DES FONTAINES ET DES RUISSEAUX

CONVERSATION.

V

M. DC. LXII.

AVEC PRIVILÈGE DU ROI.

PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.

À PARIS, Chez CHARLES DE SERCY, au Palais, dans le Salle Dauphine, à la Bonne-Foi couronnée.


Texte établi par Paul FIÈVRE, octobre 2023

Publié par Paul FIEVRE, novembre 2023

© Théâtre classique - Version du texte du 31/12/2023 à 14:48:11.


ACTEUR.

THEODATE.

ARIANE.

Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes , divisées en cent dialogues, dédiées au Roi.", René Bary, Paris : de C. de Sercy, 1662 pp 28-35


DES FONTAINES ET DES...

CONVERSATION.

Theodate cajole Ariane sur ce qu'elle aime les ruisseaux et les fontaines.

THEODATE.

Comme on aime ce qui flatte sa passion, je ne m'étonne pas de ce que vous aimez les fontaines et les ruisseaux, ils flattent votre rêverie.

ARIANE.

Le murmure des eaux, et le silence des bois, ont je ne sais quelle vertu qui calme les mouvements, qui recueille l'esprit, et qui dégage l'imagination.

THEODATE.

Ce n'est pas sans raison que vous aimez les Fontaines et les ruisseaux ; c'est dans ces glaces mouvantes que vous découvrez les causes des plus beaux feux du monde.   [ 1 On lit Theonice au lieu de Theodate.]

ARIANE.

Si j'aime les fontaines et les ruisseaux, c'est parce qu'ils représentent mes imperfections.

THEODATE.

Je ne puis souffrir que vous injuriez ce que j'admire : Si toute la nature était parlante, toute la nature condamnerait votre mépris.

ARIANE.

Il est vrai que vous m'honorez de votre bienveillance, et qu'on doit faire état des personnes que vous aimez : aussi ne feindrai-je point de vous dire que ces considérations font quelque impression sur mon esprit, et que je serais plus modeste, si vous étiez moins connaissant.

THEODATE.

Vous ne devez pas vous considérer par ce que je vous estime, vous devez vous considérer par ce que vous êtes estimable.

ARIANE.

Il y a des gens qui ne connaissent pas leurs avantages : Ceux qui ont cette faiblesse, ont besoin pour s'estimer de justes estimateurs.

THEODATE.

Si vous ne vous êtes jamais estimée que sur le rapport d'autrui, ne soyez plus si négligente ; il est temps que vous sachiez par vos propres observations bien qu'on vous observe.

ARIANE.

Vous me persuaderez à la fin que je suis belle ; mais aussi je crains que devenue amoureuse de moi-même, je ne devienne comme inséparable des miroirs ?

THEODATE.

Je consens très volontiers à l'effet que vous appréhendez, pourvu que mes yeux aient l'avantage de vous servir de glace.

ARIANE.

Vos yeux ne peuvent me servir de miroir, ils éblouissent ; et quoi qu'il y ait bien de la différence entr'eux et les miroirs ardents, on peut dire pourtant que s'ils n'en ont pas la concavité, ils en ont les feux.

THEODATE.

Rien ne brille où vous paraissez : et l'on jette quelque feu en votre présence, c'est un feu dont vous êtes la source. Que si vous ne voulez pas que mes yeux représentent votre personne, c'est que vous vous persuadez, ou qu'ils ne sont pas propres à cet usage, ou qu'ils ne sont pas dignes de cette fonction : mais cependant votre image s'est imprimée dans mon coeur, et ce qui a passé par mes yeux peut bien y faire quelque demeure.

ARIANE.

Si je me mirais dans vos yeux, je me penserais pas tant aux images qu'ils recevraient, qu'à celles dont votre mémoire est remplie, et dans cette distraction je ne formerais que des visions imparfaites.

THEODATE.

Peut-être appréhendez-vous de brûler par des rayons fixes et directs le siège de votre empire. Si cela est, que cette considération ne vous retienne point ; mon coeur vit parmi les flammes, il est accoutumé à votre feu ; et si votre feu était consumant ; il y a longtemps qu'il l'eut réduit en cendres.

ARIANE.

Je n'ai point encore remarqué que j'eusse des rayons de feu ; ces sortes de rayons sont capables de former des nuages : mais mes fontaines et mes ruisseaux, que j'appelle mes miroirs rustiques, n'ont jamais fumé de l'application de mes regards.

THEODATE.

Quoi que vos yeux n'aient pas la force de subtiliser les eaux, ils ont la vertu d'enflammer les coeurs.

ARIANE.

Si ce que vous dites avait quelque fondement, les personnes que je souffre me parleraient de leur souffrances : mais de tous ceux qui me rendent leurs assiduités, il n'y a que Theodate qui se soit érigé en titre de plaintif.

THEODATE.

Le visage de ceux qui vous voient vous découvre ce que ma langue vous déclare ; ce sont des interprètes qui parlent à leur mode mais comme les grands efforts appartiennent aux grandes douleurs, et que je souffre plus moi seul que tous vos martyrs, si il ne faut pas que vous vous étonne si la violence de ma passion surmonte ma retenue , elle délie ma voix, si elle remue mes lèvres, et si elle vous apprend enfin par des tons forcés et exclamatifs, ce que mes rivaux vous apprennent par des regards tendres et languissants

ARIANE.

Quelque mauvaise cause que vous entrepreniez, vous ne perdrez jamais votre procès.

THEODATE.

Quand contre vos injustes soupçons je défends l'ardeur de mon amour, je défends l'évidence de la vérité.

ARIANE.

Les choses violentes néanmoins ne sont pas de durée, et il y a longtemps que vous vous plaignez de la violence de votre passion.

THEODATE.

Les effets retiennent toujours quelque chose de leurs causes ; et comme la cause de ma passion renferme quelque chose d'extraordinaire, il est naturel que ma passion renferme quelque chose de rare.

 


PRIVILÈGE DU ROI.

Louis par le Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À nos âmés et Féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, requêtes de notre Hôtel et du Palais, Baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants, et tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, Salut. Notre cher et bine aimé le Sieur RENÉ BARY, nous a fait exposé qu'il a fait un livre intitulé, L'ESprit de Cour, ou les belles conversations, lequel il désirerait faire imprimer, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres sur ce nécessaires. À CES CAUSES, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer, vendre et débiter en tous les lieux de notre Royaume, le susdit livre en tout ou en partie, en tels volumes, marges et caractères que bon lui semble, pendant sept années, à commencer du jours que chaque volume sera achevé d'imprimer pour le première fois, et à condition qu'il en sera mis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un ne celle de notre château du Louvre, vulgairement appelé le Cabinet des Livres, et un en celle de notre très cher et féal le Sieur Séguier Chancelier de France, avant de les exposer en vente ; et à faute de rapporter ès mains de notre âmé et féal Conseiller en nos conseils, Grand Audiencier de France, en quartier, un récépissé de notre Bibliothèque, et du Sieur Cramoisy, commis par nous du chargement de la délivrance actuelle desdits exemplaires, Nous avons dès à présent déclaré ladite permission d'imprimer nulle, et avons enjoint au Syndic de faire saisir tous les exemplaires qui auront été imprimés sans avoir satisfait les clauses portées par ces présentes. Défendons très expressément à toutes personnes, de quelque condition et qualité qu'elles soient, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter le susdit livre en aucun lieu de notre désobéissance durant ledit temps, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l'exposant, à peine de confiscation de ces exemplaires, de quinze cent livres d'amende, et de touts dépends, dommages et intérêts. Voulons qu'aux copies des présentes collationnées par l'un de nos âmés et féaux conseillers et secrétaires du Roi, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; Car tel est notre bon plaisir ; nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Clameur de Haro, Charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le quinzième jour de décembre, l'an de grâce mille six cent soixante et un, et de Notre règne le dix-neuvième. Signé, par le Roi en son conseil, MOUSTIER, et scellé du grand sceau de cire jaune.

Registré sur le livre de la Communauté le 10 , mars 1662, suivant l'arrêt de la Cour de Parlement du 8 avril 1653. Signé DEBRAY, Syndic.

Ledit Sieur BARY a cédé et transporté son droit de privilège à Charles de Sercy Marchand Libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.

Achevé d'imprimer pour la première foi le 24 jour de mars 1662. Les exemplaires ont été fournis


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Notes

[1] On lit Theonice au lieu de Theodate.

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