NOUVEAU PROLOGUE, ET NOUVEAUX DIVERTISSEMENTS

POUR LA COMÉDIE DES AMANTS MAGNIFIQUES

M. CC. IV.

Par Dancourt

Représentée pour la première fois le 23 Juin 1704.


publié par Paul FIEVRE novembre 2013, revu mars 2017.

publié par Paul FIEVRE novembre 2013, revu mars 2017.

© Théâtre classique - Version du texte du 30/04/2024 à 20:06:54.


ACTEURS.

LA FORTUNE.

NEPTUNE.

L'AMOUR.

PLUSIEURS HABITANTS et Habitantes de la Vallée de Tempé.

TRITONS.

NÉRÉIDES, etc.

La Scène est dans la Vallée de Tempé.


PROLOGUE.

SCÈNE I.

LA FORTUNE, seule.

Dans ce Vallon délicieux   [ 1 Fortune : Terme du polythéisme gréco-romain. Divinité qui présidait aux hasards de la vie. Le temple de la Fortune. Les anciens représentaient la Fortune sous forme d'une femme, tantôt assise et tantôt debout, ayant un gouvernail, avec une roue à côté d'elle, pour marquer son inconstance, et tenant dans sa main une corne d'abondance. [L]]

Que de ses dons simples, mais précieux,

La nature paraît avoir, par préférence,

Orné même aux dépens de tous les autres lieux,

5   Joignons tout ce que l'art et la magnificence,

Ont de plus grand, de plus ingénieux.

Deux Princes, deux rivaux, pleins d'une ardeur extrême,

Unissent tous leurs soins pour dompter la fierté

D'un jeune objet qui, contre Vénus même,

10   Peut disputer de la beauté.

Dans ces aimables lieux sa mère l'a conduite.

Les Princes à ses yeux font briller tour à tour

Tout ce qui peut relever leur mérite,

Et faire éclater leur amour.

15   Ils m'ont prise pour leur Déesse,

Tous deux également m'ont adressé leurs voeux ;

C'est au doux succès de leurs feux,

Que la Fortune s'intéresse.

Mais quoi que je fasse pour eux,

20   Un seul peut obtenir la main de la Princesse,

Et de qui que ce soit des deux

Que l'on couronne la tendresse,

D'autres bienfaits avec largesse

Consoleront le malheureux.

25   Nymphes, Sylvains, et vous, ô Troupe fortunée !   [ 3 Sylvain : Dieu des forêts, dans le polythéisme romain. [L]]  [ 2 Nymphe : Dans le polythéisme gréco-latin, divinité des fleuves, des bois, des montagnes. [L]]

Pour qui le Soleil dans son cours

N'a jamais fait que de beaux jours,

Tranquilles habitants des rives du Pénée,   [ 4 Pénée : Nom propre d'une grande rivière de la Grèce. Peneus. Elle a sa source dans les montagnes de Mezzovo, qui séparent l'Épire de la Thessalie, coule dans cette dernière province, y baigne Janna, Trica, Tricala et Larissa, et va se décharger dans le golfe de Salonichi, entre les montagnes de Lacha et Cossowo. [T]]

J'ai besoin de votre secours.

30   Ajoutez aux douceurs charmantes

Qu'on goûte en cet heureux séjour,

De tendres jeux, et des fêtes galantes,

Qui puissent inspirer l'amour.

Par votre exemple invitez la Princesse

35   À ne pas résister à des charmes si doux ;

Et si son coeur se rend à la tendresse,

Si par vos soins elle prend un époux,

Je joindrai dans ces lieux le don de la richesse

À ce que la nature a déjà fait pour vous.

40   Mais quoi ? Nul ici ne s'empresse

De répondre à ce que je veux ?

Ne suis-je donc plus la Déesse

Par qui les mortels sont heureux ?

Pour avoir méprisé tant de voeux qu'on m'adresse,

45   Essuierai-je à mon tour le reproche honteux

D'avoir eu l'indigne faiblesse

De former d'inutiles voeux ?

Neptune, puissant Dieu des ondes,   [ 5 Neptune : Terme du polythéisme latin. Divinité présidant à la mer, et l'un des douze grands dieux. [L]]

Toi dont le vaste Empire est soumis à mes lois,

50   Sors pour quelques moments de tes grottes profondes,

Et sois attentif à ma voix ;

Punis ces peuples pleins d'audace,

Qui méprisent de m'obéir :

Que tes flots écumeux viennent les engloutir,

55   Que de ces beaux vallons les mers prennent la place,

Et qu'on ne puisse avoir l'orgueil de s'applaudir,

D'avoir impunément mérité ma disgrâce.

Neptune sort de la mer.

SCÈNE II.
Neptune, La Fortune.

NEPTUNE.

Ma fille, (car toujours pour toi

J'ai conservé des sentiments de père)

60   Comme moi l'on te peint légère,

De grâce en tout imite-moi.

Je mets un frein aux mers que je tiens sous ma loi,

Mets-en, ma fille, à ta colère,

Pardonne aux Peuples de tes bords

65   Le peu d'empressement qu'ils marquent de te plaire.

Tes promesses et tes trésors

Sont des biens dont ils n'ont que faire ;

En vain tu crois gagner leurs coeurs

Par l'espoir de la récompense,

70   Les richesses et les grandeurs

Ne touchent point des coeurs nés pour l'Indépendance ;

Il ne cherche point tes faveurs,

Et ne craignent point ta puissance.

LA FORTUNE.

Hé ! Quels mortels pourraient ne la pas redouter ?

NEPTUNE.

75   Ceux qui n'ont rien à craindre, et rien à souhaiter.

Les Habitants de ces belles retraites,

Qui, par des décrets éternels,

Ressentent des douceurs parfaites

Dont jouissent les Immortels.

80   Qui, sans soins, sans désirs, dans l'heureuse innocence,

Ne font fumer l'encens sur nos Autels,

Que par amour et par reconnaissance.

Presque au-dessus des demi-Dieux,

Il ne faut pas qu'aucun de nous prétende

85   Les gouverner d'un air impérieux,

Et c'est en les payant enfin qu'on leur commande.

Venez, accourez à la voix

De Neptune qui vous appelle :

C'est sans vouloir vous imposer de lois,

90   Que la Fortune attend de votre zèle,

Qu'aujourd'hui vous fassiez pour elle,

Ce que pour d'autres Dieux vous fîtes tant de fois.

Joignez-vous aux Nymphes des bois.

Les Tritons et les Néréides   [ 7 Néréïde : Divinités fabuleuses des païens, qu'ils croyaient habiter dans la mer. On voit leurs noms et leurs généalogies dans Hésiode en sa Théogonie. Les Néréïdes étaient cinquante. Elles étaient filles de Nérée et de Doride. [T]]  [ 6 Triton : Terme de mythologie. Dieu de la mer, que la Fable fait fils de Neptune et d'Amphitrite, qui a figure humaine et dont le corps se termine en poisson. [L]]

95   Vont quitter, comme moi, leurs demeures humides,

Pour former avec vous des concerts et des jeux,

Nobles amusements d'une aimable jeunesse,

Qui puissent attirer les regards curieux

De l'incomparable Princesse,

100   Que deux Princes rivaux régalent en ces lieux.

Au pied de ce coteau qui nous cache la plaine,

Cette jeune Cour se promène.

On entend une symphonie par échos.

Le bruit de vos concerts commence à retentir,

105   Hâtons-nous, commençons la fête.

Du spectacle qu'on leur apprête,

Les échos vont les avertir ?

SCÈNE III.
Neptune, La Fortune, plusieurs Habitants et Habitantes de la Vallée de Tempé, Tritons, etc.

Entrée.

Air.

UNE HABITANTE de la Vallée de Tempé.

Sur cet agréable rivage,   [ 8 Tempé : Vallée de Thessalie entre le mont Ossa et l'Olympe. [L]]

Où les zéphyrs règnent toujours,

110   En amour, comme en voyage,

Sans crainte on s'engage ;

On n'a jamais que de beaux jours,

On n'y ressent aucun orage,

Et l'inconstance des amours

115   N'y fait jamais d'Amant volage.

Entrée.

Air.

UN HABITANT de la Vallée de Tempé.

Que la Princesse est jeune et belle !

Nymphes, ne vous irritez pas

De ne pas l'emporter sur elle.

La mère des Amours, Vénus est immortelle,

120   Et Vénus même a moins d'appas.

Entrée.

Air.

UN HABITANT de la Vallée de Tempé.

Dans l'Empire des Amours,

Et sur les flots de Neptune,

J'ai fait voyage de long cours,

Toujours aidé de la Fortune.

125   Qui ne risque rien a grand tort ;

Quand on échappe du naufrage,

On goûte mieux un heureux sort,

Et c'est assez souvent l'orage

Qui nous amène dans le port.

SCÈNE IV.
Neptune, La Fortune, l'Amour, etc.

Entrée.

L'AMOUR, paraît sur un nuage.

130   Dans les jeux et dans les concerts,

On ne trouva jamais ma présence importune ;

Et je viens du plus haut des airs,

Voir cette fête peu commune,

Que d'accord avec la Fortune,

135   Ordonne ici le Dieu des mers.

LA FORTUNE.

Nulle fête sans vous ne saurait être belle,

Les plus doux jeux vous sont tous consacrés,

Et l'on attend de vous que pour faveur nouvelle,

À ceux-ci vous présiderez :

140   Ainsi que moi, Neptune s'intéresse

À favoriser les Amants,

Qui cherchent à toucher le coeur de la Princesse.

L'AMOUR.

Je destine à l'un d'eux les biens les plus charmants.

Jusqu'ici la Princesse à mon pouvoir rebelle,

145   En vain voudra dissimuler

Les feux dont elle va brûler ;

Et mes traits aujourd'hui doivent triompher d'elle.

Sûr de cette victoire en ce charmant séjour,

J'ai donné rendez-vous au Dieu de l'Hyménée ;

150   Par lui dans cette jeune Cour,

Ma suite et la sienne amenée,

Termineront cet heureux jour,

Et vous verrez l'heureuse destinée

Que peut faire l'hymen d'accord avec l'Amour.

Duo.

155   Quels doux plaisirs

Le Dieu des Amours donne,

Quand on fait ce qu'il ordonne !

Quels doux plaisirs ;

Qu'ici l'Écho ne résonne

160   Que de nos tendres soupirs.

INTERMÈDES.

Ier INTERMÈDE.

Cléonice présente à la Princesse Ériphyle, des Musiciennes et des Danseurs, qui veulent entrer à son service, et qui lui donnent le Divertissement qui suit.

CLÉONICE.

Cruel Amour, tyran des coeurs,

Que tu te plais à nous séduire,

Par l'appas des tendres douceurs,

Dont l'espoir flatteur nous attire !

165   Cruel amour, tyran des coeurs,

Que l'on souffre sous ton empire !

Si quand on ressent tes ardeurs,

Le devoir défend de le dire.

Amour, adoucis les rigueurs

170   Des lois qu'on a su nous prescrire,

Et fais sentir à nos Vainqueurs

Le même feu qui nous inspire.

Cruel Amour, tyran des coeurs,

Que tu te plais à nous séduire,

175   Par l'appas des tendres douceurs,

Dont l'espoir flatteur nous attire !

Entrée.

UN MUSICIEN.

Je sais aimer et souffrir sans me plaindre,

Et je sais mieux encore être heureux sans parler,

Mépris, faveurs, rien ne saurait éteindre

180   La vive ardeur dont je me sens brûler.

Dans vos beaux yeux je vois briller

Des feux que vous voulez contraindre,

Et que vous sentez redoubler.

Est-ce amour ou courroux ? Dois-je espérer ou craindre ?

Duo.

185   Un jeune coeur qui commence d'aimer

Tremble assez souvent de le dire ;

La bouche n'ose l'exprimer,

Dans les regards, heureux qui le peut lire.

Entrée gaie.

IIème INTERMÈDE.

LA NYMPHE de la Vallée de Tempé.

Venez, Princesse charmante,

190   Répondez à nos désirs,

Et ne méprisez pas les innocents plaisirs

Que notre désert vous présente.

N'y cherchez point l'éclat des fêtes de la Cour ;

On ne parle ici que d'amour,

195   Ce n'est que d'amour qu'on y chante.

UN FAUNE.

Vous mentez Nymphe, vous mentez ;

Et quelque soin que l'Amour prenne,

Ses plaisirs sont ici moins chantés,

Que Bacchus et le bon Silène.   [ 10 Silène : Demi-dieu, fils de Pan et d'une nymphe, père nourricier et compagnon de Bacchus. [L]]  [ 9 Bacchus : Nom d'un Dieu des Païens. Bacchus était fils de Jupiter et de Proserpine, selon une hymne attribuée à Orphée : mais selon Homère, dans l'hymne qu'il a faite à l'honneur de Bacchus, selon Hésiode, Theogon. v. 941. selon une autre hymne attribuée à Orphée, et selon le sentiment général des poètes, il était fils de Jupiter et de Sémélé. [T]]

200   Il n'est qu'un temps

Où les Amants

Goûtent un sort digne d'envie.

On aime pour quelques moments,

On peut boire toute sa vie.

CORIDON.

205   Loin d'ici, Faune téméraire,

Qui semblez mépriser l'Amour,

C'est le chagrin de ne plus savoir plaire,

Qui vous fait faire

À Bacchus votre cour.

Il chante.

210   Quand d'une Nymphe adorable

On a souffert mille refus,

On croit se consoler à table

Des plaisirs que l'on a perdus.

On aime tant qu'on est aimable,

215   Et l'on boit quand on ne l'est plus.

LE FAUNE.

Je suis toujours aimable, et si toujours je bois,

Et souvent et beaucoup ; mais toi,

Si ta morale est véritable,

Sans avoir eu jamais le bonheur d'être aimable,

220   Tu seras sans plaisir plus ivrogne que moi.

CORIDON.

Voici la beauté que j'adore.

L'Amour en ma faveur conduit ici ses pas ;

La Belle encore

Ne sait pas

225   Quel feu me dévore.

Rendons hommage à ses appas,

Apprenons-lui ce qu'elle ignore.

LE FAUNE.

Je vois venir de ce côté

Une jeune beauté,

230   Dont sans vanité

Je ne serai pas rebuté ;

Car elle aime à boire,

Elle en fait gloire.

Ô la douce félicité ;

235   Quelle victoire,

D'en être à tes yeux bien traité ?

Sus, sus, voyons, esprit malade,

Amoureux fade,

Qui de nous deux aura le plutôt surmonté

240   La fierté

De ta Nymphe ou de ma Dryade,   [ 11 Dryade : Terme du polythéisme gréco-latin. Divinités qui faisaient leur demeure dans les bois, et qui y présidaient. [L]]

En attendant je bois rasade   [ 12 Rasade : Vase rempli jusqu'aux bords. [L]]

À leur santé.

CORIDON.

Nymphes, vous voyez deux amants,

245   Qui n'ont rien tant à coeur que de vous pouvoir plaire.

LE FAUNE.

Oh, s'il vous plaît, dans cette affaire

N'expliquez que vos sentiments ;

Et pour les miens, laissez-moi dire et faire.

CORIDON.

Depuis longtemps, charmé de vos divins appas,

250   Je languis nuit et jour, je brûle, je soupire.

LE FAUNE.

J'aime à boire, à chanter, à folâtrer, à rire.

Vous me plaisez beaucoup ; mais je ne languis pas.

PHILIS.

Bon, sans perdre temps à nous dire

Ce que tous deux vous avez dans le coeur,

255   Prenez le soin de nous instruire

De vos talents, de votre humeur.

LE FAUNE.

C'est un beau fils, un fidèle Pasteur,

Et moi je suis un pétulant Satyre.

Il va vous chanter son martyre,

260   Je vous chanterai mon ardeur.

CORIDON.

Aux beautés les plus cruelles

J'adresse toujours mes voeux ;

Les coeurs à l'amour rebelles

Tôt ou tard sentent ses feux.

265   Pour nous faire aimer des Belles

Soyons-en bien amoureux ;

Soyons discrets et fidèles

Pour être longtemps heureux.

CORINNE.

Hé bien ! Là, parlez donc, faut-il tant hésiter ?

270   As-tu besoin d'un Interprète ?

Quand on trouve ce qu'on souhaite,

Doit-on tarder à l'accepter ?

Tu l'aimes, je le vois, c'est une affaire faite.

Vous pouvez espérer, Pasteur, sans vous flatter

275   Ce silence obstiné découvre sa faiblesse,

Et ses regards se déclarent pour vous.

La bouche sert à marquer le courroux,

Les yeux expliquent la tendresse.

LE FAUNE.

Je sers et Bacchus et l'Amour ;

280   Bacchus me fait aimer, l'Amour m'excite à boire.

Jeune Nymphe, veux-tu m'en croire ?

Sers aussi ces Dieux tour à tour.

Nous brûlerons d'une ardeur éternelle,

Le vin augmentera nos feux,

285   Il te rendra cent fois plus belle,

Et moi cent fois plus amoureux.

Hé bien ! Qu'en penses-tu ! N'as-tu rien à dire ?

Je te vois là tout je ne sais comment ;

C'est bon signe pour moi vraiment.

290   Jeune Nymphe qu'Amour inspire,

Est volontiers confuse auprès d'un tendre amant,

Qui lui vient amoureusement

De faire entendre son martyre.

Enfin l'augure que j'en tire,

295   Est que l'on est très sûrement

Contente de mon compliment.

CORINNE.

D'accord, c'est trop longtemps me taire,

Et Bacchus et l'Amour ont des charmes pour moi :

Boire, aimer tour à tour, voilà bien mon affaire,

300   J'aime fort volontiers, fort volontiers je bois ;

Mais, Satyre, je ne veux faire

Ni l'un ni l'autre avecque toi.

LE FAUNE.

Tu te trompes, Dryade folle,

Si tu crois mon coeur enflammé

305   Au point d'être fort alarmé

De désobligeante parole.

À ces sottises-là je suis accoutumé.

Ma flamme méprisée avec le vin s'envole ;

Et quand je ne suis pas aimé,

310   Voilà comme je me console.

Entrée.

Duo.

Quand on méprise un coeur tendre,

De le guérir Bacchus prend soin.

Ah, quel remède ! Heureux qui le sait prendre,

Mais plus heureux qui n'en a pas besoin.

Entrée de Dryades et de Faunes.

III INTERMÈDE.

PAN, aux Princesses.

315   Des fêtes qu'ici l'on vous donne,

Princesses, les Dieux sont jaloux.

Et vous voyez Pan qui vient en personne,

Avec respect se présenter à vous :

Mais de peur que l'on ne raisonne,

320   Qu'avec les Dieux des Bois vous avez rendez-vous,

Deux Déesses, Flore et Pomone,   [ 14 Pomone : Terme du polythéisme latin. La déesse des fruits. [L]]  [ 13 Flore : Terme de la religion des anciens Latins. La déesse des fleurs. [L]]

Ont bien voulu se joindre à nous.

Tandis que l'une et l'autre à l'envi vous régalent,

De ce que leur empire a de plus précieux,

325   Qu'en cette grotte elles étalent

Fleurs dont les doux parfums dans ces forêts s'exhalent,

Fruits pour le goût délicieux,

Souffrez, pour occuper vos oreilles, vos yeux,

Que nos faunes et nos Dryades,

330   Animés par les tendres sons

Des plus amoureuses chansons,

Fassent de légères gambades

À l'ombre de ces beaux buissons.

Entrée de Faunes.

UN FAUNE.

Quand un Faune amoureux

335   Trouve une Nymphe au pied d'un hêtre,

Pour devenir heureux

On croit qu'il n'a qu'à vouloir l'être.

Mais quand nos Nymphes une fois

Suivent d'Amour les douces lois,

340   Tous nos efforts sont inutiles

Pour déranger leur premier choix.

Les Nymphes des Villes

Sont moins difficiles

Que celles des Bois.

UNE DRYADE.

345   Dans ces agréables Bocages

Tout cède aux charmes de l'Amour ;

La nature dans ce séjour

Lui rend ses plus parfaits hommages.

Les Rossignols sous les feuillages

350   Chantent mille plaisirs nouveaux,

Et le doux murmure des eaux

Parle d'amour à nos rivages.

MADEMOISELLE SALLÉ, chante.

Ici les Nymphes des Fontaines

Brûlent d'amour au fond des flots,

355   Et l'on n'entretient les Échos

Que de plaisirs, jamais de peines.

Entrée.

LA DRYADE.

Quand dans un coeur

L'Amour se glisse,

À ce vainqueur

360   Sans résistance il faut qu'on obéisse.

PAN.

Ce petit Dieu

Souvent dans l'âme

Allume un feu,

Dont la raison veut surmonter la flamme.

LA DRYADE.

365   Mais en tous lieux

L'Amour égale

Hommes et Dieux ;

Et sans rougir, l'Aurore aima Céphale.   [ 16 Céphale : Fils de Déjonée, Roi de Phocide, épousa Procris, soeur d'Orithie, Roi d'Athènes. Céphale était bisaïeul d'Ulysse. Euripide dit que l'Aurore enleva aux Cieux Céphale après la mort de Procris. [T]]  [ 15 Aurore : Lumière qui paraît avant que le soleil soit sur l'horizon. Il n'y a rien de plus agréable à voir que le lever de l'aurore, ce sont les nuées éclairées des rayons du soleil. Les Poètes en font une Divinité, dont Céphale était amoureux. [F]]

PAN.

Un fier honneur

370   En vain condamne

Le choix d'un coeur.

Eudimion fut l'Amant de Diane.   [ 17 Diane : Nom propre d'une Déesse des anciens païens. Les Grecs l'appellent Artemis. Diane était fille de Jupiter et de Latone, soeur jumelle d'Apollon, née avec lui, dans l'île de Délos, et élevée avec lui, comme le disent Hésiode dans sa Théogonie, v. 14. et 918, et Homère dans l'Hymne qu'il a fait à sa louange, et tous les poètes. [T]]

Entrée.

IV INTERMÈDE.

Cet Intermède est un Concert Italien que l'on fait entendre à la Princesse, qui est fort occupée de ses rêveries.

UNE MUSICIENNE.

Teneri cuori,

Che vogate

375   Sui mar dei Amori,

Non temete,

Sospirate :

Il vento dei sospiri

Accende gli ardori ;

380   E' dolce il vento

Che conduce al porto.

Teneri cuori,

Che vogate

Sui mar dei Amori,

385   Non temete,

Sospirate.

Dernières paroles de la dernière Scène, qui doivent servir à amener le cinquième Intermède.

TIMOCLES.

Peut-être, Madame ; qu'on ne goûtera pas longtemps la joie du mépris que l'on fait de nous.

ARISTIONE.

Je pardonne toutes ces menaces aux chagrins d'un amour qui se croit offensé, et nous n'en goûterons pas avec moins de tranquillité les délices du charmant séjour où nous sommes.

CLITIDAS.

Oh, pour cela non, Madame, et l'on ne s'en réjouira que mieux. J'ai remarqué tout aujourd'hui que les fêtes dont ces Princes ont pris soin de vous régaler, n'ont pas trop diverti la Princesse ; son esprit était occupé...

ÉRIPHYLE.

Clitidas...

CLITIDAS.

Je ne dis rien du coeur, Madame, je ne parle que de l'esprit ; et à présent que par un incident tout à fait heureux, il est, grâces au Ciel devenu plus libre, s'il vous plaisait, Madame, vous pourriez prendre le régal d'un petit Divertissement champêtre que j'ai ordonné moi-même à tout hasard, pour vous dédommager du sérieux et de l'ennui des autres. C'est une fille du pays, qui est un peu ma parente, qui vient d'épouser un jeune Matelot d'auprès de Larisse.   [ 18 Larisse : Nom propre d'une grande ville et Archiépiscopale. Elle est dans la Thessalie, sur le Pénée, environ à dix lieues de son embouchure dans le golfe de Salonichi. [T]]

ÉRIPHYLE.

Ce sera, je crois, quelque chose de fort beau que ce Divertissement champêtre.

ARISTIONE.

Voyons, ma fille. De simples choses amusent quelquefois agréablement ; et le zèle qu'il a de vous plaire, mérite de n'être pas refusé.

CLITIDAS.

Ah, qu'on est heureux de servir des Princesses qui reçoivent avec tant de bonté les soins qu'on prend de leur être agréable ! Je vais faire venir tout mon monde, et...

La Fortune sur un nuage.

J'ai favorisé vos rivaux :

Mais de leur intérêt enfin je me sépare,

390   Sostrate ; et sans être bizarre,   [ 19 Sostrate : Jeune homme de la ville de Palée en Achaïe, que l'on dit avoir été l'ami d'Hercule. Après sa mort le Héros qui vivait encore, lui fit élever un tombeau, et se coupa les cheveux sur sa sépulture. [T]]

Je puis prendre parti pour un jeune héros,

Pour qui l'Amour lui-même se déclare.

Après avoir causé vos maux,

Il faut bien que je les répare :

395   Jouissez du sort le plus doux,

La Fortune et l'Hymen, et l'Amour sont pour vous.

L'AMOUR sur un nuage.

Sostrate, et vous, jeune Princesse,

Reconnaissez le Dieu qui vient de vous unir

De la plus parfaite tendresse.

400   Servez tous deux d'exemple aux siècles à venir.

Le bizarre Dieu d'Hyménée,

Qui souvent des heureux amants,

Sitôt qu'ils sont époux, changent la destinée,

Ne prépare pour vous que les plus doux moments.

405   Pour mériter toujours sa faveur et la mienne,

Qui vous promet tant de félicité,

Modelez-vous sur la simplicité

Des époux qu'en ces lieux Clitidas vous amène.

V INTERMÈDE.
Plusieurs personnes de la noce.

Entrée.

LE MARIÉ.

Puisque l'Amour nous a préposés pour modèle

410   Du bonheur que l'Hymen vous doit faire éprouver,

Voyez-nous faire, et vous allez trouver

Une façon sûre et nouvelle

De vivre longtemps mariés,

Sans pouvoir en être ennuyés

415   Il n'est point cependant de plaisir dans la vie,

Qui tôt ou tard ne fatigue ou n'ennuie ;

Mais le moyen de ne s'en pas lasser,

C'est de les savoir bien placer,

Et d'avoir soin qu'on les diversifie.

420   Les prendre tour à tour, rire, chanter, danser,

Toujours en bonne compagnie,

Et ne se point embarrasser

Si sa femme est de la partie.

Époux entre eux doivent laisser

425   Et chacune et chacun vivre à sa fantaisie.

Le temps est si doux à passer :

La bonne chère vient quand la danse est finie ;

On boit longtemps, puis on défie

Les chagrins de l'Hymen de venir traverser

430   Une félicité de la sorte établie.

On dort sans se faire bercer...

Pour moi je n'y sais point d'autre cérémonie.

Le lendemain c'est à recommencer.

Entrée.

Air.

Sans jalousie

435   Nous vivons tous ;

Nous tenons pour fous

Les Époux

Atteints de cette frénésie.

En rendez-vous

440   Avec les belles,

Sans exiger des faveurs d'elles,

On a les plaisirs les plus doux.

Et parmi nous

Les femmes ne sont fidèles

445   Qu'aux maris chagrins et jaloux.

Entrée.

Air.

Ne craignez point, jeunes fillettes,

Que trop d'amants suivent vos pas ;

Leurs feux, leurs soins, leurs chansonnettes,

Donnent du lustre ç vos appas.

450   Le mal n'est pas

D'être coquettes ;

C'est la manière dont vous l'êtes

Qui fait souvent trop de fracas.

Branle pour finir.   [ 20 Branle : Est une espèce de danse de plusieurs personnes, qui se tiennent par la main, et qui se mènent tour-à-tour. [FC]]

455   À ma mère il faut un gendre,

Et chacun lui fait la cour :

Elle pourrait s'y méprendre,

J'en ai su prendre

Un fait au tour.   [ 21 Fait au tour : Qui est parfaitement bien fait. [FC]]

460   Dépêchons, Hâtons-nous de nous rendre :

Qu'il est doux de céder à l'Amour !

L'Hymen est un esclavage

Où l'on aime à s'engager.

De bon coeur fillette sage

465   Du mariage

Court le danger.

On craint peu les chagrins du ménage,

Et l'on trouve à s'en dédommager.

Quand à l'hymen on s'engage

470   Dans la fleur de son printemps,

On a souvent l'avantage

D'un doux veuvage

Dans ses beaux ans.

On ne sent les chagrins du ménage

475   Qu'au moment qu'ils durent trop longtemps.

 



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Notes

[1] Fortune : Terme du polythéisme gréco-romain. Divinité qui présidait aux hasards de la vie. Le temple de la Fortune. Les anciens représentaient la Fortune sous forme d'une femme, tantôt assise et tantôt debout, ayant un gouvernail, avec une roue à côté d'elle, pour marquer son inconstance, et tenant dans sa main une corne d'abondance. [L]

[2] Nymphe : Dans le polythéisme gréco-latin, divinité des fleuves, des bois, des montagnes. [L]

[3] Sylvain : Dieu des forêts, dans le polythéisme romain. [L]

[4] Pénée : Nom propre d'une grande rivière de la Grèce. Peneus. Elle a sa source dans les montagnes de Mezzovo, qui séparent l'Épire de la Thessalie, coule dans cette dernière province, y baigne Janna, Trica, Tricala et Larissa, et va se décharger dans le golfe de Salonichi, entre les montagnes de Lacha et Cossowo. [T]

[5] Neptune : Terme du polythéisme latin. Divinité présidant à la mer, et l'un des douze grands dieux. [L]

[6] Triton : Terme de mythologie. Dieu de la mer, que la Fable fait fils de Neptune et d'Amphitrite, qui a figure humaine et dont le corps se termine en poisson. [L]

[7] Néréïde : Divinités fabuleuses des païens, qu'ils croyaient habiter dans la mer. On voit leurs noms et leurs généalogies dans Hésiode en sa Théogonie. Les Néréïdes étaient cinquante. Elles étaient filles de Nérée et de Doride. [T]

[8] Tempé : Vallée de Thessalie entre le mont Ossa et l'Olympe. [L]

[9] Bacchus : Nom d'un Dieu des Païens. Bacchus était fils de Jupiter et de Proserpine, selon une hymne attribuée à Orphée : mais selon Homère, dans l'hymne qu'il a faite à l'honneur de Bacchus, selon Hésiode, Theogon. v. 941. selon une autre hymne attribuée à Orphée, et selon le sentiment général des poètes, il était fils de Jupiter et de Sémélé. [T]

[10] Silène : Demi-dieu, fils de Pan et d'une nymphe, père nourricier et compagnon de Bacchus. [L]

[11] Dryade : Terme du polythéisme gréco-latin. Divinités qui faisaient leur demeure dans les bois, et qui y présidaient. [L]

[12] Rasade : Vase rempli jusqu'aux bords. [L]

[13] Flore : Terme de la religion des anciens Latins. La déesse des fleurs. [L]

[14] Pomone : Terme du polythéisme latin. La déesse des fruits. [L]

[15] Aurore : Lumière qui paraît avant que le soleil soit sur l'horizon. Il n'y a rien de plus agréable à voir que le lever de l'aurore, ce sont les nuées éclairées des rayons du soleil. Les Poètes en font une Divinité, dont Céphale était amoureux. [F]

[16] Céphale : Fils de Déjonée, Roi de Phocide, épousa Procris, soeur d'Orithie, Roi d'Athènes. Céphale était bisaïeul d'Ulysse. Euripide dit que l'Aurore enleva aux Cieux Céphale après la mort de Procris. [T]

[17] Diane : Nom propre d'une Déesse des anciens païens. Les Grecs l'appellent Artemis. Diane était fille de Jupiter et de Latone, soeur jumelle d'Apollon, née avec lui, dans l'île de Délos, et élevée avec lui, comme le disent Hésiode dans sa Théogonie, v. 14. et 918, et Homère dans l'Hymne qu'il a fait à sa louange, et tous les poètes. [T]

[18] Larisse : Nom propre d'une grande ville et Archiépiscopale. Elle est dans la Thessalie, sur le Pénée, environ à dix lieues de son embouchure dans le golfe de Salonichi. [T]

[19] Sostrate : Jeune homme de la ville de Palée en Achaïe, que l'on dit avoir été l'ami d'Hercule. Après sa mort le Héros qui vivait encore, lui fit élever un tombeau, et se coupa les cheveux sur sa sépulture. [T]

[20] Branle : Est une espèce de danse de plusieurs personnes, qui se tiennent par la main, et qui se mènent tour-à-tour. [FC]

[21] Fait au tour : Qui est parfaitement bien fait. [FC]

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