******************************************************** DC.Title = À LA MONACO, L'ON CHASSE L'ON DÉCHASSE, PROVERBE DC.Author = P. G. DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Proverbe DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 01/08/2021 à 11:57:19. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/PG_ALAMONACO.xml DC.Source = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5540414q DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** À LA MONACO L'ON CHASSE L'ON DÉCHASSE PROVERBE EN VERS, EN POUDRE ET EN BATONS, MÊLÉ DE COUPLETS Janvier 1889. P. G. À PARIS, DES PRESSES DE D. JOUAUST, Imprimeur breveté RUE SAINT-HONORÉ, 338 Représentée pour la première fois, à Paris, à la Comédie Française, le 17 juin 1875. PERSONNAGES LA COMTESSE ARGENTINE. LE CHEVALIER PIERROT. LE MARQUIS POLICHINELLE. VALÈRE, Officier. Extrait de "Entre les paravents, Petites récréations scéniques de salle et de famille", P.G., Janvier 1889, pp. 277-304. Cote BnF [8-YF-410] À LA MONACO SCÈNE PREMIÈRE. Valère, Le Chevalier. VALÈRE. Voilà, cher chevalier, comment s'est terminéeLa dernière campagne et comment, cette année,Dos beaux lauriers de Mars ton ami tout couvertVient jouir à Paris de ses quartiers d'hiver.Maintenant en échange, après six mois d'absence, J'attends aussi de toi quelqu'autre confidence ;Tu m'as parlé jadis, autant qu'il m'en souvient,De certaine comtesse aimable et belle : Et bienComment vont tes amours ? LE CHEVALIER. Mal. VALÈRE. Tudieu ! Qu'est-ce à dire ?La belle est insensible à ton tendre martyre. LE CHEVALIER. Je ne sais, mais de fait près de cette beautéJe ne suis pas toujours, mon cher, des mieux traitéEt depuis près d'un an que dure mon servage,J'ignore dans son coeur où j'en suis. VALÈRE. Quel courage.Et tu peux, à ton âge, oublieux des plaisirs, Pousser aussi longtemps de stériles soupirs ?D'une telle constance il faut, je le déclare,Que l'objet, vertubleu ! Soit d'un mérite rare.Elle est donc bien jolie ? LE CHEVALIER. Ah ! Ce serait trop peu !Esprit, attraits et grâce, elle a tout. VALÈRE. Maugrebleu ! LE CHEVALIER. Oui tout ce qui séduit, captive, enivre, enchante,Elle est enfin, mon cher, elle est... elle est charmante. VALÈRE. Mais cruelle. LE CHEVALIER. Hélas ! Oui. De plus, assez souventCapricieuse, vive, exigeante, abusantFort tyranniquement de son fatal empire, Au prix de cent tourments me vendant un sourire. VALÈRE. Ah ! Ah ! Voilà l'envers. Mais à tous ces attraits,À ta place, avec ça, moi, je renoncerais. LE CHEVALIER. Bien des fois je me suis tenu même langage,Et de rompre mes fers n'ai pas eu le courage, AIR : Un homme pour faire un tableau.Elle a l'esprit et la beauté,Toutes les grâces en partage ;Un coeur loyal est reflétéSur les traits purs de son visage.Mais hélas ! Elle est a la fois Vive, impatiente, intraitable... VALÈRE. Enfin tu la trouves, je vois,Charmante... mais insupportable ! LE CHEVALIER. De plus, j'ai par malheur un dangereux rival. VALÈRE. Ah ! voilà ! qu'on préfère et l'on te traite mal. LE CHEVALIER. Je le crains ; mais pourtant qui put jamais bien lireDans le coeur féminin ? VALÈRE. C'est pourquoi ton délireS'obstine à l'espérance. - Oh ! Tu me fais pitiéEt je voudrais d'honneur que ma vieille amitiéPut te servir, mon cher, en cette circonstance. LE CHEVALIER. Comment ? VALÈRE. En guérissant ta fatale constance. LE CHEVALIER. Impossible. VALÈRE. Ou bien en lui faisant obtenir... LE CHEVALIER. Et comment pourrais-tu, mon cher, y parvenirQuand les soins assidus, la cour la plus fidèle... VALÈRE. Le nom de ce rival ? LE CHEVALIER. Marquis Polichinelle. Un parfait gentilhomme et, bien que mon rival,Aimable, séduisant, j'en fais l'aveu loyal. VALÈRE. Si d'un bon coup d'épée on arrangeait l'affaire ? LE CHEVALIER. Oh ! Non, ce serait pour tout gâter, au contraire. VALÈRE. Crois-tu ? Je ne suis pas de cet avis, morbleu ! LE CHEVALIER. Tiens, le voici qui vient. VALÈRE. Écartons-nous un peu.Je voudrais, Chevalier, quoique sachant sans douteMoins bien prendre une femme, hélas ! Qu'une redoute,Je voudrais travailler à ton bonheur ici ;Laisse-moi t'expliquer mon idée en ceci. SCÈNE II. LE MARQUIS POLICHINELLE, seul. Je ne suis pas vraiment enchanté d'Argentine ;Elle ne m'encourage et me fait bonne mineQue devant mon rival ; hors de là, serviteur,On ne me montra plus qu'un assez triste humeur.Que de bizarrerie entre dans la cervelle De l'être féminin ! Et je n'ai de mon zèleD'autre fruit que de faire enrager quelque peuCe pauvre chevalier. - Oh ! Ce n'est pas parbleuQue je tienne beaucoup à la belle comtesse ;Mais c'est mon amour-propre ici qui s'intéresse. Un échec semblerait pour moi trop singulier. SCÈNE III. Le Marquis Polichinelle, le Chevalier Pierrot. LE CHEVALIER. Eh ! Bonjour, cher marquis, POLICHINELLE. Eh ! Bonjour, chevalier.Il n'est pas encor jour chez la belle Comtesse,Déjà chacun de nous à sa porte s'empresse. LE CHEVALIER. Votre assiduité, mon cher marquis, a moins De mérite ; en effet, vous trouvez de vos soinsUn prix encourageant. POLICHINELLE. Mais, a parler sans feindre,D'honneur, cher chevalier, j'aurais tort de me plaindre ;La façon dont céans je me vois accueilliN'est pas faite pour m'en éloigner, Dieu merci. LE CHEVALIER. Ah ! Vous êtes heureux ! POLICHINELLE. Croyez-vous qu'une belleSe donnant avec moi les airs d'être cruelleMe retiendrait longtemps ? LE CHEVALIER. Quand on aime, Marquis,Cependant. POLICHINELLE. Non, vraiment, je n'ai jamais comprisPrès de froide beauté cette belle constance, Se payant des dédains et de l'indifférence ;Que ne peuvent jamais rebuter les mépris.Tout comme leurs faveurs notre hommage a son prix ;Quand on aime, mon cher, il faut qu'on vous réponde,La glace éteint chez moi le plus beau feu du monde. LE CHEVALIER. La comtesse d'ailleurs entre nous deux encorNe se prononce pas ; j'espère un meilleur sert. POLICHINELLE. Ah ! Parbleu, voulez-vous l'obliger à le faire ? LE CHEVALIER. Comment ? Par quel moyen ? Avec son caractère,Tant qu'elle ne veut pas... POLICHINELLE. Quittons-la tous les deux. Je m'offre le premier à faire mes adieux.Une femme ce voit délaissée avec peine,Elle rappellera, la chose est bien certaine,L'un ou l'autre, en ce cas celui-là restera. LE CHEVALIER. Le moyen est scabreux pour moi. POLICHINELLE. Bah ! L'on verra. J'y risque plus que vous, d'ingratitude affreuseElle va m'accuser. LE CHEVALIER. Mais si, moins généreuse,Elle nous a demain donné des remplaçants. POLICHINELLE. Nous porterons ailleurs nos voeux et notre encens. LE CHEVALIER. Oui-dà. POLICHINELLE. Des sentiments du coeur de la coquette Nous avons fait alors une épreuve complète. LE CHEVALIER. L'épreuve est forte et si contre vous seul enfinElle tournait ? POLICHINELLE. J'aurais ma revanche soudainEt comme cette belle, avec insouciance,Goûterais les plaisirs piquants de l'inconstance, Et me consolerais bien vite. Chevalier,On à toujours le temps, allez, de se lier,Tant qu'on peut librement courir de belle en belle,On trouve chez chacune une grâce nouvelle :L'une est vive, enjouée, une autre a l'air rêveur, L'une a plus de finesse et l'autre plus d'ampleur ;Une est brune ou châtaine, une autre rouge ou blonde,Il n'en est pas vraiment deux pareilles au monde ;Mais chacune a son charme et la variétéAjoute h notre feu plus de vivacité, Il n'a que plus de flamme en ses courtes délices,La glace est immobile, un feu plein de caprices. LE CHEVALIER. Oh ! Palsambleu, marquis, le système est gaillard. POLICHINELLE. Il est bon, c'est le mien. Voyons, à tout hasard,Essayez-en. - Parbleu, c'est chose décidée, Vous me remercierez plus tard de mon idée.C'est en ami sincère au moins ce que j'en dis. LE CHEVALIER. Oui, peut-être elle est bonne ; essayons donc, Marquis. POLICHINELLE. Voici l'heure où s'en va paraître cette belle,Tenez, je me dévoue et prendrai congé d'elle Le premier. Vous voyez que je vous fais beau jeu. LE CHEVALIER. Mais de vous, si lorsqu'elle aura reçu l'adieu,Elle me retenait ? POLICHINELLE. L'épreuve sera faiteEt je vous abandonne alors cette conquête. LE CHEVALIER. Ô généreux ami. POLICHINELLE. Touchez-là, cher ami. J'ai donc votre parole. LE CHEVALIER. Et moi la vôtre aussi. Le chevalier sort. SCÈNE IV. Polichinelle, Argentine. POLICHINELLE. Maintenant que j'ai su gagner sa confiance,Je suis d'en abuser rempli d'impatience. ARGENTINE. Ah ! Vous voilà, Marquis, je vous trouve à propos. POLICHINELLE. Le mot m'est doux, Madame, et me rend tout dispos. ARGENTINE. Oui, je suis ce matin d'une humeur effroyable. POLICHINELLE. Ah ! Bien, la circonstance est pour moi favorable. ARGENTINE. J'ai fait un vilain rêve, ai l'esprit à l'envers,Lisette m'a coiffé aujourd'hui de travers. POLICHINELLE. Je vous trouve divine. ARGENTINE. Oh ! Je suis trop maussade, Pour goûter, voyez-vous, un compliment si fade,Mais je ne vois pas là le polit chevalier. POLICHINELLE. Je n'aurais donc pas l'heur de le faire oublier. ARGENTINE. Je suis accoutumée à vous avoir ensemble.Et quand il en manque un, c'est tout comme, il me semble, Une paire de gants dont j'aurais égaréLa main gauche ou la droite. POLICHINELLE. Adorable à mon gré.Ce pauvre chevalier, un peu bien téméraire,A formé le dessein, parait-il, de se faireRegretter, en privant vos beaux yeux de le voir. ARGENTINE. Le fat aurait conçu cet outrageant espoir. POLICHINELLE. Il se pourrait. ARGENTINE. Eh ! Bien peut-être sa visiteMe manquerait aussi, car il a du mérite. POLICHINELLE. En est-ce un d'être fou de vos divins attraits ?C'est celui que pour moi je revendiquerais. ARGENTINE. Ne le plaisantez pas, Marquis ; en leur absence,De mes amis je prends volontiers la défense. POLICHINELLE. Que dites-vous, Madame, oh ! Croyez sur ma foiQu'il ne saurait avoir d'ami plus chaud que moi.Est-il un peu naïf ? Il se peut qu'on le dise, Moi je veux appeler cela de la franchise.On l'accuse d'avoir quoique timidité,Est-on plus galant homme étant plus redouté ?Sa conversation semble terne, à vrai dire,Mais faut-il préférer un esprit qui déchire ? C'est un fort bon garçon, tel qu'on aime au totalÀ l'avoir pour ami, mais surtout pour rival. ARGENTINE, à Pierrot qui est survenu pendant que Polichinelle parlait et qui l'a écouté. Ah ! L'éloge est pompeux. Mais approchez de grâce,Chevalier, vous craignez de rougir ? SCÈNE V. Le Marquis Polichinelle, la Comtesse Argentine, Le Chevalier Pierrot. LE CHEVALIER. Il surpasse.Mon mérite à coup sûr. ARGENTINE. Vraiment, qui ne verrait Que votre ami vous porte un furieux intérêt ?S'il faut prendre à la lettre au moins ce que sur l'heureIl disait. POLICHINELLE. Non, rien n'est plus sincère, ou je meure. LE CHEVALIER. N'osant pas approcher, j'avais entendu tout,Mais, Madame, il faudrait en rabattre beaucoup. AIR : Des cabinets particuliers.Tracé par un ami fidèleDe moi ce portrait, je le vois,Vous donne une idée assez belle,Mais hélas ! Songez toutefoisQu'il faut craindre aussi que parfois L'image soit peu ressemblanteEt trop flattée en un tableauOu de l'amitié bienveillanteLa main dirige le pinceau.Oui, c'est l'amitié bienveillante Qui tenait ici le pinceau. ARGENTINE. De la part d'un rival elle est plus méritoire. LE CHEVALIER. Nous ne le sommes plus maintenant, j'aime à croire.Le marquis ne vous a-t-il pas fait ses adieux ? POLICHINELLE. Doucement, Chevalier. ARGENTINE. Que veut dire, messieurs ? Est-ce un complot ? POLICHINELLE. Voici, nous avions fait partieD'aller nous pondre enfin tous deux de compagnie,Pour vos beaux yeux armés d'un peu trop do rigueur. ARGENTINE. Ah ! L'idée est bouffonne et me rend bonne humeur. POLICHINELLE. Trop heureux que par moi ce beau front se déride. LE CHEVALIER. À moins que la pitié pourtant ne vous décide. ARGENTINE. Et que je ne me mette en supplication. LE CHEVALIER. Oh ! Pour moi, je n'ai pas cette présomption. POLICHINELLE. Et moi, belle comtesse, un seul petit sourirePour me rendre et la vie à présent peut suffire. ARGENTINE. Bon, je vois qu'il ne faut pas plus que de raisonCompter, mon cher marquis, sur votre pendaison.Je crois que si je veux qu'on mette en mon histoire,Chose faite après tout pour rehausser ma gloire,Un gentilhomme est mort d'amour pour elle, il faut Que j'espère plutôt du Chevalier Pierrot. LE CHEVALIER. Vous me connaissez bien. POLICHINELLE. Il est mélancolique. ARGENTINE. Oui, je le crois plus propre à cet acte héroïque,On pourrait essayer. LE CHEVALIER. Et vous ne seriez pasTouchée, on le voit bien, même de mon trépas. ARGENTINE. Mon coeur serait vraiment le plus touché du monde.Je vous promets un pleur. LE CHEVALIER. Ô cruauté profonde,Vous me désespérez. ARGENTINE. Je voulais aujourd'huiDissiper des vapeurs dont j'éprouve l'ennui,Je vous l'ai déjà dit, je cherche à me distraire, Un homme au désespoir ferait mal mon affaire ;C'est pourquoi, cher Marquis, donnez-moi votre bras.Au revoir, Chevalier... mais ne vous pendez pas. SCÈNE VI. Le Chevalier Pierrot, Valère. VALÈRE. Elle s'en va, je crois, avec Polichinelle. LE CHEVALIER. C'est une ingrate, hélas ! Valère, une cruelle. VALÈRE. Eh ! C'est une coquette enfin, cela dit tout. LE CHEVALIER. Oh ! Mais je suis ma foi poussé, mon cher, à bout,J'efface de mon coeur son image si chère. VALÈRE. Parbleu, tu ferais bien, mais tu n'es pas sincère. LE CHEVALIER. Je te jure que si. VALÈRE. Veux-tu que maintenant J'essaie à te guérir, mais radicalement. LE CHEVALIER. J'y consens volontiers. VALÈRE. Tu sais ce que mon zèleT'a proposé tantôt ; je tombe amoureux d'elle,Je lui fais la cour. LE CHEVALIER. Bon, cela m'obligera. VALÈRE. Je me montre jaloux, brutal et coetera ; Menace ses amants de ma fureur terribleEt si pour leurs dangers elle reste insensible,C'est qu'elle est sans tendresse et que son coeur tariN'a que vanité seule. LE CHEVALIER. Alors, je suis guéri. VALÈRE. Si je la vois trembler pour le péril extrême D'un des deux, c'est qu'alors c'est celui-là qu'elle aime.Si c'est pour toi. LE CHEVALIER. Mon cher, alors, tout me sourit. VALÈRE. Mais si c'est le marquis. LE CHEVALIER. Je suis encor guéri,La chose est évidente. VALÈRE. Ou du moins je l'espère.Je vais mener cela de façon militaire. LE CHEVALIER. Que de reconnaissance I VALÈRE. Allons donc et pourquoi ?Je voudrais de grand coeur faire encor mieux pour toi. Air : On dit que je suis sans malice.Te supplanter près de ta belle,Et, mon cher, tu dois bien savoirQue c'est là d'un ami fidèle Remplir simplement le devoir.À l'amour c'est un bon officeQue l'amitié rend constamment,Sans réclamer pour ce serviceLe plus petit remerciement. Sans vouloir de remerciement. LE CHEVALIER. Justement, la voici seule. VALÈRE. Quitte la place.Je vais ouvrir le feu. Le chevalier sort. SCÈNE VII. Valère, Argentine. VALÈRE. Excusez mon audace,C'est celle d'un soldat par Mars lui seul formé,Que l'éclat de vos yeux a soudain enflammé. ARGENTINE. La déclaration est brusque et cavalière. VALÈRE. J'en conviens, mais chacun la fait à sa manière,Je sais que par malheur j'ai des rivaux nombreux ;Que vous donniez ou non quelqu'espoir à mes feux,J'y suis bien résolu, je m'en ferai justice, Afin que, resté seul, votre coeur me choisisse, ARGENTINE. Vous le tuerez ? VALÈRE. Non, mais m'en débarrasserai,Ou du moins de celui qui se voit préféré. ARGENTINE. Et vous pensez ainsi m'imposer votre flamme ? VALÈRE. Peut-être. En tous les cas, veuillez n'y voir, Madame, Que la vivacité de ma sincère ardeur. ARGENTINE. Oui-dà, mais savez-vous, monsieur le pourfendeur,[Note : Petites maisons : asile d'aliénés.]Qu'aux petites maisons il faudra qu'on vous mette. VALÈRE. Oh ! ce n'est pas sa mort pourtant que je projette,Pour m'en défaire on va l'exporter simplement. Pour les Indes demain part tout mon régiment :Quatre hommes dévoués enlèvent à la bruneMon rival préféré, qui va chercher fortuneAvec Royal-Vexin. ARGENTINE. Quel guet-apens affreux ! VALÈRE. Tous les moyens sont bons aux guerriers amoureux. ARGENTINE. Et vous croyez qu'ainsi se laissera surprendreLe marquis ? VALÈRE. C'est pour lui que votre coeur est tendre ? ARGENTINE. Je n'ai pas à vous prendre ici pour confident. VALÈRE. Vous vous êtes trahie À part.Oh ! Voyons cependantSi ce n'est qu'une feinte, Haut.Oh ! Mais alors, Madame, J'ai fait une bévue énorme, atroce, infâme. ARGENTINE. Comment ? VALÈRE. De faux rapports m'ont trompé, je crois voir,Car c'est le chevalier qu'on enlève ce soir, ARGENTINE, à part. Ciel ! Je me meurs. VALÈRE, à part. Elle a pâli, c'est lui qu'elle aime. ARGENTINE. Mais je vais l'avertir. VALÈRE. Inutile, moi-même Je vais donner contre-ordre à mon monde embusqué.Et c'est votre Marquis qui sera l'embarqué. ARGENTINE. Vraiment, je n'en fais pas non plus le sacrificeEt je cours de ce pas prévenir la justice. Elle sort. SCÈNE VIII. Valère, Le Chevalier Pierrot et le Marquis Polichinelle, sans être vu. LE CHEVALIER. Eh ! Bien ? VALÈRE. Sois satisfait, Chevalier, j'ai cru voir Qu'elle penche pour toi. LE CHEVALIER. Se peut-il ? Quel espoir ! VALÈRE. Mais il faut obtenir qu'enfin elle décideDe t'accorder sa main, que ce Marquis perfideDe céans soit banni. LE CHEVALIER. Sans doute. POLICHINELLE, sans être vu. Contre moiL'on forme un noir complot, on se ligue, je crois. VALÈRE. À nous deux nous allons l'expulser de la place. POLICHINELLE. Oui-dà, divisons-les. LE CHEVALIER. Que faut-il que l'on fasse ? VALÈRE. Les grands moyens : prenons chacun un bon bâton. LE CHEVALIER. Voilà. Quel est ton plan ? VALÈRE. Tu vas voir s'il est bon.Regardons bien d'abord si personne n'écoute. Pendant qu'ils vont regarder chacun de leur côté, Polichinelle, sans être vu, s'avance au milieu et donne un coup de bâton à Pierrot par derrière. LE CHEVALIER. Oh ! Pourquoi l'essayer sur moi ? VALÈRE. Quoi donc ? LE CHEVALIER. Sans doute,C'est une trahison. VALÈRE. Ah ça ! Deviens-tu fou ? LE CHEVALIER. Sur ma nuque, parbleu, j'ai bien senti le coup. VALÈRE. C'est donc sans m'en douter, alors, par maladresse. LE CHEVALIER. Enfin, c'est singulier. VALÈRE. Mais, mon cher, le temps presse, Il nous faut du secret ; regardons si par làPersonne ne survient. Même jeu, Polichinelle donne un coup de bâton à Valère.Oh ! C'est bête cela. LE CHEVALIER. Quoi ? VALÈRE. Tu ne me crois pas, voilà que tu te venges.Brutalement sur moi de tes doutes étranges. LE CHEVALIER. Mais je n'ai pas bougé. VALÈRE. Bon, quittes nous voici. Je disais donc qu'il faut... N'entends-je pas du bruit ? Pendant que chacun tourne la fêle d'un côté sans s'éloigner l'un de l'autre, Polichinelle revient par derrière entre eux et leur donne un coup à chacun, puis se sauve. VALÈRE. Ah ! C'est trop ! LE CHEVALIER. [Note : Gaulade : coup de gaule.]Pour le coup, j'ai senti la gaulade. VALÈRE. Quoi, lorsqu'on vient l'aider en brave camarade... LE CHEVALIER. Lorsque je me confie et suis plein d'abandon... VALÈRE. Tu me réponds ici par des coups de bâton. LE CHEVALIER. Tu m'assommes ; vraiment, ce procédé me choque. VALÈRE. Et, non content, de moi ta traîtrise se moque. LE CHEVALIER. C'est toi-même plutôt, et j'en suis fort touché,Qui me railles encor par dessus le marché,Mais la plaisanterie est tout à fait mauvaise. VALÈRE. Ah ! Tu veux du bâton, et bien tout à ton aise. Ils se donnent des coups de bâton.Tiens coquin, tiens pendard. LE CHEVALIER. Tiens traître, tiens bourreau. POLICHINELLE tient taper sur tous tes deux. Parbleu, je veux m'en mettre. LE CHEVALIER, l'aperçoit. Ah ! Valère ! VALÈRE le voit aussi. Ah ! Pierrot. POLICHINELLE. Je veux vous séparer. VALÈRE, le menace. Attends, mon camarade. POLICHINELLE. Merci bien, serviteur à votre bastonnade. Polichinelle se sauve poursuivi par Valère. SCÈNE IX. Le Chevalier Pierrot, la Comtesse Argentine. ARGENTINE. Quel est tout ce vacarme et que fait-on armé ? LE CHEVALIER. Rien qu'avec le marquis un colloque animé. ARGENTINE. Vous n'êtes pas blessé ? LE CHEVALIER. Pour cet intérêt tendreSans regret tout mon sang pourrait bien se répandre. ARGENTINE. J'ai craint que ce ne fût Valère, ce brutal. LE CHEVALIER. C'est mon meilleur ami, n'en dites pas de mal. ARGENTINE. En êtes-vous bien sûr ? LE CHEVALIER. Je lui dois l'espéranceQue vous aurez un jour pitié de ma souffrance. ARGENTINE. Il a menti. LE CHEVALIER. Madame, oh ! Laissez-vous fléchir,Sur le choix d'un époux c'est assez réfléchir. Tant d'esprit, de beauté, de grâces infinies,Doivent à la bonté se trouver réunies. ARGENTINE. Oh ! Oh ! Mais, Chevalier, si j'avais, voyez-vous,Ces perfections-là, pour le choix d'un épouxJ'aurais droit de montrer furieuse exigence. Mais du peu que je vaux j'ai trop la conscience. LE CHEVALIER. Air : Dans un bosquet.Non ce n'est point un type imaginaire,Tous ces dons là sont réunis en vous,Et cependant d'un mérite ordinaireVous daigneriez accepter un époux. Prêt à fermer des noeuds de cette sorte,Jamais coeur noble, aimant et généreuxS'occupe-t-il du peu que l'antre apporte,Lorsqu'il se voit assez riche pour deux ?Que fait enfin le peu qu'on vous apporte ? N'êtes-vous pas assez riche pour deux !Oui vous serez assez riche pour deux. ARGENTINE. Mais c'est qu'il est vraiment aimable tout à fait. SCÈNE X. Le Chevalier Pierrot, la Comtesse Argentine, Le marquis Polichinelle. ARGENTINE. Voici fort à propos le Marquis. LE CHEVALIER. En effetSa venue est la plus opportune du monde. ARGENTINE. Approchez, tous les deux il faut que je vous gronde :J'entends, sachez-le bien, que vous restiez amis. POLICHINELLE. Touchez-là, Chevalier. LE CHEVALIER. Touchez aussi, Marquis. POLICHINELLE. Vos désirs sont pour moi des ordres sans réplique. LE CHEVALIER. Mais entre nous enfin que votre coeur s'explique. POLICHINELLE. Vous nous l'aviez promis un jour, mais après toutJ'ai craint que d'insister ne fût de mauvais goût. LE CHEVALIER. Je crus dans vos beaux yeux lire un peu d'espérance. POLICHINELLE. J'ai pensé quelquefois avoir la préférence. LE CHEVALIER. Peut-on se plaire ainsi à torturer les coeurs ? POLICHINELLE. Vous me verrez bientôt occis par vos rigueurs. LE CHEVALIER. Ah ! Vous auriez en moi l'époux le plus fidèle. POLICHINELLE. Des esclaves en moi vous avez le modèle. ARGENTINE. Air du Menuet d'Exaudet.On voudraitUn arrêt Qu'on coeur tendre,Un sage et discret amantDoit toujours patiemmentSans murmurer attendre. LE CHEVALIER. Il ne faut Qu'un seul motPour nous rendreLe bonheur le plus parfait,Si votre coeur n'est muet,Faites-le donc entendre. SCÈNE XI. Les mêmes, Valère. VALÈRE. Ah ! Ah ! Vous voilà donc, monsieur le bâtonneur. ARGENTINE. Encore ce soldat. VALÈRE. Ma parole d'honneur,Il faut, puisqu'en ces lieux je retrouve mon homme,Madame, excusez-moi, qu'à vos yeux je l'assomme. POLICHINELLE. Il ne sait pas du tout vivre ce guerrier-là. ARGENTINE. Oh ! Mon cher chevalier, le butor que voilà.Restez auprès de moi, je saurai vous défendre. LE CHEVALIER. Il n'en est pas besoin. VALÈRE. Tiens et sans plus attendre,Vlan ! Vlan ! Voilà, pour toi. Il donne des coups de bâton à Polichinelle. POLICHINELLE. À la garde, au secours. ARGENTINE, au Chevalier. Ah ! Je respire, il n'en voulait pas à vos jours. VALÈRE, à Argentine. Votre coeur a parlé. ARGENTINE. Comment ? VALÈRE. Mais oui, Madame,Vous avez laissé voir le penchant de votre âme. LE CHEVALIER. Pourquoi vous en défendre ? ARGENTINE. Ah ! J'essaierais en vain,Tenez, cher chevalier, tenez, voilà ma main. VALÈRE. À la fatuité du sieur Polichinelle La petite leçon que voilà suffit-elle. POLICHINELLE. Vous appelez cela, mon brave, une leçon ?Mais l'heureux dénouement c'est de rester garçon. LE CHEVALIER. Il est incorrigible. ARGENTINE. Et bien grand bien lui fasse. VALÈRE. Non, je ne puis souffrir qu'ainsi cela se passe, De céans aujourd'hui quand on va le bannir,Sur ce mot immoral nous ne pouvons finir,Il en triompherait, montrons-lui donc, de grâce,Comme à la Monaco l'on chasse l'on déchasse. Il tape polichinelle avec son bâton.À la Monaco L'on chasse l'on déchasse,À la MonacoL'on chasse comme il faut. POLICHINELLE. Ah ! Ah ! Là là.Lorsque d'un fat Avec éclatOn veut punirLa sotte suffisanceEt le bannirDe sa présence, Pour le chasser on fait comme cela. Il tape Polichinelle qui crie.À la Monaco, etc. LE CHEVALIER. Quand un amantVient constammentÀ la beauté Qui nous donna son âme,Trop entêté,Conter sa flamme,Avec vigueur on lui montre comment.À la Monaco, etc. Il tape Polichinelle qui crie. ARGENTINE. Au sexe fort,Sans nul effort,Le sexe finOppose sa faiblesse.On voit enfin Que par adresse,Le sexe faible est encor le plus fort.À la Monaco, etc. Pierrot et Valère battent tous deux Polichinelle qui crie. POLICHINELLE. Coricoco,Fait un coco, Par quiproquoQui me roule et me joue,Main à peco,S'il me bafoue,Peut-être un jour lui dirai-je en écho : À la Monaco, etc. Ils se battent tous les trois, Polichinelle est chassé par Valère qui te poursuit. ARGENTINE. Trêve aux coups de bâton, donnez-moi, s'il vous plaît,Votre main, Chevalier, pour le dernier couplet. ARGENTINE au publie, donnant la main au Chevalier. Ne croyez pas,Messieurs, qu'hélas ! Ce proverbe alliePour un air de bataille,Au bal demain,Pour notre hymen,Nous chanterons en nous donnant la main. À la Monaco, etc. ==================================================