CLERMONT FERRAND

dans BRELANS DE PROLOGUES

1878

de LOUIS CHALMETON, OFFICIER D'ACADÉMIE, DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES, DES ACADÉMIES DE CLERMONT ET DU GARD.

CLERMONT-FERRAND, DUCROS-PARIS, LIBRAIRE, Mlle J. COLLY, SUCCESSEUR, rue Saint-Genès, n°5

CLERMONT, Typ. A. VIGOT. rue de la Treille, 14.


© Théâtre classique - Version du texte du 31/07/2023 à 19:57:17.


AUX LECTEURS

Carissimi !

Des vers toujours ; des vers encore !

- À soixante-cinq ans passés ? - Et pourquoi pas ?

La pêche a, pour certains, de... sérieux appas ;

Un fusil sur l'épaule, on devance l'aurore ;

L'écarté, le cheval, plaisent à tel ou tel !...

.... Je ne chercherai pas à profaner l'autel

De la divinité que chacun s'est choisie ;

Mais laissez-moi, du moins, ma sainte poésie !

Ne trouvez pas mauvais qu'à soixante-cinq ans,

Hélas ! (honni soit qui de cet âge mal pense) !

Ma vieille Muse et moi, soyons de connivence

Pour vous rimer des vers, qu'à notre joie immense,

Nous venons vous offrir, ô lecteurs bienveillants !

Les trois petits poèmes qui suivent ont été écrits, l'un, en vue de la reprise du Casino de Royat, l'autre, à propos de l'installation du Théâtre de la Bourboule ; le troisième, à l'occasion de la réouverture du Théâtre de Clermont.

Le premier est illustré du nom de la femme charmante qui symbolise Royat !

Nous devons, en outre, les splendeurs de notre Station Thermale à M. Samie, son Directeur, dont la triple qualité d'administrateur habile, d'artiste éminent et d'exquis homme du monde, a mis les choses de cet Eldorado sur un pied tel, que les progrès accomplis ne peuvent qu'y être maintenus dans une voie toujours ascendante.

À lui, merci au nom de tous !

Nous profitons de la publicité donnée à ces lignes pour ajouter à Ce remerciement collectif l'expression de tous nos meilleurs sentiments personnels d'affection et d'estime.

M. Alexandre Dumas, de l'Académie française, a été l'un des bienveillants auditeurs de notre Prologue Un Théâtre à la Bourboule ; nous avons l'honneur de le lui dédier en reconnaissance de l'excellent accueil qu'il a bien voulu lui faire.

M. Alfred Estival, enfin, est le nouveau Directeur de notre Théâtre ;

Confident de ses projets, nous connaissons tout ce qu'il prépare d'intelligentes réformes et de littéraires innovations ; grâce à lui, notre scène conquerra certainement bientôt un rang distingué en province.

Le Théâtre et le Livre va, donc naturellement à M. Estival, qui voudra bien trouver à ce souvenir, le témoignage de nos cordialités les plus sincères.

Royat - La Bourboule - Clermont. Bien chère trilogie que résume l'Auvergne, sous le patronage de laquelle nous mettons pieusement nos pauvres vers.

L. C.


ACTEUR.

LE RÉCITANT.


CLERMONT-FERRAND

LE THEATRE ET LE LIVRE.

À Alfred ESTIVAL

Très cordial souvenir.

29 Septembre 1878.

Ouverture de la Saison d'Hiver.

Mesdames et Messieurs !

Une troupe nouvelle,

Un nouveau directeur ne pouvaient dignement

Se présentera vois, sans, préalablement,

Vous avoir exposé, tant pour lui que pour elle,

5   En vers (aux choses d'art, la rime convient mieux !)

Quels sont, pour l'avenir, leurs projets sérieux !

Un prologue, en un mot, m'a paru nécessaire.

Un prologue ? non pas en pareille matière,

Le boniment banal que vous connaissez tous,

10   Le cliché suranné, la phrase toute faite,

Le triste imbroglio que l'orateur complète

Par le bruit du tambour, le son de la trompette...

... Non ! Nous voulons, messieurs, être digne de vous

Et sérieusement parler, car le théâtre,

15   A pour vous, je le sais, la noble mission

De donner, aux esprits, de l'élévation

Et c'est le bon combat que l'on y vient combattre !

Il est le porte-voix qui propage le beau,

De la vérité sainte, il tient le clair flambeau,

20   Le mensonge et le laid, doivent y trouver l'ombre !...

... Certes, la passion a plus d'un côté sombre ;

Elle est, mal définie, un mauvais conducteur ;

Mais le théâtre est là pour la mettre en lumière,

En signaler l'excès et rendre salutaire

25   Ce tout puissant levier, dans ce qu'il a d'austère,

De sublime et de grand !

Oui, pour notre bonheur,

Cette conviction est la votre, et nous sommes,

Quant à nous, imprégnés du même sentiment ;

Le théâtre, pour nous, est un enseignement,

30   Sous une forme ailée, il conseille les hommes ;

C'est un éducateur sérieux qui sourit,

Pour s'emparer du coeur, i] passe par l'esprit,

Pour éclairer l'effet, il explique la cause ;

Sa démonstration est rapide et s'impose ;

35   Le théâtre est vivant ! il a, par l'action,

Le mouvement et la couleur ; tout y respire ;

Un geste, un froncement de sourcils, un sourire,

Y sont vécus, c'est dans le fait qu'on peut y lire ;

Il est du coeur humain l'irradiation !

40   Tout incisifs que soient les traits que La Bruyère

Lançait pour corriger les travers de son temps,

A ce peintre immortel de portraits saisissants,

Mais, seulement tracés, comparez donc Molière.

L'un décrit, l'autre fait palpiter ses héros ;

45   Le premier analyse et prouve par des mots,

Le second prend à bras le corps, son personnage,

Le scalpe de la main, en fait plus qu'une image

De l'homme dont il est aussi le créateur

Et son oeuvre, relief ardent de son génie,

50   Prend une forme, où la nature à l'art unie,

En se dramatisant, réalise la vie,

Ce mélange idéal de la tête et du coeur.

Au théâtre, en effet, l'idée est condensée ;

Le drame présenté dans un cadre restreint,

55   S'empare du public, le fascine et l'étreint ;

On y va droit au but que la foule empressée,

Haletante, vient y chercher : l'émotion.

Le conte, le roman ont la diversion

Pour attrait ; le lecteur complaisamment s'arrête ;

60   Hier, un prosateur, et demain, un poète,

Rien ne le presse, mais le spectateur est, lui,

Impatient d'aller au bout et de conclure:

Ce qui doit l'émouvoir a l'exacte envergure

Que l'immuable loi de l'action mesure,

65   Et la conclusion, il la veut aujourd'hui.

Certes, le livre est bon, la presse est lumineuse,

Ses cubes de métal sont des engins sauveurs ;

De ses casses de bois surgissent des splendeurs.

Quand l'homme intervenant, sa main prodigieuse

70   Imprègne d'idéal, le plomb mystérieux,

Qui, transformé, devient un livre radieux,

Cet émancipateur de la pensée humaine !

Oui, le livre est puissant ! À l'âme qu'il entraîne

Il conseille le bon, préconise le beau,

75   Ouvre des horizons plus larges, fait connaître

Que le juste et le vrai, sont souvent dans peut-être,

Doute éclairant, auquel pour l'empêcher de naître.

L'ombre fit tes honneurs de la main du bourreau !

70   Oui, le livre est vainqueur! sous sa modeste forme,
80   Il conquiert ! Cependant, rien ne fait pressentir

Les immenses clartés dont il doit resplendir.

C'est à l'état latent que sa force est énorme ;

Car, lui tout éloquence et vie, il resterait

Inerte, si jamais personne ne l'ouvrait ;

85   Pour le tirer de son trop dangereux silence,

Il faut avec amour, lui faire violence ;

C'est en l'y contraignant qu'on obtient ses faveurs ;

Donc, il est incomplet, son action féconde

Sur l'esprit du publie n'est pas assez profonde ;

90   Il ne s'adresse pas, hélas 1 à tout le monde,

Dans la foule, combien compte-t-on de lecteurs ?

Mais le théâtre, lui, de façon moins discrète,

S'offre à tous, il suffit, en effet, de vouloir

S'y rendre, et de payer sa place, et de s'asseoir !

95   Le spectacle varie ; un jour c'est un poète

Et son drame puissant ; demain un prosateur

Et son intrigue exquise et son style enchanteur;

La musique, plus tard, y déploiera ses ailes!

A ces promesses là, quels seraient les rebelles?

100   Trouverait-on quelqu'un assez indifférent

Pour passer outre, alors qu'une affiche attrayante

Est là, devant ses yeux? Son esprit qu'elle tente

Pourrait il résister ? Non ! et l'heure est pressante;

A la tentation, il répond en entrant !

105   Il trouve des amis, cause avec eux, leur serre

Affectueusement la main en attendant

Que les trois coups frappés, le rideau se levant,

La scène s'ouvre enfin ! Aux loges, au parterre

Le silence se fait, chacun des spectateurs

110   Attentif, et donnant la parole aux acteurs

Dont le geste et la voix vont tenter des merveilles,

N'a qu'à bien écouter des yeux et des oreilles;

Immobile à sa place, il se laisse ravir

Par l'opéra tantôt et tantôt par le drame ;

115   La musique et le vers s'emparent de son âme !

Il lit, mais dans un livre où chaque mot l'enflamme,

Il voit de ses feuillets de grands éclairs surgir;

Car ce livre n'est pas un intermédiaire,

Un agent indirect d'intérêt pour l'esprit,

120   Pour le coeur, contenant seulement un écrit;

Non ! Non ! Mais l'action s'y développe entière,

L'homme y vit et s'y meut en toute vérité;

Tous les discours tenus sont la réalité;

Il n'est pas le miroir, mais la face elle même ;

125   Ce n'y sont pas des mots seulement que : Je t'aime !

Et le poignard tiré l'est effectivement ;

Ce n'est pas un portrait, ce n'est pas une image ;

Non ! Mais du coeur humain une vivante page ;

Pour l'auditoire ému, tout ce qui s'en dégage,

130   A les mille rayons de l'éblouissement,

Le théâtre est cela, donc vive le théâtre!

Ce vivat, permettez que je le pousse aussi

Avec conviction, et puisse-t-il ici

Nous toujours attirer une foule idolâtre,

135   Amante de la muse, ardente à lui prouver

Qu'à ses pieds tous les soirs on pourra la trouver !...

.... Mesdames et messieurs, telle est notre espérance

Je vous en fais l'aveu ; mais pour forcer la chance

A ne jamais trahir, il faut non seulement,

140   Ne pas se contenter de dire : je m'engage,

Avoir l'intention... (vous connaissez l'adage

Confirmé si souvent) et ne donner qu'un gage

Trop platonique, hélas ! de cet engagement !

Non ! non ! Il faut prouver, bien tenir sa promesse ;

145   Pour n'aboutir qu'à moins, ne pas avancer plus.

Dans un programme vrai, pas de mots superflus ;

En somme, avec respect, au public on l'adresse,

Et ce public ... c'est vous !

Je viens donc affirmer

Que nous ferons tous nos efforts pour vous charmer

150   Et mériter, de plus en plus, vos sympathies.

Nous ne vous offrirons que des pièces choisies,

Tant en prose qu'en vers ; pas une nouveauté

Digne de vous, jouée à Paris, qui ne prenne

Le chemin de Clermont, et que sur votre scène

155   Nous ne représentions, malgré les frais qu'entraîne

Pour la direction cette précocité.

En supplément du drame et de la comédie,

Après Victor Hugo, Dumas, Émile Augier,

Nous jouerons... quelquefois (faut-il pas varier ?)

160   Un genre que le goût actuel congédie,

Ainsi qu'un serviteur dont il n'a plus besoin,

Mais qui pourra vous plaire encor... de loin en loin.

N'est-ce pas? J'ai nommé, Messieurs, le vaudeville,

Celte production agréable et facile,

165   Française s'il en fut ! N'a-t-elle pas un droit

Certain à figurer sur nos projets d'affiches ?

À tous les saints... connus ne faut-il pas des niches ?

Pourquoi l'exclusion, puisque nous sommes riches ?

Du beau, du grand d'abord, du léger en surcroît !

170   A défaut d'opéra, nous aurons l'opérette,

Offenbach et Lecocq, Messieurs, nous suffiront ;

Il serait dangereux, en effet, à Clermont,

(Et vous savez pourquoi, sans que je le répète !)

De trop sacrifier à la musique ; mais,

175   Quand le printemps sera venu, je vous promets

D'ajouter une corde aux cordes de la lyre !

De nos maîtres fameux, les oeuvres qu'on admire

Auront, durant deux mois de soleil et de fleurs,

A vous charmer encor par des flots d'harmonie.

180   La fleur a de l'attrait, certes, point ne le nie ;

Mais n'est-elle pas trop, aux chastes soeurs unie,

Pour vouloir s'emparer de toutes vos faveurs ?...

Deux mots encor !

Veuillez agréer, je vous prie,

L'assurance des soins, du zèle persistant

185   Que toujours et toujours, en artiste exigeant,

J'apporterai, Messieurs, pour que tout vous sourie,

De votre directeur, puisse-t-on dire un jour

Qu'apprécié par vous et payant de retour

Le précieux honneur de votre bienveillance,

190   Il a... (son idéal est sans outrecuidance

Et sa prétention n'a rien de triomphal !)

Il a de ce théâtre augmenté le prestige,

Compris que l'art ainsi que la noblesse oblige,

Et que si quelqu'un doit être ici l'homme lige

195   Du public clermontois, cet homme est
  ESTIVAL !

 



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