******************************************************** DC.Title = L'IMPROMPTU DU COEUR DC.Author = VADÉ, Jean-Joseph DC.Creator = FIEVRE, Paul DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Subject = Opéra comique DC.Subject.Classification = 842 DC.Description = Edition du texte cité en titre DC.Publisher = FIEVRE, Paul DC.Contributor = DC.Date.Issued content = DC.Date.Created = DC.Date.Modified = Version du texte du 05/07/2023 à 08:08:21. DC.Coverage = France DC.Type = text DC.Format = text/txt DC.Identifier = http://www.theatre-classique.fr/pages/documents/VADE_IMPROMPTUDUCOEUR.xml DC.Source = DC.Source.cote = DC.Language scheme = UTF-8 content=fr DC.Rights = Théâtre Classique, (creative commons CC BY-NC-ND) *************************************************************** L'IMPROMPTU DU COEUR OPÉRA COMIQUE M. DCC. LVII. Avec Aprobation et Privilège du Roi. PAR M. VADÉ. À Paris, Chez DUSCHENE, Libraire, rue Saint Jacques, au dessous de la fontaine Saint-Benoît, au Temple du Goût. Représenté pour la première fois au Théâtre de la Foire Saint Germain le mardi 8 février 1757. Le prix est de 24 sols avec la musique. PERSONNAGES LÉONORE, Mlle. Mantel DAMON, M.Roziere. MONSIEUR SCRUPULE, Oncle de Leonore, M. de la Ruette. NICAISE, Cousin de Jérôme, M. Bouret. JÉRÔME, M. Paran. LOUISON, Mlle. Baptiste. NANETTE, Melle Superville. BABET, Mlle. Dazincourt. FANCHON, Mlle. [?] JAVOTTE, Mlle, le Clerc. UN MARCHAND DE CHANSON, M. de Lisle. UNE MARCHANDE DE CHANSON, Me. Paran. PREMIÈRE MARMOTTE, Mlle. Prudhomme. SECONDE MARMOTTE, Mlle Luzi. La Scène est dans une Place publique de Paris. SCÈNE PREMIÈRE. Léonore, Damon. DAMON. Air : Sur vos pas, vos appas.En ce jourNotre amourNe rencontre plus d'obstacle, Quel miracle ! LÉONORE. Oui vos feux Et mes voeuxD'Hymen vont serrer les noeuds. DAMON. Léonore, quel bonheurSuccède à la douleurQui nous perçoit le coeur ! LÉONORE. Ah ! Grands Dieux, quels charmes !Après tant d'allarmes,Tout sert notre ardeur. DAMON. Me rebutant je vous visCraintive pour Louis ; Vous bannissiez ma flammeDe votre âme. LÉONORE. Cher Damon,Pouvoit-onMe parler dans ma tristesse, De tendresse ?À soi peut-on songerLorsqu'un père est en danger ? DAMON. Air : Je n'aime point à demi.Votre amour pour notre RoiM'est un doux présage. LÉONORE. Ce sentiment est en soi Même il croît avec l'âge.Tout Français ainsi que moiA le même avantage. DAMON. Rien n'est plus vrai. Sans-doute qu'en Faveur du rétablissement d'une santé si précieuse, Monsieur Scrupule votre oncle ne suspendra plus notre union. LÉONORE. Je l'espère comme vous, mais le voici. SCENE II. Monsieur Scrupule, Léonore, Damon. LÉONORE. Air : De tous les Capucins du monde.Mon Oncle, notre joie éclate. DAMON. La mienne est pure, et je me flatteQue vous voudrez en ce moment... MONSIEUR SCRUPULE. Différons. LÉONORE. Dieux ! Quelle injustice ! MONSIEUR SCRUPULE. Ma nièce, allons plus doucement,Attendez un temps plus propice. DAMON. Air : De Catinat.Peut-il s'en présenter de plus avantageux ? LÉONORE. Louis nous est rendu. Comblez donc tous nos voeux. MONSIEUR SCRUPULE. Ses jours me font trop chers, je veux m'en assurer. LÉONORE. Se livrer au plaisir, c'est bien vous le jurer. MONSIEUR SCRUPULE. En un mot je veux le voir et je parspour Versailles à dessein de m'en convaincre ; c'est à mes yeux que je veux confier la tranquillité de mon coeur. Je ferai diligence. Il sort. SCÈNE III. Léonore, Damon. DAMON. Air : Du Prévôt des Marchands.Mais tout doit convaincre son coeur. LÉONORE. Il croit rarement au bonheur. DAMON. Quel retard ! LÉONORE. Je m'en plains moi-même ;Mais en attendant son retour,Allons avec un soin extrêmeFaire illuminer cette cour ; Et tandis que mon oncle donne des preuves de son zéle par sa tendre inquiétude, manifestons le nôtre par les transports de joie que le Public seconde avec tant d'allégresse. SCÈNE IV. Nicaise, Jérôme. JÉRÔME. [Note : Capabe : capable.]Hé ben, Cousin ? Tu dis donc que t'es capabe, toi ? NICAISE. Apparemment que sans doute que je suis capabe. JÉRÔME. Oui ; mais cependant pourtant il y queuqu'zun qui t'a soufflé ta maîtresse. NICAISE. Oh ! Mais, c'est que.... JÉRÔME. Quoi ? C'est que ?.... NICAISE. Oui, c'est que ... parce ... que ... Oh ! Va, ca n'fait rien... JÉRÔME. Tiens, t'es bête. NICAISE. Oh ! Oui, tu t'y connais encore, toi ! C'était bon autrefois... Il y a quelqu'temps, par exemple. JÉRÔME. V'là qu'est ben arrangé ! Mais s'agit pas de ça. Air : Cependant pourtant ça m'fait souffrir.L'Cousin Clément t'a donc fait v'nirPour à cell'fin de t'réjouir ? NICAISE. Oh ! Sans vanité je m'en vante. JÉRÔME. Ce soir je veux te m'ner partout. NICAISE. Eh ! Ben, si nous allons ensemble, Ça f'ra que nous n'nous quitt'rons pas. JÉRÔME. Tu raisonnes comme tu parles. Ah ça, je t'avertis qu'il y aura fièrement de monde. NICAISE. Ah ! Ben, tant mieux ; moi j'aime ben quand je fuis plusieurs. JÉRÔME. Air : Mais demandez-moi pourquoi je reviens.Quoi ! Plusieurs ? NICAISE. Hé ! Dame oui. JÉRÔME. Tais-toi.Je s'rons morgué plus de cent mille. NICAISE. Cent mille ! Combien qu'ça fait ? JÉRÔME. Ma foi,C'est environ tout plein la Ville. Tu sais ben qu'la nuit on n'voit goutte. NICAISE. Oui. JÉRÔME. Comme en plein jour je verrons. NICAISE. Comme en plein jour ? JÉRÔME. Vrament sans doute,[Note : Lamprons : lampions]À cause qui gn'y a des lamprons. NICAISE. Des lamprons ? JÉRÔME. Et oui, des lamprons. NICAISE. Oh ! Pardi, va, j'en fuis ben aise, moi... Mais quoiqu'c'est qu'des lamprons ? JÉRÔME. C'est comme qui dirait des éclaircissements en magniere d'allumations. NICAISE. Oh ! J'entends à ç't'heure... c'est t'y pas de ces choses-là .... qu'on appelle... comme quand... lorsque... Oh ! Je sais ben ce que j'veux dire.... JÉRÔME. Tout juste, tu y es. Pargué t'es ben habile. NICAISE. Oh ! J'ai appris à vivre à mes dépens. JÉRÔME. On le voit ben. Air : Il faut mon frère.C'est ben dommage Qu'on ne t'ait pas choisiPour un message,Dans ç'quart d'heure-ci,Pour aller vers le Roi,L'y porter not'hommage. NICAISE. J'm'acquitt'rais de ç't'emploîEncor plus mieux que toi. JÉRÔME. Quoi plus mieux ! Eh ben voyons donc avec ton plus mieux, comment qu'tu dirais ? Supposons qu'c'est moi qui suis Sa Majesté. NICAISE. Toi ! Oh ! Pardi oui, t'en as encor ben l'air ! JÉRÔME. Mais je te dis comme par semblant. NICAISE. Gn'y a pas de semblant là-dedans. T'es mon cousin, par conséquent ça ne se peut pas. Y faut raisonner dans la vie. JÉRÔME. [Note : Académistre : académicien.]Hé ben, ça vous démont'rait t'y pas un Académistre ? NICAISE. Mais voyons comme tu dirais, toi ? JÉRÔME. Moi, je dirais tout de fuite, et sans me faire prier. Tiens, écoute. Air : Reçois dans ton galetas.Sire je viens devant vous... NICAISE. Pardi ! Voyez-donc le gros sorcier, il le verrait ben, peut-être. JÉRÔME. Mais queu raison qu'tu me fais donc là NICAISE. C'est que je vous prends garde à tout, moi. Mais voyons, dit toujours. JÉRÔME. Sire je viens devant vous, Au nom de toute la France, Pour vous dir' qu'j'avons tretousBen souffert de votre souffrance,Qu'si vous nous voyez ben portéC'est parç'qu' vous êtes en bonn' santé, bis. NICAISE. Ah ! Jarni, c'est bon ça. JÉRÔME. Hé ben, voyons, comment qu'tu dirais, toi ? NICAISE. Moi, je commencerais déjà d'abord par lui ôter mon chapeau. JÉRÔME. Sans doute. NICAISE. Hé puis je me mettrais dans la tête tout ce que les Français ont dans l'âme. JÉRÔME. Hé ben ! NICAISE. Hé puis je lui dirais avec franchise : Sire je donnerais ma vie pour conserver la vôtre. JÉRÔME, avec transport. Tiens, baise-moi, tu as de l'esprit comme tout le Royaume. NICAISE. Oh ! Dame c'est que dans ce cas-là tout le Royaume fait bien vite de l'esprit avec de l'amour. JÉRÔME. Si tu raisonnais toujours comme ça, tu serais le coq de not' famille. On entend plusieurs voix dans la coulisse chanter.Une taloche. JÉRÔME. Ah ! Ah ! Quoiqu'c'est donc que ça? SCÈNE V. Jérôme, Nicaise, Louison, Babet, Fanchon, Nanette, Javotte. LOUISON tenant toutes ses compagnes par la main. Air Noté, N°1.[Note : Muguet : galant, coquet, qui fait l'amour aux dames, qui est paré et bine mis pour leur plaire. [F]]Par un beau soir m'y promenant,Joli-coeur sous l'bras me tenant,Un p'tit Muguet s'approche. CHORUS. Un p'tit Muguet s'approche. LOUISON. Il voulut faire le gentil, Décampez, j'vous en averti.Il m'dit : vous riez, Man'selle Louison.Moi tout en riant j'vous y applique, zon,Une taloche. CHORUS. [Note : Taloche : terme populaire, qui signifie un coupe de main. [F] [une claque] ]Une taloche. NICAISE. Elle est méchante, dà. JÉRÔME. Tais-toi. LOUISON. II. COUPLET.Là-d'ssus il m'appelle guenon ;Mon amant à ce beau p'tit nomMet sa pipe dans sa poche. CHORUS. Met sa pipe dans sa poche. LOUISON. [Note : Sabouler : Terme populaire, qui se dit de ceux qui se tourmentent le corps, qui se renversent à terre, se roulent, se houspillent, ou foulent aux pieds, comme font les petites gens, quand ils se jouent. [F]]J'vas, lui dit-il, vous sabouler ; Mais l'autre au lieu de s'en aller,[Note : Etaff : probablement pour estafier ou estafette]N'l'apelle-t-y pas vilain estaff ;En r'merciement il reçut, paff,Autre taloche. CHORUS. Autre taloche. NICAISE. Le beau remerciement ! JÉRÔME. Veux-tu bien te taire ? LOUISON. III. COUPLET.Joli-coeur ne badinait pas,Même il allait mettre habit bas,Pour en v'nir aux appioches, CHORUS. Pour en v'nir aux approches. LOUISON. L'autre en signe d'accomod'ment Vite gagne au pied promptement ;Et pour prix d'sa bell' chienn' d'ardeur,C'est qu'il vous eut diablement peur,Et deux taloches. CHORUS. Et deux taloches. JÉRÔME. Ça fait un bon arrêté de compte, ça. Courage, Mademoiselle Louison ; serviteur, et votre compagnie. LOUISON. Hé ! C'est Jérôme, autrement dit, Bachot de la Grenouillère. JÉRÔME. Oui, je nous v'ià avec l'cousin Nicaise. NICAISE. Oui, et il est mon cousin aussi à moi. JÉRÔME. Cousin issu de germain. NICAISE. Issu de germain ? Issu de Clément, peut-être*. * Parce que dans la pièce de Nicaise, il appelle toujours Monsieur Clément son oncle. JAVOTTE. Tout de bon, gros gouayeux ? LOUISON. Il viendra avec nous, car il a le visage bon enfant. NICAISE se reculant. Je ne veux pas. JÉRÔME. Allons, allons, remets-toi. NANETTE, se moquant de lui. Air : L'amour a sur la Rivière.Voyez donc son air d'aisance ;Monsieux veut-y m'embrasser ? NICAISE. Pour ça non. NANETTE. Par complaisance.Laissez-vous donc caresser. BABET. Il a ben l'air à la danse, Je veux l'prendre pour danser NICAISE, la repoussant. Allons, Mameselle, dansez avec vos pareilles, s'il vous plaît. JÉRÔME. Est-ce qu'on dit ça ? LOUISON. Moi, je veux qu'il me donne le bras dans la foule. Je n'aurai pas peur avec lui, car y f'ra peur aux autres. JAVOTTE. Air : Ah ! mon Dieu, que de jolies Dames !Je l'perdrons dans la presse. NICAISE. Laissez-moi donc là. JÉRÔME. Javotte, point d'rudesse. NANETTE. L'beau bijou que v'ià ! JÉRÔME, à Nicaise. Morgué, toi qu'as d'ia politesseD'vrois-tu fair' comm'ça ?Hé ! Montre qui qu'tes. NICAISE. À propos , c'est vrai ; moi je n'y pensais pas. Hé ben, voyons : qu'est-ce qui veut que je l'embrasse ? LOUISON. Là. NANETTE. Hé, ben ! Voyez. BABET. Comme y dit ça ! JAVOTTE. Madame. FANCHON. J'ai peur. JÉRÔME, prenant Nicaise. Haut donc ; haut donc. Nicaise se lance sur elles. Elles prennent ce temps pour l'entourer et chanter en rond. TOUTES. Gai, gai ;Comme il se démene !Oui, oui, Qu'il est dégourdi !Gai, gai, comme il se démene !Oui, oui,Qu'il est dégourdi ! NICAISE. Oh, j'm'en vas vous en donner. Allez. Il les baise. LOUISON. Ma chère mère. BABET. La belle aubaine ! NANETTE. Hé ben donc ; hé ben donc, ce pauvre p'tit nez. JAVOTTE. [Note : Gobet : en termes de fauconnerie, se dit d'une manière de chassse ou voler les perdrix avec l'autour ou l'épervier. [F]]Le beau gobet. FANCHON. Il se dégèle. LOUISON. Ah, que nous v'là ben rassasiées! NICAISE, se frottant les mains. C'est que je vous ai bentôt fait ça, moi. FANCHON. Il est ben élevé. NICAISE. Hé ben, qu'est-ce qui en veut encore pendant que j'y suis ? Elles éclatent de rire. LOUISON. Ça vous f'rait mal. NICAISE, les voyant rire d'aussi bon coeur. Hem ! Je vous rends-ti les filles gayes, moi ? JÉRÔME. Oh, diantre, toi, tu sais donner l'boüi. On entend dans la coulisse le refrain suivant. Air : J'étois, j'étois malade d'amour.Chantons, chantons, Cent fois répétonsVive ce tendre père. JÉRÔME. Ah ! Ah ! Des Marchands de chansons : tant mieux, j'allons faire de bonnes emplettes. SCÈNE VI. Les acteurs précédents, un Marchand et une Marchande de Chansons, accompagnés d'un violon. JÉRÔME. Dites-donc, Monsieur et Madame Crincrin, approchez, contez-nous ça tous les trois. MONSIEUR CRINCRIN. Allons, allons, mes amis. PREMIER COUPLET. Air Noté N° II.LOUIS que le Ciel a forméPour régner et pour plaire ,Sera plus que jamais aimé, C'est le cri de la terre.Chantons, chantons,Cent fois répétons ,Vive ce tendre Père. TOUS. Chantons, chantons, Cent fois répétons,Vive ce tendre Père. MONSIEUR CRINCRIN. II. COUPLET.Si de tout son peuple alarméLa douleur fut sincère,Le plaisir dont il est charmé En est le vrai salaire.Chantons, chantons, etc. TOUS. Chantons, chantons,Cent fois répétons,Vive ce tendre Père. MONSIEUR CRINCRIN. III. COUPLET.Si le Ciel exauçait toujoursLa plus juste prière,Il retrancherait sur nos jours,Pour tripler sa carrière.Chantons, chantons ; Cent fois répétons,Vive ce tendre père. TOUS. Chantons, chantons,Cent fois répétonsVive ce tendre Père. NICAISE. [Note : Jarnicoton : interjection.]Ah ! Jarnicoton, c'est genti comme tout, ça. Monsieur, donnez-moi donc un Livre. LOUISON. Oui, pauvre petit, il l'a ben gagné, on l'a moulé comme par exprès pour lui. NICAISE. Hé ! Qu'est-ce que ça vous fait, à toi ? JÉRÔME. Air : Vous fixez un aimable amant.J'vas en prendre un pour nous tretous. JAVOTTE. Moi j'en veux un pour tretous. NANETTE. J'veux aussi chanter ç'bon cher Maître. Elle se fouille.[Note : Sol : sou, petite monnaie.]À propos j'n'ai pas le sol vaillant. FANCHON. Moi, mon homme a pris mon argentPour illuminer not' fenêtre. Mais ce qu'il y a de bon, c'est que v'ià des blouques d'oreilles qui la danseront, toujours. NANETTE. Et moi donc ma croix d'argent : ah ! Si elle revient ! LOUISON. Et moi ma cornette. Monsieur attendez-nous. MONSIEUR CRINCRIN. Eh non, Mesdames votre parole est suffisante. Hé puis votre zèl pour notre Roi est une piéce de crédit. TOUTES. Monsieur, vous êtes ben honnête. MONSIEUR CRINCRIN. Avancer le sien pour un si beau sujets c'est de l'argent sûr. JÉRÔME. Oh ! Pour ça j'en répondrois ben. NICAISE. Air : Nous sommes Précepteurs d'Amour.Ah ! Tout ç'a s'ra ben-tôt payé,Car au lieu d'venir par le Coche,Moi tout douc'ment j'suis v'nu à pied,J'ai mis la voitur' dans ma poche. JÉRÔME. Comment la voiture ? NICAISE. Oui ; vingt-quatre sols que mon oncle Clément m'a donnés pour aller dans le panier de devant à côté du Cocher, comme un enfant de famille que je suis. LOUISON. Mon enfant ! Vingt-quatre sols ! Et vous n'avez pas pris la poste ! NICAISE. Oh ! Non, moi je n'aime pas les chevaux. LOUISON. Vous n'avez donc gueres d'amour propre ? NICAISE. Plus propre que vous, dame... JÉRÔME. Air : Moi qui veux m'instruire.Régale nous donc à présent. NICAISE. Ah ! Pour ça j'm'en pique. Montrant la Marchande de Chansons.Mais si j'li donn' tout mon argent,J'veux toute sa boutique,J'veux toute sa boutique. MONSIEUR CRINCRIN. Allons, voyons, beau chaland. Nicaise donne ses 24 sols, et prend toutes les chansons qu'il distribue.Tenez, ce font les dragées du coeur, ça. BABET. Il a raison, font les confitures des bons sujets. NANETTE. R'mercie, mon fils. FANCHON. Ben obligé, mon enfant. LOUISON. Merci, mon p'tit cochon de lait. JAVOTTE. Ben obligé, mon poulet d'ivoire. NICAISE. Hé ! Puis, v'là pour moi. JÉRÔME. Est-ce que tu sais lire ? NICAISE. Moi ? Pardi,va, que de reste, puisque je vous lis queuqu'fois une grande page toute entière sans reprendre mon vent. JÉRÔME. C'est donc comme moi, quand je bois pinte à la santé d'not' Roi. NICAISE, montrant ses trois livrets de chansons. Je garde ces trois-là, toujours. JÉRÔME. Quoi ? Trois ; c'est inutile , puisque c'est la même chose. NICAISE. Ça ne fait rien. JÉRÔME. Air : Les coeurs se donnent troc pour troc.Mais c'est trois fois le mêm' tableau. NICAISE. Moi j'aim' ça. JÉRÔME. Faut qu'tu t'satisfasses. NICAISE. Pardi, la Dam' de not' ChâteauAime à se mirer dans trois glaces.Et je mirerai trois fois mon amitié la dedans. BABET. Il n'est pardié pas si gnais qu'il le paraît au moins. LOUISON. Qu'est-ce qui dirait que ça pense comme les honnêtes gens ? JÉRÔME. Oh ! La Province fuit toujours la mode de Paris, et c'est une mode qui ne passera jamais, celle-là. Hé bien ! Allons-je tretous ensemble courir. On entend un air de vielle.Ah ! Ah ! Quoi qu'est donc qu'ça, un renforcement de gaité ? NICAISE. Jarni, j'suis ben aise. TOUTES. Et nous donc ? SCÈNE VII. Deux Marmottes et les acteurs précédents. FANCHON. Arrivez, mes enfants. NANETTE. [Note : Marmot : On appelle ironiquement des enfants petits marmots, parce qu'il n'ont pas les traits du visage, ni l'esprit bine formés. fém. mamotte. [F] ]Ah ! Les jolies petites marmottes ? Tíens, vois donc ? NICAISE. Où donc ca ? LOUISON. Pardine , elles vous crèvent les yeux. NICAISE. Qui, ça ? JÉRÔME. Oui ça, hé ! Qui donc ? NICAISE. Bon ! On m'avait dit que c'était fait comme des lapins, et que ça dormait dix-huit mois de l'année. PREMIÈRE MARMOTTE. Non, non, Monsieur, des Marmottes comme nous sont, je vous assure, bien éveillées. NANETTE. Hé ! Ben, mes enfants, savez-vous quelque chose sur l'air que vous jouiez tout à l'heure ? SECONDE MARMOTTE. Oui, oui, Madame. PREMIÈRE MARMOTTE. Et qui est bien vrai encore. TOUS. Ah ! Voyons ; écoutons. PREMIÈRE MARMOTTE. Air : De la contredanse de la Fontaine de Jouvence : Non, je n'aimerai jamais que vous.De LOUIS la brillante santé Ramèn les Ris, les Jeux et la gaité,C'est à qui s'y livrera le mieux,Le vif enjouement se peint dans tous les yeux. SECONDE MARMOTTE. C'est sans fadeur que notre coeur l'encense,La vérité seule en fait tous les frais. PREMIÈRE MARMOTTE. Chacun le dit comme chacun le pense ,Le tendre amour est l'encens du Français. ENSEMBLE. De LOUIS la brillante santéRamène les Ris, les Jeux et la gaité ;C'est à qui s'y livrera le mieux, Le vif enjouement se peint dans tous les yeux. PREMIÈRE MARMOTTE. Jouissons tousD'un bien si doux ;En le partageant il s'augmente,Le chagrin sut nous réunir ; Mais à présent c'est le plaisir :Folâtrons. SECONDE MARMOTTE. Soupirons. PREMIÈRE MARMOTTE. Il faut voltiger. SECONDE MARMOTTE. Il faut s'engager. PREMIÈRE MARMOTTE. Prends un amant. SECONDE MARMOTTE. Nenni vraiment,Je suis contente,LOUIS vit pour nous.Jouissons tous D'un bien si doux,En le partageant il s'augmente.Le chagrin sut nous réunir ;Mais à présent c'est le plaisir. ENSEMBLE. De Louis la brillante santé Ramené les Ris , les Jeux et la gaité ;C'est à qui s'y livrera le mieux,Le vif enjouement se peint dans tous les yeux.Et sauta Catharina. LOUISON. Elles font à croquer. BABET. Ma foi, oui. FANCHON. À les entendre si on ne dirait pas que c'est soi-même qui chante ça. NICAISE, s'approchant des Marmottes. Moi, j'aime ben celle-là, et puis l'autre. PREMIÈRE MARMOTTE. En vérité ? NICAISE. Comment donc qu'ça se prend ? JÉRÔME. Je te le dirai. Air : Savez-vous bien jeune tendron ?On n'peut payer ça ç'que-ça vaut ; Mais j'vas donner tout ç'que j'possède. PREMIÈRE MARMOTTE. L'argent n'est pas ce qu'il nous faut,Au zèle l'intérêt le cède ;Nous exigeons pour tout paiementQue vous disiez en ce moment Bien tendrementVraiment,Gaîment,Vive l'auteurDe notre ardeur. TOUS. Vive l'auteurDe notre ardeur. SCÈNE VIII et dernière. Monsieur Scrupule, Léonore, Damon, et les Acteurs précédents. MONSIEUR SCRUPULE. Courage mes enfants. JÉRÔME. Allons nous-en ailleurs nous réjouir, v'là une figure sérieuse qui porterait malheur à notre joie. MONSIEUR SCRUPULE. Non, mon ami. J'espère même au contraire la seconder bientôt. LÉONORE. Hé bien, mon oncle ; vous voyez que nous avions raison de nous livrer au plaisir. MONSIEUR SCRUPULE. Air : De tous les Capucins du inonde.Oui maintenant je suis tranquille,J'ai vu LOUIS. II m'est facileDe vous unir, mes chers enfants. L'hymen de ma joie est la marque :Vivez, aimez aussi longtempsQue nous chérirons ce Monarque.Mille ouvrages que j'ai déja vus à ce sujet annoncent les sentimens de toutes Les Nations pour lui; LÉONORE. Air : noté N° 3.Qu'on est heureux de faire des vers !Moi plus j'y rêve et plus je m'y perds ! Mais ce talent ne doit coûter rien,Car il me souvient bienQu'un auteur en créditDitQu'en chantant un BOURBON Bon,Dans le sacré valonL'onSe passe d'Apollon. SECOND COUPLET.En vain Damon me faisant sa cour Dans ses chansons me traçait l'amour ;Mais il en fit une pour LOUIS De bon coeur je l'ouis.Je lui sus par degréGré ; Sur moi ce trait d'espritPrit :Il put de son savoir.VoirQuel était le pouvoir. TROISIÈME COUPLET.L'objet chéri qu'il me retraçaitL'enhardissait et m'attendrissait,D'avoir rendu mon coeur satisfaitSon zélé triomphait ;Non pas en écrivain VainVisait-il au renom ?Non.Le plus simple couplet ;Plaît ; LOUIS le rend complet. JÉRÔME. Hé ! Ben, Cousin, cornment qu'tu trouves ça, toi ? NICAISE. Moi, j'trouve ça pas mal raisonné ; mais c'est pas ben difficile. JÉRÔME. En dirais-tu ben autant ? NICAISE. Hé ! Pardine, m'en défies-tu ? JÉRÔME. Oui. TOUTES. Ah, voyons donc. NICAISE. Même air que le précédent.Moi je n'ai jamais sçu ben chanter ;Mais quand il faut montrer qui l'on est,C'est que je vous tire adroitementMon épingle du jeu. Je ne dis qu'un seul motQuiProuve que je suis auFait.Nous d'vons chérir le Roi CarIl nous aime tretous. JÉRÔME. Pargué, v'ià qu'est ben rimé. NICAISE. Qu'ça rime si ça veut, c'est vrai, toujours. Il montre le Public. Tiens, j'ai d'beaux et d'bons témoins. MONSIEUR SCRUPULE. C'est à merveille, mon ami. NICAISE. Sans doute. Hé ! Ben ; mais ces lamprons, quand donc que j'verrons ça ? TOUS. Il a raison. MONSIEUR SCRUPULE. Vous n'irez pas loin. La toile se lève, on aperçoit d'un côté un Buffet et de l'autre un orchestre public ; dans le fonds une illumination au milieu de laquelle est cette inscription en caractères de feu : VIVE LE ROI. TOUS prononcent ces mots avec transports Le tout se termine par des danses relatives aux différents caractères des acteurs. ==================================================