLE DEMANDANT UNE PLACE DANS L'ACADÉMIE, COMÉDIE DC.Author = MALÉZIEU DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie Parade DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 12:57:08. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MALEZIEU_POLICHINELLEACADEMIE.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** POLICHINELLE DEMANDANT UNE PLACE DANS L'ACADÉMIE COMÉDIE. Représentée à plusieurs reprises par les Marionnettes de Brioché, en présence de Personnes les plus considérables de la Cour. M. DCC. LXVII. [par M. de Malézieu] À PLAISANCE. PRÉFACE du Libraire au Lecteur. Il y a quelque temps que je trouvai un curieux de ma connaissance occupé à brûler un nombre de papiers, dont il voulait se débarrasser. Comme il me dit qu'il y en avait plusieurs qu'il brûlait à regret, et seulement parce qu'ils n'étaient pas séparés de quelques autres, qu'il ne voulait point garder. Je lui dit que sil voulait me les laisser copier, je les lui conserverais d'une manière sûre et qui ne l'embarrasserait point. Il comprit bien que je voulait les imprimer, et m'assurant que la plupart n'en valaient pas la peine ; il ajouta que ces sortes de pièces n'étaient bonnes que pour lui parce qu'elles avaient été faites en des temps et par des personnes dont la connaissance pouvait faire valoir ces sortes de bagatelles. Bagatellles tant qu'il vouq plaira, lui répliquai-je, je les joindrai à autres que j'ai déjà, et le tour fera un recueil qui vaudra tout au moins les ... je nommai un si grand nombre de mauvais ouvrages qu'il en fut effrayé, ouvrages mauvais qui se sont pourtant bien vendus. Mais pourquoi augmenter le nombre de mauvais livres, reprit-il, pourquoi, répondis-je ? Pour vous conserver des pièces que vous serez, peut-être, bine aise de revoir un jour. Je ne les crois pas mauvaises ; mais quand elles le seraient, les libraires et le public ne sont-ils pas accoutumés à être les dépositaires de toutes les impertinences des cerveaux les plus détraqués ? Allez, allez, Monsieur, continuai-je, donnez mois ces papiers que vous brûlez impitoyablement, et je trouverai bine le moyen d'en faire quelque chose. Hélas quand je pense que le sMille et une nuit, les mile et un jour, le diable bossu, Gomgam, la voiture embourbée, le supplément de Tasse Rouzi Friou Titave, l'écureuil de la Cour, les Tours de maître Gonin, les Coudées franches, La Côterie des anti-façonniers, quand je songe, et c'est tout dire, quand je songe, dis-je que l'Histoire critique de la République des Lettres en est à son treizième volume, et que tout cela se débite, y-a-t-il quelque chose d'assez mauvais pour que je doive craindre de l'imprimer. C'est ainsi, Ami lecteur, que j'ai persuadé la Maître de ces pièces de me les abandonner, et c'est à tous les mauvais livres que vous avez achetez que vous devez celui-ci. Vous êtes libre de l'acheter, ou de de me le laisser. Si vous l'achetez, peut-être, malgré cette préface, trouverez vous de quoi vous dédommager de votre argent. Adieu. Fragment d'une lettre de Monsieur_le_Duc de R... à Madame le Comtesse de... À propos de la Cour, je gagerais bien, que vous ne devineriez pas ce qui fait aujourd'hui son amusement, et que vous allez croire que je veux vous en donner à garder, pour me divertir ensuite de votre crédulité. Mais, Madame, pour aller au devant d'un soupçon qui me serait si injurieux et si opposé au respect que je vous dois, je vous envoie la pièce même que Brioché y a fait jouer à ses Marionnettes. C'est Polichinelle qui demande une Place à l'Académie Française. Cette polissonnerie, qui est une Satire sanglante contre cette Académie, est attribuée à M. de M***. Chancelier de ***, et un des quarante qui composent ce même corps qu'il fait si cruellement tourner en ridicule par son Polichinelle. Je ne sais s'il en est véritablement l'Auteur ; mais ce qu'il Y a de certain, c'est qu'il est violemment soupçonné de l'être, et que quelques-uns, de ses Confrères, jaloux de l'honneur de leur Compagnie, ont fait, pour la venger une petite pièce intitulée Brioché Chancelier, où ce Magistrat est turlupiné sans aucun ménagement. Dès que Madame_la_Princesse de *** à qui je l'ai prêtée me l'aura rendue, je ne manquerai pas de vous l'envoyer. (*) On promet au Libraire cette dernière Pièce avec Arlequin Chancelier, et plusieurs autres de ce genre, qui trouveront leur place dans le volume qui suivra celui-ci. PERSONNAGES, ACTEURS. POLICHINELLE. LE VOISIN. Extrait de "Pièces échapées du Feu". fol. 5-9 POLICHINELLE DEMANDANT UNE PLACE DANS L'ACADÉMIE POLICHINELLE et LE VOISIN. POLICHINELLE. Bonjour Voisin. Sais-tu le dessein qui m'a pissé par la tête ? LE VOISIN. Comment pissé ? C'est passé que tu veux dire. POLICHINELLE. [Note : Par la sanguienne : juron.]Par la sanguiene, il n'est pas passé puisqu'il y est encore. LE VOISIN. Eh bien ! Quel est-il ce dessein ? POLICHINELLE. C'est que je veux demander à être reçu au Cas de ma Mie Française. LE VOISIN. Comment au Cas de ma Mie Française ? Qu'est-ce que c'est que le Cas de ta Mie ? POLICHINELLE. Diable, le Cas de ma Mie ? C'est un lieu où chaque fois qu'on y va, on donne à chacun du jus de tétons. LE VOISIN. [Note : Jeton : jeton de présence, honoraire payé pour chaque séance. Jeton de cinq francs, de trois francs. Les membres des académies touchent des jetons de présence. [L]]Du jus de tétons, et le Cas de ta Mie ? Ah ! Je t'entends. Tu voudrais être de l'Académie Française, pour avoir des Jetons. POLICHINELLE. [Note : Palsangué : Jurement de paysan, dans l'ancienne comédie. [L]]Eh ! Oui, t'y voilà. Palsangué, on dit que ces jetons valent pour le moins vingt sols, et je n'en gagne que cinq à porter mes crochets. C'est un grand profil, Voisin, que je ferais là. LE VOISIN. Dis donc profit : en parlant comme tu fais comment peux-tu espérer d'entrer dans cette Compagnie, qui n'est composée que de gens éclairés. POLICHINELLE. Palsangué s'il n'y a que ça, je suis plus éclairé qu'eux : car c'est moi, qui éclaire les autres. LE VOISIN. Comment, tu éclaires les autres ? POLICHINELLE. [Note : La Vache est à nous : expression proverbiale pour dire qu'on emporte la partie, on gagne la situation. Voir aussi Le Médécin malgré lui de Molière, Acte I scène IV.][Note : Lanternerie : Perte de temps à des riens, irrésolution. Propos futile, fadaise. [L]]Eh ! Oui. Tu ne sais donc pas que je suis lanternier de notre quartier ; et puis on dit que ces gens-là ne parlent que de lanterneries, si cela est la vache est à nous. Compère, il y a pourtant une chose qui m'embarrasse. LE VOISIN. Qu'est-ce que c'est ? POLICHINELLE. C'est que je ne sais pas comment je ferai pour manger du foin ! LE VOISIN. Que veux-tu dire manger du foin ? Es tu fou ? POLICHINELLE. Je veux dire que j'ai trouvé deux charrettes de foin, qui faisaient un embarras devant leur porte, et l'on disait que c'était pour ces Messieurs-là. LE VOISIN. Gros sot ? C'est pour leurs chevaux. POLICHINELLE. Oh ! Oh ! Ce sont donc des chevaux qui sont là-dedans ? Palsangué je m'en vais demander une place pour le mien ; aussi bien est-il bien maigre. Le foin sera pour lui, et les jetons seront pour moi. LE VOISIN. Impertinent ! Sais tu bien qu'il faut faire des vers pour être de cette Compagnie. POLICHINELLE. J'en ai peut-être fait sans y prendre garde ; mais dorésenavant je n'irai plus à la selle sans y regarder de près, sur tout quand j'aurai mal au ventre. LE VOISIN. Gros Boeuf ? Il ne s'agit point de ces vers-là. POLICHINELLE. [Note : Voir "Génération des vers dans le corps de l'Homme (...)", par Mr Andry, conseiller du Roi, 1741. Troisième éditions, Tome second, pages 531-535]Quoi, sont-ce des vers de fougère ? LE VOISIN. Des Vers, sont des ouvrages d'esprit que font les poètes ; cela rime. POLICHINELLE. Cela lime, dis tu ? Oh ! S'il ne faut qu'une lime j'en ai une chez nous. LE VOISIN. Rime ; te dis-je. Voilà un plaisant animal, tu ne sais pas dire deux mots de suite ; comment ferais-tu donc pour haranguer le jour de ta réception ? POLICHINELLE. Pourquoi non ? Je suis de race. LE VOISIN. Comment de race ? POLICHINELLE. Oui, de race. Mon père vendait des harengs, ma mère était harangère ; comment ne saurais-je pas haranguer ? LE VOISIN. Allons, voyons comment tu ferais, imagine toi que je suis l'Académie. POLICHINELLE. Oui-dà Compère. Il pète, tousse, et crache. LE VOISIN. Qu'est-ce que tu fais-là infâme ? POLICHINELLE, commençant sa harangue. Je me propose, Mes Chieurs. LE VOISIN. Comment, Mes Chieurs ? Dis donc Messieurs ; allons, répète. Polichinelle, père encore. LE VOISIN. Que fais-tu donc-là vilain Pourceau ? POLICHINELLE. Eh dame ; tu es bien difficile ; on ne sait comment faire avec toi, tu me dis de repéter, je repète. LE VOISIN. Je veux dire recommencer. POLICHINELLE. Ho ça, puisque tu le veux, entrons donc en matière. Messieurs, depuis que le Grand Cardinal de Richelieu a tiré L'Académie de cette profonde et vaste matrice du Néant, elle a si bien rivé le clou aux autres Académies, qu'elles ne sont à l'égard de la vôtre que comme un étron auprès d'un pain de sucre. Ainsi je ne prétends pas vous ennuyer par des losanges. LE VOISIN. Dis donc des louanges. POLICHINELLE. Louanges soit. Je veux d'abord vous fourbir une occasion... LE VOISIN. Fournir gros sot ; et non pas fourbir. POLICHINELLE. Vous fournir l'occasion de manifester vos talons et vos génisses. LE VOISIN. Quel Diable de patois ! T'imagine-tu que ce soit là le style de L'Académie ? Tu veux dit manifester vos talents et vos génies. POLICHINELLE. [Note : Vesse : Vent qui sort du corps sans bruit. [L]]Et oui, l'un ne vaut-il pas l'autre ? C'est tout un. J'ai pour cela, Messieurs, trois choses à vous proposer. Premièrement, savoir s'il faut dire une Vesse en Coque, ou une Vesse en Coquille. Je vous prie, Messieurs, de vouloir bien sentir toute la force de cette question, qui ne peut échapper à des nez tels que les vôtres : Secondement, j'ai une grande crapule sur une façon de parler. LE VOISIN. Dis donc scrupule. POLICHINELLE. [Note : Brandevin : Eau-de-vie de vin. [L]][Note : Bran : Matière fécale. [L]]On dit quelquefois entre deux selles le cul à terre ; et je maintiens qu'il faut dire entre deux selles le cul à terre ; car à cause du rapport qu'il y a entre les selles que l'on pousse, et les selles sur lesquelles on s'assied, outre qu'il y est parlé du cul, on pourrait croire qu'on ferait assis entre deux étrons. Troisièmement, je voudrais qu'on dit le Conseil aisance, et non pas le Conseil privé, je voudrais aussi que vous changeassiez ce vilain mot de brandevin, parce que bran ressemble trop à merde. Je vous laisse sur la bonne bouche. Voilà de quoi putrifier votre Dictionnaire. LE VOISIN. Putrifier, dis donc purifier. POLICHINELLE. Purifier votre Dictionnaire, qui ne pourrait servir qu'à torcher le cul, si vous y laissiez toutes ces ordures. LE VOISIN. Voilà qui va bien, tu n'as qu'à aller te faire recevoir ; tu pourrais bien en même temps recevoir quelques coups de bâton. POLICHINELLE. Bon ! Je n'en aurais pas plus que tant d'autres de là-dedans qui en méritent, et auxquels on n'en donne point. ==================================================