DES TAILLES CONTESTÉES

CONVERSATION

XLII.

XCVIII.

AVEC PRIVILÈGE DU ROI.

PAR RENÉ BARY, Conseiller et Historiographe du Roi.

À PARIS, Chez CHARLES DE SERCY, au Palais, dans le salle Dauphine, à la Bonne-Foi couronnée.


© Théâtre classique - Version du texte du 31/01/2024 à 17:22:11.


ACTEUR.

LÉANDRE.

POLIXENE.

Texte extrait de "L'esprit de cour, ou Les conversations galantes, divisées en cent dialogues, dédiées au Roi.", René Bary, Paris : de C. de Sercy, 1662. pp 269-276.


DES TAILLES CONTESTÉES

Lzandre soutient les tailles communes contre une fille de médiocre taille, qui aime une espèce de géant.

POLIXENE.

Quelque proportion qui se rencontre dans de certaines personnes, il y a de certains défauts qui détournent les yeux de considérer les perfections qui les accompagnent : les tailles communes font du nombre de ceux dont je vous entretiens ; l'on ne tient compte de regarder une personne qui ne paye pas d'apparence ; l'on s'imagine que la Nature qui a manqué en un point, a manqué en tous les autres.

LÉANDRE.

Quoique les filles ne soient pas grandes, elles ne laissent pas d'arrêter les yeux, et j'en connais quelques-unes de cette façon, qui peuvent se vanter d'avoir des esclaves.

POLIXENE.

Si ces sortes de filles donnent de l'amour, les conquêtes qu'elles font sont proportionnées à leur taille.

LÉANDRE.

Si les personnes qui ne sont pas grandes, n'ont pas des galants si nombreux que celles qui frappent puissamment la vue ; au moins peut-on dire qu'elles ont ordinairement des galants plus zélés, puis qu'entre les causes de l'amour, l'amour est une des principales ; que l'amour est un feu ; que plus le feu est réuni, et plus il est ardent ; et qu'il y a plus de feu dans un coeur de médiocre capacité, que dans un coeur de grande étendue.

POLIXENE.

L'objet, l'imagination, le tempérament, la taille, peuvent beaucoup sur l'amour, et le coeur même peut renfermer un feu proportionné à sa capacité : mais pour ne point entrer dans le détail de toutes ces choses, l'on peut probablement assurer, ou que vous êtes dissimulé, ou que vous aimez une taille commune.

LÉANDRE.

J'aime ce que vous méprisez.

POLIXENE.

Vous n'aimez pas grand chose.

LÉANDRE.

Votre sentiment est bien éloigné du mien.

POLIXENE.

Quoique vous puissiez dire, la perfection d'une taille consiste en une certaine grandeur qui commande même à toutes les autres.

LÉANDRE.

Il y a en général quatre sortes de tailles ; la première est une petite taille ; la seconde est une taille médiocre ou commune ; la troisième est une espèce de grandeur ; et la dernière est une grandeur extraordinaire.

POLIXENE.

Quel sentiment avez-vous de toutes ces tailles ?

LÉANDRE.

Je tiens que la première et la dernière sont les moins considérables.

POLIXENE.

Est-il possible ?

LÉANDRE.

Il n'en faut pas douter ; et pour reprendre les choses dans leur commencement, tant s'en faut même que la taille médiocre qui a été le premier sujet de notre entretien, soit moins supportable que la grandeur extraordinaire, que je lui donne le prix : la raison est, que ce qui est capable de parvenir à la perfection des tailles, est plus considérable que ce qui est incapable de retourner à la belle grandeur ; que la médiocre taille peut croître, qu'elle est capable de parvenir à la belle grandeur, qui est la perfection des tailles ; la grandeur extraordinaire ne peut décroître, au moins suffisamment , et par conséquent qu'elle est incapable de retourner à la belle grandeur, ou pour mieux dire à la belle médiocrité.

POLIXENE.

Il est vrai que comme le défaut est vicieux, l'excès l'est aussi : mais quelque vicieuse que soit la grandeur extraordinaire, l'on peut dire d'elle qu'elle contient la médiocre grandeur, qui est la perfection des tailles, et que la médiocre taille ne peut la contenir.

LÉANDRE.

Il ne faut pas juger ici des choses selon leur contenu, il en faut juger selon leur étendue ; la grandeur extraordinaire qui contient la grandeur médiocre, la défigure ; la grandeur médiocre qui renferme la médiocre taille, n'en est point défigurée ; et comme ce qui gâte la perfection des choses est moins considérable que ce qui ne la gâte point, l'on peut dire que la grandeur extraordinaire est moins supportable que la taille médiocre.

POLIXENE.

J'essayerais de me défendre encore, si j'avais affaire à un autre qu'à vous : mais puisque la multitude de vos répliques surpasse la multitude de mes pensées, et que quelque abondante que soit la vérité, elle est infertile dans ma bouche, il est de ma prudence de donner des bornes à mes faiblesses, de donner des limites à vos triomphes, de redoubler tout ensemble et la subtilité de votre esprit, et la grossièreté du mien.

LÉANDRE.

Vous avez soutenu fortement votre parti, l'on ne le peut nier ; et si vous vouliez prendre la peine de fournir encore à l'entretien, le même génie qui a rapporté de si excellentes choses, pourrait me réduire aux dernières extrémités ; mais vous épargnez vos amis, et comme je suis un des hommes du monde qui vous honore le plus, vous ne voulez pas que votre contentement naisse de mon déplaisir, que votre gloire vienne de ma confusion.

POLIXENE.

Quoi, vous ne vous contentez pas d'avoir adroitement flatté ma taille, vous voulez encore évidemment flatter mon esprit ? Ha ! Il me semble que vous devriez me traiter comme je vous traite, que vous devriez avoir de la franchise pour une personne qui a de l'ingénuité pour vous.

LÉANDRE.

Si le contraire de ce que j'ai dit est une franchise, le mensonge est une ingénuité, et les menteurs peuvent prétendre à l'estime : mais quelques raisons que j'aie de louer les proportions de votre personne, j'épargnerai l'aversion que vous avez pour vos propres louanges, et je laisserai publier aux autres les vérités que vous voulez que je taise.

 


PRIVILÈGE DU ROI.

Louis par le Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : À nos âmés et Féaux conseillers les gens tenant nos cours de Parlement, requêtes de notre Hôtel et du Palais, Baillifs, sénéchaux, leurs lieutenants, et tous autres nos officiers et justiciers qu'il appartiendra, salut. Notre cher et bine aimé le sieur RENÉ BARY, nous a fait exposé qu'il a fait un livre intitulé, L'Esprit de Cour, ou les belles conversations, lequel il désirerait faire imprimer, s'il nous plaisait lui accorder nos lettres sur ce nécessaires. À ces causes, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes, de faire imprimer, vendre et débiter en tous les lieux de notre Royaume, le susdit livre en tout ou en partie, en tels volumes, marges et caractères que bon lui semble, pendant sept années, à commencer du jours que chaque volume sera achevé d'imprimer pour le première fois, et à condition qu'il en sera mis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un ne celle de notre château du Louvre, vulgairement appelé le Cabinet des Livres, et un en celle de notre très cher et féal le sieur Séguier Chancelier de France, avant de les exposer en vente ; et à faute de rapporter ès mains de notre âmé et féal Conseiller en nos conseils, Grand Audiencier de France, en quartier, un récépissé de notre Bibliothèque, et du sieur Cramoisy, commis par nous du chargement de la délivrance actuelle desdits exemplaires, Nous avons dès à présent déclaré ladite permission d'imprimer nulle, et avons enjoint au syndic de faire saisir tous les exemplaires qui auront été imprimés sans avoir satisfait les clauses portées par ces présentes. Défendons très expressément à toutes personnes, de quelque condition et qualité qu'elles soient, d'imprimer, faire imprimer, vendre ni débiter le susdit livre en aucun lieu de notre désobéissance durant ledit temps, sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de l'exposant, à peine de confiscation de ces exemplaires, de quinze cent livres d'amende, et de touts dépends, dommages et intérêts. Voulons qu'aux copies des présentes collationnées par l'un de nos âmés et féaux conseillers et secrétaires du Roi, foi soit ajoutée comme à l'original. Commandons au premier notre Huissier ou sergent sur ce requis, de faire pour l'exécution des présentes tous exploits nécessaires, sans demander autre permission ; Car tel est notre bon plaisir ; nonobstant oppositions ou appellations quelconques, Clameur de Haro, Charte Normande, et autres lettres à ce contraires. Donné à Paris le quinzième jour de décembre, l'an de grâce mille six cent soixante et un, et de Notre règne le dix-neuvième. signé, par le Roi en son conseil, MOUsTIER, et scellé du grand sceau de cire jaune.

Registré sur le livre de la Communauté le 10 mars 1662, suivant l'arrêt de la Cour de Parlement du 8 avril 1653. signé DEBRAY, syndic.

Ledit sieur BARY a cédé et transporté son droit de privilège à Charles de Sercy Marchand Libraire à Paris, pour en jouir suivant l'accord fait entre eux.

Achevé d'imprimer pour la première foi le 24 jour de mars 1662. Les exemplaires ont été fournis


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