******************************************************** DC.Title = L'OIE AUX MARRONS, SAYNÈTE. DC.Author = MOINAUX, Jules DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Saynète DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:07:46. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MOINAUX_OIEAUXMARRONS.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5718390w DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'OIE AUX MARRONS. 1881. Tous droits réservés. par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux. 8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881 PERSONNAGES. LE NARRATEUR. LE PRÉSIDENT. LE PÈRE GENDRIN. LE PRÉVENU. LE GENDARME. Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 253-257 L'OIE AUX MARRONS. LE NARRATEUR. Deux secondes plus tard, le père Gendrin était condamné par défaut, et il eût fallu tout recommencer un autre jour, ce dont le marchand de vin le plus proche du Palais ne se serait, d'ailleurs, pas plaint, étant entendu que le bonhomme en question avale plus aisément un litre que quelques heures d'attente. Or, depuis dix heures et demie qu'il est arrivé au tribunal, jusqu'à deux heures qu'il a vainement attendu rappel de son nom, le père Gendrin était resté sans boire; une suspension d'audience étant prononcée à cette heure, il se dit que c'était l'occasion d'en employer la durée agréablement ; cette durée, il l'a outrepassée, et on l'appelait pour la troisième fois, lorsqu'il arrive tous essoufflé : « Présent ! » crie-t-il, et il s'avance, comme s'il entrait dans un salon, saluant respectueusement le tribunal, le greffier, l'huissier, les gendarmes, les avocats, et il aurait salué l'auditoire s'il n'eût été interrompu dans ses politesses par Monsieur le président, qui l'admoneste pour s'être absenté. LE PÈRE GENDRIN, souriant. C'est vrai que j'ai manqué de manquer mon jugement. Faites excuse, mon juge et la compagnie, si c'est un effet, ayant eu besoin d'un petit rafraîchissement, que je viens de prendre avec du petit salé, étant à jeun et qu'il est... Regardant la pendule.Le tribunal retarde ; j'ai l'heure de Clichy la Garenne. Il tire sa montre. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Voyons, donnez vos noms. Le père Gendrin fait connaître son état civil, puis, attend, avec un gracieux sourire, que Monsieur le président l'interroge. Ce brave homme, à la figure franche et épanouie, est pourtant l'objet d'une prévention honteUse, dont, à vrai dire, il n'a pas l'air de se douter : il est prévenu d'outrage public à là pudeur. Un gendarme explique les circonstances du délit, qui, après là déposition de ce représentant de la force publique, perd beaucoup de sa gravité. « Mon Dieu ! dit-il, je n'aurais pas arrêté pour ça le père Gendrin, que je connais anciennement... » LE PÈRE GENDRIN, s'inclinant. Vous, pareillement, Gendarme, vous êtes bien aimable. LE GENDARME. C'est venu à la suite d'un bal où le père Gendrin était... LE PÈRE GENDRIN. De noce, mon président. LE GENDARME. Et qu'il avait quitté un instant, se trouvant indisposé. LE PÈRE GENDRIN. L'oie aux marrons ; ça m'a fichu une indigestion !... LE GENDARME. Je passais par là à ce moment ; je crois voir un chien au bas du mur ; il faisait très noir ; je m'approche : pas du tout, c'était le père Gendrin. Je lui dis de s'en aller ; il me répond : « Vive Garibaldi ! » ce qui prouvait qu'il avait bu, vu que ça n'avait aucun rapport ; alors, comme il ne voulait pas s'en aller... LE PRÉVENU. Gendarme, je vous ai prié d'attendre deux minutes. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Taisez-vous ! LE PRÉVENU, d'un air gracieux. Avec plaisir. LE GENDARME. J'ai voulu le faire en aller de force ; alors il m'a résisté avec violence ; c'est là-dessus que je lui ai dressé procès-verbal pour rébellion et outrage à la pudeur. LE PRÉVENU. Ça s'appelle outrage à la pudeur ? Alors, Gendarme, pourquoi, quand je m'ai plaint à vous que le chien du charron fait des outrages à la pudeur dans mon escalier... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Voyons, expliquez-vous. LE PRÉVENU. Le soir, on descend sans lumière, on ne sait pas où on met les pieds ; on a beau ne pas être un réactionnaire, ça n'est pas agréable. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Qu'avez-vous à dire pour votre défense ? LE PRÉVENU. Mon président, j'ai à dire d'abord que la chose, que dit le gendarme (pas la rébellion, l'autre), ça n'était pas dans le bal. Rires. LE GENDARME. Il n'aurait plus manqué que ça. LE PRÉVENU. C'est pour dire que ce n'était pas en public. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. C'était sur la voie publique. LE PRÉVENU. Il faisait noir, qu'un nègre lui-même en aurait eu peur. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Enfin, vous reconnaissez les faits ? LE PRÉVENU. Sans l'oie aux marrons, ça ne serait pas arrivé, et même si le Gendarme avait attendu deux minutes..... Le tribunal le condamne à six jours de prison. LE PÈRE GENDRIN. Merci bien, m'sieur le tribunal, messieurs et la compagnie, j'ai l'honneur de vous présenter mes respects. Au gendarme, en sortant : Manquez pas, gendarme, de dire au charron que son chien... Il sort. ==================================================