******************************************************** DC.Title = LE MENDIANT EN VOITURE, SAYNÈTE. DC.Author = MOINAUX, Jules DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Saynète DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 24/12/2021 à 12:41:54. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MOINAUX_MENDIANTENVOITURE.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5718390w DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE MENDIANT EN VOITURE 1881. Tous droits réservés. par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux. 8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881 PERSONNAGES. L'AVOCAT. LE PRÉSIDENT. RIMONOT. LE TÉMOIN, Julie. Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 347-350 LE MENDIANT EN VOITURE LE NARRATEUR. Tout le monde connaît un cab, cette voiture dont le supérieur, qui est à l'intérieur, voit la partie postérieure de l'inférieur qui est à l'extérieur. Cet inférieur était le cocher Lesueur ; le supérieur était un voyageur, le sieur Pasteur ; phraseur et beau parleur, comme on le verra tout à l'heure ; laissez souffler le chroniqueur. Ouff ! Comme les boursiers, agents de change et brasseurs d'affaires, qui, toujours pressés, font leurs courses en voiture, Pasteur, simple mendiant à domicile, a, lui aussi, pensé qu'il aurait bénéfice à se faire conduire au grand trot dans toutes les maisons où il allait solliciter des secours. Son calcul s'était-il réalisé avant le jour où il a été arrêté ? C'est ce qu'il est difficile de savoir. Mais il est certain que ce jour-là les recettes n'ont pas répondu à son attente, puisque son cocher, las de le trimballer dans tout Paris, l'a remis entre les mains de sergents de ville, après lui avoir vainement réclamé le prix de cinq heures de courses. Voici donc Pasteur en police correctionnelle, sous prévention d'escroquerie et de mendicité. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vous avez inauguré la mendicité en voiture ; accompagné d'une femme, vous vous êtes fait conduire dans tous les coins de Paris, à diverses adresses que vous aviez sans doute relevées dans le Bottin, et dont on a saisi une liste sur vous, ainsi que plusieurs lettres contenant des demandes de secours. Qu'avez-vous à dire ? LE PRÉVENU, tirant de sa poche un manuscrit qu'il déploie et commençant à lire. Hum ! Hum ! Magistrats, victime des pouvoirs déchus, je viens du haut de cette tribune... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Qu'est-ce que c'est que cela ? D'abord, vous n'êtes pas à une tribune, vous êtes au banc des prévenus. LE PRÉVENU. Étant devant le tribunal, je croyais que, naturellement, c'était une tribune que... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Et puis je vous engage à serrer ce papier et à vous expliquer verbalement. LE PRÉVENU. Je n'éprouve aucun embarras à obtempérer à l'invitation de Monsieur le Président, le maniement, de la langue m'est familier, m'étant occupé longtemps de littérature, ayant travaillé aux ouvrages les plus célèbres... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vous êtes homme de lettres ? LE PRÉVENU. Pas par moi-même, mais j'ai travaillé à ces ouvrages comme typographe. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Peu importe ; il s'agit du délit de mendicité ; reconnaissez-vous, le fait ? LE PRÉVENU. Je vais répondre. Lisant dans son chapeau le manuscrit qu'il y a placé.Longtemps jouet d'un destin inconstant, ballotté sur cette mer de la vie comme un vaisseau sur l'Océan... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Ah çà ! Vous recommencez vos divagations ! Si vous ne voulez pas répondre catégoriquement, je vais vous retirer la parole. LE PRÉVENU. J'ai bu tout le vase d'amertume de la destinée ; cette nouvelle rigueur... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Ce n'est point une rigueur, c'est un usage commun auquel vous devez vous soumettre ; répondez ! Vous alliez en voiture, accompagné de votre concubine... LE PRÉVENU. Je n'accepte pas ce mot humiliant pour cette personne ; ce n'est pas ma concubine. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vous en êtes convenu. LE PRÉVENU. Je ne me suis pas servi de ce mot ; j'ai dit que c'était ma compagne chérie, une amie dont le courage augmente le mien ; S'animant.Sa vertu soutient la mienne... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Ne parlez donc pas de vertu ; vous avez été condamné huit fois pour vagabondage, filouterie, mendicité. LE PRÉVENU. J'ai eu l'avantage de vous dire que je suis une victime des pouvoirs déchus. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Je ne sais ce que vous entendez par là ; mais je sais que vous êtes un mendiant incorrigible. LE PRÉVENU. Cette opinion sur mon compte vient d'agents bonapartistes ; condamnez-moi ; l'histoire jugera. En attendant le jugement de l'histoire, celui du tribunal a condamné à un an de prison la victime des pouvoirs déchus. ==================================================