******************************************************** DC.Title = LE PROFESSEUR DE RESPIRATION, SAYNÈTE. DC.Author = MOINAUX, Jules DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Saynète DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 23/02/2022 à 11:51:18. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/MOINAUX_PROFESSEURDERESPIRATION.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5718390w DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE PROFESSEUR DE RESPIRATION 1881. Tous droits réservés. par JULES MOINEAUX, rédacteur de la Gazette des Tribunaux. 8517. - Paris. Imprimerie de Ch. Noblet, 13 rue Cujas. - 1881 PERSONNAGES. LE NARRATEUR. LE PRÉSIDENT. GOBLARD, prévenu. Extrait de MOINAUX, Jules, "Les tribunaux comiques", Paris, Chevalier-Marescq éditeur, 1881. pp 5-8 LE PROFESSEUR DE RESPIRATION LE NARRATEUR. [Note : Salomon de Caus (1576-1626) architecte et ingénieur qui, malgré ses nombreuses inventions et réalisations.]S'il fallait rappeler le sort malheureux d'hommes de génie devenus immortels quand ils ont été morts, cela nous mènerait un peu loin. Ce n'est pas Goblard qui s'en plaindrait ; certes, lui savant et méconnu comme tant de ses illustres prédécesseurs, mais les vulgaires bourgeois qui liront son procès trouveraient peut-être que sa découverte n'est pas sérieuse, et on aurait beau leur dire que Salomon de Caux et tant d'autres n'ont pas, eux non plus, été pris au sérieux, ils persisteraient dans leur opinion.Goblard est prévenu de mendicité. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Quelle est votre profession ? LE PRÉVENU. Professeur. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Professeur de quoi ? LE PRÉVENU. Professeur de respiration. Mouvement d'étonnement dans l'auditoire. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Qu'est-ce que c'est que cet état ? LE PRÉVENU. Monsieur le président, j'ose dire que je pourrais être un des bienfaiteurs de l'humanité si mon système était connu et répandu, car alors, messieurs, vous verriez disparaître peu à peu cette horrible maladie qu'on appelle la phtisie pulmonaire... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Voyons, voyons ; laissons là votre découverte et expliquez-vous sur le délit de mendicité qui vous est reproché. LE PRÉVENU. Monsieur le président, je nie formellement avoir mendié. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vous alliez mendier à domicile, et c'est une des personnes chez lesquelles vous vous êtes présenté qui, ne pouvant pas se débarrasser de vos obsessions, vous a remis à un gardien de la paix. LE PRÉVENU. Monsieur le président, ai-je ou non le droit de me défendre ? MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Sans doute, vous avez ce droit. LE PRÉVENU. Eh bien, ma défense est toute dans ma découverte. Je maintiens que le jeu, habilement dirigé, des poumons donne de la forcé à cet organe essentiel. Vous me direz que l'être vivant a reçu de la nature les moyens de respirer ; que l'enfant respire en naissant, etc., etc.; oui, tout respire, mais à tort et à travers, et, d'ailleurs, la maladie de la phtisie me donne raison ; eh bien, Messieurs, j'ai inventé un moyen de donner à la respiration naturelle une direction salutaire. Tenez !... Je l'indique ici à tous : tous les matins en vous levant et tous les soirs en vous couchant (du reste, chaque fois que vous avez le temps), tenez-vous droit, cambrez-vous, avancez la poitrine, rentrez vos bras en arrière, puis aspirez longuement... comme cela... puis expirez ainsi... Avec cet exercice... La suite de la démonstration est couverte par les rires de l'auditoire. LE PRÉVENU, avec dédain. Peuple d'imbéciles. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. En voilà assez. Vous niez avoir mendié ? LE PRÉVENU. Je me suis présenté dans des maisons, oui, pour offrir mes leçons ; diverses personnes m'ont présenté une pièce d'un franc, que je n'avais pas sollicitée, mais... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Vous vous êtes échappé des mains de l'agent et vous avez pris la fuite ; puis, après une course dé vingt minutes, vous vous êtes arrêté. LE PRÉVENU. Parce que j'avais perdu la respiration. Rires.Oui, je me sauvais, c'est un instinct naturel, l'instinct de la liberté ! Je ne suis pas un malfaiteur, je n'ai jamais subi de condamnation. MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Pardon ! Vous en avez subi six pour mendicité, toujours. LE PRÉVENU. Toujours comme cette fois, ou ; si j'avais les moyens de faire cent mille francs de réclame dans les journaux et d'ouvrir un cabinet luxueux où j'enseignerais l'art de respirer, je serais bientôt célèbre et riche... MONSIEUR LE PRÉSIDENT. Laissez le tribunal délibérer. LE PRÉVENU. Et décoré. Le tribunal condamne le professeur de respiration à quinze jours de prison. ==================================================