SCÈNES DÉTACHÉES DE LA GUINGUETTE.

Octobre 1755

PETITE FÊTE DONNÉE A BAGNOLET Dans la maison de plaisance du duc d'Orléans.

1755


Texte établi par Paul FIEVRE février 2024

publié par Paul FIEVRE février 2024

© Théâtre classique - Version du texte du 28/02/2024 à 23:49:12.


ACTEURS.

MADEMOISELLE TONTON, fille.

UN ABBÉ LIBERTIN.

UN GARÇON PERRUQUIER.

UN SERRURIER.

UN SOLDAT.

La scène est dans un jardin où la guinguette est établie..

L'effet théâtral de ces scènes fit leur grand succès. Elles firent beaucoup rire. Les habillements, le jeu des acteurs et les lazzis font tout le mérite de ces scènes, qui n'en ont aucun, d'ailleurs. Elles doivent paraître fort plates à la lecture ; mais qu'on les exécute, et l'on m'en dira des nouvelles. Ces deux scènes sont, à quelques égards, du genre de la parade. Il s'y trouve cependant des degrés de vérité et de nature qui ne sont point dans la parade. (Note de la main de Collé.)


SCÈNES DE GUINGUETTE

SCÈNE PREMIÈRE.
Tonton, L'Abbé, Le Garçon Perruquier.

La fille et l'abbé sont assis à une table, sur la quelle il y a un bassin de crème, des biscuits et quelques fruits. À côté d'eux, est un seau à rafraîchir le vin. Toutes les autres tables de la guinguette sont occupées.

LE PERRUQUIER, se présentant à la table de l'abbé tenant un tabouret.

Monsieur l'abbé veut-il bien permettre ?

Il s'attable à côté d'eux.

L'ABBÉ.

Comment, Monsieur ? Que nous voulez-vous ?

LE PERRUQUIER.

Je veux, Monsieur le Prieur, vous demander la grâce d'être à votre écot.

L'ABBÉ.

Il y a d'autres tables, Monsieur. Il est singulier...

LE PERRUQUIER.

Vous voyez bien vous-même qu'elles sont toutes occupées...

L'ABBÉ.

Eh bien, faites-vous en apporter une.

TONTON.

Les garçons sont faits pour ça, Monsieur.

LE PERRUQUIER.

Pardi ! Monsieur l abbé, quand je vous préviens de politesses, ce n'est pas là y répondre, assurément.

L'ABBÉ.

Je ne vous dis rien que d'honnête ; mais je ne vois pas pourquoi, n'étant point de notre connaissance, vous voulez vous attabler avec nous.

LE PERRUQUIER.

Parce que je suis seul, Monsieur l abbé, et que je vous crois bonne compagnie.

TONTON.

Eh mais, Monsieur, chacun est ici pour son argent, avec ses amis.

L'ABBÉ.

Sans doute, Monsieur, et l'on est bien aise d'être libre.

LE PERRUQUIER, ricanant.

Oui, oui, d'être libre et libertin, mêmement.

TONTON.

Venez-vous pour nous insulter ?

L'ABBÉ.

Voulez-vous, Monsieur, qu'on appelle le maître et ses garçons pour vous faire retirer ?

LE PERRUQUIER.

Me faire retirer ? Avez-vous peur que je ne vous souffle Mademoiselle !

TONTON, à l'abbé.

Mon oncle, que veut donc dire cet homme ?

L'ABBÉ.

Vous vous figurez sans doute, mon cher monsieur, que mademoiselle n'est pas ma nièce ?

LE PERRUQUIER.

Ah ouiche ! Votre nièce à la mode des Porcherons.

??????.

Que veut-il dire avec ses Porcherons ? Sacredié ! Pour qui me prend-il donc ?

L'ABBÉ.

Monsieur, laissez-nous tranquilles ; j'ai l'honneur de vous le dire très sérieusement.

LE PERRUQUIER, ricanant.

Mademoiselle votre nièce vient de lâcher un petit sacredié qui m'en empêche, mon très cher sacristain. Ce sacredié-là n'est pas de paille, au moins ; il décèle ce qu'elle est...

TONTON.

Ce que je suis ? En tout cas, je ne suis pas ce que je suis pour toi, toujours...

L'ABBÉ.

Taisez-vous, ma nièce. Laissez-moi parler à ce monsieur-là...

LE PERRUQUIER.

Et ce monsieur-là vous répondra qu'il n'est pas orthodoxe à un ecclésiastique de venir avec une fille à la guinguette, et un dimanche encore !

L'ABBÉ, en colère.

Vous croyez donc que parce qu'on a un rabat...

LE PERRUQUIER, d'un air railleur.

Oui, et bien bleu encore...

L'ABBÉ.

Morbleu ! Monsieur, mon rabat ne tient à rien, et je suis homme à...

TONTON.

Oh ! Non, non, mon oncle. Appelez la garde...

LE PERRUQUIER.

Tenez, ma belle demoiselle, n'appelez personne. Il y a un moyen d'avoir la paix.

TONTON.

Quel moyen ?

L'ABBÉ.

Il n'en est qu'un seul celui de nous laisser ici seuls...

LE PERRUQUIER.

Au contraire, Monsieur le curé, c'est celui de me laisser moi tout seul avec mademoiselle.

TONTON.

Avec vous, moi !

L'ABBÉ, avec fureur.

Toi, malheureux ! Avec ma nièce ?

TONTON.

** Mais qui diable nous a chié un homme aussi grossier et aussi incivil ? Est-ce que vous n'avez jamais été à une guinguette, Monsieur, que vous y êtes aussi impoli ?

LE PERRUQUIER, prenant l'abbé par le bras.

Allons, grand vicaire des marionnettes ! Vite, délogez, et laissez-moi cette princesse.

L'ABBÉ, le battant.

Qu'est-ce que c'est donc que ce merlan-là ? Va t'en poudrer tes perruques !

LE PERRUQUIER, battant l'abbé.

Avant de te poudrer, toi, je m'en vais te peigner !

L'ABBÉ, se débarrasse et lui jette son seau à rafraîchir.

Et moi, je vais te baigner...

TONTON, cherchant à les séparer.

Ah ! Le chien ! Le coquin ! Sainte Vierge ! Quel gueux ! Ah ! Mon doux Jésus ! Quel brutal !

LE PERRUQUIER.

Tiens, vilain prêtre : mets cette calotte-là sur ta tonsure...

Il lui plante sur la tête le bassin de crème. C'est un bassin de bois léger, arrangé de façon que le tour puisse s'en détacher et servir de collet à l'abbé.

L'ABBÉ.

Miséricorde ! Il m'a aveuglé !...

Tous les gens de la guinguette quittent leurs tables et rient.

SCÈNE II.
L'ABBÉ, TONTON, LE PERRUQUIER, UN SOLDAT.

LE SOLDAT.

Qu'est-ce que c'est donc que ce gredin-là qui insulte ici une dame de ma connaissance ?

Il met l'épée à la main.

TONTON.

Ah ! C'est vous, Monsieur Printemps ?

LE SOLDAT.

Oui, mademoiselle. Je vous ferai mes civilités après que j'aurai su pourquoi ce petit manant...

Il prend le perruquier au collet.

LE PERRUQUIER, se débattant.

Monsieur, c'est ce monsieur l'abbé qui...

LE SOLDAT.

C'est que... c'est qui... C'est vous qui êtes un pied-plat... et vous mériteriez que je vous coupasse le visage...

Le perruquier s'enfuit.

TONTON.

Ah ! Tenez, regardez, monsieur, comme mon poltron détale... Mais qu'est devenu mon oncle ?

LE SOLDAT.

Il s'est retiré en homme prudent sans doute, Mademoiselle. Un ecclésiastique craint les scènes...

TONTON.

C'est qu'il était drôle pourtant. Il m'a fait crever de rire avec sa face barbouillée de crème et le bassin de la saladière ou du saladier qui lui servait de collier...

LE SOLDAT.

Mais vous me rappelez là votre collation qui a été interrompue ; et si j'osais, Mademoiselle, je me donnerais l'honneur de vous offrir un cervelas...

TONTON.

Très volontiers, monsieur, et j'aurais mauvaise grâce à refuser, après que votre bravoure m'a en quelque manière...

LE SOLDAT, l'interrompant.

Ce n'est rien... et puis, un cervelas c'est sans conséquence... et cela ne vous engage à rien...

TONTON.

Assurément ! Et l'on peut bien dire que les messieurs des gardes françaises possèdent bien à fond la politesse. Garçon, hé ! Garçon, un cervelas !...

LE SOLDAT.

Et une bouteille de vin à douze !...

Ils s'attablent en attendant qu'on les serve.

 



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