******************************************************** DC.Title = LE TACITURNE, COMÉDIE. DC.Author = POULHARIEZ, Pierre-Nicolas DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Comédie DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 08/05/2020 à 12:57:10. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/POULHARIEZ_TACITURNE.xml DC.Source = http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5740797h DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** LE TACITURNE COMÉDIE EN UN ACTE ET EN VERS représentée à Marseille, sur un théâtre de société. Il faut savoir parler et se taire à propos. Scène II. NOUVELLE ÉDITION. M. DCC. LXXVIII. par M. POULHARIEZ. Représenté en société à Marseille le 22 mars 1776. ACTEURS MONSIEUR ARGANTE. MADAME ARGANTE. ANGÉLIQUE, leur fille. VALÈRE, amant d'Angélique. ARISTE. JEAN, Valet de chambre d'Ariste. MARTON, Femme de chambre d'Angélique. La scène est aux environs de Paris, dans un appartement du Château de Madame Argante. LE TACITURNE. SCÈNE PREMIÈRE. Marton, et Jean, venant d'un côté opposé. JEAN. Ah, Marton ! Quel sujet t'amène en ce lieu ? MARTON. Mais quel motif, dis-moi, peut t'y conduire aussi ? JEAN. Je sors de chez Madame, et viens de lui remettre.Fidèle messager... MARTON. Quoi donc Jean ? JEAN. Une lettre. MARTON. Une lettre !... Ah, vraiment !... Depuis près de deux mois Qu'Ariste est au Château, ne peut-il une fois,Se résoudre à parler au lieu de nous écrire ! JEAN. Mon maître aimerait mieux, (puisqu'il faut t'en instruire,)Envoyer vingt billets que de répondre un mot. MARTON. Ma foi, je l'avouerai, ton maître est un grand sot De ne pas s'expliquer, s'il adore Angélique.Mais veux-tu qu'avec toi librement je m'explique ?Elle n'est plus déjà maîtresse de son coeur ;Et pour tout dire enfin, Valère est son vainqueur. JEAN. Cela nous est égal : n'avons-nous pas sa mère ? Angélique obéit ?... MARTON. Oui, mais elle est sincère ;Et lui fera l'aveu qu'elle, ne l'aime point. JEAN, avec confiance. Va, nous sommes, Marton, tranquilles sur ce point ;Et nous l'épouserons malgré Monsieur Argante :D'ailleurs il est bon homme, et sa femme est méchante, Il la craint, et ne fait ni plus haut, ni plus bas,Que ce qu'elle délire ; ainsi n'en parlons pas. Quand notre rival, j'en fais seul mon affaire ;Et saurai l'expulser en parlant à sa mère Car, soit dit entre nous, c'est un diseur de rien, Qui n'a que du caquet, mais qui n'a pas de bien ;Et l'or fait tout, Marton, dans le siècle où nous sommes. MARTON. Tu dis vrai ; mais enfin, je vois les autres hommesQui s'explique, du moins, quand ils sont amoureuxTon maître apparemment , ne pense pas comme eux, Car jamais il ne dit une seule parole.En vérité, je crois qu'il faudrait être folle,Pour accepter la main homme tel que lui,Qui vous ferait mourir de tristesse et d'ennui.Pour moi, si je voulais tâter du mariage, (Ce qui, ne sera pas, tant que je serai sage )Je voudrais un mari qui fût, fort à propos ;Dissiper mes chagrins par des joyeux propos ;Je voudrais qui fut doux, généreux, et docile ;Et s'il venait un jour à m'échauffer la bile, J'exigerais, surtout, qu'il vint de bonne foiS'excuser. JEAN, d'un ton goguenard. Tu voudrais... quelqu'un fait comme moi.Qui t'aImât à la rage, et qui fût assez bête,Pour se laisser toujours gouverner à ta tête ? MARTON, avec une feinte modestie. Quoi, vous m'épouseriez !... Vous Monsieur ? JEAN. Oui, Marton. À part.J'étais sûr de la voir bientôt changer de ton. Haut.Si ton coeur est touché de ma brûlante flamme,Je t'offre dès ce soir, de te prendre pour femme. MARTON, lui riant au nez. Tu veux donc que j'épouse un ivrogne, un joueur,Un médisant, un traître, un fripon, un coureur. JEAN. Halte-là, Marton ? Quelle mouche te pique !Ne pousse pas ce beau panégyrique. MARTON. [Note : Vers 53 et 54, citation ou plutôt allusion au Misanthrope de Molière.]Enfin Jean, là-dessus s'il faut te parler net,un homme tel que toi, n'est point du tout mon fait. JEAN, s'avançant pour l'embrasser. Viens ça, ma belle enfant, que je te récompense Par cinq à six baisers ?... MARTON, sérieusement. Va, va, je t'en dispense ;J'exige seulement que tu sois circonspect. JEAN, d'un ton ironique, et levant son chapeau. Madame, une autre fois j'aurais plus de respect, D'un ton piqué, et se couvrant.Tu fais la renchérie à présent mais peut-êtreTu me regretteras. Revenons à mon maître. Tiens, depuis quelque temps, Marton, je m'aperçoisQu'Ariste n'est plus tel qu'il était autrefois ; Je ne le connais plus et je tombe des nues,L'amour par son pouvoir anime les statues,Car mon maître aujourd'hui m'a fait son confident : Il vient me demander (en deux mots cependant)« Si je pense qu'il plaise à la belle Angélique ! »Je ne lui réponds rien ; mon silence le pique ;Il se promène alors d'un air peu satisfait :Mais quand de m'évader je forme le projet, Il m'arrête à la porte en dépit de moi-même ;« Et veut enfin savoir si ta maîtresse l'aime ? »Motus encor... MARTON. Tant pis. Réponds lui hardiment,Qu'Angélique a choisi Valère pour amant,Que son heureux Rival adore ma maîtresse ; Et qu'ils ont l'un pour l'autre une égale tendresse ;Que leurs coeurs pour jamais... JEAN. Je m'en garderais bien :Ne vois-tu pas qu'alors il ne me dirait rien ?Et reprenant bientôt toute son humeur sombre,Je serais obligé de parler à mon ombre. Il me souvient toujours qu'entrant dans sa maison,Ariste débuta par me changer de nom ;Il trouva que le mien était long d'une toise,Et me fit nommer Jean, quoiqu'on m'appelle Ambroise. Posément.Croirais-tu bien, Marton, que les six premiers mois, Il ne m'a pas parlé plus de deux ou trois fois ? MARTON. Cet homme est singulier. JEAN. À son air, à sa mine,À son geste surtout il veut qu'on le devine ;Et la moitié du temps je suis content de lui,Quand j'en puis arracher soit un non, soit un oui Bien plus, si je disais plus de deux mots de suiteIl me force au troisième à me taire bien vite. MARTON. Il te croit babillard ? Ce n'est pas sans raison.Profite de l'avis, je pense qu'il est bon. JEAN. Que veux-tu ? Faut-il bien que je me dédommage Du temps, où, devant lui, je mets ma langue en cage ?Tiens, Marton, quelquefois je me contrains si fort,Que je crains de crever de ce pénible effort... Lui faisant signe de s'en aller.Mais chut, Ariste vient, si tu voulais permettre... MARTON. Je t'entends. Adieu Jean. JEAN. Adieu donc. SCÈNE II. Le commencement de cette scène doit être récité fort lentement, laissant toujours un intervalle entre les deux interlocuteurs. ARISTE, s'avance en rêvants et après unmommt de: silena ,il dit Et ma lettre ? JEAN. Je l'ai remise. ARISTE. À qui ? JEAN. Mais à Madame. ARISTE. Hé bien ?L'a-t-elle ouverte ? JEAN. Oui. ARISTE. Que répond elle ? JEAN. Rien. ARISTE. Argante était il là ? JEAN. Non Monsieur. ARISTE. Et Valère ? JEAN. Non plus. ARISTE. Mais Angélique !... JEAN, l'interrompant. Était avec sa mère. ARISTE. Angélique ?... JEAN, l'interrompant encore. Vous aime. ARISTE. Ah, qu'entends-je ? JEAN. Marton. ARISTE, vite. Comment ? JEAN. Le dit ainsi. ARISTE , souriant, et caressant le menton de Jean. Le crois-tu ? JEAN. Pourquoi non. Ariste fait signe à Jean de lui apporter tout ce qu'il faut pour écrire. Jean le lui apporte, et Ariste écrit. À part.Voilà, sur ma parole, un bien hardi mensonge !Si l'on vient à savoir... Ariste le regarde pour le faite taire. À part.Parbleu ! Puisque j'y songe,Soutenons à Marton qu'elle-même l'a dit...Fort bien Jean... Ce que c'est que d'avoir de l'esprit !... Ariste le regarde encore. À part.Oui, j'approuve cela : mon idée est charmante !Je vais bien me venger de cette impertinente,Et du beau compliment, surtout, qu'elle m'a fait. La contrefaisant.« Un homme tel que toi n'est point du tout mon fait,Un ivrogne, un coureur... » ARISTE, s'impatientant. Te plaît-il de te taire ? JEAN, poursuivant toujours. Tu voudrais, affectant une sagesse austère,[Note : Agnès personnage de Molière : jeune fille innocente.]Qu'on te crût une Agnès ? Mais Poitevin, Hector,Lafleur, Dubois, Champagne, et tant d'autres encorDont je n'ai pas les noms présents à la mémoire,Et qui m'ont autrefois raconté ton histoire, Disent tous, que souvent, près d'eux en certain cas,Ton austère vertu ne s'effarouchait pas ;Avec moi, cependant, tu fais la ridicule,Le tout, pour me dorer encor mieux la pilule,Et te faire épouser, si j'étais assez sot... Ariste se lève et va le prendre au collet.Haï, haï, pardon Monsieur, je ne dirai plus mot. ARISTE. Tu feras sagement. Il se remet à écrire et après un moment de silence, il fait signe à Jean de s'avancer ; et il lui dit en pliant sa lettre, et y mettant l'adresse.Parle moi d'Angélique !... Se relevant, et ne s'asseyant qu'au moment que Jean lui répond.Tu prétends qu'elle m'aime !... Hé bien !.... Point de réplique !... JEAN. Je ne fais plus, Monsieur, comment faire avec vous ;Si je parle, aussitôt l'on vous voit en courroux ; Et si, par pur hagard, je m'obstine à me taire,Je trouve le secret de vous mettre en colère.Voudriez-vous enfin m'expliquer en deux mots ?... ARISTE, d'un ton de colère, et sortant brusquement de sa place. Il faut savoir parler, et se taire à propos. JEAN, d'un ton doucereux. Si vous preniez, Monsieur, ce conseil pour vous-même ?... ARISTE, vivement. Que dis-tu ?... JEAN. Je vous dis qu'Angélique vous aime :La voici justement qui s'approche de nous. SCÈNE III. Ariste, Jean, Madame Argante, Angélique, Marton. MADAME ARGANTE, ayant une lettre d'Ariste à la main. Il vous sied bien, Monsieur, d'écrire, un billet doux ;Votre style, sur tout, est précis, laconique !...Mais au fait : vous voulez épouser Angélique ; Et vous n'attendez plus que son consentement ?N'avez-vous pas le mien ? Vous êtes bon vraimentDe consulter son coeur dans cette conjoncture : D'un air de confiance.C'est moi qui vous le dis : dès ce soir, je vous jure,Vous serez son époux, si vous le voulez bien. Quant au bonhomme Argante, il n'est compté pour rien. Ariste baise la main de Madame Argante en signe de remerciement, puis il va se présenter sa lettre à Angélique. Elle la reçoit, et regarde sa mère pour savoir si elle doit la lire. Sa mère le lui permet. ANGÉLIQUE, lit. « Charmante Angélique ; c'est aujourd'hui le plus beau jour de ma vie ; Marton m'a fait la confidence que vous m'aimiez... » Elle regarde Marton d'un air courroucé. MARTON, à Ariste. J'ai tenu ce propos !... Avec impatience.Parlez donc, je vous prie ? JEAN. Quoi ! Ne m'as-tu pas dit à moi-même, ma mie,« Que ta maîtresse aimait Ariste à la fureur,Et qu'elle détestait Valère. » MARTON. L'imposteur ! Le traître !... Voyez donc ?... J'ai dit tout le contraire. JEAN. Je voulais retrancher, pour ne point te déplaireLa moitié des propos , que tu m'avais tenus :Mais puisque, par tes soins, ils me font bien connus,Je vais en régaler ta maîtresse, et mon maître Qui tous deux ignorant ce que tu vaux peut-être,Pourraient... MARTON, d'un air indifférent. De tes discours je fais très peu de cas,On te connaît menteur, on ne te croira pas. JEAN. On ne me croira pas !... Réponds moi donc friponne ?Penses-tu mesurer tout le monde à ton aune ? À Madame Argante.Madame ; obligez la, s'il vous plaît, de finir,Car déjà ma fureur ne se peut retenir ? MADAME ARGANTE. Marton, retirez-vous, et fuyez ma présence,Demain vous payerez cher une telle insolence. MARTON, en s'en allant, s'approche de Jean, et le menace par ces paroles. Si je te puis jamais trouver hors de ces lieux, Sois sûr que, tout au moins, je t'arrache les yeux, JEAN. Ce n'est pas tout, Madame : elle soutient encore,« Qu'Argante a fait l'hymen que votre fille abhorre ;Mais que si l'on poussait la chose plus avant,Elle préfèrerait d'entrer dans un couvent. Pour mon maître, elle dit, que c'est une autre affaire,Et qu'Angélique veut tout ce que veut sa mère. » MADAME ARGANTE, à Angélique. Vraiment je le crois bien. Relisez cet écrit, ANGÉLIQUE, lit. « Charmante Angélique : c'est aujourd'hui le plus beau jour de ma vie ; Marton m'a fait la confidence que vous m'aimiez : daignez me le confirmer de votre belle bouche, si vous voulez mettre le comble à mon bonheur. Je n'attends que cet heureux moment, pour vous offrir ma fortune et mon coeur : croyez que tant que je vivrai, je serai le plus reconnaissant, et le plus tendre des époux. ARISTE. Elle pleure. MADAME ARGANTE, à Ariste. Monsieur, excusez la, c'est un petit esprit :D'ailleurs elle est timide et l'on sait qu'à son âge, Une fille rougit au mot de mariage...C'en est assez, venez, et me donnez la main ;Nous irons tous les deux faire un tour de jardin. SCÈNE IV. ANGÉLIQUE, seule. Il le faut avouer, mon état est bien triste !J'aimerais mieux mourir que d'épouser Ariste ; Et l'on veut me forcer à lui donner ma foi,Mais cet effort cruel est au dessus de moi,Car je ne puis aimer nul autre que Valère.Il est jeune, bienfait, complaisant, doux, sincère ;Que lui manque-t-il donc ?... Hélas je le vois bien ; Son crime est sûrement, de n'avoir pas de bien :Comme si le bonheur était dans la richesse !On ne compte pour rien l'amitié, la tendresse,On ne consulte plus que le seul intérêt,C'est là... Valère vient, mon tendre coeur renaît. SCÈNE V. Angélique, Valère. VALÈRE, d'un ton de reproche. Eh, quoi ! vous oubliez si tôt votre promesse,Vous, Angélique, vous, qui me juriez sans cesse,Que votre main jamais n'appartiendrait qu'à moi !Ingrate ! Cependant vous me manquez de foi.Mes cris, mon désespoir, en pleurs, rien ne vous touche ; Mon rival est heureux, et c'est de votre bouche,Qu'il fait, que dans ce jour vous faîtes son bonheur :Mais qu'il redoute tout de ma juste fureur !... ANGÉLIQUE, l'interrompant. Écoutez-moi, Valère... VALÈRE, poursuivant toujours. En vain par votre adresse,Chercheriez vous encore à tromper ma tendresse ! Que ne disiez-vous, sans user de détour,Qu'Ariste fut toujours l'objet de votre amour ?J'aurais quitté ces lieux, et loin de votre vue,J'aurais pu détourner le poison qui me tue ;Mais non : votre triomphe était plus glorieux, En me rendant témoin d'un hymen odieux ;Êtes-vous satisfaite ? Eh bien Mademoiselle,Je saurai mettre un terme à ma douleur cruelle ;Et puisqu'il est trop vrai que vous voulez ma mort,Adieu, perfide, adieu, je vais remplir mon sort. ANGÉLIQUE, pansant. Ah, Valère arrêtez. Gardez de jamais croireQue je pusse tramer une action si noire ; Moi, qui vous ai choisi , pour être mon époux,Qui ne peut vivre heureuse, un seul instant sans vous ?Que vous connaissez mal le coeur de votre amante ! Vous le possédez seul : en vain Madame ArganteVoudrait m'assujettir à cet effort cruel ;Je sais jusqu'où s'étend le pouvoir maternel ; Et je résisterais aux ordres de ma mère,S'il fallait épouser tout autre que Valère. VALÈRE, avec transport. Qu'entends-je ? Ah, quel bonheur !... Au comble de mes voeux,Quel mortel plus que moi, pourrait se croire heureux ! Il lui baise la main à plusieurs reprises. SCÈNE VI. Monsieur Argante, Valère, Angélique. MONSIEUR ARGANTE, apercevant Valère. Bravo !... je suis charmé de vous trouver ensemble ;Et puisque, le hasard en ces lieux nous rassemble,Je viens vous annoncer qu'avant la fin du jour, Vous ailes voir tous deux couronner votre amour. ANGÉLIQUE, avec effusion de coeur. Ô mon père ! Le Ciel, dans cette circonstance,En exauçant mes voeux, comble mon espérance.Puisqu'il me fait enfin éprouver la douceurDe m'unir à celui qui possède mon coeur. Mais daignez m'expliquer, par quel bonheur ma mèreVeut permettre aujourd'hui que j'épouse Valère ? MONSIEUR ARGANTE. Tiens, je me suis servi, pour cela d'un moyen...C'est de vous marier sans qu'elle en sache rien.Il paraît qu'elle fait en tout sa fantaisie ; Je veux avoir mon tour une fois dans ma vie.Je suis là à la fin de me laisser mener ;Je lui conteste donc de ne pas s'obstiner,Car je lui ferais voir que je suis le seul maître ;Et que ce n'est qu'à moi qu'il appartient de l'être. ANGÉLIQUE, avec douleur. Ma mère ne fait rien !... Hélas !... Que dites-vous ?...Ah, Valère jamais ne sera mon époux ! MONSIEUR ARGANTE. Je te l'ai déjà dit et je te le répète ?Regarde maintenant la chose, comme faite. VALÈRE. Vous ne sauriez montrer assez de fermeté, Lorsqu'il s'agit, Monsieur, de la félicitéDe celle dont le coeur vous chérira sans cesse,Et dans qui le respect égale la tendresse. MONSIEUR ARGANTE, à tous deux. Soyez sûrs, mes enfants, que je n'oublierai rien, Faisant voue bonheur, je crois faire le mien. À Angélique.Mais sais-tu la raison que peut avoir ta mère,Pour accepter Ariste, et refuser Valère ? ANGÉLIQUE. Oui : la difficulté consiste dans un point ;Ariste est opulent, Valère ne l'est point. MONSIEUR ARGANTE. Tu crois donc que c'est là le motif qui l'engage ; À vouloir s'opposer à notre mariage ? Posément.Sois tranquille à présent. J'imagine un projet...Qui pourra réussir... s'il est tenu secret. Plus vite.J'ai de l'autorité sur l'esprit de mon frère ;Il est goûteux, fiévreux, de plus sexagénaire ; Il m'a dit plusieurs fois qu'il aimait ton amant ;Je vais le décider à faire un testament,Où le seul héritier... Suffit, tu dois m'entendre ;Mais j'ai besoin de toi... Viens donc ?... Adieu mon gendre. SCÈNE VII. Valère, Ariste, Jean. VALÈRE, seul. Monsieur Argante en vain cherche à me rassurer : Dans cet état cruel je ne puis demeurer ;Et quoiqu'il soit porté, de même que son frère,À voir en ma faveur terminer cette affaire,J'appréhende toujours qu'en dépit de mes feux,Sa femme ne préfère un rival odieux. Je l'aperçois ?... Il faut qu'à l'instant je punisseCelui qui dans ce jour cause tout mon supplice,Puisque le hasard seul a su me l'amener. SCÈNE VIII. Valère, Ariste, Jean. VALÈRE, à Ariste. Peut-on savoir, Monsieur, sans vous importuner,Si vous aimez toujours l'adorable Angélique ! JEAN, d'un ton décidé, mettant son chapeau sur l'oreille et passant fièrement devant Valère. Oui, Monsieur. VALÈRE, à Jean. Taisez vous. À part.Son silence me pique, Haut.On assure qu'enfin l'on remplit votre espoir ;Et que tout se dispose aux noces pour ce soir ? JEAN. Oui, Monsieur. VALÈRE. Je ne [sais], si vous savez encore,Que vous voyez en mot le rival qui l'adore ? JEAN. Oui, Monsieur. VALÈRE. Que de plus, je ne souffrirai pasQue tout autre que moi, possède tant d'appas ?Mais si le destin veut qu'elle me soit ravie, Il met son chapeau, et tire son épée : Ariste en fait autant de son côté.Il faut qu'auparavant vous m'arrachiez la vie. JEAN, se mettant entre deux et retenant Valère. Ah ! Monsieur, arrêtez ? Ô Ciel ! Que faites vous ? Quoi ! Pour si peu de chose on vous voit en courroux !Mon maître est amoureux, et son amour l'abuse. Se jetant à ses genoux.Souffrez dans ce moment que pour lui je m'excuse :Sur le coeur d'Angélique il vous cède ses droits :Et vous pouvez, Monsieur, libre dans votre choix, Couper, trancher, rogner, à votre fantaisie ; Car mon maître, plutôt que de perdre la vie, Veut vous céder l'honneur d'être un jour son époux. À Ariste.N'est-ce pas ?... Allons donc ?... Mettez-vous à genoux ? Ariste le fait relever en lui donnant un soufflet.Comme, sans se gêner, votre main s'évertue ! Le tout, pour empêcher, Monsieur, qu'on ne vous tue :Mais puisque ici mes soins paraissent superflus,Battez-vous, tuez-vous, je ne m'en mêle plus ;Et je vais de ce pas m'asseoir sur cette chaise :Je vous contemplerai de là plus à mon aise. Ils se portent quelques bottes. SCÈNE IX. Madame Argante, Valère, Ariste, Jean. Au commencement de cette scène, Ariste et Valère entendant parler Madame Argante, ôtent leurs chapeaux, et baissent la pointe de leurs épées. MADAME ARGANTE, au fond du Théâtre. Eh, bien ! Qui peut ici causer tant de fracas ?... Toujours en s'avancant.En vérité, Messieurs, je ne vous conçois pas,Car vous semez partout la crainte, et les alarmes. Apercevant leurs épées nues.Prenez-vous ma maison pour une salle d'armes ?Ou bien est-ce un duel ? Je veux savoir pourquoi Vous prétendez tous deux, vous égorger chez moi ? VALÈRE, s'approchant de Madame Argante. Ah, Madame! de vous obtiendrai-je ma grâce ?Le motif doit sans doute excuser mon audace ;J'adore votre fille, et ne puis sans courroux,Voir un autre que moi devenir son époux. MADAME ARGANTE, d'un ton brusque. Quoi ! Ne pourrai-je pas, Monsieur, dans ma famille,Sans prendre votre avis, disposer de ma fille ?Je suis au désespoir d'augmenter votre ennui,Mais, Ariste est l'amant qu'elle épouse aujourd'hui. VALÈRE. Vous voulez cet hymen, je n'ai plus rien à dire. À Ariste en sortant.Avant qu'il s'accomplisse il faudra que j'expire. SCÈNE X. Madadame Argante, Ariste, Jean. MADAME ARGANTE. Puisque nous sommes seuls, je puis donc m'expliquer.Mais il faut, s'il vous plaît, Monsieur ; me répliquer ;Car je ne puis savoir ce que vous voulez dire,Si vous n'avez enfin la bonté de m'instruire. JEAN, après un moment de silence dans lequel Madame Argante témoigne son impatience de ce qu'on ne luI répond rien. Je suis le confident de mon maître aujourd'huiMadame : permettez que je parle pour lui.Je vous ferai savoir ses capitaux, ses rentes,L'argent qui lui revient de la mort de deux tantes.De plus, si vous voulez, je puis vous mettre au fait De ce que peut valoir la terre d'Auvilet,Où n'ayant nul besoin de langue, ni d'oreilles [Note : Béer : Bayer. Tenir la bouche ouverte en regardant quelque chose. Fig. et familièrement. Bayer aux corneilles, regarder en l'air niaisement. [L]]Tout notre temps se passe à béer aux corneilles,Mais commençons. D'abord nous avons deux châteaux.Dont l'un est dans la Guyenne, à deux pas de Bordeaux, L'autre... Jean paraît étonné de ce qu'on l'interrompe. MADAME ARGANTE. Puisqu'il vous plaît d'entrer dans ma famille ;Quel avantage ici faites-vous à ma fille ? JEAN, d'un ton important. Il lui reconnaîtra cent mille écus comptant,Si ce n'est pas assez, encore tout autant.Il ne s'Informe pas de la dot qu'on lui donne : Content de posséder cette aimable personne,Mon maître ne désire à coup sûr, rien de plus.Il a, je crois, raison : car c'est un grand abusDe donner de l'argent pour marier ses filles ;Or, pour le reformer, il faut avec des grilles, Contenir le beau sexe : alors les jeunes gens Viendront tous demander des femmes aux parents,Qui se faisant prier plus de six mois de suite,Répondront à la fin, lassés de leur poursuite :« Nos filles sont à vous ; si vous le désirez, Mais de la dot, Messieurs, vous vous en passerez. » MADAME ARGANTE. Vos autres capitaux sont-ils en fonds de terre ? JEAN. Non pas tous, s'il vous plaît : un porte-feuille enserreQuarante mille écus de billets au porteur,Que nous faisons valoir en tout bien, tout honneur ; Je vais vous le chercher, si vous daignez m'attendre. Il demande à son maître la clé de sa cassette. Il sort. MADAME ARGANTE, avec vivacité. Dois-je croire, Monsieur, ce que je viens d'entendre ;Et faut-il me fier à ce qu'il me dit là ?...Vous ne répondez rien !... Ariste, pour toute réponse, s'avance d'une table qui doit être au fond du théâtre, et se met à écrire. JEAN, rentrant tout essoufflé, avec le porte-feuille. Madame, le voilà. À part, à Madame Argante.J'ai, ma foi, très bien fait de revenir bien vite, Car vous auriez parlé plus d'une heure de suite,Que mon maître jamais n'aurait dit un seul mot.Pour moi qui le connais, je ne suis pas si tôt,De vous laisser ici trop longtemps vous morfondre.C'est pourquoi j'ai couru, pour plutôt vous répondre. Après avoir regardé de tous cotés.Où diable a-t-il passé !... Je crois le voir là bas...Oui, sans doute, c'est lui, je ne me trompe pas.Assis près d'une table, il aime mieux écrireÀ l'univers entier, plutôt que de rien dire.À cela près, je suis assez content de lui, Et j'approuve le choix qu'il a fait aujourd'hui... En riant.Mais je le vois venir... Tenez, je vous annonce,Qu'il vient vous apporter lui-même sa réponse. MADAME ARGANTE, lit haut. « Madame, mon valet est un faquin qui se mêle toujours de ce gui ne le regarde point, et qui a la rage de parler à tout propos... » Jean fait un signe de remerciement à son maître.« Je lui aurais déjà donné son congé, s'il n'avait le rare talent de deviner mes pensées... » Jean s'applaudit lui-même.« Je vous confirme donc tout ce qu'il vous a dit ici, et j'ajoute seulement, que je vous prie de garder le porte-feuille, c'est le présent de noce que je destine à Mademoiselle Angélique. » ARISTE. Je vous suis redevable, et je vais à présentApporter à ma fille un si riche présent. Ariste sort. Croyant être seule.Allons, il me paraît que je ne puis mieux faireDe tâcher au plutôt de finir cette affaire ;Et ma fille est, je crois, fort heureuse aujourd'huiD'avoir, sans y songer, un époux comme lui. Posément.Mais si malgré l'appât d'une pareille somme, Elle s'obstine enfin à refuser cet homme,Alors... Apercevant Jean.Que fais-tu là planté comme un piquet ? JEAN. Madame, j'attendais, s'il faut vous parler net,Que vous eussiez encor quelque chose à me dire ? MADAME ARGANTE. Non, tu peux t'en aller. JEAN. Suffit, je me retire. SCÈNE XI. MADAME ARGANTE, seule. Ariste est taciturne, il le faut avouer !On a beau le flatter, le prôner, le louer,Ne pouvant se résoudre à dire une parole,Il fait à son valet jouer ici son rôle.Mais est-ce un si grand mal d'être comme cela ? Si Messieurs les maris imitaient celui-là,On n'entendrait jamais du bruit dans le ménage.Il me souvient encore qu'à notre mariage,Argante s'avisa de prendre le haut ton ;Mais je le réduisis bientôt à la raison ; Il m'aimait, et je fis si bien par mon adresseQue je sus dans un mois me rendre la maîtresse.Aujourd'hui ; cependant, à ce que je puis voir,Il croit impunément manquer à son devoir,Car il refuse Ariste ; et protège Valère, Qui, pour unique bien, n'a que le don de plaire,Tandis que son rival est un riche parti...Bon homme, assurément vous en aurez menti ; Et si vous m'en croyez, vous resterez tranquille,Ou s'il vous arrivait de m'échauffer la bile, Je vous ferais sentir l'effet de mon courroux...J'entends quelqu'un... c'est lui... bon homme avancez vous ! SCÈNE XII. Monsieur Argante, Madame Argante. MADAME ARGANTE. Il est temps aujourd'hui qu'avec vous je m'explique.On dit que vous voulez marier Angélique ;Et que Monsieur Valère est cet heureux amant Que vous lui destinez sans mon consentement )Pour moi qui vous connais, je suis sûre au contraire,Que vous ne ferez pas ce qui peut me déplaire. MONSIEUR ARGANTE. Non ma femme sans doute, et mon intention... MADAME ARGANTE. Quel peut être l'auteur de cette invention ? Si je parviens jamais à découvrir ce traître,Je le fais sûrement, sauter par la fenêtre.Je ne sais qui me tient, tant je suis en courroux,D'y jeter tout le monde, en commençant par vous. MONSIEUR ARGANTE. Mais ma femme, écoutez ?... MADAME ARGANTE. Je ne veux rien entendre. Marier Angélique, et me donner un gendre,Sans me dire un seul mot, sans que j'en sache rien ! MONSIEUR ARGANTE. On a tort : si pourtant vous m'écoutiez... MADAME ARGANTE. Je vous entends, voyons, qu'avez-vous à me dire ! MONSIEUR ARGANTE. Je m'en vais, en deux mots, sur ce point vous instruire, Mais il faut, s'il vous plaît, m'écouter jusqu'au bout,Sans quoi je ne pourrai jamais vous dire tout. MADAME ARGANTE. Au fait bon homme, au fait, sans tant de préambule ! MADAME ARGANTE. Peut-on circonvenir, sans être ridicule,Que Valère ne compte un grand nombre d'aïeux De noble extraction. MADAME ARGANTE. Soit, il est noble... et gueux. MADAME ARGANTE. Sans doute vous savez qu'il adore Angélique,Et qu'ils s'aiment tous deux ? MADAME ARGANTE. C'est là ce qui me pique. MONSIEUR ARGANTE. Tout le monde convient qu'il est homme de bien.Qu'il a beaucoup d'esprit ? MADAME ARGANTE. D'accord, mais il n'a rien ; Et vous n'ignorez pas qu'on ne peut dans la vieRien faire sans argent ?... MONSIEUR ARGANTE. Écoutez, je vous prie.N'est-il pas vrai qu'Ariste est de méchante humeur,Qu'il ne dit pas un mot, qu'il est sombre et rêveur ? MADAME ARGANTE. Sa Taciturnité le rend mélancolique, J'en conviens avec vous ; et je fais qu'AngéliqueNe trouvera dans lui qu'un époux ennuyeux :Mais il est riche enfin, c'est tout ce que je veux. MONSIEUR ARGANTE. Fort bien : vous croyez donc que dans le mariage ; Il suffit de jouir d'un très gros héritage Pour goûter à la fois le plus parfait bonheur ?Soit dit sans vous fâcher, vous êtes dans l'erreur ; Et je vous soutiens, moi, que le plus nécessaireEst d'assortir d'abord l'âge et le caractère.En agissant ainsi, tous les époux entre eux, Béniraient le moment qui couronna leurs feux.Mais un point qui n'est pas à négliger, je pense,C'est d'être, s'il se peut, d'une égale naissance.Il me parait encore qu'il est bon de s'aimer ;Mais je crois qu'avant tout, il faudrait s'estimer. Ou je me trompe fort, ou voilà, ce me semble Ce qu'on doit observer, quand on s'unit ensemble :Pour l'intérêt, on peut le consulter après. MADAME ARGANTE, d'un ton railleur. L'on vous fabriquera des maris tout exprès. À part.J'enrage. Haut.Savez-vous, Monsieur le Philosophe, Que votre sot discours depuis longtemps m'échauffe ;Et que je saurai bien vous faire filer doux ? MONSIEUR ARGANTE. Si vous vous échauffez, ma foi, tant pis pour vous ;Car enfin, il est temps que je fasse connaître, Qui de nous deux a droit de commander en maître. J'ai crû qu'il convenait de vous parler raison :Mais je vois à présent qu'il faut changer de ton ;Et vous avez, Madame, et beau dire, et beau faire ;Dès ce soir Angélique épousera Valère. MADAME ARGANTE. Moi, je vous jure ici, Monsieur, que malgré vous : Ariste, dès ce soir deviendra son époux. MONSIEUR ARGANTE, d'un ton piqué. Cela ne sera pas. MADAME ARGANTE, le contrefaisant. Cela sera, vous dis-je ? MONSIEUR ARGANTE. Pour finir en un mot, Madame : je l'exige. MADAME ARGANTE, avec un sourire forcé. Vous l'exigez Monsieur. Pour finir en un mot,Je saurai vous prouver que vous n'êtes qu'un sot. MONSIEUR ARGANTE. À part.Point de faiblesse ; allons. Haut.Pour vous, Madame Argante ;Vous n'êtes qu'une folle, et qu'une extravagante, Qui ne méritez plus qu'on daigne vous aimer. MADAME ARGANTE, à part Feignons, car ce propos commence à m'alarmer. Haut et d'un ton tragique.Non, je ne reviens point de ma surprise extrême ! Ah ! Mon fils, je le vois, vous n'êtes plus le même.Ne vous souvient-il plus du jour, de l'heureux jour,Où votre jeune coeur, sensible à mon amour,Brûlait à chaque instant de m'en donner des marques,Vous eussiez dédaigné le trône des Monarques, Si l'on vous eût forcé de trahir votre foi,En acceptant la main de toute autre que moi.Mais pourquoi rappelles en vain à ma mémoire,Ce qui fit autrefois, mon bonheur et ma gloire ?Hélas ! Tous mes discours sont ici superflus, [Quand] vous m'aimiez alors, et vous ne m'aimez plus... Après une petite pause, qu'elle emploie à regarder Monsieur Argante, qui s'attendrit par degrés.Si cependant mes soins ont paru vous déplaire,Lorsque j'ai mis obstacle à l'hymen de Valère;Pour tâcher de fléchir votre juste courroux,[Note : Ce vers est semblable à plusieurs de travggiédie ou comédies : Rénard le Légataire, Piron le Métromanie, Gouges Molière chez Ninon, Racine Iphigénie, Sommerive Bajazet, Voltaire Sémiramis.]Vous me voyez, mon fils, embrasser vos genoux. MONSIEUR ARGANTE, à part. Je me sens attendri jusques au fond de l'âme ; Haut.Et mes pleurs malgré moi... Va, ma petite femme,Je ferai désormais tout ce que tu voudras... MADAME ARGANTE, toujours aux genoux de son mari doit ici faire semblant de s'évanouir. Que vois-je !... Elle se meurt !... Ô Ciel, quel embarras !...Et si j'ai pu t'offenser, excuse mon audace, Tiens, je tombe à tes pieds, pour obtenir ma grâce, SCÈNE DERNIÈRE. Monsieur Argante, Madamae Argante, Valère, Angélique, Marton, entrant d'un côté. Ariste ; Jean, de l'autre. ANGÉLIQUE, à sa mère. Monsieur et Madame Argante se relève précipitamment.Ah, Madame !... Mon oncle, en ce même moment,En faveur de Valère a fait son testament ;Et pour clause il y met qu'à notre mariage,On procède aujourd'hui, sans tarder davantage : Mais quoique cet hymen remplisse mon espoir,Je connais envers vous jusqu'où va mon devoir,Et d'avance s'il faut renoncer à Valère. Parlez : je ferai tout, pour ne vous pas déplaire. MARTON, à part. On ne peut pas agir, je crois, plus finement, Pour venir à son but. MADAME ARGANTE, à Valère. Voyons ce testament. Après avoir lu.Puisque vous êtes riche, allons, sans plus attendre ;Je vous donne ma fille, et vous nomme mon gendre. VALÈRE. Madame je ressens autant que je le doisLes marques de bonté que vous avez pour moi. ANGÉLIQUE, à sa mère. Vous connaissez mon coeur, je ne fuis point ingrate. MADAME ARGANTE, à Ariste. Ma fille ne veut pas d'un époux automate,Monsieur: voilà de vous tous les papiers que j'ai ; Jean reçoit le portefeuille.Je suis votre servante, adieu , prenez congé. JEAN, à Ariste à part. Si vous avez, Monsieur, quelque chose à lui dire ; J'irai vite chercher ce qu'il faut pour écrire, Ariste le regarde d'un air de colère. MONSIEUR ARGANTE. Je ne me sens pas d'aise !... Ah, comme mon coeur bat ! À Angélique et Valère.Venez, dépêchons nous de signer le contrat :Mais avant tout, allons remercier mon frère,De ce que pour vous deux il a bien voulu faire. Ils sortent tous, excepté Jean, et Ariste. JEAN, arrêtant Marton. Un moment donc Marton ?... Je veux t'épouser, moi. MARTON. S'il me fallait choisir ou Lucifer, ou toi,Traître, n'en doute pas, dans un malheur semblable,Mon choix serait tout fait ; j'épouserais le Diable. Elle sort. JEAN, après une courte pause. Tous nos projets ; Monsieur, ont si bien réussi, Qu'il ne nous reste plus, qu'à décamper d'ici... Mais vous rêvez, je crois ? Eh, fi donc ! À votre âge,Vous convient-il, morbleu ! De manquer de courage ?Tenez, imitez moi, je suis tout consolé. ARISTE, après avoir rêvé quelque temps. Je n'ai qu'un seul regret... c'est d'avoir trop parlé. ==================================================