DIVERTISSEMENT SPIRITUEL.
Exécuté pour la première fois par l'Académie de Musique de Poitiers, le 4 mars 1735.
M. DCC. XXXVIII. Avec Approbation et privilège du Roi.
de MONSIEUR L'ABBÉ NADAL, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
À PARIS, chez BRIASSON, rue Saint-Jacques à La Science.
Exécuté pour la première fois par l'Académie de Musique de Poitiers, le 4 mars 1735.
publié par Paul FIEVRE Octobre 2016
publié par Paul FIEVRE Octobre 2016, revu mai 2023
© Théâtre classique - Version du texte du 31/05/2023 à 21:41:09.
À MADAME LE NAIN, INTENDANTE DU POITOU.
C'est avec une humeur égale
Que cherchant à vous plaire au gré de vos désirs,
Et la musique et sa rivale
De vos devoirs chrétiens vont remplir l'intervalle
Par les plus innocents plaisirs.
NOMS DES ACTEURS.
ASSUÉRUS.
ESTHER.
HYDASPE.
UN ISRAÉLITE.
UNE ISRAÉLITE.
TROUPE D'ISRAÉLITES.
LE CHOEUR.
SUITE d'ASSURÉRUS et d'ESTHER.
Texte tiré de "Oeuvres mêlées de Monsieur l'Abbé Nadal, de l'Acédémie des Inscriptions et Belles-Lettres. Tome Second (...)" 1738, pp. 7-17
ESTHER
SCÈNE PREMIÈRE.
Troupe d'ISraléites de l'un et de l'autre sexe.
UN ISRAÉLITE.
Des bienfaits du Très-haut rappelons la mémoire ;
Sa faveur nous comble des dons les plus chéris :
Retracer nos périls, c'est célébrer sa gloire
Qu'elle soit de nos chants et l'objet et le prix.
5 | Sous l'effort d'une main barbare |
Tout Israël étaient prêt de tomber ;
Rien ne pouvait le dérober
Aux coups que lui prépare
Aman, d'un Roi puissant Ministre encore plus fier ?
10 | Mais au salut de ce peuple si cher |
Dieu qui veille, et pour lui tôt ou tard se déclare,
Fait servir la beauté d'ESTHER.
UN ISRAÉLITE ET UNE FILLE ISRAÉLITE.
De la beauté chantons les charmes,
C'est de tout un peuple en alarmes
15 | Qu'elle va révéler l'espoir : |
De deux beaux yeux en larmes
Chantons tous le pouvoir.
LE CHOEUR.
De la beauté chantons les charmes,
C'est de tout un peuple en alarmes
20 | Qu'elle va révéler l'espoir : |
De deux beaux yeux en larmes
Chantons tous le pouvoir.
UNE ISRAÉLITE.
Dieu forme ESTHER à son image,
Il lui fait part de ses traits souverains ;
25 | De la beauté lui-même fait usage |
De ses plus augustes desseins.
La coeur le plus sévère
De ses aimables coups se trouve combattu :
C'est souvent du désir de plaire
30 | Que naît l'amour de la vertu. |
SCÈNE II.
Esther, plusieurs filles Israélites.
UNE ISRAÉLITE.
Charmante ESTHER, hâtez vous de répandre
Des pleurs qui d'Israël vont changer les destins ;
Au coeur d'ASSURÉUS portez les coups certains
Dont notre bonheur doit dépendre.
35 | Mais déjà au pied de l'Autel |
Vos soupirs ont monté vers ce trône immortel,
D'où va partir l'arrêt suprême
Que le Ciel cache en ses décrets :
Déjà frémit Aman de ces puissants attraits
40 | Que Dieu vient d'augmenter lui-même. |
Vous régnez sur le coeur du Roi ;
Osez devant ses yeux vous montrer sans effroi :
Parmi les soins d'un vaste Empire
Ce n'est qu'à vos pieds qu'il respire.
ESTHER.
45 | Ah ! Quel espoir pourrait m'être permis ? |
De trop perfide Aman je connais l'artifice ;
Le destin de l'État dans ses mains est remis,
C'est à son gré que de ses ennemis
Son injuste faveur obtient le sacrifice.
50 | Est-ce là la bonheur que je m'étais promis ! |
Ô toi, Seigneur, qui vois mon trouble et ma surprise,
Est-ce ainsi que ta main préparait mes douleurs ;
Le trône où je me vois assise,
Doit-il être arrosé tant de fois de mes pleurs ?
55 | Ah ! S'il faut qu'Israël périsse, |
Que me sert l'éclat des grandeurs ;
Et pourquoi nous semer de fleurs
Les bords mêmes du précipice ?
Des décrets de ta justice
60 | Qui peut percer les profondeurs. |
Sous quels dehors brillants ton courroux se déguise ?
Faut-il que la terre s'instruise
Par l'exemple de nos malheurs !
Le trône où je me vois assise,
65 | Doit-il être arrosé tant de fois de mes pleurs ? |
UNE ISRAÉLITE.
Dissipez vos frayeurs, j'en atteste vos yeux.
J'atteste ces regards aussi purs que les Cieux :
L'ennemi qui déjà dans son coeur nous immole,
Et croit qu'un vain oracle abusa nos aïeux,
70 | N'a conçu qu'un projet frivole. |
Vous allez ramener la paix dans ce séjour :
C'est la foi qui l'annonce, et l'espérance y vole
Sur les ailes de l'amour.
UNE ISRAÉLITE.
Le Ciel, n'en doutez point, prendra votre défense ;
75 | Le trône éblouissant n'avait autour de lui |
Que les soins séducteurs, que l'altière licence,
C'est par vous seule qu'aujourd'hui
L'écueil fatal de l'innocence,
En devient le plus ferme appui.
UNE ISRAÉLITE.
80 | Allez où d'Israël la gloire vous appelle, |
Vos pas seront suivis d'une brillante Cour :
Que ne peut point un si beau zèle,
Quand il est conduit par l'amour ?
LE CHOEUR.
Allez où d'Israël la gloire vous appelle,
85 | Vos pas seront suivis d'une brillante Cour : |
Que ne peut point un si beau zèle,
Quand il est conduit par l'amour ?
ESTHER.
Entrons, mêlons nos pleurs, venez, troupe infidèle :
Et toi, dans mes desseins, Dieu des Juifs, soutiens-moi,
90 | Tourne à ta gloire encore le trouble où je me vois. |
UNE ISRAÉLITE.
Vole, amour, que ta flamme éclaire
Un Roi dont la faveur a surpris la vertu ;
Qu'avec toi seul il délibère :
Vole dans ses conseils, amour que tardes tu [?]
SCÈNE III.
Assuérus, Esther, Suite d'Ether et d'Assuérus.
ASSUÉRUS.
95 | Quel profane vers moi porte un pas téméraire, |
Et qui peut enfreindre des lois
Qui lui doit imposer la majesté des Rois ?
C'est vous, ESTHER ? D'où naît cette pâleur mortelle,
Quel triste effet sur vous ma présence fait-elle ?
ESTHER.
100 | Sans votre ordre en ces lieux j'ose m'offrir à vous ; |
Hé ! Puis-je sans mourir craindre votre courroux !
ASSUÉRUS.
Dans quel cruel état me jetez-vous vous-même ?
Vous le savez, à prévenir vos voeux
J'attache mon bonheur suprême ;
105 | Sans vous, sans mon amour extrême |
Je ne puis être heureux.
ESTHER.
Hé bien, pour tous les Juifs qu'un grand péril menace,
Souffrez qu'à vos genoux mes pleurs demandent grâce
Dans Suse au glaive abandonnés
110 | Aman les a tous condamnés. |
ASSUÉRUS.
Quel intérêt pressant pour un indigne race
Vient d'attendrir votre âme, et fait couler vos pleurs ?
Lui devez-vous quelque reconnaissance ?
ESTHER.
C'est de ce même peuple accablé de malheurs,
115 | Que votre épouse a pris naissance ; |
En verra-t-elle opprimer l'innocence,
Et la laisserez vous en butte à ses douleurs ?
ASSUÉRUS.
Ciel ! Est-ce à moi que ce discours s'adresse, [ 1 Voir le vers 530 d'Andromaque de Jean Racine.]
Quand je brûle pour vous d'un feu toujours nouveau ?
120 | N'ai-je ceint votre front d'une auguste bandeau |
Que pour voir soupçonner na tendresse ?
ESTHER.
Je sais dans vos bontés quel secours m'est promis,
Dans votre ardeur pour moi rien n'a pu vous contraindre ;
Mais c'est au rang suprême où le Ciel vous a mis,
125 | Que les plus grands coeurs sont à plaindre. |
ASSUÉRUS.
De l'Empire sur moi qu'exercent vos attraits;
Parlez, que voyez-vous qui ne vous avertisse ?
ESTHER.
Un ministre cruel va combler ses forfaits,
Et surprendre votre justice ;
130 | Pour nous lancer les derniers traits, |
On n'attend qu'un instant propice.
ASSUÉRUS.
Ah ! Que plutôt Aman éprouve le supplice
Dont il vient d'ordonner lui même les apprêts ;
Sur ses pareils que son sang rejaillisse,
135 | Pour être instruit de mes ordres secrets, |
Et pour punir qui vous opprime,
HYDASPE dans ces lieux semble s'offrir exprès.
SCÈNE IV.
Hydaspe, Troupe d'Israélites
ASSUÉRUS.
Viens, suis-moi, mesurons la vengeance et le crime.
Ils sortent.
SCÈNE V.
CHOEUR D'ISRAÉLITES.
Ciel ! Juste Ciel ! Que d'ESTHER à jamais
140 | Puisse durer la repos et la gloire : |
Si ses vertus annonçaient sa victoire,
Que son triomphe égale ses attraits.
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Notes
[1] Voir le vers 530 d'Andromaque de Jean Racine.