THÉÂTRE DE LA SOCIÉTÉ DE LA RUE DU PERRON
PROLOGUE POUR LA RENTRÉE DE LA TROUPE
Récité par un des acteurs, le 7 février 1865.
1865.
BESAHÇON, IMPR. DE J. JACQUIN.
Récité par un des acteurs, le 7 février 1865.
Texte établi par Paul FIEVRE, août 2023
Publié par Paul FIEVRE, septembre 2023
© Théâtre classique - Version du texte du 30/06/2024 à 11:00:05.
ACTEURS.
LE RÉCITANT.
THÉÂTRE DE LA SOCIÉT...
Mesdames et messieurs, durant leur longue absence,
Modestement rentrée dans l'ombre et le silence,
Nos acteurs attendaient l'instant de vous revoir,
Rêvant au jour heureux dont ils gardaient l'espoir,
5 | Car nous ne sommes pas de ces troupes banales, |
Cherchant d'autres succès sur des scènes rivales :
Nos voeux et nos travaux ne s'adressent qu'à vous.
Qu'irions-nous demander ailleurs ? Qu'y ferions nous ?
Nous ne trouverions plus ni le même indulgence,
10 | Ni le bonheur qu'on goûte au lieu de sa naissance. |
Donc, semblable au palais de ce conte charmant
Où Perrault nous a peint la Belle au bois dormant,
Notre théâtre, un jour pour vous sortant de l'ombre,
Disparaît tout à coup dans quelque forêt sombre :
15 | Le lustre s'est éteint, il faut froid, il fait nuit, |
Et la troupe s'endort, loin du monde et du bruit,
Jusqu'à ce qu'une fée indulgente et discrète
Vienne la réveiller d'un coup de sa baguette.
Nous conservons encor la plupart des acteurs
20 | Qui surent autrefois plaire à nos spectateurs, |
Et si nous avons fait des pertes regrettables,
S'il nous manque aujourd'hui quelques talents aimables
Qui, nous l'espérons bien, nous reviendront plus tard,
D'autres à nos efforts ont voulu prendre part.
25 | Marchant au même but avec le même zèle, |
Puissions-nous tous, ce soir, pleins d'une ardeur nouvelle,
Mériter ces bravos, ces applaudissements,
De vos bontés pour nous témoignages charmants,
Qui d'artistes payés feraient encor l'envie.
30 | Oubliant un moment les peines de la vie, |
Suivez-nous dans un monde où tout brille à nos yeux,
Où l'on rit, où l'on chante, où rien n'est sérieux,
Où la folle gaieté, chassant l'humeur morose,
En dépit des censeurs nous montre tout en rose ;
35 | Fantastique pays dont l'horizon vermeil |
Resplendit sous un lustre et s'efface au soleil.
Mesdames, venez-y sans crainte, sans scrupule :
Si nous faisons souvent la guerre au ridicule,
Nous respectons toujours la morale et l'honneur.
40 | À plaire aux gens de bien mettant notre bonheur, |
Nous voulons vous offrir un spectacle en famille,
Digne en tout que la mère y conduise sa fille,
Et laissant quelquefois sommeiller la raison
Sans jamais offenser le goût et le bon ton.
45 | Heureux si nos acteurs, au vrai connaisseur même |
Ne font pas regretter les artistes qu'il aime !
Tout autre amusement, du moins, j'en suis bien sûr,
S'il peut être plus vif ne peut être plus pur,
Les ouvrages produits devant notre parterre
50 | Ayant subi d'abord un examen sévère. |
Nous avions, loin de vous, dormi d'un long sommeil.
Mais quelle activité depuis notre réveil !
En pièces d'un ton gai la troupe est assez riche,
Et notre directeur, contemplant son affiche,
55 | S'est montré satisfait du fruit de nos travaux. |
Vous allez nous juger dans des rôles nouveaux,
Je dis nouveaux pour nous, car un succès notoire
Est acquis dès longtemps à notre répertoire,
Et ce ne serait pas la faute des auteurs
60 | Si nous faisions ce soir bâiller nos spectateurs. |
Voici d'abord le Legs, élégant badinage [ 1 Le Legs, comédie en prose de Marivaux (représenté pour la première fois en public le 11 juin 1736)]
Où Marivaux, si vif, si fin dans son langage,
Nous montre un soupirant qui, prenant de travers
Les mots les plus flatteurs, les aveux les plus clairs,
65 | S'obstine à n'y trouver que des preuves de haine. |
Devant vous, après lui, viendra Monsieur Sans-Gène, [ 2 Monsieur Sans-Gêne, vaudeville de Désaugiers et Gentil de Chavagnac, représenté sur le Théâtre du Vaudeville le 13 mai 1816 ]
Joyeux original, qui, souvent imité,
En tout temps du public excite la gaieté.
Pour le prochain mardi nous aurons l Héritière, [ 3 L'Héritière ou Les Champs et la cour, de Fabre d'Églantine (1791)]
70 | Ce joli vaudeville où Scribe, à sa manière |
(Heureux mélange alors de goût et d'enjouement,
Nous peint d'un vieux garçon le juste châtiment.
Le Gymnase a perdu ce genre aimable et sage [ 4 Théâtre du Gymnase : théâtre situé au 38 Boulevard Bonne-Nouvelle à Paris inauguré le 20 décembre 1820.]
Qui le faisait briller sous un haut patronage : [ 5 Patronage : Protection accordée par un homme puissant à un homme d'un état inférieur, et même à des cités, à des cantons, etc. [L]]
75 | Ses nouveaux fournisseurs sont plus facétieux ; |
Nous leur demanderons aussi La Poudre aux yeux, [ 6 La Poudre aux yeux, vaudeville d'Eugène Labiche. (1867) ]
Contre les moeurs du jour amusante épigramme.
Mesdames et Messieurs, voilà notre programme ;
Quatre pièces ! Pour nous c'est un bien grand effort,
80 | Mais sous ce lourd fardeau quel que soit notre sort, |
Même en cas de succès, chacun de ces ouvrages
Une fois seulement briguera vos suffrages :
Nous rouvrons aujourd'hui pour fermer dans huit jours.
Prête à bien employer quelques instants si courts,
85 | La troupe réunie est là dans la coulisse, |
N'attendant qu'un signal pour entrer dans la lice.
Le coeur bat au plus brave, à ce dernier moment,
Et je ne voudrais pas prolonger leur tourment :
À mon petit discours il faut donc mettre un terme ;
90 | Permettez que sur moi le rideau se reforme : |
Cinq minutes encore d'attente, et sous vos yeux.
Nos acteurs empressés vont faire de leur mieux.
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Notes
[1] Le Legs, comédie en prose de Marivaux (représenté pour la première fois en public le 11 juin 1736)
[2] Monsieur Sans-Gêne, vaudeville de Désaugiers et Gentil de Chavagnac, représenté sur le Théâtre du Vaudeville le 13 mai 1816
[3] L'Héritière ou Les Champs et la cour, de Fabre d'Églantine (1791)
[4] Théâtre du Gymnase : théâtre situé au 38 Boulevard Bonne-Nouvelle à Paris inauguré le 20 décembre 1820.
[5] Patronage : Protection accordée par un homme puissant à un homme d'un état inférieur, et même à des cités, à des cantons, etc. [L]
[6] La Poudre aux yeux, vaudeville d'Eugène Labiche. (1867)